Action en constatation d’inexistence de décisions de l’assemblée générale

 

 

Le contentieux de la contestation des décisions prises par les assemblées générales est fondé avant tout sur les dispositions de l’article L 42 alinéa 2. Il s’agit alors d’obtenir l’annulation d’une ou plusieurs décisions parce qu’une règle de forme ou de fond n’a pas été respectée..

Il est parfois fondé sur les dispositions du Code civil relatives aux vices du consentement. Un copropriétaire a voté en faveur d’une résolution qui a été finalement adoptée. Il fait valoir que son consentement, - ici son vote -, a été affecté par l’un des vices reconnus : erreur, violence, dol, voire lésion.

Il en va de même quand la preuve d’une fraude ou d’un abus de droit, - ici abus de majorité -, peut être apportée.

 

Le contentieux des décisions d’assemblées a de plus emprunté au droit commun sa théorie de l’inexistence des actes juridiques, fondée sur l’absence d’un élément fondamental de l’acte. Celui ci est annulé quand il y a  eu vice du consentement. Il est déclaré inexistant s’il n’y a pas eu de consentement du tout.[1]

La distinction est importante car la demande en constatation d’inexistence de l’acte n’est pas assujettie à certaines conditions que doit remplir une demande en nullité. L’un des principaux avantages est d’écarter la prescription quinquennale attachée aux nullités relatives.

Nous verrons plus loin que, de la même manière, l’intérêt, en matière de copropriété, est d’écarter le délai de deux mois prévu par l’article L 42 alinéa 2.

 

Les premières tentatives de contestation fondées sur l’inexistence d’une décision d’assemblée générale se sont heurtées à une difficulté inattendue. Ainsi la 23e Chambre B de la Cour d’appel de Paris a-t-elle tiré de l’inexistence d’une décision d’aliéner une partie commune n’ayant pas été adoptée à la double majorité de l’article L 26, la conclusion qu’il n’était pas nécessaire de la contester !

Les réserves des commentateurs étaient justifiées puisqu’il est admis que toute résolution adoptée par l’assemblée est une décision, même si elle est affectée par des irrégularités.[2]

 

Il était donc nécessaire de trouver une solution satisfaisante dans le cas particulier où une décision d’assemblée portait atteinte du droit de disposition d’un copropriétaire sur sa partie privative ou à la nécessité d’une décision unanime pour l’aliénation d’une partie commune indispensable au respect de la destination de l’immeuble.

Plus généralement il y inexistence de toute décision prise par l’assemblée sur un point qui n’entre pas dans son domaine de compétence.

 

Nous sortons du cadre des droits fondamentaux en relevant qu’une décision de déléguer au conseil syndical la désignation du syndic est déclarée inopérante[3] et qu’une assemblée affectée par des irrégularités majeures doit être considérée comme inexistante en tant qu’assemblée.[4]  Dans ces cas l’introduction de l’action n’est pas assujettie au délai prévu par l’article L 42 alinéa 2.

 

Dans le cas particulier des décisions n’ayant pas été adoptées à la majorité requise, la controverse a été vive entre les deux formations A et B de la 23e Chambre de la Cour d’appel de Paris. La Cour de cassation a décidé par arrêt du 2 février 1994 que la décision d’autoriser l’exercice d’un commerce dans un local d’habitation prise à la majorité relative était une décision soumise à l’article L 42 alinéa 2 [5]

C’est le souci d’éviter le couperet de ce texte qui a conduit les demandeurs à invoquer avec succès l’inexistence de l’assemblée lorsqu’ils n’avaient pas été convoqués à une assemblée générale.[6] Il est vrai que dans ce cas on revenait aux principes fondateurs du droit des assemblées.

Les juridictions du fond ont suivi ce courant en déclarant inexistantes des assemblées ou des décisions, notamment dans le cas classique d’excès de pouvoir. On a fait valoir à nouveau que ces décisions aboutissaient à une impossibilité de recours préjudiciable au demandeur. On peut pourtant prétendre que la reconnaissance judiciaire de l’inexistence d’une décision entraîne au moins son inopposabilité au demandeur triomphant.

 

Sur ces difficultés, l’arrêt rendu le 16 mars 2005 par la 19e chambre de la Cour d’appel de Paris apporte un éclairage nouveau.[7]

Il concerne une décision prise par l’assemblée alors qu’elle ne figurait pas à l’ordre du jour. La Cour d’appel constate l’inexistence de la décision et admet la recevabilité de la contestation engagée après expiration du délai de deux mois, alors même que le procès-verbal mentionnait que la décision avait été prise à l’unanimité.

 

Abstraction faite de l’espèce relatée, dont il faudrait connaître tous les éléments de droit et de fait, on peut se demander précisément si une décision réellement unanime peut permettre une contestation ultérieure tendant à faire reconnaître son inexistence.

 

Un autre arrêt de la 19e Chambre rendu le 6 avril 2005 (même référence), tout en rejetant la demande introduite, précise que « le copropriétaire qui soulève l’inexistence juridique d’assemblées générales forme une demande autonome, distincte de celle prévue par [l’article 42 alinéa 2]. Il doit en particulier prouver que les assemblées dont s’agit sont affectées de vices gravissimes de forme ou de fond. La démonstration d’une simple irrégularité est ici insuffisante. »

 

L’inexistence juridique des assemblées et/ou de leurs décisions reste placée sous les feux de l’actualité. Compte tenu de l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation vers un retour à l’application généralisée du délai de l’article L 42 alinéa 2, il est vraisemblable que l’inexistence sera plus souvent invoquée.

Il est souhaitable, pour la sécurité juridique des syndicats, que les Juges n’en admettent l’utilisation que pour des « vices gravissimes ».

 

 

 

 

 

Mise à jour

16/04/2006

 

 



[1] Cass. civ. 1e 18/07/1967 Bull. civ. 1967 I 268 ; 10/06/1986 RTDC 1987 535 note Mestre.

[2] CA Paris 23e B 11/10/1991 Loyers et copropriété décembre 1991 483

[3] CA Paris 23e B 02/06/1988 Loyers et copropriété 1988 353

[4] CA Dijon 15/01/1996 d 1997 somm p. 12 note Atias

[5] Cass. civ. 3e 02/02/1994 n° 91-12676

[6] Cass. civ. 3e 22/06/1994 JCP N 1994 II 336

[7] CA Paris 19e 16/03/2005 Loyers et copropriété juillet 2005 141