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La campagne de l’ARC « non aux filiales des syndics »

 

Bonne initiative mais erreur d’aiguillage

 

 

L’Association des Responsables de Copropriétés (ARC) lance une campagne  destinée à combattre la souscription incontrôlée par les syndics de contrats et marchés divers avec des fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services auxquels ils sont liés juridiquement et ou financièrement. A la vérité, il s’agit parfois de filiales d’un syndic important, mais plus souvent encore de filiales d’un groupe dont la société syndic est aussi une filiale. On peut consulter sur le site de l’ARC le texte complet de l’abus 2114 au moyen du lien ci-dessous

 

http://www.unarc.asso.fr/site/abus/1209/abus2114.htm

 

L’ARC indique son intention de faire compléter la loi du 10 juillet 1965 par un texte dédié reproduit ci après avec les commentaires de l’Association (trame jaune).

Il s’agit d’un problème qui mérite attention car les infractions se multiplient. Nous avons traité déjà cette question dans

http://www.jpm-copro.com/Syndics%20et%20filiales.htm

 

Si nous parlons d’infraction, c’est que cette pratique est déjà prohibée par l’article 39 du décret du 17 mars 1967, complété sur ce point par le décret n° 2004-479 du 27 mai 2004. Nous expliquons, après la reproduction d’un extrait important de l’abus, pourquoi  la campagne de l’ARC doit être encouragée, mais réorientée, à notre avis, vers une meilleure information des copropriétaires, notamment les membres des conseils syndicaux, sur les possibilités d’utilisation de l’article 39.

 

Extrait de l’abus 2114

 

Notre proposition d’article de loi

Insérer dans la loi du 10 juillet 1965 un article 18-4 ainsi rédigé :

« Le syndic – même avec l’accord de l’assemblée générale – ne pourra signer aucun contrat ou marché pour le compte d’un syndicat de copropriété dont il est mandataire avec une personne ou une société avec laquelle il serait lié :

-  par des liens de parenté ;

-  par des liens de nature capitalistique.

Un décret en Conseil d’État fixera la nature et l’étendu de ces liens.

Les clauses d’un contrat signé en méconnaissance des dispositions visées par le présent article sont inopposables au syndicat des copropriétaires concerné. »

 

II-  La justification de cette proposition d'article de loi

Certains grands pays (Allemagne, États-Unis par exemple) luttent depuis des années contre les conflits d’intérêts et le mélange des genres au sein des professions immobilières. La France, de son côté, laisse faire.

Cela explique qu’aujourd’hui un syndic peut être aussi bien (directement ou indirectement) courtier d’assurances, banquier, expert en ascenseurs, vendeur de systèmes de vidéosurveillance, diagnostiqueur immobilier, entrepreneur de travaux, propriétaire d’entreprise de nettoyage, etc., et qu’il puisse faire « travailler » toutes ses sociétés dans les copropriétés qu’il gère.

Le seul garde-fou (mis en place par le décret de 1967) concerne l’obligation faite au syndic d’obtenir l’autorisation de l’assemblée générale de contracter avec une de ses sociétés. Néanmoins, faute de sanction attachée au non-respect de cette disposition, ce texte est peu respecté.

 

Les observations de JPM-COPRO

 

L’article 39 du décret du 17 mars 1967 (modifié par le Décret n°2004-479 du 27 mai 2004 art. 26) est ainsi conçu :

 

« Toute convention entre le syndicat et le syndic, ses préposés, parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus, la personne liée à lui par un pacte civil de solidarité ou ceux de son conjoint au même degré, doit être spécialement autorisée par une décision de l'assemblée générale.

« Il en est de même des conventions entre le syndicat et une entreprise dont les personnes mentionnées à l'alinéa précédent sont propriétaires ou détiennent une participation dans son capital, ou dans lesquelles elles exercent des fonctions de direction ou de contrôle, ou dont elles sont salariées ou préposées.

« Le syndic, lorsqu'il est une personne morale, ne peut, sans y avoir été spécialement autorisé par une décision de l'assemblée générale, contracter pour le compte du syndicat avec une entreprise qui détient, directement ou indirectement, une participation dans son capital.

Les décisions d'autorisation prévues au présent article sont prises à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

 

Nonobstant l’oubli regrettable du conjoint du syndic, (ou de la personne avec laquelle il est lié par un PACS) dans la liste des personnes à prendre en considération, le texte a été modifié de manière satisfaisante en 2004.

C’est à tort que l’ARC affirme : « Le seul garde-fou (mis en place par le décret de 1967) concerne l’obligation faite au syndic d’obtenir l’autorisation de l’assemblée générale de contracter avec une de ses sociétés. Néanmoins, faute de sanction attachée au non-respect de cette disposition, ce texte est peu respecté ».

Le texte se suffit à lui-même, sans besoin d’une sanction spécifique. Lorsque le syndic souscrit sans l’autorisation nécessaire une police d’assurance ou un marché de travaux, le syndicat des copropriétaires et même un copropriétaire seul peuvent faire prononcer l’annulation de la convention souscrite et reconnaître son inopposabilité. Il est vrai qu’une action judiciaire est nécessaire mais il en irait de même pour le texte proposé par l’ARC.

Le demandeur peut obtenir des dommages et intérêts et une indemnité en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile car il s’agit d’une faute extrêmement grave. Elle peut même justifier la révocation du syndic.

 

La jurisprudence sanctionne cette faute.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 février 1999 (97-16731), a jugé dans ces termes :

« Mais sur le quatrième moyen :

« Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 1997), que M. Y..., propriétaire de lots dans un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de certaines décisions des assemblées générales de copropriété des 28 juin et 6 septembre 1993 ;

« Attendu que l'arrêt déboute M. Y... de sa demande en annulation du vote du coût des plans visés au paragraphe A de la quatrième résolution, sans répondre aux conclusions soutenant que l'ordre du jour de l'assemblée ne comportait pas d'autorisation spéciale donnée au syndic pour effectuer lui-même ces plans, conformément à l'article 39 du décret du 17 mars 1967 ;

« Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; »

Peu importe qu’il se soit agi d’un contrat potentiel entre le syndicat et le syndic lui-même. On constate qu’une infraction à l’article 39 du décret en sanctionnée sur le seul fondement de l’omission d’une formalité prescrite, sans nécessité d’une sanction spécifiquement prévue par le texte.

 

Un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 21 janvier 2009 concerne une société exerçant l’activité de syndic et disposant d’une filiale réalisation des prestations de contrôle et maîtrise d’œuvre pour les ascenseurs. Dans sa revue mensuelle, une organisation de consommateurs avait critiqué cette pratique et fait valoir que ce syndic commandait à sa filiale des prestations, sans autorisation préalable de l’assemblée. Le syndic avait assigné l’organisation en diffamation. Il alléguait que son contrat de syndic faisait mention explicitement des liens l’unissant à cette filiale (fait exact) et que cette mention suffisait à l’information préalable des copropriétaires.

La Cour relève que

« Le cabinet X.. ne conteste pas détenir des intérêts dans le capital de la société Y.. et faire intervenir cette société dans le cadre d’audits des ascenseurs des copropriétés avec lesquelles il est lié par contrat, sans délibération spéciale de l’assemblée générale des copropriétaires, mais soutient la légalité de cette pratique, au motif que ses liens avec la société Y.. figureraient aux contrats  initialement signés avec les syndicats de copropriétaires, et souligne que seule la moitié du chiffre d’affaires de la société Y.. est générée par ses contrats avec les copropriétés dont elle assure la gestion.

« Il en résulte que l’intervention de la société Y.., hors toute délibération spéciale de l’assemblée générale, est établie et reconnue par le cabinet X.., l’article [de la revue] rappelant en page 29 l’obligation résultant sur ce point de l’article 39 du décret du 17 mars 1967.

Elle énonce ensuite que

« Le tribunal correctionnel a ainsi justement rappelé que « le syndic lorsqu’il est une personne morale, ne peut, sans y avoir été spécialement autorisé [par une décision de l’assemblée générale, contracter pour le compte du syndicat avec une entreprise qui détient, directement ou indirectement, une participation dans son capital », et précisé que « la seule information donnée aux copropriétaires par le Cabinet X.. sur la qualité de filiale de la société Y.. ne satisfait pas aux règles légales ».

« L’imputation [par 60 Millions de Consommateur] de ce fait exact, au cabinet X.., se présente comme l’illustration d’un conflit d’intérêts et poursuit le même objectif que le décret qui est d’éviter toute collusion afin d’assurer le jeu de la concurrence, dans l’intérêt financier des copropriétaires. (…) Ceci ne saurait dès lors constituer une diffamation ».

 

Notre commentaire sur cet arrêt d’appel était le suivant :

Dès lors que le syndic a reconnu que la société Y est une filiale, on ne peut que souscrire aux affirmations de la Cour d’appel de Versailles.

La mention dans le contrat de syndic des liens existant entre le syndic X.. et sa filiale Y.. manifestait un souci de transparence à porter au crédit du syndic. Mais le contrat de syndic est rarement porté à la connaissance des acquéreurs d’un lot de copropriété.

Par ailleurs l’article D 39 impose une procédure très stricte qui comporte l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale d’une question spéciale portant sur l’autorisation à donner au syndic de contracter avec une entreprise « filiale » et un vote distinct à ce sujet.

La seule mention dans le contrat de syndic d’une relation de ce type ne saurait répondre aux conditions imposées par le texte. L’inscription de la question à l’ordre du jour est sensée attirer l’attention des copropriétaires. La nécessité d’un vote implique un débat préalable. C’est alors en toute connaissance de cause que les copropriétaires autorisent ou non le syndic.

 

Pour la mise en œuvre du texte, il faut s’en tenir à la lettre du texte qui énonce de manière exhaustive les partenaires potentiels du syndicat  visés par le texte :

- le syndic, ses préposés, parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus, la personne liée à lui par un pacte civil de solidarité ou ceux de son conjoint au même degré (alinéa 1)

- une entreprise dont les personnes mentionnées à l'alinéa précédent sont propriétaires ou détiennent une participation dans son capital, ou dans lesquelles elles exercent des fonctions de direction ou de contrôle, ou dont elles sont salariées ou préposées (alinéa 2)

- une entreprise qui détient, directement ou indirectement, une participation dans le capital du syndic, lorsqu’il est une personne morale

 

Il faut enfin noter que la rédaction du texte proposé par l’ARC fait pâle figure à côté du texte de l’article 39. Il est tout à fait normal que des organisations diverses présentent des projets de modification d’une loi ou d’un règlement. Encore faut-il qu’elles se donnent les moyens de présenter des projets exploitables, susceptibles  éventuellement d’être adoptés dans leur rédaction initiale.

 

En conclusion :

Le souci de l’ARC mérite une grande attention.

En l’état, les copropriétaires disposent avec l’article 39 du décret de 1967 d’un bon outil. Ils ignorent généralement son existence. Il faut donc le faire connaître dans les sessions de formation, dans les cours de l’Université de la copropriété, et autres lieux où l’on dispense la connaissance.

On peut remarquer à cet égard que les auteurs eux-mêmes sont fort discrets sur cette question qui n’occupe que fort peu de place dans les traités.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

24/12/2009