Droit de préemption de la commune en cas de cession de fonds de commerce ou de bail commercial et statut de la copropriété

 

 

I.      article 58 de la loi du 2 août 2005

II.    articles l 213-4 à 213-7  du code de l’urbanisme

III.  rapport de la commission des affaires économiques

IV.    droit de préemption et statut de la copropriété

 

 

L’article 58 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a créé un droit de préemption au profit des communes sur les cessions de fonds de commerce et de baux commerciaux. Cette mesure a pour but de facilité la sauvegarde de la diversité des activités commerciales dans certaines zones envahies par des activités identiques soit en raison d’un phénomène de mode, soit en raison d’opérations concertées de groupes importants.

Nous reproduisons ci dessous

·        les dispositions de la loi

·        les dispositions des articles L 213-4 à 213-7 du Code de l’urbanisme auxquelles elle renvoie au sujet du mécanisme de la préemption

·        le rapport de MM. Poignant et Chatel au nom de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, enregistré le 29 juin 2005.

Nous évoquons enfin les problèmes qui pourront apparaître lorsque le droit de préemption sera exercée sur un fonds de commerce exploité dans un immeuble en copropriété ou sur le bail commercial d’un lot de copropriété.

 

I.               article 58 de la loi du 2 août 2005

 

Article 58

 

I. - Le chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'urbanisme est ainsi rétabli :

 

« Chapitre IV

 

« Droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux

 

« Art. L. 214-1. - Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux.

« Chaque cession est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune. Cette déclaration précise le prix et les conditions de la cession.

« Le droit de préemption est exercé selon les modalités prévues par les articles L. 213-4 à L. 213-7. Le silence de la commune pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Le cédant peut alors réaliser la vente aux prix et conditions figurant dans sa déclaration.

« L'action en nullité se prescrit par cinq ans à compter de la prise d'effet de la cession.

« Art. L. 214-2. - La commune doit, dans le délai d'un an à compter de la prise d'effet de la cession, rétrocéder le fonds artisanal, le fonds de commerce ou le bail commercial à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, en vue d'une exploitation destinée à préserver la diversité de l'activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné. L'acte de rétrocession prévoit les conditions dans lesquelles il peut être résilié en cas d'inexécution par le cessionnaire du cahier des charges.

« L'acte de rétrocession d'un fonds de commerce est effectué dans le respect des conditions fixées par les dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de commerce.

« La rétrocession d'un bail commercial est subordonnée, à peine de nullité, à l'accord préalable du bailleur. Cet accord figure dans l'acte de rétrocession.

« Art. L. 214-3. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application des dispositions du présent chapitre. »

 

II. - Le II de l'article L. 145-2 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles ne sont également pas applicables, pendant la période d'un an mentionnée au premier alinéa de l'article L. 214-2 du code de l'urbanisme, aux fonds artisanaux, aux fonds de commerce ou aux baux commerciaux préemptés en application de l'article L. 214-1 du même code. »

 

III. - L'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales est complété par un 21° ainsi rédigé :

« 21° D'exercer, au nom de la commune et dans les conditions fixées par le conseil municipal, le droit de préemption défini par l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme. »

 

II.             articles l 213-4 à 213-7  du code de l’urbanisme

 

Article L 213-4


   A défaut d'accord amiable, le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi.

   Lorsqu'il est fait application de l'article L. 213-2-1, le prix d'acquisition fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation tient compte de l'éventuelle dépréciation subie, du fait de la préemption partielle, par la fraction restante de l'unité foncière.

   Le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d'expropriation. Toutefois, dans ce cas :

   a) La date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols ou approuvant, modifiant ou révisant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

   En l'absence d'un tel document, cette date de référence est :

   - un an avant la publication de l'acte délimitant le périmètre provisoire de zone d'aménagement différé, lorsque le bien est situé dans un tel périmètre ou lorsque l'acte créant la zone est publié dans le délai de validité d'un périmètre provisoire ;

   - un an avant la publication de l'acte créant la zone d'aménagement différé ;

   b) Les améliorations, les transformations ou les changements d'affectation opérés par le propriétaire postérieurement à la date mentionnée au a) ci-dessus ne sont pas présumés revêtir un caractère spéculatif ;

   c) A défaut de transactions amiables constituant des références suffisantes pour l'évaluation du bien dans la même zone, il pourra être tenu compte des mutations et accords amiables intervenus pour des biens de même qualification situés dans des zones comparables.

   Lorsque la juridiction compétente en matière d'expropriation est appelée à fixer le prix d'un bien dont l'aliénation est envisagée sous forme de vente avec constitution de rente viagère, elle respecte les conditions de paiement proposées par le vendeur mais peut réviser le montant de cette rente et du capital éventuel.

 

Article L 213-4-1


   Lorsque la juridiction compétente en matière d'expropriation a été saisie dans les cas prévus aux articles L. 211-5, L. 211-6, L. 212-3 et L. 213-4, le titulaire du droit de préemption doit consigner une somme égale à 15 p. 100 de l'évaluation faite par le directeur des services fiscaux.


   La consignation s'opère au seul vu de l'acte par lequel la juridiction a été saisie et de l'évaluation du directeur des services fiscaux.


   A défaut de notification d'une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire dans le délai de trois mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice du droit de préemption.

 

Article L213-4-2


   La libération des fonds consignés en application de l'article L. 213-4-1 ne peut être effectuée que lorsque le titulaire du droit de préemption a renoncé à l'acquisition ou à l'exercice du droit de préemption ou après le transfert de propriété.

Article L213-5


   En cas de déclaration d'utilité publique, l'exercice du droit de préemption produit les mêmes effets que l'accord amiable en matière d'expropriation en ce qui concerne l'extinction des droits réels et personnels si le titulaire du droit de préemption est également le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique.

   En cas de déclaration d'utilité publique, la cession d'un bien au profit du bénéficiaire de cette déclaration n'est pas soumise au droit de préemption.

 

Article L213-6

 

   Lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L. 213-4.

Article L213-7

 

   A défaut d'accord sur le prix, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption, qui a manifesté son intention d'aliéner ledit bien, peut ultérieurement retirer son offre. De même, le titulaire du droit de préemption peut renoncer en cours de procédure à l'exercice de son droit à défaut d'accord sur le prix.

   En cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation. Le silence des parties dans ce délai vaut acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l'issue de ce délai, au profit du titulaire du droit de préemption.

 

III.           rapport de la commission des affaires économiques

 

Rapport à l’Assemblée nationale de MM. Poignant et Chatel pour la Commission des affaires économiques

29 juin 2005

 

Droit de préemption des communes
en vue de garantir la diversité de l'activité commerciale

La Commission a examiné deux amendements mis en discussion commune, l'un de M. François Brottes, l'autre du président Patrick Ollier, tendant à garantir la diversité de l'activité commerciale.

M. François Brottes a fait part de son intérêt pour les propos tenus par M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, au sujet de la nécessaire diversité des commerces de proximité.

Il a indiqué qu'il lui paraissait utile de donner aux maires, en concertation avec la Commission départementale d'équipement commercial, la possibilité d'encadrer les mutations commerciales dans les zones concernées, afin de favoriser le maintien des commerces de proximité. Il a estimé que le remplacement de ces commerces par des activités de service contraignait les habitants des zones concernées à se déplacer de plus en plus loin pour effectuer des achats courants.

Le président Patrick Ollier a estimé que le dispositif de l'amendement qu'il présentait permettrait de garantir de manière plus efficace la diversité des activités commerciales, dans la mesure où il offrait aux conseils municipaux la possibilité de délimiter des périmètres de sauvegarde au sein desquels ceux-ci pourraient exercer un droit de préemption en vue d'acquérir, non seulement des locaux, faculté dont les conseils municipaux disposent d'ores et déjà, mais aussi des baux commerciaux. Il a précisé que de telles acquisitions auraient pour objet d'installer des commerces concourant au maintien de la diversité commerciale.

M. François Brottes s'est félicité de ce que la préservation de la diversité commerciale soit un objectif partagé par tous les groupes politiques, mais a estimé que l'amendement présenté par le président Patrick Ollier soulevait deux difficultés, la première tenant aux moyens financiers nécessaires à l'acquisition de ces locaux ou de ses baux, moyens qui pourraient faire défaut aux collectivités concernées, la seconde concernant la nécessaire concertation avec les acteurs du secteur commercial. Il a ainsi regretté que l'amendement du président Patrick Ollier ne prévoie pas de concertation avec la Commission départementale d'équipement commercial.

M. Jean-Paul Charié s'est félicité de l'initiative du président Patrick Ollier dans la mesure où elle répond à une préoccupation importante dans certaines communes. Il a proposé, afin de surmonter les difficultés liées à un manque éventuel de moyens financiers dans les communes les plus petites, de déléguer ce droit de préemption aux chambres de commerce et d'industrie, qui en bénéficient déjà dans d'autres domaines.

M. Jérôme Bignon estimant que l'acquisition d'un bail commercial n'était pas détachable de l'acquisition d'un fond de commerce, et qu'être titulaire d'un bail commercial supposait également l'inscription au registre du commerce et des sociétés, a jugé intéressantes les propositions de M. Jean-Paul Charié.

Le président Patrick Ollier a alors précisé que la commune, si elle se portait acquéreur de locaux ou de baux commerciaux, n'avait pas vocation à en assurer la gestion, mais à revendre ces droits à un commerçant de son choix. Il a également indiqué que l'autorisation d'exploitation proposée par M. François Brottes lui paraissait une idée intéressante. Il a en outre estimé que la formalisation juridique du dispositif qu'il proposait pouvait être améliorée pour intégrer les améliorations suggérées et faire l'objet, s'il était adopté, de rectifications postérieures.

M. François Brottes a estimé que l'amendement qu'il présentait lui paraissait plus opérationnel.

M. Jean-Paul Charié a rappelé que l'article 39 du présent projet de loi prévoyait que pour la réalisation d'équipements commerciaux, les chambres de commerce et d'industrie se voyaient déléguer le droit de préemption urbain et pouvaient être titulaires ou délégataires du droit de préemption institué dans les zones d'aménagement différé. Il a estimé qu'elles pourraient également être délégataire de ce droit de préemption en matière de maintien de la diversité commerciale.

Après que le rapporteur eut indiqué qu'il émettait un avis favorable à l'amendement du président Patrick Ollier, M. Pierre Ducout a estimé que si le droit de préemption prévu dans le dispositif de cet amendement permettait que la commune soit destinataire de la déclaration d'intention d'aliéner, en revanche il importait de ne pas négliger les difficultés juridiques soulevées au cours des débats. Il a également indiqué que l'existence d'un tel droit pourrait servir d'instrument de persuasion et de dissuasion, même si les communes n'usaient pas finalement de cette faculté.

M. Jacques Bobe a indiqué qu'il partageait cette analyse, ainsi que celle de M. Jean-Paul Charié, et que ce droit de préemption serait un instrument utile aux communes.

M. Jérôme Bignon a estimé que le dispositif de cet amendement pourrait être amélioré sans difficultés d'un point de vue juridique, et qu'il était inopportun de renoncer à son principe.

Le président Patrick Ollier a alors estimé qu'il appartenait à la Commission d'exprimer son soutien à ce principe, et a invité les commissaires qui le souhaitaient à participer à l'amélioration de sa formulation juridique, afin qu'il puisse être adopté avant la réunion de la Commission mixte paritaire.

La Commission a alors rejeté l'amendement de M. François Brottes, et adopté l'amendement du président Patrick Ollier (amendement n° 144).

 

IV.          droit de préemption et statut de la copropriété

L’exercice par la commune de son droit de préemption en cas de cession de fonds de commerce ou de bail commercial est susceptible de générer des conflits si la destination envisagée par le conseil municipal n’est pas conforme à la destination de l’immeuble et aux clauses spécifiques du règlement de copropriété.

On a connu déjà ce genre de problèmes à propos des lots dévolus aux municipalités dans le cadre d’opérations de construction. Certaines d’entre elles prétendaient à un usage discrétionnaire de ces lots sans admettre l’obligation générale de respecter  la destination de l’immeuble.

La situation se présente sans doute différemment. Mais les maires devront veiller à confronter les vœux tendant à la diversification des activités aux cadres stricts de certains règlements de copropriété, pour éviter la contestation des décisions municipales.

Les syndicats de copropriétaires devront, quant à eux, veiller au grain en présence de tout projet de cession, si l’immeuble est situé dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité.

En cas de litige, il faudra  déterminer en premier lieu la juridiction à saisir. On se trouvera en présence d’un choix effectué par le conseil municipal et d’une opération de rétrocession fondée sur un texte du droit de l’urbanisme.

Dans certain cas, c’est la politique globale de la municipalité en matière de sauvegarde de la diversité qui sera en cause, avec les controverses que l’on connaît déjà dans bien des villes.

 

Il faut attendre le décret d’application pour en dire plus.

 

 

 

 

 

Mise à jour

22/06/2006