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LE JUGE LÉGISLATEUR

 

Préfaçant la thèse de M. Dany Cohen consacrée aux positions de la Cour de Cassation à l’égard de la séparation des autorités administrative et judiciaire [1], le professeur François Terré rappelait en 1987 les émergences périodiques de la hantise d’un éventuel gouvernement des juges. Les travaux de M. Cohen ont montré la résistance de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation au principe de l’interdiction faite au magistrat judiciaire de juger l’administration tandis que les Chambres civiles, commerciale et sociale s’y conformaient scrupuleusement, par une interprétation extensive du principe de séparation  des autorités.

Une actualité brûlante montre que le juge pénal est plus disposé que jamais à contrôler l’ administration, s’attaquant désormais aux plus hautes Autorités et aux actions menées dans un environnement plus commercial que proprement politique, par suite des ingérences croissantes de l’État dans les activités économiques. C’est par une autre voie que les Chambres civiles semblent écarter peu à peu le carcan du principe de séparation des pouvoirs. Pour aller directement au fait, il leur est reproché de ne plus seulement contrôler l’application de la règle de droit, mais de la créer parfois au nez et à la barbe d’un pouvoir législatif dont le processus rédactionnel est incompatible avec la claire expression de sa volonté.

A l’occasion d’un arrêt de la 3e Chambre civile du 19 avril 2000 rendu en matière de baux commerciaux, le professeur Monéger a formulé une observation très directe : il n’y a plus de loi si le juge la nie ou la dénature. La Chambre efface l’article 27 du décret du 30 septembre 1953. La distinction entre les régimes de révision du loyer est gommée. Le titre de sa chronique : Le juge législateur ou le retour d’un privilège aboli [2], ne prête pas à confusion.

Des observations de même nature sont formulées dans le domaine qui nous est plus familier du droit de la copropriété. On s’est ici demandé si la Cour de Cassation respectait bien les vœux du législateur. La loi du 10 juillet 1965 comporte des lacunes et laisse planer des incertitudes. Ses innovations pratiques et bienvenues n’occultent pas l’imperfection d’une conception structurée de la copropriété. Le critère de la division par lots de la propriété de l’immeuble en est  le germe évident mais il était trop tôt pour se risquer sur le terrain apparemment nouveau des institutions collectives, dont l’historien connaît pourtant l’antiquité réelle.

Telle que, la loi constituait une avancée considérable dans un secteur primordial de la vie économique et sociale de la Nation. Près de deux années furent nécessaires pour la mise au point du décret d’application du 17 mars 1967. Il aurait suffi, quelques années après, de lister les incertitudes et lacunes constatées et d’y remédier par les compléments législatifs appropriés, sans nécessité de modifications fondamentales, pour aboutir à un statut pleinement satisfaisant. Cette solution n’a pas été retenue. C’est aux Juges que l’on a cru devoir laisser le soin de régler les difficultés qui apparurent rapidement. Les ajouts législatifs postérieurs ont été plus polluants que constructifs et il aura fallu attendre le décret du 18 avril 2000, tenant en deux lignes, pour préciser le point de départ des délais éventuellement ouverts par les notifications diverses prévues par le statut. Cette intervention a été nécessitée par un arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 1998 qui, fixant à la date de remise effective de la lettre recommandée avec demande d’accusé de réception ce point de départ, rendait techniquement impossible la tenue régulière des assemblées générales.

Il est alors mal venu de reprocher aux Juges d’avoir rempli une mission qui leur avait été confiée dans de telles conditions. L’absence dans le texte d’une conception fondamentale de la copropriété les laissait, tels des soldats sans azimut, privés d’une ligne directrice. On a trop oublié l’extrême richesse des travaux parlementaires qui pouvaient, au même titre que certains travaux doctrinaux, constituer un guide de réflexion. Dans de nombreux cas l’esprit clairement exprimé de la loi a été négligé voire occulté, sans que la maladresse de sa lettre puisse être mise en cause. Plus perturbant encore est le sentiment profond que, dans ces jeux de juristes, les communautés immobilières ont été totalement oubliées. L’harmonie de leur fonctionnement et  des relations entre leurs membres était la raison d’être du statut. Cette vérité première n’a pas toujours inspiré les travaux prétoriens.

La copropriété et l’ordre public

Le statut de la copropriété est, à un double titre, d’ordre public. D’une part, en vertu de l’alinéa premier de l’article 1 de la loi, il s’applique impérativement à tous les immeubles situés sur le territoire français présentant les caractéristiques qu’il énonce. D’autre part en vertu de l’article 43 qui répute non écrites toutes clauses [du règlement de copropriété] contraires aux dispositions des articles  6 à 37, 42 et 46 et celles du règlement d’administration publique prises pour leur application (rédaction actuelle).

Le statut nouveau avait vocation à s’appliquer d’une part à un parc immobilier existant, régi par des dispositions conventionnelles issues d’une pratique souvent ancienne, que par celles, supplétives, de la loi du 28 juin 1938, d’autre part aux immeubles futurs. Le souci du législateur était l’uniformisation d’un certain nombre de règles. Il a commis l’erreur de ne prévoir aucun régime transitoire pour le parc existant. La situation a été aggravée par l’incertitude qui a entouré pendant deux années les modalités de l’entrée en vigueur du statut, suspendue à la publication du décret d’application. L’application des nouvelles dispositions, en ce qu’elles concernaient l’organisation et les procédures de gestion collective ne posait pas de problèmes fondamentaux.

Il n’en était pas de même pour le statut des lots, et celui, corrélatif, des droits et obligations de leurs propriétaires. L’ordre public proclamé était ici protecteur de leurs intérêts communs réputés tels. Il avait pour but, exprimé dans l’exposé des motifs du projet de loi et répété tout au long des débats parlementaires, d’éliminer les clauses léonines imposées dans les immeubles récents (à l’époque), par des promoteurs abusifs, et, dans les immeubles plus anciens, celles maintenant des pratiques issues d’usages anciens, souvent tombés en désuétude par la seule force de l’évolution des mœurs. Soucieux de conserver aux copropriétaires le sentiment d’être propriétaires, et de maintenir un constant équilibre entre les droits individuels fondamentaux et les obligations liées à l’organisation collective, le législateur n’avait ni proclamé le caractère discrétionnaire du droit sur la partie privative, ni voué à un total anéantissement l’ensemble des clauses des règlements de copropriété qui avaient pour objet d’assurer l’harmonie des modalités d’occupation des immeubles et la tranquillité de leurs usagers, fussent-ils de simples locataires. De même que le droit de propriété, le droit de copropriété pouvait être absolu, exclusif, sacré même, il n’en trouvait pas moins sa limite dans l’organisation disciplinaire de la convention sociale. Cette organisation disciplinaire, occasionnelle contrainte pour certains, demeurait pour la majorité des copropriétaires une garantie de la qualité de leur bien.

Force est de constater que c’est au détriment de ces communautés que le texte a été appliqué par la Cour de Cassation. Conjuguée avec une interprétation rigoureuse de l’article 8 alinéa 2, qui interdit toute restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, la mise à néant de clauses disciplinaires parfaitement raisonnables, a semé la perturbation dans maints immeubles. Bailleurs abusifs et découpeurs d’immeubles ont été  les principaux bénéficiaires de cette jurisprudence.. Le professeur Lombois avait exprimé dès 1966 la synthèse des remarques formulées à propos de la destination de l’immeuble: la destination, c’est un accord unanime des copropriétaires sur le genre d’habitation que doit offrir l’immeuble. Elle tisse un lien continu entre le passé et le présent : elle doit permettre de dire  quel immeuble feraient les copropriétaires s’ils le construisaient aujourd’hui avec leur mentalité d’hier… ; elle  est le point de référence fixe qui permet de bouger sans cesser de savoir où l’on va. Cette conception de la destination ne permettait ni la division anarchique des lots, ni l’installation de restaurants dans les locaux inadaptés de boutiques tranquilles, au nom d’une prétendue liberté de disposer qui ne pouvait être confondue avec la protection légitime des minoritaires contre d’éventuels abus majoritaires.

Ces dérives sont fréquemment accompagnées d’une discrimination sociale dont on ne trouve pas trace dans les travaux parlementaires. Telle clause du règlement,  validée pour un immeuble luxueux, situé dans un environnement, constitué d’appartements spacieux, se trouve gommée dans un immeuble modeste d’un quartier moins flatteur. Il est vrai que la destination, à défaut de précisions suffisantes dans le règlement de copropriété, peut être déterminée par les caractères ou la situation de l’immeuble. Ces critères doivent être pris en considération sans pouvoir porter atteinte au genre d’habitation que doit offrir l’immeuble, et à raison duquel les copropriétaires en place ont acquis leurs lots.

L’autorisation au syndic d’agir en justice

Un autre exemple est la construction prétorienne élaborée au sujet des actions en justice du syndicat. Les parlementaires se sont réservé la définition des pouvoirs du syndic. Pour les actions judiciaires l’article L 15 énonce que le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble, et dans l’article L 18  que le syndic représente le syndicat en justice. On a donc reproché aux auteurs du décret d’avoir réduit l’étendue de ses pouvoirs en édictant en  l’article D 55 que: le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale. On répond que  le pouvoir réglementaire a ainsi tenté de remédier aux lacunes de la loi, que par exceptions au principe énoncé, des pouvoirs propres ont été reconnus au syndic (recouvrement des créances syndicales, mise en œuvre des voies d’exécution forcée, mesures conservatoires, demandes relevant du juge des référés) auxquels il faut ajouter la représentation du syndicat défendeur. Dans tous les autres cas le syndicat demandeur doit autoriser le syndic à agir en justice. Cette terminologie implique que le syndic est impétrant, toujours initiateur de la procédure, alors que la décisions de l’assemblée constitue souvent une décision d’agir, accompagné d’une injonction au syndic de faire le nécessaire, plus qu’une autorisation.

Les controverses juridiques relatives aux actions judiciaires exercées par les personnes morales sont anciennes : propriété et exercice de l’action, capacité et qualité pour agir, nullité ou non de l’exploit introductif d’instance, personnes susceptibles de soulever une exception tirée de l’irrégularité, pour s’en tenir aux plus importantes questions, ont été l’objet d’une abondante littérature. En l’espèce il était nécessaire de donner qualité au syndicat pour l’ensemble des actions communes. Il exerce alors des actions incluses dans sa fonction institutionnelle mais également des actions indivises lorsqu’il agit pour la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble Il était opportun de préciser que le mandat social du syndic, représentant légal du syndicat, s’étendait à la représentation judiciaire, ce qui a été fait. Il était nécessaire de préciser les actions pouvant, et dans la plupart des cas, devant, être engagées par le syndic seul dans le cadre de l’administration courante, et les conditions dans lesquelles le syndicat pouvait prendre la décision d’engager d’autres actions, toute décision s’accompagnant implicitement de la collation au syndic des pouvoirs et qualités correspondants. Il convenait enfin de préciser, comme en matière de travaux, les mesures relatives aux cas d’urgence nécessitant une procédure au fond. Le conseil syndical pouvait être associé à cette construction juridique, à l’occasion de la généralisation de son institution et de la définition plus précise de ses pouvoirs et moyens d’action par la loi du 31 décembre 1985. Tout ceci n’a pas été fait. L’article 55 du décret d’application, nonobstant son aspect restrictif, a comblé une brèche du statut. La jurisprudence en a fait contre les syndicats un usage redoutable  pour le plus grand profit, en général, de défendeurs nantis.

La Cour de Cassation a ajouté au texte des conditions et modalités dont l’exploitation rigoureuse aboutit à la paralysie du syndicat dans l’exercice légitime de son accès au Droit. Cette situation génère des conséquences matérielles et financières parfois dramatiques. Ces exigences procédurales sorties du néant ont trait pour l’essentiel à la nécessité de faire figurer dans l’autorisation l’identification des personnes à mettre en cause et la définition minutieuse des demandes à formuler. S’agissant des actions en responsabilité contre des constructeurs ou entrepreneurs, la décision  doit énoncer de manière détaillée les dégradations ou dommages allégués. La mise en cause de nouveaux défendeurs, la découverte de nouvelles dégradations imposent une nouvelle autorisation, donc la convocation d’une nouvelle assemblée. Une autorisation principale ou complémentaire a posteriori (ratification de l’action engagée) est tolérée sous réserve qu’elle soit antérieure à l’expiration du délai éventuel de prescription de l’action. Une autorisation préventive est sans valeur.

L’expérience montre que le contrôle par les membres des personnes morales de l’exercice des actions sociales a pour principale raison d’être le souci d’éviter les risques liés à des initiatives malheureuses de leurs mandataires sociaux  Hormis le défaut de qualité de la personne se présentant en demande comme représentant légal ou l’existence connue d’une décision collective refusant expressément d’engager l’action, les défendeurs doivent être privés de la faculté de se prévaloir des conditions dans lesquelles l’action a pu être engagée à leur encontre.

En l’état actuel de l’évolution jurisprudentielle le défaut d’autorisation peut être invoqué par tout défendeur, copropriétaire ou non. Il s’entend de son absence pure et simple, l’assemblée n’ayant pas été saisie, mais également de son insuffisance, arbitrairement appréciée par le Juge, en l’absence de tout critère légal. Suprême subtilité : l’irrégularité d’une autorisation suffisante  peut être soulevée par un copropriétaire, défendeur ou non. Elle ne peut l’être par un défendeur non copropriétaire. En effet l’irrégularité de l’autorisation ne peut trouver sa source que dans son annulation consécutive à une infraction aux règles relatives à la convocation ou à la tenue de l’assemblée. Or cette action en nullité n’est ouverte qu’aux seuls copropriétaires.

Ces solutions jurisprudentielles sont le fruit d’une lente et progressive élaboration. La lenteur des expertises techniques et des procédures fait que des décisions d’autorisation qui auraient été considérées suffisantes à leur date, sont invalidées lorsque l’instance vient, plusieurs années après devant la juridiction du fond. Peu importe que leur validité ait été reconnue par le juge de la mise en état, puis par la Cour d’appel sur le recours exercé contre son ordonnance. Le syndicat demandeur se trouve débouté et, le cas échéant, condamné à restituer des provisions allouées en cours d’expertise, pour l’exécution de travaux urgents rendus nécessaires par des malfaçons dont la réalité n’est pas même contestée. Les constructeurs et leurs d’assureurs sont alors les heureux bénéficiaires d’une jurisprudence qui n’a peut être pas encore trouvé ses limites. Sa rigueur est absolue. L’approbation de l’action du syndic à l’occasion des comptes rendus présentes à l’occasion de chaque assemblée, en vertu du dernier alinéa de l’article 55 (décret du 9 juin 1986), ne peut suppléer ni au « défaut » ni même à l’insuffisance de l’autorisation.

S’agissant du contenu de l’autorisation, la Cour de Cassation a purement et simplement ajouté aux dispositions du statut, sans nécessité sérieuse. La possibilité donnée au défendeur non copropriétaire de soulever une exception de ce chef est dépourvue de tout fondement. Le droit de la construction impose, certes, de préciser les dégradations et vices allégués à l’encontre du constructeur. Cette obligation ne concerne que l'exploit introductif d’instance. Il est normal que le défendeur sache ce qu’on lui reproche. Mais il est parfaitement concevable qu’une autorisation générale soit donnée au syndic, à charge pour lui et les Conseils du syndicat, avocat et architecte, de recueillir et exploiter les éléments nécessaires à la régularité de la procédure.

Quant à la nullité de toute autorisation préventive, elle interdit au syndic toute intervention d’ordre disciplinaire réellement efficace alors qu’il est chargé de faire assurer le respect du règlement de copropriété. Il est évident qu’il ne peut à l’occasion de chaque incident convoquer les copropriétaires en assemblée générale.

 

L’action en nullité de la répartition des charges

 

Une autre intervention « législative » de la Cour de Cassation est l’action en nullité de la répartition des charges, venue pat initiative prétorienne se joindre à l’action en révision prévue par la loi, mais dont l’exercice est limitée dans le temps. S’appliquant à l’ensemble des charges visées à l’article L 10, l’action en nullité de la répartition des charges est considérée, dans le dernier état de la jurisprudence, comme imprescriptible. Elle est fondée en effet sur l’article L 43 de la loi réputant non écrite toute clause contraire au statut.

Peut-on considérer comme création ex nihilo une action qui repose bien sur un texte législatif ? Soucieux de redresser certaines répartitions antérieures lésionnaires, le législateur a prévu une procédure de révision. Il n’avait pas l’intention d’organiser d’autres redressements. La qualité des intervenants aux débats parlementaires ne laisse pas place à l’hypothèse d’un oubli sur un point qui était déjà visé par le projet de loi. Un bref retour dans le temps est ici nécessaire.

Il existe à cette époque un parc d’immeubles en copropriété constitué d’immeubles anciens de type classique divisés avant ou immédiatement après la Guerre. Il faut y ajouter les premières constructions en copropriété effectuées après 1950. Les régimes juridiques sont divers, tenant ou non compte des dispositions de la loi du 28 juin 1938. Les équipements et services collectifs sont limités au chauffage central, à la production d’eau chaude, aux ascenseurs, et au gardiennage. Les charges sont réparties en fonction des quotes-parts de parties communes. Le critère de l’utilité est rarement utilisé pour les services.. La structure homogène des immeubles n’en justifie d’ailleurs pas la nécessité sauf pour l’ascenseur, considéré comme une partie commune dont l’existence contribue au standing de l’immeuble et valorise tous les lots, y compris ceux du rez de chaussée. La loi de 1938 disposait que dans le silence ou la contradiction des titres, les droits et  les charges des parties communes se répartissent proportionnellement aux valeurs respectives des fractions divises de l’immeuble eu égard à leur étendue et à leur situation.  Le nouveau statut vient brutalement bouleverser cette organisation traditionnelle.

On put citer quelques cas d’application de l’action en nullité de la  répartition des charges :

L’annulation de la clause exonérant un lot transitoire de construction de toute contribution aux charges. Cette clause était visée sans nul doute par les auteurs du projet de loi mais dans ces cas la répartition n’est pas été modifiée. C’est l’exception du promoteur assigné en paiement de sa quote-part des charges qui est rejetée

L’exonération de l’obligation de payer des charges pour des parties communes sur lesquelles le copropriétaire n’a aucun droit [3]

La corrélation stricte entre la répartition des charges de conservation et les quotes-parts de parties communes est écartée lorsqu’il est établi que, conformément à la loi de 1938, la destination du lot avait été prise en compte pour le calcul de la quote-part des parties communes. L’intangibilité de celle ci exige alors l’établissement d’une échelle de répartition spécifique.

Pour ce qui est de la répartition des charges afférentes aux services collectifs et éléments d’équipement commun,  l’action peut tendre à l’exonération de toute contribution aux frais d’un service ne présentant aucune utilité pour le lot. On admet généralement qu’elle peut également viser une répartition ne comportant aucun coefficient d’utilité, en particulier le coefficient d’étage pour les ascenseurs.

Dans tous ces cas, on peut mettre en cause la légèreté avec laquelle le législateur lui même a traité le par immobilier ancien. C’est donc avant tout le caractère imprescriptible de l’action en nullité qui apparaît comme une création d’ordre législatif. S’agissant d’immeubles antérieurs au nouveau statut, on ne peut admettre avec la Cour de Cassation que la clause déclarée non écrite doit être considérée comme n’ayant jamais existé.. On peut admettre que les syndicats de copropriétaires avaient une obligation de mise en conformité des règlements de copropriété avec les nouvelles dispositions en ce qui concerne au moins certains principes s’appliquant à la répartition des charges. C’est en fait la carence du syndicat qui est sanctionnée. On peut regretter que le législateur de 1965 n’ait pas fixé une période transitoire à cet effet, ainsi que les modalités d’une telle mise en conformité. Quoiqu’il en soit, la possibilité laissée à tout copropriétaire, à perpétuité, de remettre en cause la répartition des charges est contraire à la nécessaire stabilité de l’institution.

 

Le compte séparé du syndicat

 

Nous terminerons ce bref examen par  les invraisemblables errements relatifs au compte séparé du syndicat. Il demeure d’actualité malgré la réforme qui vient d’être introduite par la loi Solidarité et Renouvellement Urbains définitivement adoptée le 21 novembre 2000 (sous réserve d’un recours devant le Conseil Constitutionnel). Elle pose pour l’avenir le principe de la gestion financière par compte séparé, sauf décision contraire de l’assemblée, mais les instances en cours demeurent pendantes.

La proposition de loi du 22 novembre 1984  a trouvé son aboutissement dans la loi du 31 décembre 1985 dite loi Bonnemaiosn. Elle comportait l’obligation absolue pour les syndics professionnels de déposer les fonds détenus pour chaque syndicat sur un compte bancaire ou postal ouvert au nom du syndicat concerné. C’est le compte séparé. Cette proposition provoqua de vives réactions chez les professionnels. On fit valoir de part et d’autre les avantages et inconvénients du mécanisme proposé. Il est présomptueux de prétendre que les arguments des professionnels furent, seuls, pris en considération. L’évidente nécessité d’une augmentation générale des « fonds de roulement » qu’imposait la gestion par compte séparé fut, en partie, à l’origine de la modification du projet. Preuve en est qu’on songea dans un premier temps à maintenir le principe tout en permettant à l’assemblée d’adopter une solution contraire, solution finalement adoptée par la réforme récente. Le Sénat adopta une solution inverse en accordant à l’assemblée générale la possibilité de demander l’ouverture d’un compte séparé  Finalement la loi Bonnemaison ajouta à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant les obligations du syndic,  la disposition que nous rappelons dans son intégralité

« de soumettre au vote de l’assemblée générale, lors de sa première désignation et au moins tous les trois ans, la décision d’ouvrir ou non un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat sur lequel seront versées toutes les sommes ou valeurs reçues par ce dernier. Cette décision est prise par la majorité mentionnée à l’article 25 de la présente loi.. Le syndic dispose d’un délai de six mois pour exécuter la décision de l’assemblée générale lorsqu’elle a pour effet de modifier les modalités de dépôt des fonds du syndicat. Faute par le syndic de faire délibérer l’assemblée sur l’ouverture ou non d’un compte séparé dans les conditions ci dessus définies, son mandat est nul de plein droit ; toutefois les actes qu’il aurait passés avec  les tiers de bonne foi demeurent valables »

L’assemblée générale est donc appelée à voter sur l’ouverture ou non d’un compte séparé. La nécessité de voter le maintien d’un compte séparé déjà ouvert n’est pas prévue, moins encore celle de voter sa clôture et le retour au mécanisme du compte unique. Les intentions claires de l’auteur du projet de loi, les travaux parlementaires et le texte lui-même, bien que maladroit, imposent une interprétation précise : si les fonds du syndicat sont gérés par compte unique, l’assemblée doit être invitée à délibérer sur l’ouverture ou non d’un compte séparé, soit à l’occasion de la désignation d’un nouveau syndic, soit ensuite au moins tous les trois ans tant que l’ouverture n’a pas été décidée. La consultation trisannuelle n’est pas obligatoire lorsque le compte séparé est ouvert. Même solution en cas de nouvelle désignation du syndic mais dans la pratique les modalités de gestion financière sont stipulées lors de la nomination dans le « contrat de syndic ». Cette interprétation n’exclue nullement la possibilité pour le syndicat, à tout moment, de reconsidérer sa position en décidant l’ouverture d’un compte séparé ou la clôture d’un compte ouvert avec retour au mécanisme du compte unique.

Les opposants systématiques, plaideurs malicieux, tentèrent de tirer parti de la rédaction maladroite du texte et de faire valoir que, nonobstant l’existence effective du compte séparé, la consultation trisannuelle demeurait obligatoire. Ces tentatives ont été couronnées de succès. Dès le 10 février 1987 la Cour d’Appel de Paris a juge que l’assemblée devait être invitée à délibérer nonobstant l’existence d’un compte séparé afin de pouvoir en décider la suppression. La 8e chambre de la même Cour adopte une position contraire en deux arrêts des 21 février et 26 mars 1992.  La Cour de Cassation a condamné cette dernière interprétation par deux arrêts du 15 décembre 1993 et du 6 juillet 1994 et cette jurisprudence est demeurée constante. En dernier, l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation a maintenu avec force sa position par un arrêt du 27 novembre 1998. Le syndicat doit délibérer sur l’ouverture ou non d’un compte séparé alors même que ce compte existe, tant à l’occasion de la première désignation du, syndic qu’ensuite tous les trois ans. La sanction est la nullité de plein droit de la nomination du syndic ou du renouvellement de son mandat. L’examen de l’excellent rapport du Conseiller rapporteur laisse penser que la Cour de Cassation a fondé sa décision sur le souci exprimé lors des débats parlementaires de permettre aux copropriétaires de revenir sur une décision d’ouverture à l’occasion de la saisine trisannuelle. L’argument est sans valeur puisque le syndicat pouvait parfaitement porter à l’ordre du jour, à tout moment et si bon lui semblait, la clôture du compte séparé et la retour à la gestion par compte unique.

L’application stricte du texte d’ailleurs est poussée à son comble : lors de la désignation d’un nouveau syndic, la mention dans le contrat de syndic, proposé et adopté, de la gestion des fonds par utilisation d’un compte séparé ouvert antérieurement ne satisfait pas à l’exigence légale qui impose un vote spécifique exclusivement consacré à la résolution d’ouvrir ou non un compte séparé !

On connaît les conséquences dramatiques de cette jurisprudence que l’on peut qualifier de perverses sans manquer au respect dû à la Haute Juridiction. Les praticiens les ont dénoncées et certaines juridictions manifestent ouvertement le regret qu’elles ont de devoir s’y conformer. La nullité du mandat du syndic est prononcée plusieurs années après l’assemblée de désignation ou de renouvellement. Il n’a pas qualité pour convoquer une nouvelle assemblée. Il est nécessaire de faire désigner un mandataire de justice pour convoquer une nouvelle assemblée. Les assemblées qui ont eu lieu pendant cette période sont nulles et la validité des actes passés avec des tiers de bonne foi ne peut suffire à remédier aux inconvénients d’une telle situation. Il est facile de répondre que les syndics n’avaient qu’à appliquer aveuglément le texte ! Pendant plusieurs années, en présence de décisions contradictoires, ils ont été fondés à penser que l’existence effective d’un compte séparé les dispensait de saisir de cette question des syndicats qui ne demandaient rien.

Les juges ont, ici encore, ajouté à un texte législatif qui se présente comme une disposition transactionnelle entre le souci d’informer les copropriétaires de l’existence d’un mécanisme de gestion financière autre que le compte unique et celui de ne pas imposer une mesure dirigiste que les praticiens et nombre de copropriétaires réprouvaient. On a montré que le texte n’imposait nullement cette interprétation dont les conséquences pratiques lèsent les intérêts élémentaires des syndicats.

La question du compte unique vient d’être relancée indirectement par une décision récente de la 8e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris. On a reproché au système du compte unique d’ouvrir au syndic la possibilité de percevoir de la banque une rémunération des fonds déposés. Le souci de la transparence nécessaire des rapports entre les syndics professionnels et leurs mandants a conduit à insérer dans les contrats de gestion une clause précisant la faculté de percevoir cette rémunération, dont on admet qu’elle a pour contrepartie une minoration des honoraires. Il est conseillé de la réitérer dans la résolution relative au mécanisme adopté, soumise au vote de l’assemblée.

Se fondant sur un avis de la Commission des clauses abusives le Tribunal, à la requête d’une association de consommateurs, a prononcé la nullité d’une telle clause figurant dans un contrat de syndic et ordonné sa suppression sous astreinte. Sans méconnaître la réalité du problème posé par la rémunération des fonds, et l’évidente nécessité de lui apporter une solution définitive, on doit constater qu’ici encore les juges se sont posé en législateurs dirigistes, ravalant les copropriétaires décideurs au rang d’incapables majeurs.

 

On demeure perplexe en présence de ces manifestations apparentes d’une condescendance méprisante à l’égard des copropriétaires, car on ne peut croire à la réelle existence d’un tel sentiment dans les Juridictions. On peut par contre se demander si les juristes, comme les médecins, ne finissent pas par oublier que derrière chaque dossier, chaque pathologie, il y a des hommes. Dans ces deux branches, caractérisées par la compétence et le dévouement des praticiens, l’œuvre trouve trop souvent sa perfection dans la greffe réussie et l’exquise exégèse. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

24/01/2012

 

 

 

 

 



[1] Dany Cohen La Cour de cassation et la séparation des autorités administrative et judiciaire  Ed. Economica Paris 1987

[2] Loyers et copropriété mai 2000Repères

[3] Cass civ 3 17/10/1979 Adm janvier 1980 37 note Guillot ; CA Paris 24/06/1981AJPI 1982 99 note Bouyeure