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La généralisation de l’autonomie des fonds syndicaux
ne saurait préjudicier à la légitime rémunération des syndics professionnels

 

 

 

Une affaire brûlante remet la généralisation impérative du compte bancaire séparé sous les feux de l’actualité.

 

Il est surprenant de constater qu’en hauts lieux on s’inquiète de l’incidence économique que pourrait avoir la suppression de la dispense d’ouverture sur la rémunération des syndics, tout en négligeant, semble-t-il, l’évidente atteinte à la loyauté du jeu de la concurrence entre eux.

Aux termes de l’article 420-1 du Code de commerce, l’une des atteintes à la libre concurrence est « de faire obstacle à la fixation du prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ». Dans notre cas, c’est la loi elle-même qui fait obstacle au libre jeu du marché !

 

Un cas pratique

Prenons une copropriété dont le coût de gestion courante peut être estimé à 4 700 € ht. Elle recherche un nouveau syndic.

Le candidat Dupont qui respecte le principe légal propose ce montant.

Le candidat Durand estime qu’il peut envisager la perception de 600 € au titre de la rémunération des fonds. Il propose 4 100 ht en cas de dispense et 4 800 ht avec un compte séparé. L’incidence de la TVA accentue la différence.

Dans la majorité des cas Durand est désigné dans la foulée sans autre examen comparatif des contrats proposés.

 

Quel serait l’effet réel de la suppression de la dispense ?

Dupont et Durand présenteraient des propositions voisines dans un créneau 4 600 / 4 900 et les copropriétaires seraient incités à aller chercher dans les contrats des éléments susceptibles de déterminer leur choix.

Deux ou trois ans après la suppression de la dispense, pour toutes les copropriétés de même type, les honoraires de gestion courante seraient dans le créneau sus-indiqué et la qualité des prestations, connue par le bouche à oreille, deviendrait le critère prépondérant du choix du syndic.

Elle aurait pour effet secondaire une compression des coûts.

 

La rémunération susceptible d’être offerte par le banquier serait-elle perdue pour tout le monde ? Non.

Il est possible de revenir au mécanisme des sous-comptes d’un compte unique si l’on prend la peine de leur conférer un régime spécifique permettant de conserver les avantages des sous-comptes et d’éliminer leurs inconvénients.

Il serait alors possible d’organiser raisonnablement la rémunération des fonds déposés.

On trouve dans la jurisprudence des allusions récurrentes à l’autonomie des sous-comptes. Ainsi dans un arrêt de la 14e chambre B de la Cour d’appel de Paris en date du 30 mai 2008 :

Considérant que la banque DELUBAC, s’oppose à la restitution de la somme de 30 064,98 € représentant le solde créditeur du sous-compte ouvert au nom du syndicat des copropriétaires du ... par le CABINET CONVENTION LECOURBE après la cessation de la garantie financière de la SOCAF au motif que la demande se heurte à des contestations sérieuses ; qu’elle fait valoir d’une part que s’agissant d’un sous-compte ouvert par un administrateur de biens, objet d’une liquidation judiciaire, les fonds sont la propriété de la procédure collective, que d’autre part, le liquidateur n’a pas explicitement autorisé la restitution et que la caisse de garantie financière SEGAP-LLOYD’S n’a pas donné son accord préalable ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a fait droit à la demande en payement de cette somme formée par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de la BANQUE DELUBAC ; qu’il suffit à la cour d’ajouter qu’il n’est pas sérieusement contestable que les fonds déposés sur le sous-compte ouvert sous le no 00222511874 48 dont il est demandé la restitution, appartiennent au syndicat des copropriétaires du ..., le mandataire liquidateur de la société CABINET CONVENTION LECOURBE, qui demande la confirmation de l’ordonnance entreprise, ne revendiquant aucun droit sur ces fonds au nom et pour le compte de la procédure collective ; qu’enfin, l’accord préalable de la SEGAP-LLOYD’S est indifférent dès lors que la mise en location gérance du fonds de commerce de la société CONVENTION LECOURBE n’a pas eu pour effet de transférer les mandats à la société GROUPE CHAPUIS et que le séquestre des fonds mandants notifié le 20 octobre 2005 par la SEGAP LLOYD’S à la BANQUE DELUBAC concerne uniquement les fonds détenus par la société GROUPE CHAPUIS qui au demeurant n’a jamais été syndic de la copropriété ... ;

 

La position de la Cour d’appel est approuvée par l’arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2009 (08-18355) :

Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le sous compte ouvert dans les livres de la Banque sous l’égide de la société X... constituait une entité qui ne pouvait être confondue avec les autres comptes ouverts dans la même banque par cette société qui n’avait pas à l’égard de cette copropriété la qualité de syndic, faute d’avoir été désignée par l’assemblée générale, et qu’il n’était pas sérieusement contestable que les fonds déposés sur ce sous-compte appartenaient au syndicat, le mandataire liquidateur du cabinet ne revendiquant aucun droit sur ces fonds pour le compte de la procédure collective, et retenu que tant le contrat de location gérance que la garantie accordée par la Secap-Llyod’s à la société X... était inopposable au syndicat, la cour d’appel, qui ne s’est pas contredite et a tiré les conséquences légales de ses constatations, en a exactement déduit sans dénaturation que rien ne s’opposait à la remise des fonds figurant sur le sous compte distinct ouvert au nom du syndicat dans les livres de la banque ;

 

Il est juridiquement possible de doter les sous-comptes de vertus suffisantes pour assurer aux syndicats mandants une sécurité identique à celle résultant de l’ouverture d’un compte séparé. L’actualité nous a montré que les banquiers n’hésitent pas à réaliser des montages juridiques audacieux. L’audace ne serait pas ici nécessaire. Un brin d’imagination suffirait.

Ce mécanisme conserverait aux professionnels les avantages techniques des comptes individualisés actuels.

Il faciliterait les contrôles externes et permettrait une réduction des coûts de garantie financière. Il faudrait toutefois imposer aux syndics le respect de l’obligation de ponctualité dans la tenue des écritures comptables. Ce n’est pas toujours le cas présentement.

La facilitation des contrôles externes exigerait certainement le retour à l’établissement mensuel d’une balance classique. Il devrait être possible d’en exiger l’établissement à l’improviste, afin de pouvoir apprécier la qualité de la tenue courante de la comptabilité.

A notre avis, cette balance, avec un masque de présentation approprié, devrait pouvoir constituer l’unique document de synthèse en fin d’exercice. Il serait facile de former un assez grand nombre de copropriétaires à sa lecture, et, notamment, les membres des conseils syndicaux. Les expériences anciennes le prouvent. La généralisation de l’utilisation de la balance classique simplifierait grandement la tâche des syndics, comme celle des copropriétaires eux-mêmes qui n’ont aucune possibilité de contrôler utilement les annexes du régime comptable actuel.

Les modifications des logiciels nécessaires seraient modestes.

 

Les produits financiers calculés en fonction des soldes réels iraient aux syndicats.

 

Conclusion :

 

Il est indispensable de faire disparaître l’atteinte à la libre concurrence que génère le double régime actuel de la gestion des fonds syndicaux.

On ne peut affirmer sérieusement que la généralisation de l’autonomie des fonds syndicaux est susceptible d’affecter la légitime et décente rémunération des syndics professionnels.

Il est possible de substituer, serait-ce à terme, des sous-comptes autonomes aux comptes bancaires séparés au sens propre du terme.

Il est souhaitable de promouvoir l’utilisation de la balance classique pour le contrôle des comptabilités syndicales, voire pour la présentation des synthèses de fin d’exercice.

Il est possible d’assurer aux syndicats la perception de la rémunération des fonds déposés sans nécessité de recourir à des artifices bancaires.

 

 

 

 

Mise à jour

04/06/2010