Le syndic doit-il diffuser le relevé général et dÉtaillÉ
 des charges et produits ?

 

 

Nous répondons par l’affirmative à cette question.

 

Il y a près d’un siècle, les administrateurs de biens-syndics de copropriété ont pris l’initiative d’adresser périodiquement aux copropriétaires un relevé général des charges et produits du syndicat. Ils ont ainsi conservé la pratique courante et plus ancienne encore des redditions de comptes de gestion locative.

Le relevé général était établi trimestriellement lorsque les comptes de charges étaient établis en fin de chaque trimestre ou annuellement dans les autres cas.

Il comportait la liste, ordonnée en fonction des catégories de répartition, de toutes les dépenses de la période, même les plus modestes. Il comportait aussi, le cas échéant, et dans le même ordre, les produits à répartir entre les copropriétaires.

 

La diffusion du relevé général des charges assurait l’information complète des copropriétaires. Les bailleurs gérant leur bien en direct y trouvaient les éléments nécessaires à l’établissement des décomptes de charges locatives. Il était possible d’y retrouver, plusieurs années après, des renseignements précieux.

Le syndic lui-même y trouvait son compte puisqu’il était admis que l’approbation du compte de charges valait ratification des initiatives qu’il avait pu prendre au cours de l’exercice, dès lors que le facture correspondante figurait clairement dans le relevé général.

Le relevé était aussi une pièce indispensable dans les instances en recouvrement des charges.

 

On ne trouve pas trace du relevé général des charges dans le décret n° 2005-240 du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat. Même constatation à la lecture de l’arrêté de même date !

On peut s’en étonner alors que le défaut de transparence est un reproche fréquent à l’égard des syndics. Ce sont les pouvoirs publics qui suppriment ainsi une obligation que les syndics eux-mêmes s’étaient imposées.

 

Nous sommes au temps des premiers comptes présentés conformément à la nouvelle réglementation comptable. C’est aussi le temps des mauvaises surprises.

 

Certains administrateurs de biens ont décidé de conserver la bonne pratique. Beaucoup d’autres semblent vouloir s’en tenir à la lettre des textes. Ils présentent les annexes qui ne fournissent que des indications globales et incontrôlables pour le commun des copropriétaires. Les bailleurs ne peuvent ni établir les comptes de charges récupérables ni, bien sur, les justifier.

 

Juridiquement, la position des syndics qui se fondent sur le silence des « textes comptables » n’est pas tenable.

L’obligation de fournir un relevé général des dépenses est étrangère au régime comptable. On la trouve  dans le Code civil qui, à cet égard, n’a subi aucune modification. Il a toujours été admis que le relevé général des dépenses trouve son fondement dans l’article 1993 du Code civil ainsi libellé :

« Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant »

 

Les articles 1268 et 1269 du Code de procédure civile, traitant de la reddition des comptes, ne précisent pas ses modalités. Mais la notion de compte se suffit à elle-même. Si le mandataire a reçu 200 et restitue  150 au mandant, il doit justifier article par article l’écart de 50. Un exemple classique est le compte de tutelle.

La reddition de comptes, imposée dans de nombreux régimes particuliers, a été formalisée de différentes manières. On en trouve un exemple dans les articles R*442-15 et suivants du Code de la construction et de l’habitation à propos du mandat de gérance d'immeubles qu'accorde ou accepte un organisme d'habitations à loyer modéré. Lorsque le mandataire est une personne privée, le mandat doit fixer les modalités de reddition des comptes. Lorsqu’il s’agit d’un comptable public, l’article R*442-20 décrit comme suit la reddition des comptes :

« V. - Lorsqu'il entre dans les pouvoirs du mandataire de recouvrer des recettes ou de procéder à des dépenses, la reddition des comptes intervient dans des délais permettant au comptable public du mandant de produire son compte financier.

« La reddition des comptes retrace la totalité des opérations de dépenses et de recettes décrites par nature sans contraction entre elles ainsi que la totalité des opérations de trésorerie par nature.

 « Elle comporte en outre :

1° La balance générale des comptes arrêtée à la date de la reddition ;

2° Les états de développement des soldes certifiés par le mandataire conformes à la balance générale des comptes ;

3° La situation de trésorerie de la période ;

4° L'état nominatif des impayés par débiteur ;

5° Les pièces justificatives des opérations retracées dans la reddition des comptes. Pour les dépenses, ces pièces justificatives, reconnues exactes par le mandataire, sont celles prévues dans la liste annexée à l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales. Pour les recettes, le mandataire justifie le cas échéant leur caractère irrécouvrable. »

 

Il s’agit d’un texte spécial, certes, mais il ne fait que reprendre les pratiques habituelles de la reddition des comptes.

Au sujet des syndics de copropriété, MM. Bouvet et Cabanac écrivaient  [1] en 1954 :

« La production d’un compte n’est juridiquement soumise à aucune forme particulière. Le compte doit seulement présenter le détail des dépenses et des recettes et s’appuyer sur des pièces justificatives. Ces pièces sont les lettres, les factures, les récépissés, les livres régulièrement tenus.

« Dans la pratique, le syndic, quelques jours avant la date fixée pour la tenue de l’assemblée adresse à chaque copropriétaire un relevé contenant a) d’une part le compte général de la copropriété ; b) son compte particulier, fonction des millièmes représentés par un lot. »

 

Dans le même sens, la Recommandation n° 6 de la Commission relative à la copropriété, dans sa dernière version, indique :

« Considérant que la répartition du solde des charges et des produits de l'exercice est effectuée à l'arrêté des comptes ; qu'il s'agit d'un document préparatoire et provisoire qui doit nécessairement faire apparaître la quote-part de chacun des copropriétaires après la répartition des charges et des produits de l'exercice ;

« Considérant que ce document est destiné à être soumis aux copropriétaires en vue de leur approbation par l'assemblée générale ; »

 

En conclusion :

Le régime de la reddition des comptes imposée au syndic de copropriété par l’article 1993 du Code civil demeure inchangé.

Il impose la communication aux copropriétaires du relevé général et détaillé des charges et produits de l’exercice échu, et celle d’un relevé individuel précisant à chacun les modalités de calcul de sa contribution et les résultats de ce calcul.

L’approbation du compte des charges (et produits) par l’assemblée, votée sans communication préalable de ces documents, doit être considérée comme annulable.

Les annexes sont les documents, distincts, nécessaires à l’approbation de l’ensemble des comptes de la copropriété.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

07/02/2008

 

 

 



[1]  Bouvet et Cabanac Le syndic dans le régime de la copropriété des immeubles  Ed. Les cahiers de la copropriété Lyon 1954  p. 56