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Les difficultés d’Urbania et de son dirigeant Michel Moubayed ont eu les honneurs de la presse depuis quelques semaines. En jeu : 500 millions d’euros de dettes dont une bonne partie correspondrait à des détournements et 400.000 copropriétaires s’inquiétant du sort de la trésorerie de leur syndicat déposée sur le compte bancaire unique du syndic.

Il y aurait donc un « repreneur » : le fonds d'investissement Investors in Private Equity (IPE) de Philippe Nguyen.

Les banques abandonneraient la moitié de leurs créances et obtiendraient en contrepartie des obligations convertibles d'ici à quinze ans en titres de la société. La Société Générale serait la grande victime. Monte Paschi Banque, pour 75 millions,  et Fortis, pour 25 millions, seraient aussi lésés.

On ne dit rien à propos des copropriétaires et autres mandants !

Or il est bien évident qu’une « cession » aussi importante dont s’accompagner d’un contrôle approfondi des comptes de mandants. On peut penser qu’il existe des clauses à ce sujet dans l’accord intervenu. Dans le passé, il est arrivé fréquemment que des acquéreurs de cabinets d’administration de biens découvrent après la cession des irrégularités comptables, des procédures dirigées contre le syndic vendeur et d’autres mauvaises surprises.

 

Il est indiqué que cette opération devrait faire l’objet, fin septembre, d’une homologation par le Tribunal de commerce de Nanterre. Cette décision judiciaire, selon les Échos « déclenchera l'achat par IPE des cabinets d'administration de biens, soit 105 sociétés ».

Mais les mandats de syndic ne sont ni des contrats commerciaux ni des paquets de nouilles !

L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 interdit au syndic de se faire substituer et l’on proclame à juste titre le caractère personnel, intuitu personae, de la désignation du syndic.

La vente d’un cabinet de syndic ou sa mise en location gérance n’entraîne pas le transfert automatique des mandats de syndic. Les « acquéreurs » doivent être désignés en qualité de nouveau syndic par les copropriétaires réunis en assemblée. C’est une lourde formalité qui doit en principe être réalisée avant les formalités de publicité au Registre du commerce.

La situation est identique dans le cas des fusions.

 

On a considéré jusqu’à présent que l’arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 1998 demeure le fondement du rejet de la notion de transfert automatique des mandants. La Cour de Cassation a jugé ainsi :

« Attendu que, pour rejeter la demande de M. Brun en nullité des sommations de novembre 1996, le jugement retient que la société SCAGI, syndic en exercice du syndicat des copropriétaires, et la société d’Administration d’immeubles cannoise (AIC) ont fusionné, que la fusion d’une société a pour conséquence la dissolution sans liquidation de la société qui disparaît et la transmission de son patrimoine à la société bénéficiaire qui est en l’espèce la société AIC, laquelle se trouve donc de plein droit substituée à la société SCAGI, que la société AIC a, suivant dire du 18 décembre 1996, déclaré avoir repris l’ensemble des actes effectués par la société SCAGI, et que, dès lors, la cause de la nullité des sommations de novembre 1996, invoquée par M. Brun, est régularisée ;

« Qu’en statuant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé si la société AIC avait qualité et pouvoir pour représenter légalement en justice le syndicat des copropriétaires, le Tribunal n’a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ».

 

Mais la 23e chambre B de la Cour d’appel de Paris, par arrêt du 28 février 2008, a adopté une solution contraire en se fondant sur les dispositions de l’article L 236-3 du Code de commerce :

I. - La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission.

II. - Toutefois, il n'est pas procédé à l'échange de parts ou d'actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces parts ou actions sont détenues :

1° Soit par la société bénéficiaire ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société ;

2° Soit par la société qui disparaît ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société.

Elle invoque le « droit spécifique des fusions, que le législateur a mis en place, en exécution d’une directive de l’Union Européenne, précisément pour éviter des difficultés du type de celles que soulève l’appelante ».

 

Postérieurement, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 30 mai 2000 (n° 97-18457 Sdc La baie des Anges à la Ciotat) a jugé à nouveau que l’absorption du syndic par une autre personne morale doit être assimilée à sa dissolution. Il en résultait que la société absorbante ne pouvait avoir conservé le mandat de syndic que si elle avait été désigné en cette qualité par l’assemblée générale des copropriétaires convoquée par la société absorbée avant la disparition de sa personnalité morale.

Elle se réfère explicitement au caractère intuitu personae et à l’interdiction de substitution faite au syndic :

« Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le troisième moyen, retient à bon droit que la loi du 10 juillet 1965, excluant toute substitution du syndic sans un vote explicite de l'assemblée générale des copropriétaires, ne permettait pas à la société CIG de dessaisir les copropriétaires de leur pouvoir exclusif de désignation du syndic, par le moyen d'une opération de fusion-absorption ayant pour résultat, après disparition de sa personnalité morale, de lui substituer la société SPGI, personne morale distincte ; ».

 

Cet arrêt est important dès lors qu’il émane de la Chambre commerciale qui écarte ainsi l’application d’un texte du Code de commerce.

Pour autant, il reste qu’en l’absence d’un arrêt de principe de la Cour de cassation, la controverse subsiste. L’évocation par la Cour d’appel de Paris des dispositions du droit européen ne saurait être négligée.

 

 

L’Association des responsables de copropriété s’est logiquement préoccupée du sort de ses membres. Elle leur a conseillé de fuir le navire.

Il nous a semblé préférable de suggérer aux syndicats concernés d’exiger sans délai l’ouverture d’un compte bancaire séparé, au moins dans les cas, fréquents, ou la gestion des fonds de mandants par le compte bancaire unique du syndic n’avait pas fait l’objet d’une dispense d’ouverture du compte bancaire séparé dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

 

Il sera sans doute possible de faire prochainement un point plus précis de la situation.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

09/09/2010