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Frais de relance

Imputation individuelle au copropriétaire débiteur

 

 

 

Question N° : 19389 de M. Herth Antoine(UMP)

Ministère interrogé :Économie, industrie et emploi

Ministère attributaire :Économie, industrie et emploi

 

Réponse publiée au JO le : 08/07/2008 page : 5955

 

 

 

Texte de la QUESTION :

 

M. Antoine Herth attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les frais de relance simple imputés aux copropriétaires n'ayant pas payé leurs charges. De nombreux syndics de copropriété adressent à leurs copropriétaires, lorsque ceux-ci ne se sont pas acquittés de leurs charges, une lettre de relance, dite « simple » avant l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre simple, non prévue par les textes, est facturée de plus en plus cher, la moyenne se situant actuellement à 10 euros. Les syndics prélèvent ainsi de l'argent très facilement au détriment de copropriétaires parfois très modestes et sont, actuellement en train de multiplier ces relances qui deviennent intempestives, systématiques et précoces. L'article 10-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, modifié par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, prévoit pourtant explicitement que les frais de relance simple ne sauraient être imputés aux débiteurs et que seules les relances adressées après une première mise en demeure sont imputables. Il lui demande donc de bien vouloir lui confirmer que les frais de relance simple avant mise en demeure ne sont pas imputables aux retardataires.

 

 

Texte de la REPONSE :

 

Par dérogation au principe général posé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 selon lequel « les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot », l'article 10-1 du même texte définit, de manière limitative, les frais imputables au seul copropriétaire concerné. Il en va effectivement ainsi des « frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ». L'interprétation de ces dispositions législatives relève de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. En tout état de cause, la rédaction du texte de loi suppose que le syndic soit en mesure de justifier les montants qu'il facture ainsi que leur évolution par la remise d'une note de frais. Dans un arrêt du 3 mai 2007, postérieur à la modification législative du 13 juillet 2006, la cour d'appel de Paris a considéré que les frais de recouvrement ne pouvaient être considérés comme « nécessaires », au sens de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 que « s'ils sortent de la gestion courante du syndic » et qu'ils traduisent des « diligences réelles, inhabituelles et nécessaires ». On peut, à la lumière de cette décision, estimer que tel ne serait vraisemblablement pas le cas si les frais de relance simple étaient forfaitisés dans le cadre du contrat de syndic, ou si cette pratique devenait systématique ou trop précoce.

 

 

Commentaires :

 

Après lecture de la question et de la réponse, une première réflexion est que le syndic n’est pas tenu d’adresser aux copropriétaires une «  lettre de relance ». En présence d’un copropriétaire n’ayant pas payé dans le délai d’usage un appel de fonds, quelle qu’en soit la nature, le syndic peut lui notifier d’emblée une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR).

Les frais de mise en demeure sont nécessaires et imputables au copropriétaires.

La mise en demeure fait courir les intérêts légaux au profit du syndicat.

La pratique des « lettres de relance » est donc favorable aux copropriétaires.

Il est vrai néanmoins que certains syndics en font un usage abusif en multipliant les relances pour un même appel de fonds. Certains coûts sont manifestement excessifs. La combinaison fréquente de ces deux abus justifie donc les récriminations.

 

Une seconde réflexion concerne les indications erronées fournies dans la réponse.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 3 mai 2007 concerne des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la « modification législative du 13 juillet 2006 ». Il ne peut donc être invoqué à l’appui d’une interprétation de cette modification. La juridiction saisie devait statuer en fonction du régime juridique applicable à la date de la facturation.

 

Sur le fondement de ce régime antérieur, la Cour de cassation, dans une affaire opposant le cabinet Foncia à la CLCV, et au visa de l’article L 132-1 du Code de la consommation, a rendu le 1er février 2005 un arrêt (voir l’arrêt n° 03-19692) un arrêt jugeant comme suit :

 

« Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

 

« Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, ensemble l’article 10.1 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 ;

 

« Attendu que pour déclarer abusive la clause relative aux frais de recouvrement selon laquelle : “Les charges ou appels de fonds sont, d’une façon générale, payables à réception. Par précaution, il est cependant défini un protocole de recouvrement à compter de la date d’émission de l’appel de fonds : - 1re relance : entre 15 jours et un mois,

 

« - 2e relance : un mois et demi, - 3e relance : deux mois, - remise du dossier à l’huissier au début du quatrième mois. Le coût de ces démarches est donné au chapitre IX Rémunération- C c) prestations spéciales”, la cour d’appel relève que sont ainsi imputés aux copropriétaires pris individuellement des frais de recouvrement qui ne peuvent leur être imputés sans décision judiciaire ;

 

« Qu’en statuant ainsi, après l’entrée en vigueur du second des textes susvisés duquel il résulte que les frais nécessaires exposés par le syndicat à compter de la mise en demeure peuvent être imputés au copropriétaire défaillant, en sorte que la clause stipulée en conformité de ce texte ne peut revêtir un caractère abusif, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

S’il est vrai que l’arrêt du 1er février 2005 n’est pas un arrêt dit de principe (s’imposant aux juridictions du fond), il n’en reste pas moins surprenant qu’il ait été occulté dans une réponse ministérielle donnée en 2008.

 

Depuis lors, l’article 10-1 a été modifié par la loi du 13 juillet 2006, dans un sens plus favorable encore aux syndicats de copropriétaires. Il énonce en effet, de manière non exhaustive, certains des frais devant être considérés comme nécessaires, parmi lesquels figurent les frais de relance :

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné :

« a) Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ; »

Cette énumération n’est pas limitative comme le prétend l’auteur de la réponse. L’adverbe « notamment » ne laisse place à aucun doute sur ce point.

L’arrêt du 3 mai 2007 n’interprète pas la nouvelle version de l’article 10-1 mais la version précédente, qui ne comportait aucune énumération des « frais nécessaires ».

A propos des effets de la loi du 13 juillet 2006, on peut lire dans le Jurisclasseur copropriété (fasc. 75 n° 54) : « Ce nouveau texte va ainsi à l’encontre de la jurisprudence restrictive de la Cour de Paris ». Il est de notoriété publique que tel était bien le but du législateur ! M. Hamel, député, écrivait dans son rapport n° 3089 au nom de la Commission des affaires économiques :

« En vertu de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, peut faire reposer sur le seul copropriétaire « défaillant » les frais exposés par le syndicat pour le recouvrement d'une créance justifiée à son encontre. Cet article, proposé par votre rapporteur, constituait une dérogation aux dispositions de l'article 10 : sont visés notamment à ce titre les frais de mise en demeure, les frais de relance et les frais de prise d'hypothèque.

« En deuxième lecture, le Sénat a approuvé cette évolution, considérant inacceptable que les copropriétaires en règle par rapport à leurs obligations supportent les dépenses liées aux  « payeurs indélicats ».

 

On doit toutefois signaler une défaillance de rédaction dans la nouvelle version de l’article 10-1. Les frais ne seraient imputables que pour des relances postérieures à la mise en demeure ! Or, d’une part, une relance a pour objet d’éviter la mise en demeure et elle doit donc la précéder. D’autre part, pour un appel de fonds déterminé, la relance doit être unique. C’est à juste titre que l’on critique la pratique des relances multiples pour un même appel de fonds, et la multiplication des frais liés.

Les règles d’interprétation des textes commandent l’application du critère de l’effectivité du texte. Rappelons l’exemple célèbre d’un texte de la police des chemins de fer qui interdisait aux voyageurs de monter et descendre « lorsque le train est complètement arrêté » [1] .

Dans un tel cas, le Juge doit rechercher quelle a été l’intention du législateur. En l’espèce, son intention était sans nul doute de permettre l’imputation individuelle des frais d’une relance, puisque cette opération est citée explicitement. Il a échappé au Législateur que la relance ne pouvait par nature qu’être antérieure à la mise en demeure, sauf à permettre aux syndics une pratique abusive.

 

La réponse ministérielle du 8 juillet 2008 ne peut donc qu’induire en erreur les praticiens de la copropriété. Elle comporte plusieurs affirmations juridiques objectivement erronées.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

27/08/2008

 

 

 

 

 



[1]  Cité dans les leçons de droit civil de MM. Mazeaud T. I n° 110