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Adamou ALBORTCHIRE

 

LE SORT DES CONTRATS DANS LES OPERATIONS DE FUSION ET DE SCISSION
 DE SOCIETES COMMERCIALES

Thèse de Doctorat  Présentée et soutenue publiquement le 2 4 juin 200 5

Directeur de recherches Monsieur Jean STOUFFLET, Professeur émérite à la faculté de droit et de science politique de l’Université d’Auvergne, Doyen honoraire de la faculté

 

Conclusion de cette étude

 

« Au terme de ce premier chapitre, on retiendra que le principe de la transmission universelle du patrimoine, caractéristique essentielle des fusions et des scissions implique, de plein droit, la continuation de tous les contrats, quels qu’ils soient, de la société dissoute sans liquidation par la société bénéficiaire. Cette solution reflète aussi bien l’esprit que la lettre des dispositions en la matière ainsi que la logique même de la transmission universelle du patrimoine. Rappelons que, conformément à la loi, il est dit qu’une telle transmission implique que la société absorbante recueille l’ensemble des créances de la société absorbée et devient, en même temps, débitrice des créanciers non obligataires au lieu et place de celle-ci. Et la loi de toujours préciser, que cette transmission a lieu sans que cela emporte novation à l’égard de ces créanciers 560. La lecture fidèle de la loi, voudrait tout simplement dire qu’à l’égard des tiers, la technique de la transmission universelle, à l’inverse de celle de la cession, ne saurait être perçue ou interprétée ni comme une cause de novation, ni comme une cause de déchéance du terme des contrats figurant dans le patrimoine de la société absorbée. Ceux-ci sont, par principe, destinés à être continués, même conclus intuitu personae. La transmission étant automatique et universelle, l’intuitus personae ne peut, dès lors, par principe, constituer une limite de droit à la continuation des contrats figurant dans le patrimoine de la société absorbée. »

 

Les notes sont en pied de l’étude

 

 

CHAPITRE I L’INDIFFERENCE DE PRINCIPE DE LA NATURE INTUITU PERSONAE DU CONTRAT EN CAS DE FUSION ET SCISSION

267. Intérêt du contrat pour l’entreprise- L’affirmation du principe de continuation étant, à la fois, automatique et générale, nous nous attacherons de démontrer qu’en matière de transmission universelle, contrairement au cas de cession, l’intuitus personae ne peut, par principe, servir d’obstacle à la continuation des contrats. Plusieurs arguments fondent cette solution. A coté de certains facteurs internes (Section I), il existe d’autres, externes (Section II), qui justifient cette impuissance principielle de l’intuitus personae à mettre en échec la poursuite du contrat, à l’occasion d’une fusion et scission.

 

SECTION I LES FONDEMENTS INTERNES JUSTIFIANT LA CONTINUATION AUTOMATIQUE DES CONTRATS INTUITUS PERSONAE 268. Il s’agit, ici, de montrer que l’application de la règle de continuation à tous les contrats en cours de la société absorbée, même ceux conclus intuitu personae, trouve une certaine justification, au-delà de la spécificité de la matière (§.3), sur l’absence très remarquée d’une volonté législative explicite d’exclure de tels contrats (§.1). En effet, si le législateur avait réellement voulu les exclure de la règle de continuation, il aurait pu le faire sans difficultés tant en 1988 qu’ultérieurement. De plus, le caractère général de la règle de continuation des contrats est également renforcée par le fait que la société bénéficiaire constitue, dans une certaine mesure, une continuité de la société absorbée ou scindée, fût-il sous une autre forme (§.2). Puis, nous montrerons l’incohérence de la solution qui veut de l’exclusion de principe des contrats intuitu personae dans l’hypothèse de l’absorption d’une entreprise en difficulté (§.4). Aussi, doit-on fustiger la solution qui voudrait exclure de droit, de la transmission universelle, des contrats uniquement parce que conclus intuitu personae (§.5).

§.1. Les réserves des législateurs tant communautaire que français quant à l’exclusion de principe des contrats intuitu personae de la transmission universelle

269. Mutisme législatif- Aucun des deux législateurs, qu’ils soient européen (I) ou français (II), n’a daigné traité à titre particulier le sort des contrats intuitu personae dans le cadre des fusions et des scissions. Ce silence est d’autant plus étonnant que la réalisation de ces deux opérations implique, faut-il le rappeler, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée ou scindée à la société bénéficiaire. Or, affirmer que la transmission est « universelle » 426, c’est dire que l’ensemble du patrimoine de la société qui disparaît est, de principe, transféré à la société bénéficiaire. Aussi, si le législateur voulait réellement exclure les contrats intuitu personae de la continuation de plein droit, la logique juridique élémentaire aurait voulu qu’il affirme cette volonté au travers d’une disposition expresse adéquate. Aussi, conviendrait-il d’examiner et d’interpréter ce silence des deux législateurs.

I. Le législateur communautaire et la continuation des contrats intuitu personae à l’occasion des fusions et des scissions

270. Absence de limitations expresses- Les réflexions menées dans les années soixante dix au sein du comité chargé de préparer la troisième directive européenne 427 mis en place par la Commission ont rapidement mis en lumière l’importance que revêt le contrat pour l’entreprise, d’une part et pour les restructurations d’entreprise, d’autre part.

La Commission a, par conséquent, décidé d’inscrire son action dans l’élimination des obstacles tendant à empêcher les concentrations d’entreprises, en particulier dans les fusions et les scissions. C’est précisément dans cette optique que le conseil a décidé respectivement dans la troisième et la sixième directives, au travers de leurs articles 3, 4 et 2, que la réalisation d’une fusion ou d’une scission « entraîne la transmission de l’ensemble du patrimoine activement et passivement » de la société absorbée ou scindée à la société bénéficiaire. Le paragraphe 1er de l’article 19 de la troisième Directive européenne confirme les dispositions précédentes.

Il est dit en cet article que « la fusion entraîne ipso jure et simultanément la transmission universelle, tant entre la société absorbée et la société absorbante qu’à l’égard des tiers, de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante 428 ». Conformément à la loi communautaire, cette transmission est par principe « universelle », c’est-à-dire globale, et ce, de plein droit. Le législateur européen l’a voulu ainsi dans le but, comme nous l’avions déjà signalé de favoriser les concentrations de sociétés au sein de l’Union afin que celles-ci puissent notamment faire face à la concurrence des grands ensembles étrangers, notamment américains et asiatiques.

271. Cette analyse est d’autant plus plausible qu’un auteur faisait une constatation intéressante. Dans son Traité des fusions, c’est un rappel, M. Thierry TILQUIN, juriste belge, nous apprenait un événement très important. Il constate, d’abord, qu’avant l’application des troisième et sixième directives « les contrats et les obligations qui présentaient un caractère intuitu personae dans le chef de la société apporteuse constituaient une exception au principe du transfert universel du patrimoine 429 ». Il constate, ensuite, que ces mêmes directives n’ont pas excepté les contrats conclus intuitu personae de la règle de la transmission universelle, alors même que cette question a été évoquée lors des travaux préparatoires de la troisième directive. On peut se demander en effet pourquoi l’exclusion des contrats intuitu personae, expressément prévue dans les travaux préparatoires de la troisième directive, a disparu du texte définitif. Selon nous la raison essentielle, c’est que le législateur communautaire, dans l’optique de favoriser les concentrations des entreprises, voulait tout simplement donner à la règle de la transmission universelle de patrimoine toute sa plénitude de principe. Ce qui suppose, tout logiquement que la règle de la dévolution englobe, par principe et de plein droit, conformément à la loi, l’ensemble des contrats de la société absorbée ou scindée, y compris ceux conclus en considération de la personne du contractant. Ceci nous permet de conclure en affirmant qu’ « il est indiscutable que la règle de la transmission universelle du patrimoine pour cause de fusion a une portée générale  430».

272. Si les longues discussions au sein du Conseil ont finalement permis de supprimer l’article relatif aux contrats intuitu personae, cela ne peut être dû à un hasard.

 Cela ne pourrait procéder que d’une chose, notamment de la volonté des autorités communautaires de doter tous les pays membres de l’Union d’un unique et efficace régime des fusions qui encouragerait les regroupements d’entreprises. En effet, après d’intenses débats au fond quant au sort particulier des contrats intuitu personae 431 par les experts chargés de rédiger le projet de la troisième Directive, il a finalement été décidé de l’exclusion des dispositions spécifiques à ces contrats 432. On peut donc faire constater que les troisième et sixième directives européennes consacrent, de plein droit, la continuation de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée ou fusionnée par la société bénéficiaire 433. En se taisant sur le sort particulier des contrats intuitu personae, le législateur européen voulait tout simplement exprimer, en fait, deux choses. D’abord, faire en sorte que, par principe, tous les éléments composant le patrimoine de l’entreprise, quels qu’ils soient, fassent parties de la transmission universelle et de pouvoir ainsi être continués par la société bénéficiaire. Les contrats étant essentiels pour le développement de l’entreprise, il serait dès lors maladroit d’empêcher, de plein droit, certains d’entre eux d’être continués sous prétexte qu’ils auraient été conclus intuitu personae. Le législateur a préféré ainsi consacré l’intérêt de l’entreprise au détriment d’un certain principe classique du contrat. C’est pourquoi, pour lui, les fusions et scissions doivent entraîner de « de jure » la continuation de tous les contrats souscrits par la société absorbée ou scindée. Cependant, et c’est la deuxième chose, on peut penser que tout en consacrant le principe de la continuation de plein droit de l’ensemble du patrimoine social, dont notamment tous les contrats en cours contrats conclus par la société dissoute sans liquidation, le législateur voulait également préserver la souveraineté de chaque Etat. C’est-à-dire qu’il reviendrait à chaque Etat membre, qui le souhaiterait, de prévoir des limitations expresses à la règle de la transmission universelle, sans pour autant vider celle-ci de son véritable sens.

 

II. Le législateur français et le sort des contrats intuitu personae dans le cadre des opérations de fusion et de scission

273. Il conviendrait, après avoir exposé le mutisme du législateur à propos du sort particulier des contrats conclus intuitu personae (A), d’en donner les raisons (B). Il conviendrait, également, de ne pas oublier d’apprécier l’insistance de la jurisprudence d’exclure de droit, de la transmission universelle de patrimoine, tout contrat du seul fait qu’il ait été conclu intuitus personae (C).

 

A. Le silence du législateur français quant à l’exclusion de principe des contrats conclus intuitu personae de la règle de la transmission universelle de patrimoine

274. Mutisme du législateur- Le législateur français, lui non plus, n’a pas voulu ou jugé utile de réserver aux contrats intuitu personae un traitement particulier dans le cadre des fusions et des scissions. Il est de jurisprudence constante que dans le cadre de la transposition des directives européennes, les législateurs nationaux disposent d’une certaine marge de manœuvre. Même s’ils ne peuvent pas, par principe, adoucir ces directives, ils peuvent, en revanche, aggraver certaines de leurs dispositions ou les étendre à d’autres matières. Et, le comportement du législateur français est assez révélateur de cette situation, dans le cas particulier des fusions et scissions. Nous pouvons faire remarquer que les troisième et sixième directives européennes ont été prises pour régir les fusions et scissions des sociétés anonymes 434. Pourtant, le législateur s’est autorisé à les étendre à toutes les formes de sociétés. Ce faisant, la portée de la loi du  5 janvier 1988 se trouvait être plus large que celle des deux directives. On ne voit pas ce qui aurait empêché, depuis plus de quinze ans, législateur s’il avait réellement voulu exclure les contrats intuitu personae du principe de la continuation, d’y mettre fin à cette controverse en prenant en ce sens une disposition adéquate. Les exemples ne manquent pourtant pas en matière d’initiative gouvernementale. Rappelons-nous, entre autres, de la désignation obligatoire d’un commissaire à la transformation qui a été précisé grâce à un amendement adopté par les députés lors de la discussion du projet de loi de sécurité financière 435.

En outre, il aurait même pu exclure explicitement les contrats conclus intuitu personae de la transmission principielle lors du vote de la loi du  5 janvier 1988, car n’oublions pas qu’il avait disposé du temps nécessaire pour le faire. Il avait mis en effet environ six et dix ans, respectivement à partir de la sixième et troisième directives, pour transposer ces dernières dans l’espace juridique national  436

Si le législateur français n’a pas daigné exclure de principe les contrats intuitu personae de la règle de continuation, alors même qu’il savait que cette question a été soulevée dans le texte préparatoire de la troisième directive mais abandonnée dans celui définitif, on peut tout logiquement penser qu’il voulait consacrer la plénitude de la règle de la transmission universelle de patrimoine.

275. Le choix offert par les directives aux législations nationales- Rappelons à ce propos que le législateur européen a reconnu cette possibilité d’exclure les contrats intuitu personae ainsi que d’autres biens et droits aux Etats membres. Cette volonté se trouve exprimée dans le paragraphe 3 de l’article 19 de la troisième Directive. Le législateur communautaire affirme expressément dans ce paragraphe qu’ « il n’est pas porté atteinte aux législations des Etats membres qui requièrent des formalités particulières pour l’opposabilité aux tiers du transfert de certains biens, droits et obligations apportés par la société absorbée » 437. Mieux, c’est que ces mêmes directives réservent, en outre, la possibilité pour les Etats membres de permettre aux sociétés absorbées ou scindées d’accomplir les formalités de transmission et ce pendant une période limitée ne pouvant être fixée, sauf hypothèse exceptionnelle, à plus de six mois après la date à laquelle la fusion ou scission prend effet 438. Et, à notre connaissance aucune législation nationale 439, exception de celle de l’Allemagne 440, ne comporte de règles réglant de manière spécifique le sort des contrats intuitu personae dans le cadre des fusions et scissions. Aussi, ce mutisme du législateur français quant au sort particulier des contrats intuitu personae peut-il paraître surprenant ? Mais, en réalité ce silence n’est pas aussi surprenant qu’il pourrait l’être.

B. Explication du mutisme du législateur français quant à l’exclusion expresse des contrats intuitu personae de la transmission universelle

276. Volonté de donner au principe de la transmission sa pleine efficacité- Ce silence du législateur français sur le sort particulier des contrats intuitu personae peut recevoir une interprétation toute simple. En ne prévoyant pas de dispositions spécifiques excluant de principe les contrats conclus intuitu personae de la transmission, lors de la transposition des directives européennes 441, on pourrait y voir une volonté de consacrer le caractère général de la continuation de plein droit résultant des fusions et scissions. De même, selon nous, qu’il est également possible d’y voir une certaine volonté de préserver la liberté contractuelle des parties. En d’autres termes qu’il reviendrait à celles-ci, dans l’hypothèse où elles ne souhaiteraient pas voir leurs contrats se poursuivre à l’occasion d’une fusion ou scission, de le stipuler expressément. Pour mieux comprendre cet état d’esprit du législateur, il serait peut être intéressant de se référer à la loi ayant réformé le droit des fusions et scissions.

277. La continuation de droit des contrats intuitu personae commandée par l’impératif de transmission et de développement de l’entreprise- La loi du  5 janvier 1988 qui a réformé le régime juridique des fusions et scissions rentre dans cette nouvelle politique de prise en compte de l’intérêt de l’entreprise 442. Pour le législateur, désormais, tout doit être fait pour assurer la pérennité de celle-ci. L’intitulé de cette loi est d’ailleurs assez révélateur puisqu’elle est appelée loi relative « à la transmission et développement de l’entreprise ». Or, on ne peut faciliter la transmission ou le développement de l’entreprise sans en assurer la pérennité de l’ensemble de ses éléments dont les contrats, sans lesquels elle ne saurait survire. D’où, par voie de conséquence, la consécration de la transmission de plein droit de tout le patrimoine de l’entreprise absorbée à l’entreprise absorbante. Cette transmission universelle de principe est perçue comme un moyen de garantir, à la fois, la transmission et le développement de l’entreprise. Si le législateur avait réellement voulu exclure les contrats intuitu personae de cette transmission universelle de principe, rien ne l’aurait empêché. Il aurait pu aisément le faire comme cela a été, en effet, le cas en procédure collective en 1955 443.

Ceci est d’autant plus vrai que, comme nous l’avions déjà dit, les travaux préparatoires de la troisième directive contenait une disposition relative à l’exclusion des contrats intuitu personae en cas de réalisation d’une opération de fusion.

Mais cette disposition fut supprimée dans le texte final adopté, texte qui a été par la suite transposé en droit français. Le législateur français aurait pu profiter de cette transposition pur inclure une disposition qui exclurait de droit les contrats intuitus personae en cas de transmission universelle de patrimoine. Tel ne fut cependant pas le cas.

278. Logique de la restructuration- En effet, l’objectif de préservation de l’entreprise, c’est-à-dire d’assurer son développement et sa transmission, a imposé une vision plus dynamique du régime juridique des fusions et des scissions, orienté vers un futur qui commande que tous les moyens juridiques soient mis en oeuvre pour y réussir. Il se trouve que l’environnement contractuel de l’entreprise qui conditionne l’activité sociale se révèle un outil essentiel à la continuité sociale, bref au développement et à la transmission de l’entreprise. Aussi, est-ce pourquoi le législateur a eu recours au principe de la transmission universelle de patrimoine, seule technique de transmission globale et simplifiée capable de satisfaire un tel objectif. On comprend dès lors pourquoi le législateur n’a pas, de principe, écarter certains contrats de la transmission universelle de patrimoine. Tel est le cas aussi du législateur belge. En effet, celui-ci, non plus, n’a certainement pas jugé nécessaire d’user de la faculté offerte par les § 3 des articles 19 et 17 des troisième et sixième directive 444. Car, il n’a évidemment pris, en dépit de la faculté offerte par lesdites directives, aucune disposition qui soumette certains éléments de la transmission universelle, dont les contrats, à des formalités particulières.

 

C. De l’appréciation de la persistance de la jurisprudence relative à l’exclusion de principe des contrats intuitu personae de la transmission universelle

279. Exclusion de principe de toute distinction en transmission universelle- Il est classiquement admis en droit, qu’il n’y a pas à distinguer là où la loi ne distingue pas.

N’est-ce pas dit-on ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus 445 Cette célèbre maxime, connue de tous les juristes, condamne toute interprétation restrictive d’une loi.

Celle-ci ayant disposé sans restrictions et ni conditions, l’interprète ne peut, par principe, réduire sa substance en introduisant des exigences qui ne s’y trouvent pas. L’interprète ne peut, non plus, éluder l’application du texte de loi sous prétexte que l’hypothèse en cause est exceptionnelle. On peut bien comprendre l’intention, louable, de la jurisprudence et d’une large partie de la doctrine 446 de chercher à protéger les personnes tierces à l’opération de fusion ou de scission.

280. Dénaturation de la lettre et de l’esprit de la loi- Toutefois, invoquer l’intuitus personae pour refuser la continuation d’un contrat par la société bénéficiaire, c’est ajouter, d’une manière certaine, une protection nouvelle pour ces tierces personnes.

Car, il est loisible de constater qu’aussi bien les Directives européennes que la loi du  5 janvier 1988 n’ont prévu une telle solution. A tout le moins, a-t-il été prévu, en faveur des créanciers des sociétés parties à l’opération de fusion et de scission et dont la créance est antérieure à la publicité du traité de fusion et de scission, qu’ils pourraient former opposition à l’opération en cours de réalisation 447. La loi prévoit, également, une autre protection en faveur de certains autres créanciers. Il s’agit des créanciers obligataires qui doivent obligatoirement être consultés sur la faisabilité de l’opération de fusion ou de scission au travers de leur assemblée spéciale. Exception faite de cette série de mesures de protection, rien d’autre n’a été prévu. Par contre, il a été expressément affirmé par le législateur que les fusions et scissions entraînent, de plein droit, continuation de l’ « ensemble du patrimoine » de la société dissoute par la société nouvelle ou absorbante et ce « dans l’état où se trouve ce patrimoine à la date de la réalisation définitive de l’opération ». Par conséquent, la logique juridique requiert que la continuation de tous les contrats de la société absorbée ou scindée, même ceux conclus intuitu personae, s’impose par principe nonobstant cet intuitus personae. D’autant plus que la loi n’opère aucune discrimination entre les éléments composant la transmission universelle. Les articles L.236-3 et suivants n’ayant pas expressément exclu les contrats intuitu personae de la  transmission universelle, on doit considérer qu’ils font de droit parties de la règle de continuation applicable aux contrats en cours conclus par la société dissoute sans liquidation. Soutenir le contraire, c’est supposer que la dissolution de la société absorbée ou scindée s’identifie à la fin de sa vie sociale.

§.2. De la continuité de la société absorbée ou scindée au travers de la société bénéficiaire

281. Absence de liquidation de la société dissoute- Il est expressément dit aux termes de l’article L. 236-3, alinéa 1er du Code de commerce que « la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires » et ce dans l’état où se trouve leur patrimoine au jour de la réalisation définitive desdites opérations. Autrement dit, lorsque deux ou plusieurs sociétés fusionnent ou se scindent, cela entraîne, certes, leur dissolution mais, pas, leur liquidation. C’est-à-dire que la conséquence explicitement affirmée par le législateur de ces opérations, ce n’est pas d’entraîner la réalisation et la répartition des actifs des sociétés en cause, malgré qu’elles sont dissoutes. Mais, au contraire, d’entraîner la transmission globale de leur patrimoine au profit d’autres sociétés qui peuvent être soit des sociétés nouvelles, soit des sociétés qui existent déjà, chargées désormais de continuer l’activité de la société dissoute. A ce titre, on pourrait y voir une certaine continuité de la société absorbée ou scindée au travers de la société bénéficiaire.

Ce qui explique et justifie d’ailleurs que celle-ci, du fait de la transmission universelle de patrimoine, reprend souvent tant le personnel que le fonds de commerce de la société dissoute sans liquidation.

282. Survie de la société dissoute- Précisons, par ailleurs, que l’expression « sociétés qui disparaissent » implique, dans l’esprit général du texte de l’article L. 236-3, que la société absorbée ou scindée survit dans une certaine mesure au travers d’une autre structure, du fait en l’occurrence de la transmission universelle de son patrimoine à la société bénéficiaire, c’est-à-dire la société absorbante. Par conséquent, la fusion ou scission ne peut qu’emporter, et ce de plein droit, le transfert de tous les contrats, sans qu’aucune formalité de l’article 1690 du Code civil ne se révèle nécessaire, des entreprises qui disparaissent au profit des entreprises bénéficiaires. Ces opérations entraînent donc nécessairement, et ce, par principe la continuation de tous les contrats de la société absorbée, qu’ils soient ou non conclus intuitu personae. Ceci est d’autant plus vrai que le principe jurisprudentiel va se révéler particulièrement aberrant dans certains types d’opération.

283. C’est notamment le cas lorsque l’opération de fusion ou de scission s’opère au sein d’un groupe (I), sans oublier l’hypothèse, probable, où la société absorbée serait plus économiquement plus importante que la société absorbante (II).

I. L’intuitus personae et les fusions et scissions s’opérant au sein d’un groupe

284. Les fusions internes- Si aujourd’hui beaucoup d’opérations de fusion ou de scission 448 s’opèrent souvent entre des sociétés d’un même secteur ou exerçant la même activité, il n’en demeure pas moins que ces opérations sont susceptibles de se produire au sein d’un même groupe 449. Il est en effet tout à fait plausible qu’une fusion ou scission s’opère entre des entreprises appartenant à un même groupe, contrôlées par les mêmes actionnaires et dirigées par les mêmes personnes. Pour illustrer nos propos nous prendrons les exemples de fusion-rapide et de fusion entre deux sociétés « soeurs ».

285. Fusion-rapide 450 et fusion entre sociétés soeurs 451- Lorsque de telles fusions se produisent, peut-il sembler logique de soutenir que la société absorbante soeur ou holding ne pourrait continuer certains contrats de la société absorbée, parce que ceux-ci seraient conclus intuitu personae ? La réponse ne saurait, selon nous, qu’être négative, et ce, pour au moins deux raisons. D’abord, et nous l’avions suffisamment dit, qu’il est contraire au principe légal de transmission universelle d’exclure par principe des éléments du patrimoine de la société absorbée, alors même qu’aucune disposition spécifique légale ou conventionnelle n’en dispose autrement. En outre, il convient de noter qu’il est, en l’espèce, aberrant, au regard du lien existant déjà entre les deux sociétés, de conclure à l’exigence d’un accord du cocontractant pour rende efficace cette transmission « universelle » des contrats.

La relation d’ « intimité » existant en amont de l’opération de fusion entre les deux sociétés renforce la non exigence de principe de l’accord du cocontractant dans le cadre de la transmission universelle de patrimoine. Ce lien entre elles est si étroit que la loi exclut, par principe, par exemple la nomination d’un commissaire à la fusion ou aux apports dans le cadre de telles fusions 452.

286. Prenons l’hypothèse d’une société mère qui décide de fusionner avec ses deux filiales, créées auparavant, et d’une autre société décidant, elle, de se scinder en filialisant certains de ses départements. De même qu’ou pourrait prendre l’hypothèse, encore plus caractéristique, d’une société holding 453 dont l’actif est uniquement composé de deux ou plusieurs filiales détenues à cent pour cent, et qui a décidé de les absorber. Dans toutes ces situations, ci-dessus exposées, il serait difficile de faire admettre que les cocontractants des sociétés absorbées pourraient automatiquement rompre les contrats qui les liaient à cellesci, au motif que ceux-ci auraient été conclus intuitus personae. Juridiquement, on ne voit pas en quoi cela modifierait leurs relations contractuelles.

287. Aux termes d’une telle analyse, on comprend l’intelligence et la prudence du législateur de n’avoir pas posé une exclusion de principe des contrats intuitu personae à l’issue d’une fusion ou scission. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’une certaine doctrine 454 recommande de traiter le sort des contrats intuitu personae dans le cadre des fusions et scissions in concreto, c’est-à-dire au cas par cas. Selon son analyse, il conviendrait de distinguer les fusions faisant intervenir des sociétés initialement sans point commun, des fusions s’opérant à l’intérieur d’un groupe. Dans le premier cas, semble-t-il, l’intuitus personae pourrait jouer alors que, dans le second cas, il ne pourrait jouer aucun rôle, sous réserve toutefois, ajoute-t-on, d’un examen de la situation de fait en cause. La Cour d’appel d’Aix-en-provence n’est cependant pas de cet avis. Puisque dans l’affaire qu’elle a jugée, le 12 juin 1997 455, elle a refusé la continuation du contrat de syndic, contrat intuitus personae, par la société absorbante, alors même que la société absorbée était détenue à cent pour cent par cette même société absorbante.

II. L’intuitus personae et l’hypothèse où la société absorbée serait plus importante que la société absorbante

288. Si dans nos développements précédents, il est perceptible que c’est souvent la société la plus importante qui absorbe les moins performantes, il peut toutefois arriver que ce soit le contraire qui se réalise. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, en effet, il se peut qu’aux termes de l’opération de fusion que ce soit la société absorbée qui en sorte « vainqueur ». Ceci pose dans une certaine mesure la question du choix du sens de la fusion, c’est-à-dire plus précisément la question : qui absorbe qui ?

289. Cette interrogation peut, de prime abord, paraître étrange, parce que, de façon générale, le sens des fusions 456 répond à une certaine logique économique et/ou financière.

Ceci doit cependant être nuancé car, dans la plupart des cas cette interrogation n’est pas neutre. Il convient de préciser d’ailleurs à ce propos que ni le Code de commerce et ni le Code civil n’ont établi de règle en la matière. La liberté y demeure donc le principe 457.

Aussi, peut-il arriver qu’une société fille absorbe une société mère, comme cela été le cas de la fusion entre UTA et Air-France. Il peut également arriver qu’une société de moindre taille absorbe une société de taille plus importante. Autrement dit, il est probable qu’en dépit de son absorption, la société absorbée ait plus de valeur que l’entreprise absorbante.

290. Intérêt de la société absorbée- Prenons l’hypothèse toute simple d’une opération de fusion-absorption dans laquelle la société absorbée serait plus importante que la société absorbante, tant en termes de renommée, de la qualité du personnel qu’en termes de perspectives d’avenir ou encore de chiffre d’affaires. Imaginons qu’à l’issue de cette opération, les actionnaires de la société absorbée deviennent, ce qui est très plausible tant en droit qu’en fait, actionnaires majoritaires dans le capital de la société absorbante. Puis, ses dirigeants deviennent également dirigeants de la société absorbante.

Dans un tel scénario, on ne peut que se demander comment les cocontractants de la société absorbée pourraient-ils demander la remise en cause des contrats qu’ils auraient conclus avec celle-ci sous prétexte que l’intuitus personae qui les imprégnait était remis en cause. Puisque aussi bien les actionnaires que les dirigeants de la société contractante, malgré la dissolution de celle-ci, se retrouvent majoritaires et aux commandes dans la nouvelle entité. Ici, ce serait, au contraire, les cocontractants de la société absorbante qui, à la limite, peuvent souhaiter la non continuation des contrats qu’ils auraient conclus intuitu personae.

On peut donc, encore une fois, constater qu’il serait hasardeux et contraire au droit de faire de l’exclusion des contrats intuitu personae, une règle qui s’appliquerait de plein droit et sans discernement en cas de fusion ou de scission.

291. Aussi, on ne peut que constater l’aberration de faire ici, également, de l’intuitus personae, un facteur qui remettrait, de principe, en cause les contrats en cours de la société absorbée. Car ce serait trop formel. En outre, la continuation du contrat même conclu intuitus personae apparaît a priori favorable au cocontractant de la société dissoute sans liquidation. Car elle en assure la pérennité, son exécution se poursuivant, par principe, aux conditions en vigueur au jour de la réalisation définitive de l’opération 458. Il est certes vrai que le contrat se poursuit non pas avec la société contractante, la société absorbée, mais avec la société absorbante. Cependant, puisque le contrat se poursuit à l’identique et sans aucune novation des obligations des parties 459, le cocontractant ne semble tout de même pas menacé par la transmission universelle. De plus, est-il vraiment acceptable que le cocontractant refuse la continuation du contrat, sous prétexte que celui-ci est conclu intuitus personae, lorsque, par exemple, la société bénéficiaire se trouve être une société nouvelle, créée aux termes d’une scission ? La réponse naturelle est bien évidemment non, surtout si l’analyste n’omet pas de relever que la transmission légale, que consacre le droit des sociétés, est dérogatoire de celle du droit commun.

§.3. Le caractère dérogatoire du droit des fusions et des scissions

292. Fondement de l’intuitus personae- A examiner de plus près l’ensemble des décisions de jurisprudence, ainsi d’ailleurs que la plupart des opinions des auteurs qui rentrent dans le cadre de la solution classique, on peut relever qu’elles tirent, toutes, leur fondement de l’article 1122 du Code civil. La référence explicite ou implicite à ce texte de droit commun pour traiter du sort des contrats intuitu personae dans une discipline spécifique qu’est le droit des fusions et scissions, fait que l’on ne peut que douter de la cohérence de la solution classique. C’est pourquoi, nous estimons à juste titre que l’analyse de la lettre et de l’esprit de cette disposition est plus que nécessaire dans la perspective de comprendre si l’on pourrait valablement invoquer son application dans une matière spécifique qu’est le droit des fusions et des scissions. De la réponse qui découlera de cette analyse, on comprendra ou non que les contrats conclus intuitu personae par la société absorbée ou scindée soient susceptibles d’être, par principe, continués par la société bénéficiaire.

Aux termes de l’article 1122, le Code civil dispose que « l’on est censé avoir contracté pour soi ainsi que pour les héritiers et ayants droit à moins que le contraire ne soit dit ou ne résulte de la nature du contrat ». De la lettre de ce texte, on peut retenir plusieurs choses.

293. Contrat et ayant cause- La première chose qu’il est permis de retenir, c’est que lorsqu’une personne rentre dans un rapport contractuel, ce qui est le cas de la société absorbée ou scindée, il devient évident qu’elle le fait en premier lieu pour elle-même, notamment dans le but par exemple de satisfaire les besoins d’un secteur déterminé.

Cependant, elle conclut, aussi, ce contrat pour ses « héritiers » ou autres ayants droit. Car, ce contrat, conclu pour une certaine durée, peut lui survivre. Et la force obligatoire du contrat requiert que celui-ci continue et que son efficacité ne dépende pas seulement d’évènements qui viendraient perturber la vie de son signataire originaire, et ce, dans l’intérêt compris des deux parties ainsi que dans celui de préserver une certaine sécurité juridique des transactions. Imaginons l’insécurité juridique qui se serait créée si tous les contrats conclus tombaient d’eux-mêmes du seul fait que l’un de ses signataires aurait disparu. Sur ce point, on ne peut que louer le principe de la transmission universelle de patrimoine.

29 4. Limites à la survie du contrat- Cependant, et c’est la deuxième chose que l’on peut retenir de ce texte, le législateur ne voulait que le contractant « accable » ses héritiers ou ayants cause par le contrat qu’il aura à conclure. Aussi, lui a-t-il laissé la liberté, dans l’hypothèse où il le souhaiterait, de stipuler dans le contrat que celui-ci ne lui survivrait pas, à sa mort. Dans la même perspective, c’est-à-dire de ne pas préjudicier aux intérêts de l’héritier ou de l’ayant cause mais également du cocontractant, le législateur considère que certains contrats, pour lesquels la considération de la personne a été un élément essentiel et fondamental de l’accord de volontés des parties contractantes, ne peuvent être continués par l’héritier sans l’accord exprès du cocontractant. Ces contrats, empreints de la personne ou de certaines qualités essentielles des contractants, doivent donc nécessairement cesser le jour de la disparition de l’un de ses signataires, à défaut de cet accord du cocontractant.

29 5. Exclusion de principe des contrats intuitu personae ?- Le troisième constat que l’on peut tirer de l’article 1122, vient, cette fois-ci, non de sa lettre mais, de son esprit même. En réalité, c’est un qui, à l’origine, était particulièrement destiné pour les contractants personnes physiques. Il s’agissait plus précisément de leur permettre, au travers de stipulations expresses, de protéger leurs héritiers des contrats qu’ils seront amenés à conclure. Il s’agissait également, pour le législateur, de prémunir ces mêmes ayants cause de certains contrats signés par leurs auteurs eu égard à leur nature intuitus personae 460. Il ne faut pas perdre de vue que le souci du législateur, c’est de veiller à ce qu’une personne ne porte préjudice à une autre personne, en l’occurrence à son héritier, par un contrat qu’il aurait conclu puisqu’il est par principe « censé avoir contracté pour lui et pour ses héritiers et ayants cause ». Est-il possible pour autant de justifier que, dans le cadre d’une fusion ou scission, les contrats pour lesquels la considération de la personne des contractants à été un élément fondamental, sont automatiquement exclus de la règle de continuation, à moins d’être expressément acceptés par le cocontractant.

296. Maintien automatique des contrats intuitu personae- La réponse à cette question ne peut être, pour nous, que négative. Et cela pour au moins deux raisons. La première, et nous l’avions suffisamment développée, c’est que la règle de continuation des contrats qui résulte du principe de la transmission universelle de patrimoine implique la poursuite de plein droit de tous les contrats conclus, en cours au jour de la réalisation définitive de l’opération, par la société absorbée ou scindée. Le législateur ne fait pas de « discrimination » entre les différents éléments composant le patrimoine social, dont les contrats. En effet, en tant que techniques d’organisation d’un intérêt hautement pratique 461, les fusions et scissions se singularisent, de manière subséquente en ce qu’elles impliquent la dissolution sans liquidation des sociétés en cause. Elles se singularisent également et, surtout, en ce sens qu’elles impliquent la transmission d’une manière « globale 462 et simplifiée » du patrimoine de la société absorbée ou scindée à la société nouvelle ou absorbante. En d’autres termes, la société bénéficiaire, en tant que continuatrice de la personne de la société absorbée, va donc continuer l’ensemble du patrimoine recueilli sans en référer au respect des dispositions particulières relatives à la transmission isolée de chacun des éléments composant le patrimoine social. Aussi, la société bénéficiaire va-telle, en conséquence, continuer également tous les contrats en cours au jour de la fusion ou scission sans, par principe, respecter les règles relatives à la cession isolée des contrats intuitu personae, la transmission, résultant de ces opérations, étant « universelle » et « simplifiée ». C’est au nom de cette transmission simplifiée qu’il est, par exemple reconnu par tous, qu’en cas de fusion ou scission, il n’y a pas lieu au respect de l’article 1690 du Code civil, s’agissant de la transmissions des créances. C’est au nom de cette transmission globale et simplifiée qu’il n’est pas nécessaire, non plus, de respecter les formalités de publicité que requiert la transmission isolée d’un fonds de commerce.

297. Le droit des sociétés, un droit dérogatoire au droit commun- La deuxième raison, corrélative de la première, qui justifie la continuation de plein droit de tous les contrats en cours de la société absorbée, y compris ceux conclus intuitu personae, est relative au caractère « spécial » de la discipline. Le débat soulevé autour de la question de la continuation automatique ou non des contrats intuitu personae, dans le cadre des fusions et scissions, met en lutte deux droits. D’un côté un droit général, c’est-à-dire le droit commun des contrats et, de l’autre un droit spécial, en l’occurrence le droit des fusions et scission ou, plus exactement, le droit des sociétés. Le droit général reconnaît, au travers de l’article 1122 du Code civil, le principe de continuation du contrat, puisqu’en contractant l’on est censé le faire pour soi même mais également pour ses ayants cause. Mais, il apporte, en même temps, des limitations à cette règle de continuation du contrat. D’une part en reconnaissant aux parties la possibilité de « dire le contraire 463 », c’est-à-dire d’insérer dans le contrat des clauses empêchant celui-ci de survivre aux parties ; d’autre part, le législateur dispose aussi que certains contrats, compte tenu de leur nature, intuitus personae s’entend, ne peuvent pas non plus, par principe, être continués après la disparition de l’une des parties.

298. Face au droit commun, on a un droit spécial, le droit des sociétés, qui lui, dispose qu’en cas de fusion et scission il y a transmission universelle du patrimoine de la société dissoute à la société bénéficiaire. En cette matière, cette transmission prend un relief tout spécial. Étant « universelle », la société bénéficiaire est censé continuer l’ensemble patrimonial recueilli, dont les contrats quels qu’ils soient en font parties. De cette confrontation des solutions données par les deux droits, laquelle doit-elle ici s’appliquer ? Est-ce celle du droit commun qui, tout en reconnaissant le principe de continuation des contrats, admet qu’il soit limité soit au moyen d’une clause, soit du fait de la nature « personnelle » du contrat en cause ? Ou est-ce celle du droit des sociétés pour qui, les fusions et scissions impliquent de plein droit transfert universel des contrats et, par conséquent, leur continuation par la société bénéficiaire ? Il faut rappeler que les règles de droit commun, à moins d’être d’ordre public, ne s’appliquent par principe à une situation qu’en l’absence de règles spécialement prévues pour être appliquées à cette même situation. Il est de jurisprudence constante que lorsque le droit commun est en bute avec un droit spécial, c’est celui-ci qui l’emporte, c’est-à-dire qui doit, en dernier lieu, s’appliquer.

La maxime « generalia specialibus non derogant  464» est là pour nous le rappeler.

Conformément à cette maxime une loi générale, notamment l’article 1122 du Code civil, ne peut pas déroger à une loi spéciale, en l’occurrence ici l’article L. 236-3 du Code commerce. Et ce, parce que « la loi générale exprime le droit commun, c’est-à-dire un ensemble de dispositions qui découlent de principes généraux qui n’ont pas un caractère exceptionnel, qui déterminent la règle applicable à tous les cas du même genre  465». Ce qui est vrai contrairement à la loi spéciale qui, elle, « ad speciem, ou bien prolonge la loi générale dans ses applications particulières, ou bien crée une zone dérogatoire à la loi générale pour des espèces déterminées 466 ».

299. Droit des fusions et scissions, un droit dérogatoire- La transmission universelle de patrimoine, résultant des fusions et scissions, s’exprimant par un transfert automatique et simplifié de tout le patrimoine tel que celui-ci existe au jour de la fusion, on conçoit mal le respect de l’application de règles de transmission isolée à des contrats, parce que tout simplement conclus intuitus personae. La logique juridique voudrait qu’on reconnaisse que le droit spécial déroge au droit général, n’est-ce pas que « specialia generalibus derogant ? 467». Les dispositions du droit des sociétés étant spéciales par rapport à celles du droit commun, elles dérogent tout logiquement à celles-ci. Par conséquent, si en droit commun le caractère intuitus personae du contrat constitue, par principe, un obstacle à sa circulation, il ne saurait en être ainsi dans le domaine particulier de la transmission universelle du patrimoine qui postule, de manière explicite et automatique, la continuation de tout le patrimoine, dont les contrats quels qu’ils soient de la société dissoute, par la société bénéficiaire. Mieux, c’est qu’il convient de faire remarquer que la formulation même de l’article L. 236-3 du Code de commerce confirme la continuation automatique de l’ensemble des contrats de la société dissoute sans liquidation. Selon cet article, une fusion ou scission entraîne la transmission universelle du patrimoine des sociétés qui disparaissent au profit des sociétés bénéficiaires, ce patrimoine étant transmis dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. Cette formulation est telle qu’une certaine doctrine a cru y voir une disposition d’ordre public 468. Même si nous ne partageons pas cette analyse, il est évident, en revanche, que de la manière dont est formulé le principe de la transmission universelle, celle-ci ne peut qu’emporter la continuation de tous les éléments composant le patrimoine de la société absorbée ou scindée. En définitive, l’analyse objective ne peut autoriser de soutenir que la transmission universelle du patrimoine soit, par principe, « impuissante 469 » à emporter la continuation des contrats intuitu personae, dans le cadre spécifique des fusions et scissions. Affirmer, d’une manière péremptoire et sans réserves, que la seule considération personnelle du contrat empêche sa survie, en cas de fusion, heurte, par ailleurs, l’impératif légal de sauvegarde de l’entreprise en difficulté.

§. 4. L’impératif de sauvegarde de l’entreprise en difficulté et les contrats intuitu personae en droit des fusions et scissions

300. Sauvegarde de l’entreprise- La loi du 2 5 janvier 1985 disposait, dans sons article 1er, qu’ « il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif. Le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par décision de justice à l’issue d’une période d’observation. Ce plan prévoit, soit la continuation de l’entreprise, soit sa cession  470». Cette disposition implique que la survie de l’entreprise en difficulté passe nécessairement par la mise en place d’un plan de redressement 471. Ce plan peut être soit un plan de continuation, soit un plan de cession 472.

Or, il apparut impératif, pour assurer cet objectif de sauvegarde, de prendre des dispositions susceptibles de donner à l’entreprise les moyens juridiques adéquats et nécessaires à la poursuite de son activité 473.

301. Continuation des contrats conclus par le débiteur- C’est dans cet esprit que le législateur a notamment imposé 474 la continuation des contrats nécessaires à l’objectif de sauvegarde de l’activité de l’entreprise ainsi que de l’emploi. L’article L. 621-88, du Code de commerce, organise à cet effet un mécanisme général de continuation des contrats conclus par le débiteur. Conformément à ce texte, tous les contrats, mêmes ceux conclus intuitus personae, dès lors qu’ils sont utiles à la continuité de l’activité de l’entreprise doivent être transmis au repreneur. Se trouve ainsi consacrée une protection légale du contrat. Par conséquent, aussi bien le caractère personnel que les clauses de rupture deviennent de facto impuissants 475 à empêcher la continuation légale des contrats du débiteur, nécessaires à la poursuite de l’activité sociale. Ceci est d’autant plus vrai que les dispositions de la loi du 25 janvier 1985 se révèlent être d’ordre public. Aussi, prétendre qu’un contrat, parce que supposé conclu intuitus personae, est, de principe, exclu de la transmission universelle. Par conséquent, doit être condamnée l’analyse qui veut de l’exclusion principielle de tels contrats.

 

§. 5. La condamnation de la perception doctrinale et jurisprudentielle de l’influence de l’intuitus personae sur le principe de continuation des contrats

302. La continuation étant automatique, l’exécution de tous les contrats de la société qui disparaît, quels qu’ils soient, fussent-ils conclus intuitu personae, doit être poursuivie par la société qui recueille le patrimoine social transmis. Contrairement à ce qu’affirment une certaine jurisprudence et une large partie de la doctrine, la continuation des contrats intuitu personae, dans le cadre des fusions et scissions, ne nécessite nullement, par principe, l’accord du cocontractant de la société dissoute sans liquidation. La règle de transmission de transmission universelle qui s’y opère de manière automatique récuse par principe un tel accord. Une telle solution a pour siège l’article L.236-3 du Code de commerce selon lequel « la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. » Par conséquent, le cocontractant de la société absorbée ou scindée sera tenu de poursuivre la relation contractuelle avec la société bénéficiaire. Il en est de même de celle-ci. Au même titre que le cocontractant, la société absorbante ou nouvelle est également tenu de continuer les contrats se trouvant dans le patrimoine de la société disparue recueilli. Elle ne peut en effet, par principe, après la réalisation définitive de l’opération refuser de poursuivre tel ou tel contrat au motif qu’il serait intuitus personae.

Le respect de la force obligatoire du contrat les y oblige. La règle de continuation s’opérant de plein droit, la poursuite de l’exécution de tous les contrats en cours au jour de la réalisation de l’opération s’impose autant au cocontractant qu’à la société bénéficiaire. Il serait nécessaire d’ailleurs d’examiner les raisons invoquées tant les magistrats (I), dans leurs décisions, que par les auteurs (II), dans leurs commentaires, pour exclure de plein droit les contrats intuitu personae de la règle de continuation.

 

I. L’analyse jurisprudentielle de la transmission des contrats intuitu personae à l’occasion d’une fusion et scission

303. Avant de critiquer la perception jurisprudentielle sur l’intuitus personae, en cas de fusion et scission (B), il convient, d’abord, de l’exposer (A).

A. L’influence de l’ intuitu personae sur la transmission universelle des contrats selon la jurisprudence

304. Non continuation de droit des contrats intuitu personae- En application du principe de la transmission universelle du patrimoine consécutif à une opération de fusion et de scission, les contrats en cours de la société absorbée ou fusionnée, au jour de la réalisation définitive de l’opération sont, par principe, maintenus entre les cocontractants et la société nouvelle ou absorbante. Autrement dit, tous les contrats doivent, logiquement, être continués par la société bénéficiaire, indépendamment de leur nature intuitus personae. Ce qui est tout de même assez pertinent. Or, cette pertinence est contestée la jurisprudence. Pour celle-ci, si l’on ne peut nier la continuation des contrats figurant dans le patrimoine de la société dissoute sans liquidation, il ne saurait en être ainsi pour tous les contrats en cours. Ceux qui auraient été conclus en considération de la personne ou de certaines des qualités essentielles du cocontractant de la société absorbée ou scindée, ne sauraient, selon la jurisprudence, être repris et continués par la société bénéficiaire sans l’accord exprès de ce cocontractant. Pour les magistrats, la règle de continuation ne saurait, par principe, ignorer ou faire fi de l’intuitus personae affectant certains contrats.

305. Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence- La première décision de jurisprudence ayant soulevé le débat sur la « non-continuation » des contrats intuitu personae, à l’occasion d’une fusion, était l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en- Provence le 12 juin 1997 476. Cette juridiction a considéré que tels de contrats ne sauraient, du fait de l’intuitus personae qui les caractérise, être transférés de plein droit à la société absorbante. L’affaire jugée était simple. Une société exerçant les fonctions de syndic de copropriété avait été absorbée par une autre société de syndic. Tout naturellement et conformément au principe de la transmission universelle de patrimoine, la société absorbante a à juste titre estimé continuer le mandat de syndic figurant dans le patrimoine qui lui a été dévolu. Mais, les copropriétaires ayant donné le mandat à la société absorbée ont contesté cette conséquence logique résultant d’une opération de transmission universelle en portant l’affaire devant les juges.

Ainsi, la question essentielle posée aux juges consistait de savoir si la société absorbante pouvait reprendre et continuer le mandat de syndic, sans l’agrément préalable du syndicat des copropriétaires ? Ils ont répondu négativement, au motif que ce contrat serait conclu intuitus personae. Une telle analyse est-elle conforme au principe général de la continuation de plein droit des contrats consubstantielle au principe de la transmission universelle du patrimoine ? Il y a fort à douter que non.

B. La perception jurisprudentielle des contrats intuitu personae à l’issue des fusions et scissions : une méconnaissance de la règle de continuation des contrats

306. Méconnaissance de la règle de la continuation- En dépit de la généralité de la règle de continuation des contrats résultant des fusions et scissions, on a pu constater que les juges refusent sa pleine application lorsque les contrats en cause sont supposés être conclus intuitus personae. Cette analyse consistant à refuser la continuation de certains contrats, au motif qu’ils auraient été conclus intuitus personae, est, à tous égards, contestable, car elle méconnaît le principe de la transmission universelle du patrimoine de plein droit, consacrée par celle-ci. Elle méconnaît, à notre avis, aussi bien le droit européen que celui-ci français.

307. L’intuitus personae et le droit européen- Elle est, tout d’abord, contraire au droit européen 477 ainsi qu’à son interprétation. Aux termes des articles 3 478 et  4 479 de la troisième Directive, le législateur européen dispose que la fusion constitue l’opération par laquelle plusieurs sociétés transfèrent à une autre société existante ou nouvelle l’ « ensemble de leur patrimoine activement et passivement ». Quant aux termes de l’article 19 de la même Directive, il affirme que la fusion entraîne « ipso jure et simultanément les effets suivants : a) la transmission universelle, tant entre la société absorbée et la société absorbante qu’à l’égard des tiers, l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante (…) ». Il est permis de relever que pour le législateur communautaire, la fusion mais également la scission sont des opérations qui impliquent le transfert de la « totalité du patrimoine 480 », tant actif que passif, de la société absorbée ou scindée au bénéfice d’une autre société. Il ne procède à aucune « discrimination » entre les éléments composant le patrimoine transmis. M. Richard ROUTIER 481 affirmait à ce propos que pour le droit communautaire, « le principal effet de la fusion est la transmission universelle subséquente de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante ». Selon lui, cette transmission s’opère erga omnes et comprend aussi bien tous les éléments d’actif que de passif. Cet auteur de continuer, la transmission universelle est justifiée par l’impératif de transmettre un patrimoine économiquement cohérent afin de sauvegarder la continuité de l’activité sociale. Par conséquent, tout logiquement, la société bénéficiaire étant continuatrice de la société dissoute, elle est tenue de continuer l’ensemble du patrimoine recueilli, dont les contrats dès lors que ceux-ci sont encore producteurs d’effets.

308. L’intuitus personae et le droit français- La solution classique de la jurisprudence est également contraire au droit français. En effet, la loi du 5 janvier 1988 qui a profondément remanié le régime des fusions et des scissions dispose, à l’instar des Directives européennes, que les fusions et scissions entraînent la « transmission universelle du patrimoine » de la société absorbée ou scindée à la société bénéficiaire. La transmission d’une « universalité » signifie le transfert l’ensemble des éléments, dont notamment les contrats, constituant le patrimoine le jour de la réalisation définitive de ces opérations. En opérant une distinction entre les contrats, distinction qui ne résulte ni des directives européennes et encore moins de la loi du 5 janvier 1988, on peut que constater la méconnaissance de la règle de continuation par les juges. En affirmant qu’il ne peut y avoir continuation des contrats en cours signés par la société absorbée ou scindée sans l’accord exprès du cocontractant, les juges ignorent le caractère général et non discriminatoire de la règle de continuation des contrats qui résulte des fusions et des scissions. Cette règle étant automatique, par principe, on ne peut concevoir qu’elle soit « impuissante  482» pour permettre la continuation de tous les contrats, y compromis ceux conclus intuitu personae.

Cette jurisprudence, dèsormais 483, constante, permet de se poser une question, celle du fondement de l’extinction du contrat dans le cadre de la transmission universelle du patrimoine. Peut-on vraiement dire que l’intuitus personae constitue un élément essentiel dont la disparition doit impliquer la constatation de sa caducité ? Il est évident que l’analyse de la nature profonde du transfert universel ne saurait permettre de considérer que la considération de la personne constitue, en l’espèce, une cause expresse de la caducité du contrat. Affirmer le contraire, c’est certainement, dans une certaine mesure, méconnaître, à la fois, le texte et l’esprit de la loi 484.

II. L’analyse doctrinale de l’influence de l’intuitus personae sur la transmission des contrats, en cas de fusion et de scission 309. Il conviendrait également, ici, après avoir exposé cette perception doctrinale par rapport au sort particulier des contrats conclus intuitu personae(A), de déterminer sa justesse au regard du principe de la transmission universelle du patrimoine(B).

A. Le sort des contrats conclus intuitu personae dans le cadre des fusions et des scissions, vu par les auteurs

310. Non continuation des contrats intuitu personae- Il est vrai qu’il est permis de constater que le thème, objet de notre étude, n’a pas à proprement parler fait l’objet d’une attention toute particulière ni par le législateur européen, ni par le législateur français 485. Ceci est d’autant plus regrettable qu’en examinant les diverses décisions de la jurisprudence, il serait difficile de relever une position claire de celle-ci relative au sort particulier des contrats de la société fusionnée ou scindée. En effet, de l’avis d’une certaine doctrine autorisée, cela n’a donné « lieu à une décision de principe de la Cour de cassation à l’échelon des cours d’appel  486».

311. Absence d’une meilleure lisibilité quant au sort des contrats- Face à cette absence de netteté, c’est donc tout naturellement à la doctrine qu’est revenue la tâche d’une tentative de solution. L’observateur constatera qu’en France, une partie majoritaire de la doctrine 487 estime que la transmission universelle du patrimoine ne saurait emporter continuation de plein droit des contrats de la société absorbée ou scindée conclus intuitu personae. L’analyse la plus ancienne, à notre avis, est celle de Roger HOUIN.

Commentant une décision de la Cour d’appel d’Amiens, cet auteur affirmait qu’ « il peut donc exister des biens qui ne peuvent pas être transmis par la société absorbée à la société absorbante ; tel est le cas aussi des contrats qui présentent un caractère intuitu personae 488 ». Dans le même ordre d’idées, MM. B. MERCADAL et Ph. JANIN, à leur tour, écrivaient que le principe de la dévolution, résultant des fusions, ne saurait englober des biens intransmissibles. Ils affirment en ce sens qu’ « il en est de même, croyons-nous, lorsque l’intransmissibilité résulte de la volonté des parties exprimée dans l’acte et des contrats conclus intuitu personae, c’est-à-dire fondés sur la personnalité de celui qui doit exécuter la prestation convenue. La reprise de tels contrats par la société absorbante est subordonnée à l’accord du cocontractant » 489. Selon eux la continuation, par la société bénéficiaire, des contrats conclus intuitu personae figurant à l’actif de la société absorbée est subordonnée à l’accord du cocontractant.

312. Un peu plus récemment, Madame Catherine PRIETO écrivait, également dans sa brillante thèse, que « l’intuitus societatis produit des effets importants face aux évènements sociétaires. Tout d’abord, le contrat intuitu societatis contrarie nécessairement la règle de la transmission universelle du patrimoine, en s’attachant à la dissolution de la société en dépit de l’absence de liquidation 490 ». Cette analyse doctrinale somme toutes condamnable est, comme nous tenterons de le démontrer, tout à fait contraire au principe de la continuation qui se veut indifférente, par principe, de la nature intuitus personae ou non du contrat en cours.

B. La contrariété de l’analyse doctrinale par rapport à l’indifférence de principe de la nature du contrat dans le cadre de la règle de la continuation des contrats résultant des fusions et des scissions

313. Caractère général de la règle de la continuation- Il faut relever que cette analyse doctrinale qui rejoint d’ailleurs la tendance jurisprudentielle 491, tranche complètement avec le principe de la dévolution résultant des fusions et des scissions. Le législateur affirme d’une manière on ne peut plus claire que ces opérations, lorsqu’elles se réalisent, entraînent « de plein droit la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire  492». Il affirme, de plus, que cette transmission globale du patrimoine se fait « dans l’état où se trouvait ce patrimoine à la date de réalisation définitive de l’opération ». Ce qui voudrait dire que le principe consacré par le législateur lui-même, est, et demeure celui du transfert de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire. Celle-ci, par conséquent, en tant qu’ayant cause à titre universel aura à la fois le droit et l’obligation de continuer cette « universalité », y compris tous les contrats souscrits par la société absorbée. L’ensemble des contrats, même ceux conclus intuitu personae font de plein droit et par principe parties de la règle de la continuation. Selon Madame PRIETO 493, c’est la dissolution de la société bénéficiaire qui justifie le fait que les contrats intuitu personae contrarient la règle de la transmission universelle, en dépit, affirme-t-elle de l’absence de sa liquidation. Cependant, elle néglige de préciser que la continuation à la fois de la personne de l’entité dissoute et de son activité fonde la continuation de l’ensemble de son patrimoine, dont l’ensemble des contrats. Le patrimoine est un ensemble de droits et d’obligations dont la loi postule, par principe, sa transmission globale tant qu’il n’existe pas de stipulation expresse contrariant celle-ci. Le fait qu’un contrat soit conclu intuitus personae ne saurait contrarier une règle provenant d’un droit spécial, le droit commercial. Si le contrat intuitus personae peut constituer une limite au transfert d’une position contractuelle en droit commun, en l’occurrence en cas de cession 494, on ne saurait tirer, automatiquement, la même conclusion dans le domaine particulier du droit sociétés, qui est un droit caractérisé par des dispositions dérogatoires au droit commun des contrats 495. Soutenir que le fait que le contrat soit conclu en considération de la personne suffit, en soi, pour contrarier la règle de la continuation universelle est sans fondement et est contraire au principe de la dévolution universelle, consacrée explicitement par le législateur. À notre avis, la « stipulation adéquate est le marqueur le plus sûr de la qualification de contrat conclu en considération de la personne  496» susceptible, en l’espèce d’empêcher la continuation du contrat. Cette analyse qui est, à notre avis, conforme aussi bien à la lettre et à l’esprit du droit des fusions qu’à la nature spécifique de ces opérations est partagée par certains 497, et non des moindres. Ils affirmaient dans le Lamy Sociétés que « la fusion emporte à notre avis transfert des contrats dont était titulaire la société absorbée à la société absorbante. Certes, il est parfois soutenu que le caractère intuitu personae de certains d’entre eux supposerait que soit donné l’accord du cocontractant à cette transmission. 498 » Ils terminent leur analyse par un constat clair, juste et cinglant en disant que « (…) cette exigence ne nous paraît pas résulter directement des termes de l’article 372-1 de la loi de 1966. Aussi si le cocontractant de la société souhaite disposer d’un tel droit de regard, il nous paraît plus prudent qu’il le stipule expressément dans le contrat »  499.

314. Fondement de la portée générale de la règle de la continuation des contrats-Cette affirmation de la portée générale de la règle de la continuation trouve son fondement dans trois dispositions principales. La première est l’article 371, al. 1er de la loi du 2 4 juillet 1966 500 selon laquelle « une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent ». La deuxième disposition, plus importante à notre avis, est l’article 372-1, al. 1er 501 qui vient en quelque sorte conforter la précédente disposition. Il y est dit que la fusion ou la scission entraîne transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît à la société bénéficiaire, et ce, tel que se trouve le patrimoine au jour de la réalisation définitive de l’opération. La troisième disposition, enfin, qui fonde le caractère général de cette règle de la continuation, c’est l’article 381, al. 1er 502 aux termes duquel il est dit que « la société absorbante est débitrice des créanciers non obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard ». L’ampleur de cette dévolution du patrimoine a été résumée par la Cour d’appel de Paris en ces termes, très clairs et conformes à la réglementation en vigueur: la fusion a un « effet subrogatoire impératif 503 ». Dans cet arrêt, les juges d’appel de Paris affirment que l’ « effet subrogatoire impératif (résultant de la fusion s’entend) enlève tout fondement à toute clause, quelle que soit sa qualification emportant une restriction quelconque de forme ou de fond ».

315. Droit commun, fondement de la règle générale de continuation- En outre, cette règle de continuation dont la portée est, par principe, générale trouve un certain fondement dans le Code civil. Rappelons qu’en vertu de l’article 113 4 « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Par conséquent, en application de cette disposition du droit commun, l’ayant cause universel, c’est-à-dire la société absorbante, est légalement fondée à demander la poursuite de l’exécution du contrat figurant dans le patrimoine recueilli. Le cocontractant ne saurait de principe se soustraire à la poursuite de cette « loi » contractuelle légalement formée. Outre, le principe de la transmission universelle de patrimoine qui, rappelons-le, s’opère de plein droit, la force obligatoire du contrat oblige le cocontractant à la poursuite de l’exécution du contrat avec l’ayant cause universel qu’est la société bénéficiaire. En définitive, le cocontractant ne saurait, par principe, alléguer du caractère intuitus personae du contrat pour refuser la transmission du contrat, d’autant plus qu’il y a, en l’occurrence, poursuite du contrat sans aucune discontinuité. Une telle solution est d’autant plus logique qu’il n’y a pas de « novation  504» en cas de transmission universelle de patrimoine. Si le caractère général de la continuation des contrats trouve une justification dans certains textes, il n’en demeure pas moins que certains facteurs le confortent également.

 

SECTION II - LES FACTEURS EXTERNES JUSTIFIANT L’IMPUISSANCE DE L’INTUITUS PERSONAE À EMPÊCHER LA CONTINUATION DE PRINCIPE DES CONTRATS DANS LE CADRE DES FUSIONS ET DES SCISSIONS

 

316. Insuffisance de l’intuitus personae- Même si l’intuitu personae apparaît être, pour les cocontractants, un mécanisme de pérennisation du lien contractuel, il n’en demeure pas moins qu’il en constitue également un instrument de sa fragilisation (§.1). Et cela n’a certainement pas, à notre avis, échappé ni au législateur européen, ni à celui français qui n’ont pas voulu faire de l’intuitus personae un obstacle exprès et de principe à la règle de continuation, dans le cadre des fusions et des scissions. Cette généralisation de la règle de continuation aux contrats en cours de la société qui disparaît n’est pas en soi surprenante. En outre, au-delà du principe même de la transmission universelle, l’application de principe de la règle de continuation à tous les contrats de la société absorbée se justifie, dans une certaine mesure, par la mutation qu’a subie la notion de « contrat ». Le contrat n’est plus en effet, aujourd’hui, seulement considéré comme un lien personnel. Il est désormais devenu un bien, possédant une certaine valeur patrimonial (§.2), au service du développement et de la transmission de l’entreprise (§.3).

§.1. L’ « intuitus personae », un instrument incontestable de précarisation de la relation contractuelle

317. Intérêt de l’intuitus personae- En s’intéressant à l’identité du cocontractant, que celle-ci soit personnelle ou professionnelle, le futur contractant cherche des éléments qui pourront le fixer sur la confiance qu’il sera amené à lui porter. On contracte avec telle personne déterminée, parce qu’on cherche, quelque part, des éléments susceptibles de s’assurer une bonne exécution du contrat. De la pertinence de ces éléments recherchés et trouvés, dépendra de la « fidélité » qu’on témoignera à son partenaire.

318. Pérennisation du contrat- Cette « fidélité-exclusivité  505», traduction de l’intuitus personae, dont est empreint le rapport contractuel, donne à celui-ci une certaine stabilité. C’est pourquoi, certains 506 voient au contrat intuitus personae l’image classique d’un contrat généralement durable. En donnant une certaine intensité à l’affectio contractus, l’intuitus personae renforce, par là même, le rapport contractuel. Cependant cette prise en compte de l’intuitus personae ou, du moins cette exagération de son importance n’est pas sans conséquence fâcheuse sur le rapport contractuel qu’il entend renforcer.

319. Caractère perturbateur de l’intuitus personae- S’il est indéniable que l’intuitus personae donne au contrat une certaine pérennité du fait notamment du renforcement de l’affectio contractus 507, il est aussi évident qu’il lui confère également une certaine fragilité. Le fait que la pérennité du contrat ait pour base certaines qualités du contractant, fait que la disparition de celles-ci va impliquer la cessation dudit rapport contractuel. La disparition de l’intuitus personae apparaît ainsi comme une sorte d’ « épée de Damoclès » sur le rapport contractuel. Et une telle situation, dans certaines hypothèses, ne sera pas de nature à rassurer les autres contractants lorsqu’il s’agit d’une entreprise. Car, il est possible, dans ce cas, que la disparition d’une relation contractuelle ait des répercussions sur les autres contrats de l’entreprise par un effet de dominos.

320. L’intuitus personae, un risque pour la circulation du contrat- Ce risque que représente l’intuitus personae pour la pérennité du contrat est d’ailleurs partagé par un auteur dont on connaît, pourtant, les positions en faveur de la non-continuation principielle du contrat empreint de cette caractéristique. De l’avis même de CONTAMINERAYNAUD, si l’intuitus personae « accroît le champ d’application du contrat en y intégrant la personne 508 » du contractant, il n’en demeure pas moins qu’il contribue, reconnaît-elle, « à un affaiblissement des effets du contrat. Que ce soit dans sa naissance, dans son exécution ou dans sa mort, la force obligatoire du contrat se trouve diminuée 509 ». Dans la conclusion de la première partie de sa thèse, l’auteur a été on ne peut plus clair sur les conséquences de l’intuitus personae. Il y est dit que « le contrat intuitus personae n’est qu’un contrat affaibli qui ne produit que de façon atténuée les effets juridiques qui découlent normalement d’un contrat. L’intuitus personae fait échec à la force obligatoire du contrat 510 ». De la disparition du contractant ou de certaines de ses qualités s’ensuivra donc la rupture du lien contractuel 511. Car, de l’examen de l’intuitus personae, on retient que dans tout contrat qui en est empreint, la rupture unilatérale ou de droit est à tout instant possible. Un tel facteur de fragilisation 512 de la relation contractuelle n’est aucunement pas favorable aux restructurations d’entreprises, notamment par voie de fusion ou de scission. On comprend, dès lors, l’attitude du législateur quant au refus d’exclure certains composants du patrimoine social, du fait de leur nature, de la transmission universelle.

321. En n’excluant pas de principe certaines éléments du patrimoine, dont notamment les contrats, du fait de leur nature intuitus personae, de la transmission universelle, le législateur a, selon nous, adopté une attitude cohérente et logique. On ne peut en effet faire d’une notion imprécise un obstacle de droit à un principe si important pour les restructurations d’entreprises. Comme nous tenterons de le démontrer, on ne peut que constater le flou ambiant qui entoure à la fois la notion d’intuitus personae et celle du contrat considéré comme empreint d’une telle coloration. Cette non visibilité est, d’une manière certaine, liée au fait que l’intuitus personae constitue une notion polysémique, c’est-à-dire donc insaisissable (I). En outre, la précarisation du contrat qu’implique l’intuitus personae fait qu’on assiste à une tendance législative à son élimination (II).

 I L’intuitus personae, une notion à la nature juridique floue

322. Notion- L’incertitude qui entoure l’intuitus personae n’a pas rendu facile l’appréhension de la notion de contrat conclu comme tel. De l’analyse des solutions proposées tant par la jurisprudence (A) que par la doctrine (B), il ne ressort aucun élément probant qui permette de dire avec exactitude ce qu’est un contrat intuitus personae par nature ou conclu comme tel.

A. L’incertitude jurisprudentielle relative à la notion de contrat intuitus personae

323. Absence de définition légale de l’intuitus personae- Il conviendrait, à notre avis et cela, avant d’exposer l’état de la jurisprudence sur la question, de rappeler en amont, que le législateur lui-même n’a donné aucune espèce de définition de ce qu’il faudrait entendre par intuitus personae. Le seul et véritable texte qui évoque cette notion, c’est l’article 1110, alinéa 2 du Code civil. Ce texte a en effet introduit, dans les contrats conclus intuitu personae, une cause de rupture particulière, en l’occurrence l’erreur. Il y est simplement dit que « l’erreur n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ». En revanche, la loi ne dit pas les critères qui permettent de déterminer le contenu de cet intuitus personae, comme s’il voulait laisser cette rude tâche aux magistrats, comme il en est souvent le cas.

32 4. Le contrat de mandat- En étudiant certaines des décisions rendues par la jurisprudence sur cette notion qui est aujourd’hui à la mode, on se rend vite compte qu’il est difficile de dégager une idée assez claire de ce qu’est réellement le contrat conclu intuitus personae. Pour illustrer nos propos, il suffit de prendre l’exemple le plus classique de ce type de contrat, en l’occurrence le mandat. Au début du siècle dernier, la juridiction d’appel de Paris confirmait une analyse qui était déjà connue en affirmant que le mandat était « un contrat essentiellement personnel ne pouvant intervenir qu’intuitus personae  513». Quatre plus tard, la haute juridiction admettait la substitution de mandataire 514. Et aujourd’hui, la jurisprudence reconnaît la validité des stipulations susceptibles de mettre en échec l’extinction du mandat à l’issue du décès de l’une des parties contractantes 515. Ceci permet de remarquer dans quelle proportion la nature de ce contrat déclaré intuitus personae a, en si peu de temps, connu de profonds bouleversements.

32 5. Ce caractère insaisissable de l’intuitus personae concernant le mandat se retrouve aussi à propos d’un autre contrat, le contrat de distribution. Selon Madame Anne- Sophie BARTHEZ, se référant à une étude de Madame MALAURIE-VIGNAL sur l’intuitus personae des contrats de distribution, des décisions rendues par la jurisprudence il est impossible de dégager une ligne conductrice « qui permettrait d’avoir une idée précise sur ce qui fait la nature intuitus personae des contrats de distribution 516 ». Cette cinglante conclusion est d’autant plus surprenante que le contrat de distribution est très souvent considéré comme un véritable contrat intuitus personae par excellence 517. Cette incertitude qui entoure l’intuitus personae n’est pas l’apanage des seuls juges. Elle est aussi connue des auteurs.

B. De la difficulté de la doctrine à définir l’intuitus personae

326. L’intuitus personae, une notion fuyante et polymorphe- Peu de notions en droit français, comme l’intuitus personae, ont fait l’objet de tant d’études de la part des auteurs 518. Et malgré tout, il est aujourd’hui difficile d’appréhender les contours précis de la notion. Considérée de « fuyante » et de « polymorphe 519 », la notion d’intuitus personae est diversement perçue par les auteurs.

327. Pour certains 520, il existerait un intuitus personae au sens strict et un autre au sens large. Dans le premier cas, on prendrait en compte l’identité même du cocontractant ou certaines de ses qualités personnelles, par exemple sa notoriété ou ses compétences.

C’est l’analyse partagée par MM. MALAURIE et AYNES qui voient en l’intuitus personae la prise en considération de certaines des qualités essentielles du cocontractant, qualités qui vont conditionné la conclusion et/ou l’exécution du rapport contractuel. Ils disent, en l’occurrence, qu’un « contrat est marqué d’intuitus personae lorsque sa formation et son exécution dépendant de la personne du cocontractant 521 ». Dans le second cas, en revanche, l’intuitus personae s’identifierait au patrimoine du contractant.

Autrement dit, ici, ce n’est pas la personne même du contractant qui est prise en considération mais, au contraire, sa « fortune », d’où l’appellation d’intuitus bonorum 522.

D’autres auteurs voient en l’intuitus personae la traduction d’une considération fondée sur les sentiments. A ce titre, VALLEUR 523 opère une distinction entre un intuitus personae d’affection et de confiance. Dans sa remarquable thèse portant sur « L’intuitus personae dans les contrats », Madame CONTAMINE-RAYNAUD a préféré, elle, faire une distinction entre un intuitus personae positif et négatif 524. Si le premier suppose que le cocontractant ait été choisi parce qu’il présente telle ou telle qualité, le second, en revanche, fonde son choix sur l’absence chez lui de certaines qualités. Selon cet auteur, seul le premier constituerait véritablement un obstacle à la transmission du contrat.

328. En définitive, la question de la détermination de l’intuitus personae demeure toujours. Car, si de façon générale, on soutient qu’un contrat est empreint d’intuitus personae lorsque la considération de la personne de l’une des parties au contrat a été déterminante du consentement donné par l’autre 525, il n’en demeure pas moins qu’on n’ignore le contenu exact de cette prise en considération. En outre, s’agissant d’une personne morale, sur quoi doit exactement porter cette considération ? Sur la notoriété de la société, ses dirigeants, ses associés, son patrimoine ? Si il n’existe aucune réponse légale, l’analyse de la doctrine, non plus, ne donne aucune satisfaction. Cette difficulté d’appréhender ce qu’est l’intuitus personae a pour conséquence de rendre moins lisible la détermination du contrat conclu comme tel.

329. Le contrat de concession- Ainsi, par exemple, si pour certains auteurs 526 la nature du contrat de concession est d’être empreint d’un intuitus personae, d’autres 527, au contraire, récusent une telle idée. Pour ces derniers, même si le contrat de concession peut être conclu intuitus personae, il n’en demeure pas que cette caractéristique ne lui est pas inhérente. Aussi, est-ce pourquoi remarquent-ils que la jurisprudence admet facilement la transmission du contrat de concession indépendamment de la cession du fonds de commerce 528 ou en même temps que celle-ci 529.

330. Le contrat de franchise- Le contrat de franchisage est également illustratif de cette divergence doctrinale à propos de la nature de l’intuitus personae. Analysée, dans un premier temps, comme une sorte de contrat de concession 530 alors même qu’elle s’en distingue nettement 531, le contrat de franchise est considéré par certains auteurs comme un contrat par nature intuitus personae 532. Pour Le Professeur JAMIN 533, à l’inverse du contrat de concession, le contrat de franchise est par essence conclu intuitus personae. Il en est de même pour le Professeur FERRIER qui considère que le franchisage est « par principe conclu en considération de la personne du franchisé, en raison notamment de la sélection opérée par le franchiseur (…) 534 ». On pourrait également citer le Professeur Philippe LETOURNEAU qui considère que les contrats de distribution sont « presque toujours animés d’intuitus personae 535 ». D’autres, en revanche, ne sont pas de cet avis.

Selon leur analyse 536, seule une stipulation adéquate de personnalité peut conférer au contrat de distribution, notamment de franchise, le caractère d’intuitus personae. Aussi, affirment-ils que contrairement à l’opinion communément répandue, le contrat de franchise n’est pas par essence intuitus personae. C’est ce que reconnaît d’ailleurs, dans une certaine mesure, le Professeur Philippe LETOURNEAU. Car, tout en affirmant que les contrats de distribution sont presque toujours animés d’intuitus personae, il reconnaît, dans le même temps, que cette caractéristique n’est pas de leur nature 537.

 

331. Aveu doctrinal de la difficulté à déterminer l’intuitus personae- Cette difficulté, pour ne pas dire impossibilité, de définir ce qu’est cette notion est telle qu’une certaine doctrine autorisée a eu le courage de l’aveu. En effet, dans sa remarquable thèse, Madame CONTAMINE-RAYNAUD affirmait « comme ces poissons qui, fuyants, échappent à la main qui croit s’en emparer, l’intuitus personae nous est apparu variable, multiforme, insaisissable. Plus nous croyions l’appréhender, plus il nous échappait, étant à la fois tout et rien, tantôt bouleversant la notion de contrat tantôt disparaissant dans ses effets  538» . Même la brillante thèse de Madame Catherine PRIETO ne donne pas plus de solutions permettant de juguler les malaises que soulève ce concept d’intuitus personae appliqué aux personnes morales, notamment aux sociétés commerciales. En commentant l’arrêt controversé rendu par la chambre commerciale, le 29 octobre 2002, le Professeur PORACCHIA admettait lui-même « qu’il reste difficile de déterminer quels sont les contrats marqués par un fort intuitus personae » 539. Aux termes de cet exposé, on ne peut qu’être déconcerté lorsqu’on sait pourtant que les contrats commerciaux, précédemment évoqués, sont souvent, dans la pratique considérés comme des contrats intuitus personae par nature.

332. Risque de l’intuitus personae pour le contrat- Ce flou qui entoure tant la notion de l’intuitus personae que sa nature juridique n’est pas rassurant dans une matière où l’on veut donner au contrat un certain rôle. Comme nous l’avions déjà dit, l’objectif du législateur, c’est de favoriser le développement ainsi que la transmission d’entreprises. Ce qui requiert le recours à une technique qui permette une transmission globale et simplifiée de tous les éléments composant le patrimoine de l’entreprise, permettant ainsi une certaine continuité d’activité. Or, celle-ci exige, par essence, la poursuite de tous les contrats de la société qui disparaît par la société bénéficiaire. Cette continuation étant à la fois universelle et de plein droit, doit, par principe, être indifférente à la nature du contrat. Prendre en compte celle-ci risquerait fortement de mettre en danger l’objectif de restructuration des entreprises.

333. Le caractère aléatoire de la détermination de l’intuitus societatis- Lorsque le contractant est une personne morale, la difficulté de détermination de l’intuitus personae devient encore plus incertaine. Car, le cocontractant pourrait non seulement s’engager en considération des aptitudes ou des qualités spécifiques des associés, mais encore de celles de la personne morale elle-même, voire de ses dirigeants. Dès lors, se posera une difficulté particulière : celle qui consistera à rechercher quelle a été la commune intention des parties. Admettons que cela reste une mission divinatoire très aléatoire. Si elle pourrait se concevoir dans le cadre de la cession de contrat, il en est autrement en matière de transmission universelle du patrimoine, hypothèse dans laquelle le cocontractant dispose d’une certaine garantie de bonne exécution du contrat. On comprend, dès lors, les réticences des législateurs européen et français quant à l’exclusion de droit d’un tel contrat de la transmission universelle du patrimoine. Leur volonté étant de sauvegarder l’entreprise et d’encourager les restructurations successivement au sein de l’espace européen et hexagonal, il devient impérieux de préserver la « moelle épinière » même de l’entreprise que constitue le contrat. Il fallait, par conséquent, décréter, par principe, la continuation de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée ou scindée, y compris tous ses contrats, et cela, quels qu’ils soient. Cela prouve, dans une certaine mesure, une certaine tendance de la volonté du législateur de préserver la stabilité du contrat, qui a pour corollaire nécessaire celle d’éliminer l’intuitus personae.

II. De quelques tendances législatives à éliminer l’intuitus personae dans le contrat

334. Surestimation de l’importance de l’intuitus personae- Même si l’on constate le débat, de plus en plus fréquent 540, dont fait l’objet l’intuitus personae dans le contrat, il faut reconnaître qu’il n’a pas l’importance qu’on voudrait bien lui accorder. On peut remarquer, à cet effet, cette méfiance du législateur à l’égard de cette notion, méfiance qui ne date pas d’aujourd’hui et qui l’a conduit à éliminer l’intuitus personae dans certaines hypothèses. Certaines de celles-ci sont anciennes, alors que d’autres sont plus récentes.

33 5. Tendances anciennes de l’élimination de l’intuitus personae- Les cas d’élimination ou de modération de l’intuitus personae les plus anciens se retrouvent dans le Code civil 541. Il s’agit en particulier des contrats de société et de mandat. Le contrat de société, on le sait, constitue un contrat fondé sur une certaine confiance réciproque. Aussi, est-ce pourquoi l’associé, à l’origine, ne pouvait absolument pas céder sa position contractuelle à un tiers sans l’autorisation de ses coassociés. De même, lorsqu’il est en faillite ou qu’il décède, la société est dissoute automatique. Toutes ces conséquences ont pour fondement évident la confiance sur laquelle est bâtie le contrat social. On retrouve ces mêmes conséquences au niveau du contrat de mandat. Le mandat est un contrat basé sur une relation de confiance. Autrement dit, c’est un contrat intuitus personae. C’est d’ailleurs pourquoi le législateur a disposé qu’il s’arrête de plein droit, par exemple, en cas de décès du mandataire ou du mandant 542. Conscient du danger que constituent toutes ces conséquences pour le contrat, le législateur a décidé de tempérer l’intuitus personae. Ainsi, a-t-il permis, pour le contrat de société, que les associés puissent décider, par exemple, de la continuation du contrat en cas de décès de l’un des associés. Pour le contrat de mandat, par exemple, en dépit de son caractère intuitus personae, le législateur autorise le mandataire de s’en passer dans certaines hypothèses. Aussi, pourra-t-il se substituer quelqu’un dans sa gestion et cela en dehors de toute autorisation du mandat. Et le constat, c’est que le législateur, au lieu de décréter la nullité d’une telle violation de la relation de confiance, il affirme tout simplement que le mandataire aura l’obligation de répondre des actes de la personne qu’il s’est substituée 543.

336. L’intuitus personae et la loi du 2 5 janvier 198 5- A côté de ces cas de modération anciens de l’intuitus personae, on peut relever un autre encore plus récent.

C’est le cas de l’article 37 544 de la loi du 2 5 janvier 198 5, relative au redressement et à la liquidation judiciaire, qui impose la continuation de tout contrat, fût-il conclu intuitus personae. Cette élimination de l’intuitus personae trouve son fondement dans la volonté du législateur, exprimée avec force dans l’article premier de ladite loi, de sauvegarder l’entreprise. La solution législative est tout à fait logique car, comme le faisait remarquer un auteur, « l’intuitus personae qui renforce l’aspect personnel déjà présent dans le lien contractuel peut se révéler un obstacle majeur à la continuation des contrats 545 », nécessaire à la continuité de l’entreprise. Encore une fois, le législateur a préféré l’intérêt du commerce au détriment d’un certain principe contractuel qui n’a plus son autorité originelle, vu que le contrat lui-même, en tant que concept, a évolué.

§.2. Le contrat, un élément désormais à valeur patrimoniale

337. Evolution de la notion de contrat- Si aujourd’hui, le contrat occupe une place particulière dans la continuité de l’activité de l’entreprise, cela n’est certainement pas dû à un hasard. Ce constat est lié au fait qu’il représente désormais une véritable valeur patrimoniale au service de l’entreprise. C’est-à-dire que le contrat est, aujourd’hui, conçu comme un « bien » au même titre que les autres biens de l’entreprise, voire mieux dans certains cas 546.

338. Le contrat, un bien- La perception classique du contrat, vu exclusivement comme une relation entre personnes, créatrice d’obligations, a évolué 547. Il a été en effet donné de constater que l’intensification du caractère personnel dans le rapport contractuel par l’intégration dans celui-ci de la considération de la personne ou des qualités personnelles des cocontractants, est plus créatrice d’inconvénients que d’avantages, surtout dans le cadre particulier des entreprises. Car, cela impliquerait la rupture presque automatique du contrat en cas de tout changement ultérieur dans la personne de l’un des cocontractants. Cette prise en considération de la personne du cocontractant se révèle ainsi être un véritable facteur de fragilisation 548 du rapport contractuel, perturbant ainsi sa force obligatoire et sa stabilité 549. On a donc pensé que le lien traditionnellement créé entre les parties et le contrat devrait être relégué au second 550 plan dès lors qu’il s’érige en obstacle à la pérennité du contrat, et donc de l’entreprise. Cette analyse est d’autant plus vraie que le contrat a aujourd’hui acquis une certaine autonomie à l’égard des volontés qui le créent.

Ce qui le fait accéder à la dignité de bien. On peut trouver les signes de cette évolution, outre en droit des fusions et des scissions, dans d’autres domaines, notamment en droit en droit des entreprises en difficulté et dans toutes les dispositions 551 limitant la disparition du contrat.

339. La nouvelle conception du contrat, une évolution logique- Une telle évolution du contrat peut surprendre plus d’un. Toutefois, elle est relativement logique au regard de l’évolution que connaît « le Droit qui tend vers le développement des biens incorporels, vers la dématérialisation des droits réels » 552. Et cette mutation que connaît le contrat, en intégrant dans la catégorie des biens rappelle une analyse déjà faite par Demolombe qui disait que « l’essentiel du bien serait moins dans les données physiques que dans le cadre de l’utilité économique 553 ». En effet, cette évolution du contrat est due, en réalité, à la reconnaissance de son utilité économique au servie de l’entreprise. Perçu désormais comme un « auxiliaire nécessaire »  554 de l’entreprise, il paraît, dès lors, logique qu’il devienne incompatible avec sa perception traditionnelle. Un auteur faisait remarquer à juste titre que dans le cadre particulier des entreprises, contrairement aux personnes physiques, le contrat est le plus souvent « consenti à l’égard de l’unité économique plus que de la personne… »  555.

3 40. La conséquence de cette évolution, c’est bien évidemment d’impliquer une autre plus globale, celle de la théorie générale du contrat qui se caractérise, aujourd’hui, par une remise en cause de ses fondements traditionnels, notamment les principes de l’autonomie de la volonté et de l’effet relatif. Le contrat étant, désormais, considéré comme un bien, une valeur, il est dès lors nécessaire de le préserver et de le mettre au service de l’entreprise.

§.3. Le contrat, un instrument majeur au service du « développement et de la transmission » de l’entreprise

3 41. Objectif de la transmission universelle du patrimoine- Pour le législateur, il est devenu impérieux, pour l’économie nationale, de faciliter le rapprochement des entreprises en vue de promouvoir leurs concentrations. Permettre les regroupements d’entreprises, c’est permettre à l’économie hexagonale de pouvoir disposer d’entreprises de taille optimale capables de faire face à la rude concurrence venant tant d’entreprises européennes qu’internationales, en l’occurrence outre-atlantiques et asiatiques.

Face à ce constat, la seule issue reste, à l’évidence, la nécessité de prendre des dispositions pouvant permettre à l’économie française de pouvoir disposer de sociétés capables d’exposer et de faire connaître le modèle et le savoir-faire français 556. La technique de la transmission universelle du patrimoine constitue, ainsi, pour les pouvoirs publics le moyen le plus aisé et le plus complet de faciliter aussi bien la transmission des entreprises mais, encore et surtout, leur développement. On retrouve cette ambition exprimée au travers de la loi du  5 janvier 1988 dont l’intitulé même est révélateur. Cette loi est dite loi relative « au développement et à la transmission des entreprises ». C’est cette même loi qui a, il faut le rappeler, réformé et modernisé le droit des fusions et des scissions. L’esprit qui anime, donc, les dispositions législatives et réglementaires, se résume à cette ferme volonté de faciliter à la fois la transmission et le développement de l’entreprise.

3 42. Conflit entre droit de l’entreprise et droit des contrats- Cet intérêt pour l’entreprise et qui, forcément, se concilie mal avec certains principes traditionnels de certaines disciplines, dont le droit des contrats, révèle à la fois une sensibilisation des autorités publiques de la place particulière qu’occupe ou que doit occuper l’ « entreprise » dans la préservation et le développement de l’ordre économique national. Source principale de création de richesses, l’entreprise devient par sa finalité économique et sociale, objet de préoccupations aussi bien pour le législateur national qu’européen 557. Désormais, son développement, sa transmission intéressent l’ordre public économique et, par conséquent, sa préservation participe de la protection d’intérêts plus généraux et notamment du maintien de l’appareil de production, de distribution et, corrélativement, d’une certaine stabilité sociale.

3 43. Ce souci de concevoir la sauvegarde de l’entreprise comme un impératif national n’a pas été concrétisé que par la loi du  5 janvier 1988. On le retrouve également dans d’autres lois. Il s’agit notamment de la loi du 1er mars 1984 558, relative à la prévention et au règlement amiable, de la loi du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires, sans oublier celle du 31 décembre 1989, relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique et social. Ce qui permet de relever une certaine évolution de la position du législateur. Elle se traduit par une prise en compte d’une plus grande préservation de la pérennité de l’entreprise.

3 4 4. Intérêt de la continuité du patrimoine social- Or, on ne peut vouloir sauvegarder l’entreprise, vouloir son développement et favoriser sa transmission sans, en amont, préserver les éléments essentiels à sa continuité, parmi lesquels les contrats occupent une place toute particulière. Il faut se rappeler que c’est par le contrat que naît et se développe l’entreprise. Sans lui, pas de production et de distribution possibles et, par voie pas de conséquence, pas d’emplois. C’est un élément d’autant plus précieux pour l’entreprise qu’il est devenu aujourd’hui un véritable bien. Il ne pourrait, dès lors, être question de garder une attitude rigoriste qui conduirait à négliger le potentiel que recèlent les contrats pour le développement et la transmission de l’entreprise. Ce qui explique la perte d’emprise par les parties sur ce rapport juridique qu’elles ont pourtant créé. Car, son sort est entièrement lié celui de l’entreprise. Cette analyse est partagée par une certaine doctrine autorisée qui constate que le contrat étant, désormais, devenu un instrument au service de l’entreprise, il « doit pouvoir circuler » 559. Comme nous l’avions déjà expliqué, même si le contrat naît de l’accord de volontés, il n’en demeure pas qu’après il s’affranchi de celles-ci pour acquérir aujourd’hui sa véritable place qu’on lui reconnaît au sein du patrimoine de l’entreprise.

L’intuitus perosnae étant perçu comme une garantie de bonne exécution, nous ne voyonas en quoi la transmission universelle mettrait, de principe, cette garantie en cause, tout au contraire. Compte tenu de l’accroissement de la capacité économique de la société absorbante, le cocontractant devrait, normalement, se réjouir de cela. Le droit des fusions et scissions n’est pas à l’image du droit des procédures collectives. Par conséquent, si le cocontractant estime que la fusion ou la scission mettrait en péril ses intérêts, rien ne l’empêchera de saisir le juge en invoquant ce motif, au de celui d’un hypothétique intuitus personae. En cas de fusion et scission, cela n’emporte pas « novation ». En d’autres termes, la transmission s’opère sans « discontinuité ». Il serait, dès lors, inopérant d’invoquer un quelconque intuitus personae pour remettre en cause la continuité patrimoniale. Car, celle-ci, emporte-t-elle nécessairement, et cela, par principe, continuation de tous les contrats de la société absorbée.

Conclusion du chapitre premier :

345. La transmission des contrats en droit des fusions et scissions, une transmission générale- Au terme de ce premier chapitre, on retiendra que le principe de la transmission universelle du patrimoine, caractéristique essentielle des fusions et des scissions implique, de plein droit, la continuation de tous les contrats, quels qu’ils soient, de la société dissoute sans liquidation par la société bénéficiaire. Cette solution reflète aussi bien l’esprit que la lettre des dispositions en la matière ainsi que la logique même de la transmission universelle du patrimoine. Rappelons que, conformément à la loi, il est dit qu’une telle transmission implique que la société absorbante recueille l’ensemble des créances de la société absorbée et devient, en même temps, débitrice des créanciers non obligataires au lieu et place de celle-ci. Et la loi de toujours préciser, que cette transmission a lieu sans que cela emporte novation à l’égard de ces créanciers 560. La lecture fidèle de la loi, voudrait tout simplement dire qu’à l’égard des tiers, la technique de la transmission universelle, à l’inverse de celle de la cession, ne saurait être perçue ou interprétée ni comme une cause de novation, ni comme une cause de déchéance du terme des contrats figurant dans le patrimoine de la société absorbée. Ceux-ci sont, par principe, destinés à être continués, même conclus intuitu personae. La transmission étant automatique et universelle, l’intuitus personae ne peut, dès lors, par principe, constituer une limite de droit à la continuation des contrats figurant dans le patrimoine de la société absorbée.

346. Il faudrait peut être rappeler que l’intuitus personae, en ce qu’il est susceptible de remettre en cause la stabilité du contrat ne pouvait être compatible avec le principe de la transmission universelle de patrimoine qui fait de la continuité patrimoniale, dont les contrats en font parties, un instrument nécessaire tant à la transmission qu’au développement de l’entreprise 561. Ainsi, malgré cet aspect qui caractérise certains contrats, parmi lesquels les contrats bancaires, il ne saurait servir d’obstacle de droit à la leur continuation. Le silence d’ailleurs du législateur sur l’exclusion de droit de tels contrats est assez significatif de sa volonté de donner à la règle de transmission universelle sa pleine efficacité. Ce qui donne à cette règle un caractère dérogatoire aux principes classiques du droit des obligations.

347. L’intérêt de l’entreprise- Nous comprenons, quelque part, cette réticence d’une partie majoritaire de la doctrine et de la jurisprudence quant au principe de continuation des contrats intuitu personae. Rappelons que la première apparition de ce principe fut en droit des procédures collectives avec la loi du 25 janvier 1985. Déjà, en ce moment cela avait suscité une intense controverse, liée notamment au sort des contrats bancaires. Finalement, l’intérêt de l’entreprise l’a emporté sur la prise en compte de l’intuitus personae et ce, par un arrêt de principe 562. En postulant la continuation de principe de tous les éléments composant le patrimoine de la société absorbée sans distinction aucune, il faut faire remarquer que le droit des fusions et des scissions ne bouleverse aucunement le contrat. Cela rentre tout simplement dans la droite ligne de la mutation que subit la notion de contrat. C’est d’ailleurs pourquoi la nouvelle législation des fusions et des scissions, marquée profondément par une vision économique du patrimoine social, relègue la perception classique du contrat au second plan. Cette orientation légale se répercute, dès lors, sur la transmission des contrats, envisagés comme des supports naturels à l’objectif de développement et de transmission de l’entreprise.

 

Notes

 

 426 C’est nous qui soulignons.

 427 V. T. TILQUIN, Traité des fusions et scissions, Kluwer éditions Juridiques, 1993.

 428 V. art. 19 troisième Directive 78/8 5 5/CEE, du 9 octobre 1978.

 429 V. T. TILQUIN, Traité des fusions préc.

 430 V. A. VIANDIER, art. préc., p. 196, n° 12.

 431 Ces débats ont également concerné le sort des contrats dont l’exécution a été a rendue onéreuse par l’opération de fusion. Il est évident que cette remarque est aussi valable pour les scissions de sociétés.

 432 V. RTD eur. 197 4. 513.

 433 V. art. 19, § 1, de la troisième directive et 17, § 1 de la sixième directive.

 434 V. intitulé des troisième et sixième Directives précitées.

 435 En effet, l’article 98 de la loi n° 2003-706, du 1er août 2003 a imposé désormais la nomination obligation d’un commissaire à la transformation lorsqu’une société se transforme en une autre forme. Ainsi selon l’article L. 22 4-3, du Code de commerce, « lorsqu’une société de quelque forme que ce soit qui n’a pas de commissaire aux comptes se transforme en société par actions, un ou plusieurs commissaires à la transformation, chargés d’apprécier sous leur responsabilité la valeur des biens composant l’actif social et les avantages particuliers, sont désignés, sauf accord unanime des associés par décision de justice à la demande des dirigeants sociaux ou de l’un d’eux ».

 436 La troisième directive relative aux fusions date du 9 octobre 1978 et la sixième relative aux scissions est datée du 17 décembre 1982.

 437 V. art. 19, § 3, de la troisième directive et 17, § 3, de la sixième directive.

 438 V. art. 19, § 3, de la troisième directive et 17, § 3, de la sixième directive.

 439 V. RTD eur. 197 4, p.  513. À titre comparatif, on peut citer l’exemple du législateur belge qui, lui, a rendu la lecture de sa législation plus simple en déclarant explicitement le caractère général de la règle de la transmission universelle.

 440 V. AKTG. § 3 46-3 cité dans RTD eur. 197 4. 513.

 441 Il s’agit, en l’occurrence, des troisièmes et sixièmes directives précitées..

 442 Cette politique de prise en compte de l’intérêt de l’entreprise continue encore aujourd’hui. On pourrait, pour preuve, citer entre autres l’ordonnance du 2 5 mars 200 4 relative à la simplification des formalités ou la loi du 1er août 2003.

 443 V. Le décret du 20 mai 19 5 5 qui a réformé la procédure de faillite en supprimant le concordat : V. M.-H. MONSIERE, op. cit., p. 11.

 444 V. TILQUIN, Traité des fusions et scissions, Kluwer Editions juridiques, Belgique, n°  4, p. 280.

 445 V. Henri ROLAND et Laurent BOYER, op. cit., p. 920.

 446 V. notamment X. JASPAR et N. METAIS, Les limites à la transmission universelle de patrimoine : les contrats intuitu personae et les contraintes afférentes à certains biens : Bull. Joly, 1998, p.  4 47 ; C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 199 4, n° 700.

 447 Cette opposition une fois faite devant le juge va donner lieu à une décision. Celui-ci pourra soit rejeter l’opposition, soit ordonner le remboursement immédiat des créances, soit encore ordonner la constitution de garanties en faveur de ces créanciers opposants.

 448 On peut citer les cas des société Elf et Total Fina, du Crédit Lyonnais et du Crédit Agricole.

 449 V. GIBIRILA D., Droit des sociétés, 2è éd., ellipses, 2003, p. 98.

 450 La fusion-rapide ou fusion post-acquisition est une opération de concentration qui intervient entre une société acquéreur et la société cible. Elle constitue une sorte de débouché naturel d’une opération de leverage Buy out, plus communément appelée LBO.

 451 Deux sociétés sont dites soeurs lorsqu’elles sont possédées toutes deux à 100 % par une même société mère.

 452 V. CA Paris, 3è ch., sect. C., 21 septembre 2001 : Bull. Joly, janvier 2002, n° 1, p.  5 5, obs. J.-P. BOUERE.

 453 Le terme anglais de « holding », aujourd’hui francisé, désigne une société dont l’objet consiste à gérer les participations qu’elle détient dans d’autres sociétés, dans l’optique d’y exercer un contrôle prépondérant. C’est donc une société dénuée, en principe, de toute activité de production, de commercialisation ou de prestation de services. Son principal rôle consiste, tout simplement, à centraliser la propriété de participations dans d’autres sociétés et à en assurer la gestion financière. Dans certaines hypothèses, on parle de « holding pure ». Celle-ci est évoquée lorsque la société holding a uniquement pour objet de gérer des participations détenues dans d’autres sociétés, c’est-à-dire qu’elle n’exerce pas une autre activité.

 454 V. B. PICHARD note sous Aix-en-Provence, 12 juin 1997, les P.A. du 18 février 1998, n° 21, p. 23, spéc. p. 2 5.

 455 V. C.A. D’Aix-en-provence, 12 juin 1997 : JCP éd. E. 1997.I. 710, n° 10, Obs. A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN.

 456 Mais également les scissions.

 457 Il n’existe pas non plus de règle fixant le choix du sens de la fusion au plan fiscal. Exception faite de l’hypothèse où l’opération est envisagée sur la base de considérations fiscales, notamment pour imputation de déficits. Cependant, dans ce cas, le fisc restera vigilant car, il a la possibilité d’invoquer à l’égard des acteurs de l’opération un abus de droit.

 458 Voir en ce sens C. com., article L. 236-3, alinéa 1er et L. 236-1 4, alinéa 1er .

 459 C’est cela d’ailleurs que dispose l’alinéa 1er de l’article L. 236-1 4, préc.

 460 On retrouve l’expression de cette volonté du législateur dans la deuxième proposition de l’article 1122 du Code civil.

 461 V. GIBIRILA Deen, Droit des sociétés, éd. Ellipses, 2003, p. 97.

 462 Transmission globale car il s’agit de la transmission d’une « universalité », c’est-à-dire de l’ensemble du patrimoine de la société dissoute sans liquidation à la société bénéficiaire.

 463 V. article 1122 C. civ.

 464 V. ROLAND. H. et BOYER L., Adages du droit français,  4è éd., 1999, p. 296.

 465 V. ROLAND H. et BOYER L., op. cit., p. 297.

 466 V. ROLAND H. et BOYER L., ibid.

 467 Cette maxime signifie que ce qui est spécial déroge à ce qui est général : V. ROLAND H. et BOYER L., op. cit., p. 8 43.

 468 V. Michel JEANTIN, Mélanges Dérrupé, op. cit.

 469 C’est la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, dans l’arrêt du 12 juin 1997 précité, affirmait sans aucune nuance le principe selon lequel la transmission universelle serait impuissante à permettre la continuation des contrats de la société absorbée, conclus intuitu personae.

 470 Cet article 1er est aujourd’hui devenu l’article L. 620-1, du Code du commerce.

 471 V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté,  4è éd., Montchrestien, 2001, p. 28 5, n°  462 ; M.- H. MONSERIE, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Litec, 199 4, p. et s.

 472 Le choix entre ces deux plans est fait aux termes d’un bilan économique et social de l’entreprise, dressé par l’administrateur avec le concours du débiteur et l’assistance éventuelle d’experts. Ce sera au regard de ce bilan que l’administrateur proposera soit le plan de redressement soit la liquidation judiciaire de l’entreprise : V. C. com. art. L. 621-54.

 473 V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, ouvrage préc., p. 289 et s.

 474 Outre la continuation obligatoire des contrats conclus par le débiteur, il existe aussi d’autres mesures prises toujours dans le sens de la sauvegarde de l’activité sociale. On peut citer, par exemple, les interdictions de paiements des créances, la suspension des poursuites individuelles ou encore l’arrêt du cours des intérêts.

 475 V. M.-H. MONSERIE, op. Cit., p. 36 et 37.

 476 Cf. C.A. Aix-en-Provence, 12 juin 1997 : J.C.P., éd. E, 1997, p. 710, Obs. A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN ; Dr. des sociétés : n° 17 4 5, note M. COZIAN et A. VIANDIER ; VIANDIER Alain : Mélanges Mouly, 1998 , t. 1, p. 193.

 477 Troisième Directive 78/8 5 5/CEE relative aux fusions des SA et sixième Directive de décembre 1982 relative aux scissions de SA.

 478 Article 3 « la fusion absorption est l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transfèrent à une autre, par suite d’une dissolution sans liquidation, l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement(…) ».

 479 Article  4 « la fusion par constitution d’une nouvelle société est l’opération par laquelle plusieurs sociétés transfèrent à une société qu’elles constituent, par suite de leur dissolution sans liquidation, l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement(…) ».

 480 C’est souligné par nous.

 481 V. Richard ROUTIER, Les fusions de sociétés commerciales, op. cit., p. 17.

 482 V. C.A. Aix-en-Provence, op. cit.

 483 V. Cass. com., 29 octobre 2002, Dr. & patr.- n° 11 4, arvil 2003, note D. PORACCHIA.

 484 En l’occurrence de l’article L. 236-3, du Code de commerce.

 485 En l’occurrence aussi bien la loi du  5 janvier 1988 que l’article 18 4 4- 4 du Code civil ne disent absolument rien sur le sort particulier des contrats dans le cadre des fusions et des scissions.

 486 V. A. VIANDIER, Les Contrats conclu intuitu personae face à la fusion des sociétés, Mlges Mouly, éd. Litec, 1998, p. 193, spéc. p. 19 4, n°  5.

 487 Voir notamment X. JASPAR et N. METAIS, « Les limites à la transmission universelle de patrimoine : les contrats intuitu personae et les contraintes afférentes à certains biens » : Bull. Joly 1998, p.  4 47, § 1 56 ; C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 199 4, n° 700 ; A. VIANDIER, « Les contrats conclu intuitu personae face à la fusion des sociétés » in Mélanges Ch. MOULY, Litec, 1998, p. 193 et s.

 488 V. Note ss C.A. Amiens,  5 octobre 197 4 : RTD com. 197 5.136, n° 18.

 489 V. F. LEFEBVRE, Sociétés commerciales, 200 5, p. 1210, n° 26 8 4 4.

 490 V. C. PRIETO, La société contractante, P.U. D’Aix, 199 4, n° 68 5 et 69 5.

 491 Voir à ce propos C.A. D’Aix-en-Provence, 12 juin 1997, préc.

 492 V. art. L. 236-3, al. 1er, C. com.

 493 V. C. PRIETO, thèse préc., n° 68 5.

 49 4 On sait en effet que la différence fondamentale qui existe entre le mécanisme de la cession de contrat et celui de la transmission universelle réside dans le fait, contrairement à celle-ci, l’accord du cocontractant cédé est toujours requis dans l’hypothèse d’une cession de contrat. Et cette solution est a fortiori applicable aux contrats empreints d’intuitus personae : Voir en ce sens Cass. com., 7 janvier 1992 : D. 1992, somm. P. 278, obs. AYNES ; Cass. 1re civ., 6 juin 2000 : Bull. civ., I, n° 173 ; RTD civ., 2000. 571, obs. B. FAGES et J. MESTRE.

 495 On peut à cet égard citer la loi du 2 5 janvier 198 5 relative au redressement et à la liquidation judiciaires dont nombre de dispositions sont dérogatoires du droit commun des obligations.

 496 C’est les propos de M. A. VIANDIER que nous partageons totalement.

 497 V. J. MESTRE, D. VELADOCCHIO et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN, Lamy Sociétés commerciales, 2003.

 498 V. J. MESTRE, D. VELADOCCHIO et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN, Lamy Sociétés commerciales, 2003, n° 1696, p. 738.

 499 On peut également noter dans le même sens l’avis du Comité juridique de l’ANSA du 9 septembre 1992, n° 213.

 500 Il s’agit aujourd’hui de l’actuel article L. 236-1, du Code de commerce.

 501 Ce texte correspond à l’actuel article L. 236-3, du Code de commerce.

 502 Cette disposition est aujourd’hui contenue dans l’article L. 236-1 4, du Code de commerce.

 503 V. C.A. Paris, 17 avril 1976 : Rev. Des sociétés 1977.69.

 504 V. C. com., art. L. 236-1 4.

 505 Cf. Guy-Auguste LIKILLIMBA, La fidélité en droit privé, P.U.A.M., 2003, p. 187.

 506 Cf. LIKILLIMBA G-A., op. Cit., p. 190.

 507 L’expression latine « affectio contractus » traduit l’intention de contracter qui doit animer les contractants de collaborer sur un pied d’égalité. Elle suppose non seulement un esprit de collaboration mais également la faculté pour chaque contractant de contrôler les prestations offertes par l’autre.

 508 V. CONTAMINE-RAYNAUD, th. préc., p. 272.

 509 V. CONTAMINE-RAYNAUD, idem.

 510 V. CONTAMINE-RAYNAUD, idem.

 511 V. PRIETO C., Evènement affectant la personne de la société contractante in La cessation des relations contractuelles d’affaires, Colloque Aix-Marseille, p. 8 4.

 512 On retrouve d’ailleurs de tels cas dans le Code civil. Selon respectivement les articles 2003 et 179 5 dudit code, « le mandat finit(…) par la mort naturelle(…) soit du mandat, soit du mandataire » et « le contrat d’ouvrage est dissout par la mort de l’ouvrier, de l’architecte ou entrepreneur ». Il ressort de ces dispositions du droit commun que la disparition d’un contractant ou de certaines de ses qualités fondamentales, ayant déterminé le consentement de son partenaire, emporte rupture corrélative de la relation contractuelle.

 513 V. C.A. Paris, 23 mai 1919 : RTD civ. 1920.380, n° 62, note R. DEMOGUE.

 514 V. Req., 20 juin 1923, S. 1927, 1, p. 308.

 515 V. C.A. Paris, 12 décembre 1967, D. 1968.269 ; Cass. com., 22 mai, 1967 et 12 juin 1967 : J.C.P. éd. G. 1968, II, 1 5389, note P. L.

 516 V. Anne-Sophie BATHEZ, La transmission universelle des obligations, Etude comparée en droit des successions et en droit des sociétés, thèse, Paris 1, 2000.

 517 V. notamment D. FERRIER, Droit de la distribution, 3è éd., Litec, 2002, n° 61 4 et s.

 518 Voir notamment : F. VALLEUR, L’intuitus personae dans les contrats, thèse Paris, 1938; M. CONTAMINERAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, thèse, Paris II, 197 4 ; ALIBERT, L’intuitus personae dans la concession de service public : un principe en mutation ?: Rev. adm., 1990, p.  567 ; HELOT, La place de l’intuitus personae dans les sociétés de capitaux : D. 1991, chron., p. 1 43 ; J. MESTRE, Le sort des contrats intuitu personae : RTD civ. 1986.7 47 ; B. PICHARD, Le transfert des contrats conclu intuitu personae en cas de fusion, in note sous Aixen- Provence, 12 juin 1997 : Les P.A. du 18 février 1998, p. 2 4 ; A. VIANDIER, Les contrats conclu intuitu personae face à la fusion des sociétés in Mélanges Mouly, t. II, Litec 1998, p. 203 ; Ph. LE TOURNEAU, Contrats « intuitu personae » in J.-cl. 199 4, fasc.  420 ; M.-E. ANDRE, L’intuitus personae dans les contrats entre professionnels, in Mélanges Michel CABRILLAC, Dalloz Litec, 1999, p. 23.

 519 V. A.-S., La transmission universelle des obligations, Etude comparée en droit des successions et en droit des sociétés, thèse Paris I, 2000, p.  413.

 520 V. Ph. LE TOURNEAU, Contrat « intuitus personae » in J.-cl.- Contrats-Distribution, fasc.  420.

 521 V. Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil : les obligations, 200 4, éd. Defrénois, n°  421.

 522 V. A.-S. BARTHEZ, La transmission universelle des obligations, Etude comparée en droit des successions et en droit des sociétés ,thèse Paris I, 2000, p.  41 4.

 523 V. F. VALLEUR, thèse préc., p. 263.

 52 4 V. M. CONTAMINE-RAYNAUD, th. Préc., p. 2 59.

 52 5 V. AZOULAI M., L’élimination de l’intuitus personae dans le contrat in La tendance à la stabilité du rapport contractuel, Etudes de droit privé, LGDJ, 1960, p. 1 ; M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, thèse préc. p. 22.

 526 V. J. HUET, Les principaux contrats spéciaux in Traité de droit civil, J. Ghestin, L.G.D.J., 2001, n° 1161 4, p.  479.

 527 V. D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 2002, n° 708, p.390 et s. ; C. JAMIN, note sous Paris, 3è ch., 1 5 décembre 1992 : J.C.P. éd. G, 199 4, II, 2220 5 cités par A.-S. BARHTEZ, thèse préc., p. 373.

 528 V. Cass. com., 3 juin 1982: Bull. Civ., IV, n° 190; L. AYNES, La cession de contrat, Economica, 198 4 cités par D.FERRIER, ouvr. préc., p. 390.

 529 V. Paris, 16 janvier 1986 : Gaz. Pal. 1986, 1, somm., p. 21 4 ; Colmar, 3 février 1988 : RTD civ. 1989, p. 79, obs. J.MESTRE cités par D. FERRIER, ouvrage préc. p. 361, n° 6 50.

 530 V. Ph. LE TOURNEAU, Le franchisage : J.C.P. éd. N. 198 5, 1, 13 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES et PY, Les contrats spéciaux, éd. Cujas, 2001, n° 838 cités par D. FERRIER ouvrage préc., p. 372.

 531 En effet, si l’objet du contrat de franchise, c’est de libérer un savoir-faire, l’apport d’une assistance au franchisé, celui du contrat de concession consiste en la revente des produits du concédant par le concessionnaire.

 532 V. D. FERRIER, Droit de la distribution, préc., n° 6 4 5, p. 3 4 4 ; C. JAMIN note sous CA Paris préc.

 533 V. C. JAMIN note sous CA Paris préc.

 534 V. en ce sens Comm. CE 17 décembre 1986, aff. Y. Rocher : J.O.C.E. n° L.8, 10 janvier 1987 cité par D. FERRIER, p. 390.

 535 V. Ph. LETOURNEAU, J.-Cl. Contrat, Distribution, V° contrat intuitus personae, fasc.  420, 199 4, n°  53. Cette analyse est aussi celle de M.-E. ANDRE. Voir notamment son article : « L’intuitus personae dans les contrats entre professionnels », in Mélanges M. CABRILLAC, Dalloz Litec, 1999, p. 23 cité par M. CHAGNY, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Dalloz, 200 4, p. 303.

 536 Voir à ce propos O. GAST, La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise, Les P.A., 18 décembre 1987, n° 1 51, p. 7.

 537 V. Ph. LETOURNEAU, fasc. préc., idem.

 538 V. CONTAMINE-RAYNAUD, th. préc., n° 271, p. 399.

 539 V. Cass. com., 29 octobre 2002 préc.

 540 V. « Le sort des contrats conclus intuitu personae lors de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire » : RTD civ. 1986.7 47 ; Lamy sociétés commerciales, 2001, p. 73 4 ; X. JASPAR et N. METAIS, Les limites à la transmission universelle du patrimoine : les contrats intuitu personae et les contraintes afférentes à certains biens : Bull. Joly, 1998. 4 47 ; COQUELET M.-L., La transmission universelle du patrimoine à l’épreuve du principe d’intransmissibilité des contrats intuitu personae, Actes Pratiques, janvier-février 2000, p. 20.

 541 V. AZOULAI, art. Préc., p. 9.

 542 V. art. 2003, C. Civ.

 543 V. art. 199 4, C. Civ.

 544 V. C. com., art. L. 621-28.

 545 V. MONSERIE M.-H., Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Litec, 199 4, p. 168.

 546 Dans le cas particulier, par exemple, des entreprises de concession ou de franchise, il est évident que le contrat de concession ou de franchise représente l’élément essentiel de l’entreprise. C’est ce contrat qui représente, à lui seul, l’activité et la raison d’être de la société concessionnaire ou franchisée.

 547 V. M. AZOULAI, L’élimination de l’intuitus personae dans le contrat, in La tendance à la stabilité du rapport contractuel, L.G.D.J., 1960, p. 1.

 548 V. supra n° 321 et s.

 549 V. L. AYNES, La cession de contrat et les opérations à trois personnes, Economica, 1983, n° 332 ; M. AZOULAI, art. préc., n°  5.

 550 V. en ce sens M.-H. MONSIERE, op. cit., p. 19.

 551 En effet, on constate de plus en plus le développement de clauses limitant les cas de rupture du contrat. C’est le cas notamment des clauses de tacite reconduction, de renégociation, de suspension ou encore de médiation.

 552 V. P. CATALA, Rapport de synthèse, in L’évolution du droit des biens, Journées R. Savatier, PUF, 1990 cité par M.- H. MONSIERE, op. cit., p. 20.

 553 V. J. CARBONNIER, Droit civil, Les obligations, t.  4, P.U.F. 1991, n°  46 cité par M.-H. MONSIERE, op. cit., p. 20.

 554 V. A. JAUFFRET et J. MESTRE, Droit commercial, L.G.D.J., 1991, p.  496, n° 7 53.

 555 V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, Les créanciers face au redressement judiciaire de l’entreprise, Rev. proc. Coll. 1991, 2, p. 129 cité par M.-H. MONSIERE, op. cit., p. 183.

 556 Il faut tout de même préciser que cet état d’esprit du législateur français est représentatif dans une certaine mesure de celui plus général du législateur européen. L’achèvement du marché intérieur et de l’Union économique et monétaire requiert, pour les autorités communautaires, que l’Europe se dote d’outils juridiques capables de favoriser les investissements et de conduire à d’importantes restructurations des entreprises, notamment sous forme de concentrations.

Le but étant de permettre à l’Union européenne d’avoir à sa disposition des entreprises de taille, capables de faire face aux multinationales étrangères, en l’occurrence japonaises et américaines. Or, le meilleur instrument juridique capable de permettre à l’Union de se doter de telles structures : c’est en particulier les fusions et scissions. L’intérêt et l’originalité de ces opérations de concentration consiste en ce qu’elles permettent à une entreprise de transférer d’une manière globale et simplifiée l’ensemble de son patrimoine à une ou plusieurs autres. On trouve la traduction d’une telle ambition dans un certain nombre de directives, dont notamment les 3è et 6è directives.

 557 Pour preuve toutes les directives qui sont intervenues en faveur de l’entreprise : les 3è et 6è directives, règlement CE n° 139/200 4 du Conseil du 20 janvier 200 4 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, etc.

 558 Cette loi s’est fixé plusieurs objectifs, dont le développement de l’information comptable, pour améliorer la connaissance de la situation économique financière et sociale de l’entreprise, il y a aussi l’institution de la procédure d’alerte pour provoquer chez les chefs d’entreprise une prise de conscience.

 559 V. Ph. MALAURIE et L. AYNES, Obligations, t. 2, Contrats et quasi-contrats, op. cit. p. 303, n°  510.

 560 Voir en l’occurrence l’article L. 236-1 4, C. com.

 561 V. en ce sens l’intitulé même de la loi du  5 janvier 1988 qui a réformé et modernisé le régime des fusions et des scissions.

 562 V. Cass. com., 8 décembre 1987 : RTD civ. 1988, 3 47, n° 7, obs. J. MESTRE ; Rev. proc. Coll. 1988 n° 1, p. 61, note J. MESTRE et Ph. DELEBECQUE.

 

 

 

 

 

Mise à jour

15/09/2014