Partie commune Appropriation par usucapion

Exception de prescription trentenaire par un copropriétaire

Possibilité (oui)  Exigence d’une possession conforme à l’article 2229 C. civ.

Silence de la Cour d’appel sur l’ existence d’une simple tolérance

Cassation

 

 

 

Cassation civile 3e  29 janvier 2003                                                           Cassation partielle

Cour d’appel de Paris (23e chambre civile, section B) 22-03-2001

N° de pourvoi : 01-12566

 

 

Sur le premier moyen :

 

Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2001), que la Société civile immobilière 8, rue Boutebrie (la SCI), propriétaire dans un immeuble en copropriété d’un lot à usage commercial au rez-de-chaussée et de toutes les caves du sous-sol, qui avaient été réunies entre elles et reliées directement au rez-de-chaussée, a donné l’ensemble de ces locaux à bail à la société “Le Sereno”, qui y exploite un restaurant ; que les services de la Préfecture de Police ayant imposé la création d’une issue de secours pour permettre l’accueil des clients au sous-sol du restaurant, la SCI a sollicité de l’assemblée générale des copropriétaires l’autorisation d’effectuer en parties communes des travaux nécessaires à cet effet ; que cette autorisation ayant été refusée, la SCI a assigné le syndicat en autorisation judiciaire d’exécution des travaux ; que le syndicat a demandé reconventionnellement la remise des caves en leur état initial ;

 

Attendu que pour débouter le syndicat de sa demande et autoriser la SCI à entreprendre des travaux en sous-sol, l’arrêt retient que le syndicat ne saurait s’opposer utilement à ces travaux au prétexte qu’ils aboutiraient à une appropriation des parties communes, que la réunion de toutes les caves réalisée par leur copropriétaire unique l’a été en 1964, soit depuis plus de trente ans, et que celui-ci a joui de la réunion de tous les lots du sous-sol de façon continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, jusqu’à ce qu’il les vende à la SCI le 5 janvier 1995, laquelle a continué à en jouir dans les mêmes conditions ;

 

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du syndicat faisant valoir que la possession du couloir desservant les caves invoquée par la SCI tant de son chef que de celui de son auteur n’avait pas été accomplie à titre de propriétaire et n’était pas susceptible de prescription dès lors qu’elle ne résultait que d’une simple tolérance, et qu’aucune autorisation des copropriétaires n’avait été accordée à l’ancien propriétaire des lots de cave, et que le règlement de copropriété stipulait qu’aucune tolérance ne pouvait, même avec le temps, devenir un droit acquis, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

 

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a débouté la SCI de sa demande tendant à l’annulation de l’assemblée générale du 10 mai 1999, l’arrêt rendu le 22 mars 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

 

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes du syndicat des copropriétaires de l’immeuble 8, rue Boutebrie à Paris et de la SCI du 8, rue Boutebrie ;

 

 

 

 

Commentaires :

L’arrêt relaté montre a contrario que la Cour de cassation admet la possibilité pour un copropriétaire de bénéficier de la prescription acquisitive trentenaire sur une partie commune.

A contrario ? parce qu’en l’espèce la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel qui avait admis l’exception de prescription acquisitive sans toutefois dénier sa recevabilité. Elle se borne à constater que la Cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions du syndicat invoquant l’existence d’une simple tolérance. C’est sans nul doute un motif de cassation.

 

Le propriétaire d’un lot commercial au rez-de-chaussée et de toutes les caves du sous-sol a procédé en 1964 à la réunion de toutes les caves. Il a en outre intégré à ce nouvel ensemble le couloir qui les desservait alors qu’il s’agissait d’une partie commune. Le tout a été relié au local commercial supérieur. La SCI a fait l’acquisition de ces divers biens le 4 janvier 1995. Elle a continué à en jouir dans les mêmes conditions.

 

Plus tard, elle a été dans l’obligation de demander au syndicat des copropriétaires l’autorisation d’effectuer les travaux nécessaires pour la création d’une sortie de secours pour le lot principal exploité à usage de restaurant. Le syndicat a refusé l’autorisation et demandé reconventionnellement la restitution du couloir des caves. Il a fait valoir que l’utilisation du couloir par le propriétaire des caves n’était qu’une simple tolérance et que le règlement de copropriété stipulait qu’aucune tolérance ne pouvait, même avec le temps, devenir un droit acquis.

A cette demande reconventionnelle, la SCI a opposé l’exception de prescription acquisitive fondée sur sa possession du couloir depuis plus de trente ans.

La Cour d’appel a débouté le syndicat et autorisé la création d’une sortie de secours. Elle a retenu « que le syndicat ne saurait s’opposer utilement à ces travaux au prétexte qu’ils aboutiraient à une appropriation des parties communes, que la réunion de toutes les caves réalisée par leur copropriétaire unique l’a été en 1964, soit depuis plus de trente ans, et que celui-ci a joui de la réunion de tous les lots du sous-sol de façon continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, jusqu’à ce qu’il les vende à la SCI le 5 janvier 1995, laquelle a continué à en jouir dans les mêmes conditions ».

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir laissé sans réponse l’argument du syndicat tiré de l’existence d’une simple tolérance. Il est bien certain que la possession à titre de tolérance n’est pas une possession « à titre de propriétaire ». Pour justifier sa décision, la Cour d’appel aurait donc dû préciser pourquoi elle considérait qu’il n’y avait pas simple tolérance.

 

L’importance de cette notion de tolérance n’est pas négligeable. Mais nous délaisserons ici cet aspect du litige, pour retenir avant tout que la Cour d’appel a admis la possibilité pour un copropriétaire d’invoquer l’exception de prescription acquisitive sur une partie commune à l’encontre du syndicat. Sur ce point précis, elle n’est pas critiquée par la Cour de cassation.

Or le principe même de cette possibilité a été contesté dès lors qu’en vertu des articles 2229 et 2230 du Code civil « nul ne peut prescrire contre son titre ». Le règlement de copropriété est alors invoqué comme titre.

À l’encontre, on fait valoir les dispositions fondamentales de l’article 2262 du Code civil. L’usucapion fondée sur ce texte n’exige de celui qui s’en prévaut qu’une possession trentenaire présentant les conditions requises par l’article 2229

Dans ce débat, que nous n’approfondirons pas, il n’est pas inutile de rappeler que tout copropriétaire est propriétaire indivis des parties communes.

 

L’enseignement final est qu’un copropriétaire peut invoquer la prescription acquisitive trentenaire sur une partie commune si sa possession présente les caractères exigés par l’article 2229 du Code civil.

Conformément à l’article 2232 les actes de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. Mais sur ce point, les juges du fond sont souverains pour décider si les actes de possession invoqués constituent seulement des actes de pure tolérance [1]. La Cour de cassation ne peut donc exercer son contrôle.

 

 

 

 

Mise à jour

10/09/2007

 

 

 



[1]  Cass civ 3e 30/01/1973