Les aménagements de l’article L 10-1
régime de la dispense au copropriétaire triomphant de contribuer aux frais de procédure

 

 

L'article 10-1 de la loi est ainsi rédigé :

Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, les frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, sont imputables à ce seul copropriétaire.

Le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige.

 

 

A la lecture de l'alinéa 2 on peut penser que la dispense de contribuer aux frais de procédure peut être accordée au copropriétaire triomphant contre le syndicat dans toutes les instances quelle que soit leur nature. Cette interprétation s’est répandue dans le public et chez certains professionnels.

Or les commentateurs s'accordent à dire qu'elle n'est possible que dans le cas d'une instance en recouvrement de charges. L'argument est que l'alinéa 2 vient à la suite de l'alinéa 1 qui ne traite que de ce genre d'instance.

Il fait pendant à l'alinéa 1 qui impute les frais de procédure au copropriétaire perdant et exonère le syndicat.

 

Comme souvent, il faut aller chercher dans les travaux parlementaires des éléments de réponse.

Le compte rendu n° 14 des travaux de la Commission de la production et des échanges réunie le 15 novembre 2000 [1] nous éclaire :

 

· Article 31 : Fonctionnement des copropriétés

 

La commission a adopté un amendement du rapporteur au deuxième alinéa de l'article 10-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, précisant que le copropriétaire poursuivi en justice par le syndicat pour obtenir le recouvrement d'une créance, sera dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure si, à l'issue de l'instance judiciaire l'opposant au syndicat, il voit sa prétention déclarée fondée par le juge.

 

Elle a également adopté un amendement du rapporteur rectifiant une erreur matérielle au premier alinéa du 1° ter de cet article, ainsi qu'un amendement de coordination du même auteur au second alinéa du 1° quinquies de cet article.

 

Il est donc bien certain que le copropriétaire triomphant du syndicat ne peut bénéficier d’une dispense de contribution aux frais de procédure que lorsqu’il s’agit d’une instance en recouvrement d’une créance.

 

Cette disposition dérogatoire appelle d’autres observations.

 

Elle ne peut bénéficier qu’a un copropriétaire initialement défendeur à une action en recouvrement. On doit alors admettre que le copropriétaire saisi d’un appel de fonds qu’il conteste ait intérêt à prendre l’initiative d’engager une procédure. Si sa contestation est partielle, il doit payer la somme non contestée. A défaut la demande du syndicat serait partiellement admise. De même se pose le problème d’une contestation qui exigerait une demande en annulation de l’assemblée à faire dans le délai de l’article 42 alinéa 2. On peut penser que, dans ce cas, l’article 10-1 ne trouverait pas application.

 

Elle ne lui interdit pas d’invoquer les dispositions de l’article 700 NCPC.

Il faut recommander la pratique d’une demande reconventionnelle en ce sens car on ne sait pas trop ce qu’il faut entendre par « frais de procédure » dans l’alinéa 2.

On peut comparer les pouvoirs d’appréciation laissés au Juge dans ces deux cas.

Selon l’article 700 NCPC : « Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. »

Selon l’article 10-1 :  « Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige. »

Dans les deux cas, le Juge peut pareillement statuer en fonction de l’équité. S’agissant de la situation économique, il doit tenir compte exclusivement de celle de la partie condamnée  dans le cas de l’article 700 NCPC, mais de celles des parties au litige dans le cas de l’article 10-1.

 

L’article 10-1 ne précise pas le mécanisme à utiliser pour son application pratique. Le copropriétaire triomphant est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat. La charge des frais de procédure, en cas d’application du texte, est répartie entre les autres copropriétaires.

Le mécanisme ne peut jouer qu’à l’issue de l’instance judiciaire. La décision est alors définitive et exécutoire.

Une dispense ne peut avoir d’effet que futur.

Il n’y a donc pas lieu de remanier des comptes antérieurs dans lesquels figureraient des « frais de procédure ». Il est seulement possible d’aller rechercher dans ces comptes les éléments d’un nouveau compte à établir entre les parties.

Les frais de procédure comportent avant tout les dépens de l’instance. De toute manière le compte des dépens n’est définitivement établi qu’après clôture définitive de l’instance, même si elle a fait l’objet de recours divers. L’article 695 NCPC en donne la liste :

« Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent :
1. Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou l'administration des impôts à l'exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l'appui des prétentions des parties ;

2. Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;

3. Les indemnités des témoins ;

4. La rémunération des techniciens ;

5. Les débours tarifés ;

6. Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;

7. La rémunération des avocats, dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;

8º Les frais occasionnés par la notification d'un acte à l'étranger ;

9º Les frais d'interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d'instruction effectuées à l'étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) nº 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et commerciale »

 

Le copropriétaire peut y ajouter les quotes-parts des dépenses communes liées à l’instance payées depuis le début du procès jusqu’à sa clôture. Il peut s’agir tout à la fois des frais de procédure au sens propre du terme ou d’honoraires des « partenaires » du syndicat. Comme il subsiste une incertitude sur le sort de ces dépenses (application de l’article 10-1 de la loi de 1965 ou de l’article 700 NCPC), la bonne solution est d’inclure sa demande à ce titre dans les deux rubriques en l’indiquant clairement. Il peut émettre une option ou s’en rapporter à Justice sur le régime à appliquer.

Au titre de l’article 700 NCPC, le copropriétaire peut faire valoir les honoraires de ses propres « partenaires » et, comme on l’a dit plus haut, avec la réserve exprimée, ceux des «  partenaires » du syndicat. Il peut ajouter, le cas échéant, des frais personnels dans la mesure ou ils sont susceptibles d’être admis.

 

Bien que la dispense présente, dans le texte, un caractère automatique, il nous semble opportun de formuler ces demandes dans les conclusions avec précision. Il est en effet nécessaire d’imposer au Juge de statuer sur les deux chefs de demande en précisant, le cas échéant, que la dispense porte également sur l’indemnité allouée au titre de l’article 700. A la réflexion, la mise en œuvre du dispositif n’est pas facile car il faut éviter les doublons.

 

Les montants finalement déterminés tant pour l’indemnité de l’article 700 que pour la dispense de l’article 10-1 doivent ensuite faire l’objet d’un traitement particulier par le syndic. Il est tenu d’établir une clé de répartition provisoire pour effectuer l’appel des fonds nécessaires en respectant la dispense. Ainsi l’article 10-1 présente la particularité de déroger à l’interdiction faite au syndic de créer des catégories de charges non prévues dans l’état de répartition visé par l’article premier du décret du 17 mars 1967. Le syndic doit veiller à la cohérence du traitement comptable de ces opérations.

Les sommes dues au copropriétaire triomphant sont immédiatement exigibles. L’appel de fonds doit donc être établi et diffusé dans un délai très bref.

 

Les observations qui précèdent montrent que la mise en œuvre des dispositions de l’article 10-1 est plus complexe qu’il n’y paraît à sa lecture. Il faut noter que les cas d’application seront assez peu nombreux.

 

 

 

 

Mise à jour

19/11/2005

 

 



[1] http://www.assemblee-nationale.fr/cr-cpro/00-01/c0001014.asp