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De PUCA à GRECCO

Conseil d’administration ou Conseil municipal ?

J’ai signalé l’engagement juridique de l’article 14-3 comme signe avant-coureur de la municipalisation des copropriétés. Nous y sommes.

 

S’agissant du statut de la copropriété, la loi a désormais pour objet primordial la réalisation de travaux d’économies d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, serait-ce au mépris des principes élémentaires de la conservation de l’immeuble et de l’organisation des travaux d’entretien.

On a du mal à s’y retrouver dans le maquis des financements énergétiques. Le fameux label RGE (reconnu garant de l’environnement) réserve de bien mauvaises surprises à ceux qui s’y fient. Les copropriétaires échaudés par les campagnes de mise aux normes pour les ascenseurs préfèrent décider des travaux classiques d’entretien comme les ravalements ou réparations de la couverture de l’immeuble.

Ils se trouvent à nouveau piégés par le décret n° 2016-711 du 30 mai 2016. Il crée, à compter du 1er janvier 2017, une obligation de mettre en œuvre une isolation thermique à l’occasion de gros travaux de rénovation de bâtiments :

- obligation d’isoler les façades en cas de travaux de ravalement importants

- obligation d’isoler les toitures en cas de travaux importants de réfection de celles-ci

- obligation d’améliorer la performance énergétique des pièces ou parties de bâtiments résidentiels existants lors de travaux d’aménagement de celles-ci, en vue de les rendre habitables.

On a par ailleurs mis à la charge des syndics et architectes classiques une prétendue incapacité à faire voter par les assemblées générales les travaux souhaités par Planète copropriété, association « imaginée » par des membres actifs du « Chantier Copropriété » du plan Grenelle Bâtiment dans le but très précis d’organiser et de dynamiser le Colloque Européen « La copropriété et le Développement Durable en Europe». Elle a pour objet de réaliser et soutenir toutes actions concourant à l’amélioration de la performance énergétique et de tout ce qui peut contribuer à une démarche de développement durable dans les copropriétés.

 

Une autre technique pour obtenir des décisions a été de réduire les majorités nécessaires. On a oublié qu’une décision prise à une majorité simple dérisoire n’est pas efficiente. Les copropriétaires s’entendent pour ne pas payer les appels de fonds. Il n’est pas possible de faire des recouvrements judiciaires contre la majorité des copropriétaires. Il y a grande urgence à rendre à l’article 24 sa pureté native de texte fondamental posant la règle d’élaboration de la décision majoritaire, et à renvoyer le fouillis de son présent II a) à i) en d’autres lieux. Ce n’est pas l’idée de GRECCO, .groupe de professionnels divers qui, sous la présidence de M le professeur Périnet Marquet, a repris en quelque sorte le flambeau abandonné par la Commission relative à la copropriété.

 

 

Il ne reste plus alors qu’une solution : priver l’assemblée générale de son pouvoir de décision et transmettre celui-ci à un « conseil d’administration ».

C’est l’idée de GRECCO. Impérativement pour les syndicats d’au moins cent lots à usage mixte avec possibilité d’extension facultative aux syndicats de cinquante à quatre-vingt-dix-neuf lots.

C’est qu’auparavant le Ministère du logement, profitant d’une relative « vacance » du Ministère de la Justice sous le règne de Madame Taubira a lancé une étude par le truchement du PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) qui a publié un appel à propositions de recherche, sous le titre « Copropriétés, : vers une transition juridique ». Précisons ici que le GRECCO n’a pas présenté sa candidature à cette proposition de recherche.

Le PUCA présente un tableau assez sombre du fonctionnement des copropriétés et guide subrepticement les candidats en rappelant que « les principales difficultés rencontrées portent sur la question des travaux de gros entretien à prévoir sur les parties communes, propriété indivise ».

Il pose la question prépondérante : « Au-delà de ces récentes avancées [la réforme ALUR en gestation ?] le socle juridique actuel constitue-t-il un frein à la rénovation des immeubles collectifs privés, indispensable pour maintenir les immeubles en bon état et assurer la transition énergétique de notre pays ».

 

 

Le socle constituant un frein à la rénovation des immeubles collectifs privés, c’est l’excellente loi du 10 juillet 1965 !

M Jean Foyer était garde des Sceaux lors de sa préparation. Il en a soutenu le texte devant le Parlement. Lors du 30e anniversaire de sa promulgation, au congrès de 1995 de l’UNPI, il a rappelé que sa finalité était « d’assurer la valorisation du patrimoine immobilier » en sauvegardant un délicat équilibre entre

Garantir les droits de chaque copropriétaire

Et permettre à la majorité des copropriétaires de décider l’exécution de travaux d’amélioration, paralysée jusqu’alors par la nécessité de décisions unanimes. »

Est-il nécessaire de rappeler que depuis 1965 les syndicats de copropriétaires ont fait exécuter des milliers de chantiers aussi bien pour la conservation au sens propre du terme que pour l’amélioration des bâtiments ?

La loi du 1er septembre 1948 a provoqué la disparition de milliers d’immeubles à destination locative qui sont devenues des copropriétés partiellement occupées par d’anciens locataires ayant profité de l’aubaine. Mal entretenus depuis un demi-siècle ces immeubles ont bénéficié de la « vague Malraux » de ravalements souvent très lourds du fait de charpentes affaiblis et de façades très délabrées.

Il faut y ajouter des milliers de chantiers d’améliorations importantes. En premier lieu l’installation d’ascenseurs dans des immeubles qui n’en étaient pas pourvus, dans des conditions souvent difficiles. Le confort thermique a été souvent créé, ou au moins amélioré par le remplacement de vieilles installations à circulation d’air chaud. Des installations de régulations ont été mises en place.

Ajoutons, pour des immeubles construits après la seconde guerre mondiale, la réfection de terrasses construites sans isolation thermique sérieuse.

Pour les travaux réellement effectués, avec des résultats patents, la loi du 10 juillet 1965 n’a pas à rougir de ses bilans. Comment oser prétendre que ce socle juridique aurait constitué un frein à la rénovation des immeubles collectifs privés ?

 

 

Le statut de la copropriété établi par la loi du 28 juin 1938 a substitué à l’empilement de propriétés privatives régi par l’article 664 du Code civil, une organisation faisant coexister après division de la propriété de l’immeuble, des parties privatives avec des parties communes indivises entre les propriétaires des parties privatives.

Pour profiter des avantages de l’organisation complexe qu’est cette division de la propriété du bâtiment, les copropriétaires ont dû accepter d’abandonner l’exercice de certains droits attachés à la propriété du lot. Le syndicat des copropriétaires s’en trouve dépositaire par la fiction d’un abandon avec contrepartie.

La contrepartie est l’appartenance au syndicat des copropriétaires, la participation aux assemblées et le droit de débattre et participer aux scrutins majoritaires exprimant les décisions du syndicat.

Le rang de ces avantages et droits est fatalement identique à celui du droit de propriété auquel ils s’incorporent par substitution. Il est visé dans la déclaration des droits de l’homme.

Il fait également l'objet d'une protection particulière aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dont la violation peut être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme.

 

Le projet GRECCO, pour les copropriétés ne comportant aucun lot à usage d’habitation ou comportant au moins cent lots à usage mixte (habitation, bureau ou commerce) impose un régime comportant un syndic et un conseil d’administration (au lieu du conseil syndical) qui prendrait seul les décisions relevant présentement de l’assemblée générale à la majorité simple de l’article 24.

Ce faisant il retirerait aux copropriétaires l’élaboration de ces décisions collectives en les privant de toute contrepartie à l’abandon de l’exercice de certains droits attachés à la propriété du lot. Il ne s’agirait pas d’une banale modification des modalités de gestion mais d’un bouleversement fondamental du statut de la copropriété comportant sans nul doute une atteinte majeure au droit de propriété.

Applicable impérativement à une catégorie de copropriétés elle préjudicierait gravement à l’homogénéité indispensable du statut. Il est vrai que l’on a parlé de conseil d’administration à propos de l’organisation des syndicats de forme coopérative. Mais, dans ce cas, officiellement, le conseil syndical est demeuré un conseil syndical, sans aucun pouvoir décisionnel.

 

 

Les modalités pratiques du projet ne viennent pas à son secours. Les membres du conseil d’administration seraient désignés par l’assemblée générale et parmi ses membres pour trois ans renouvelables. Ils pourraient être révoqués collectivement par chaque assemblée générale. Celle-ci devrait alors désigner un nouveau conseil sans que la question ait à être inscrite préalablement à l’ordre du jour !

On trouve ici une disposition méprisant un principe bimillénaire du droit des assemblées : la nécessité préalable de l’inscription à l’ordre du jour communiqué à l’avance aux membres de l’assemblée, qu’elle soit au Pnyx[i], inscrite sur une « ardoise » ou notifiée dans les quartiers.

Plus trivialement nous évoquons le sort du copropriétaire s’étant fait représenter comme celui de son mandataire dépourvu d’instructions, et les candidatures mais plus encore l’absence très concevable de candidatures ! On peut alors demander au Juge de désigner les membres du conseil d’administration. On connait bien, à propos du conseil syndical, la vanité de cette solution. Les auteurs du projet semblent alors envisager sans vergogne la solution de l’administrateur provisoire !

 

Le bon fonctionnement de maints conseils syndicaux est affecté par la difficulté de trouver des candidats valables et compétents. Comment peut on prétendre qu’il en serait autrement pour des conseils d’administration ? Les polices d’assurance multirisques comportent présentement, en option, des clauses assurant la responsabilité des membres du conseil syndical. Les risques ne sont pas considérables. En sera-t-il de même avec des conseils d’administration pouvant engager des travaux d’entretien pour des sommes rondelettes ? et a fortiori dans les cas où ils bénéficieraient d’une délégation leur permettant de décider des travaux exigeant la majorité de l’article 25 ?

 

Quelles seraient les relations des membres du conseil d’administration avec les autres copropriétaires ? et avec le syndic ? et au bout de trois années ? Sans doute satisfaisantes dans certains cas mais on peut craindre le pire dans bien d’autres.

Le syndic demeure le représentant légal du syndicat. Habituellement c’est au président du conseil d’administration que revient la fonction de représentation. Cela pourrait être une source de crises violentes.

 

 

Une autre innovation hérétique est la notion de patrimoine du syndicat qui apparait dans le projet.

Étant une personne morale le syndicat a effectivement un patrimoine. Mais c’est un patrimoine de transit ne comportant que des dettes et des créances dont les totaux sont impérativement égaux. Les biens les plus modestes qu’il parait détenir sont en réalité la propriété indivise de tous les copropriétaires.

La conservation par le syndicat des fonds détenus au titre du fonds travaux pose alors un sérieux problème.

L’article 20 du projet GRECCO dispose : « Le syndicat peut se voir attribuer, à titre gratuit, dans le règlement de copropriété, ou acquérir à titre onéreux ou gratuit, un ou plusieurs lots, qui entrent dans son patrimoine. Il peut également les céder. Il ne dispose pas de voix, en assemblée générale, au titre de ces lots. Les sommes représentant le prix de vente de ces lots, ne peuvent être réparties entre les copropriétaires. Elles entrent dans le patrimoine du syndicat et sont affectées prioritairement au fonds de travaux obligatoire visé aux articles 64 et suivants ».

L’article 67 du projet GRECCO précise : « Les sommes versées au titre du fonds de travaux entrent, dès leur versement, définitivement, dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires. Elles ne donnent pas lieu à un remboursement par le syndicat à l’occasion de la cession d’un lot. »

 

Dans un domaine proche, l’article 63 du décret du 17 mars 1967 précise que l’union de syndicats peut être propriétaire des biens nécessaires à son objet. Nombre d’auteurs en déduisent qu’elle peut être propriétaire par exemple d’une chaufferie commune. Cette situation peut s’avérer inconfortable.

On retrouve ainsi la solution admise pour les associations syndicales qui peuvent faire l’objet d’une procédure collective. Dans le projet GRECCO, s’agissant des copropriétés en difficulté, l’article 126 dispose : « Si le syndicat des copropriétaires dispose d’actifs cessibles, notamment des locaux ou des parcelles de terrain non bâti, de nature à apurer les dettes du syndicat, l’administrateur provisoire peut demander au juge l’autorisation de réaliser les cessions … ».

 

Il y aurait donc dans le compte bancaire du syndicat des fonds appartenant aux copropriétaires dans la mesure de leurs soldes individuels respectifs et d’autres appartenant au syndicat ?

Par ailleurs le syndicat des copropriétaires ferait-il des opérations de marchand de biens ? On se le demande.

On se retrouve encore dans le chambardement inextricable d’une organisation qui a donné satisfaction depuis des lustres. La raison unique demeure le souci de conserver des fonds pour les travaux de rénovation thermique. C’est confondant.

 

 

Il me faut, ici, expliquer mon allusion initiale à l’article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965. Il précise notamment : « Les charges et les produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès leur engagement juridique par le syndic, indépendamment de leur règlement. L’engagement est soldé par le règlement. »

C’est dans la « loi organique relative aux lois de finances » du 1er août 2001, dite « LOLF », qu’il faut rechercher les caractéristiques de l’engagement juridique.

Elle précise la distinction classique du droit public entre les autorisations d'engagement (AE) et les autorisations de programme (AP), que nous pouvons rapprocher grossièrement de celle faite entre les charges du budget provisionnel et les charges de l’article 14-2 par la loi du 10 juillet 1965.

« Les AE concerneront toutes les natures de dépenses, alors que les AP sont actuellement réservés aux dépenses en capital, à l'exception de dépenses de gros entretien militaire.

« Les AE sont annuelles et sont désormais annulées en loi de règlement à défaut d'être reportées, alors que les AP étaient, une fois ouvertes, valables sans limite de durée.

« Cette différence donne un contenu assez différent aux AE par rapport aux AP lors de leur ouverture en LFI (Loi prévoyant et autorisant, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'État): les AP avaient une portée programmatique que n'ont pas les AE, ces dernières devant être consommées dans l'année.

« Les AE seront consommées par le même évènement que les AP : l'engagement juridique.

« Quel événement consomme les autorisations d'engagement ? La signature de l'engagement juridique (bon de commande, marché…). »

 

Quittons le droit public pour revenir à la copropriété. Nous sommes éclairés par les commentaires du Professeur Giverdon et de Madame Caroline Jaffuel, Magistrate qui a contribué largement à l’élaboration des textes de la loi SRU. Ils précisent que « si l’on considère la dépense entraînée par des travaux hors budget prévisionnel votés par l’assemblée générale, l’engagement de la dépense résulte de la signature par le syndic du marché conclu en exécution de la décision de l’assemblée générale »

 

Il existe donc bien une assimilation de la comptabilité des syndicats de copropriétaires à celle des communes. Il n’est pas vain de songer à des conseils municipaux plus qu’à des conseils d’administration.

 

 

 

 

 

Mise à jour

04/12/2017

 

 

 

 

 



[i] Le Pnyx est une colline à l’ouest d’Athènes où se tenait l’assemblée des citoyens