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Droit
de la presse Reproduction
d’actes d’une procédure pénale atteinte
à la vie privée et à l’image d’une personne partie civile trouble
manifestement illicite Cass 28 avril 2011 CA Paris 19/03/2010 Numéro de Pourvoi : 10-17909 Sur le moyen unique : Attendu qu'à la suite de la parution dans l'hebdomadaire Le
Point n°... daté du... d'un article annoncé en couverture
sous le titre “affaire Z... : comment gagner un milliard (sans se
fatiguer)”, Mme Z... a assigné en responsabilité la société
Sebdo, éditeur, M. X..., auteur de l'article,
et
M. Y..., directeur de la publication, estimant
que l'article publié lui causait un trouble manifestement illicite, comme
portant atteinte à sa vie privée et à son image ainsi qu'à ses droits de partie
civile constituée dans la procédure pour abus de faiblesse ouverte contre M.
A... ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt
confirmatif attaqué (Paris, 19 mars 2010) d'avoir dit que la reproduction par
l'hebdomadaire Le Point d'actes de procédure extraits de
l'enquête préliminaire diligentée par le parquet de Nanterre dans l'affaire
dite “Z...”, à savoir quatre dépositions publiées en pages...
sous le titre “Exclusif : les femmes qui accusent”, constitue une
violation de l'article 38 de la loi
du 29 juillet 1881 et d'avoir, en conséquence, condamné in
solidum MM. Y... et X... et la société Sebdo à payer à Mme Z... une provision
de 10.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
alors, selon le moyen : 1) - Que ne saurait constituer pour la victime un préjudice
spécifique rendant recevable l'action en référé fondée sur l'article 809 du
code de procédure civile, la publication de pièces d'une enquête préliminaire
classée sans suite se rapportant à la question centrale d'une affaire
judiciaire en cours, relancée par la citation de la propre fille de la
victime, à laquelle était donnée une large publicité notamment en raison de
la personnalité de la victime et de son patrimoine ; qu'en décidant que
la publication de ces pièces de l'enquête classée sans suite créait un
préjudice à Mme Z..., en la présentant comme une femme manipulée et
affaiblie, cependant que l'objet même de la plainte puis de la citation
délivrée par Mme B..., sa fille, était de poursuivre l'abus de faiblesse
commis à l'égard de sa mère, si bien que la présentation reprochée au Point
résultait en réalité de la seule existence de la procédure pénale en cours à
propos de laquelle la société Sebdo et MM. X... et Y... avaient le devoir
d'informer le public, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de
procédure civile ; 2) - Que seul le ministère public peut initier des
poursuites sur le fondement de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 et
seule la personne poursuivie dans le cadre de la procédure dont les actes
sont publiés est susceptible de se plaindre du préjudice résultant d'une
atteinte au respect de sa présomption d'innocence ;
qu'en admettant que Mme Z... avait subi un préjudice direct et certain du
fait de la citation de certains procès verbaux de déclaration de témoins, dès
lors qu'elle avait “déposé devant le tribunal correctionnel (…) des
conclusions d'intervention volontaire comportant à titre subsidiaire une
constitution de partie civile, au cas où l'action publique serait considérée
par le tribunal comme étant valablement engagée”, bien qu'il résulte de ces
constatations qu'elle n'était pas la personne poursuivie sur la citation
directe de sa fille et que sa présomption d'innocence n'était pas en cause,
la cour d'appel a violé les articles 809 du code de procédure civile, 38 de
la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3) - Que la contradiction de motifs équivaut au défaut de
motifs ; que la cour d'appel ne pouvait à la fois considérer que la
publication litigieuse avait causé à Mme Z... un préjudice en donnant de
celle ci l'image d'une femme affaiblie et manipulable tout en affirmant
qu'aucune atteinte à la vie privée ni à l'image de cette dernière ne pouvait
être reprochée aux exposants, en raison de la liberté d'expression et du
droit du public à être informé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a
entaché sa décision de contradiction de motifs et partant violé l'article 455
du code de procédure civile ; 4) - Que la cour d'appel a déduit l'existence d'un trouble
illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile de “la
publication de larges extraits” de procès verbaux de dépositions de quatre
témoins constituant bien, selon elle, une violation de l'article 38 de la loi
du 29 juillet 1881, “et, par là, un trouble illicite” indépendamment du
contenu de l'information ainsi publiée ; qu'en donnant ainsi une portée
générale et absolue à cette interdiction de publication dont la
méconnaissance simplement formelle est ainsi sanctionnée pour elle même, la
cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme, l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 ne pouvant,
dans une telle analyse être considérée comme une ingérence nécessaire dans la
liberté d'expression au sens de l'article 10, § 2 de la Convention ; 5) - Que des procès verbaux d'audition de témoins issus
d'une enquête préliminaire terminée par un classement sans suite et versés, à
titre de pièces et à la demande de la partie civile en application de
l'article R156 du code de procédure pénale, ne constituent pas des actes de
procédure correctionnelle au sens de l'article 38 de la loi du 29 juillet
1881, dont les dispositions, attentatoires à la liberté d'information
protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être interprétées
strictement ; qu'en décidant le contraire pour juger que la publication
d'extraits de ces pièces pénales était contraire à ce texte et partant
constituait un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du
code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 38 de la loi
du 29 juillet 1881, 809 du code de procédure civile et 10 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ; 6) - Que, en toute hypothèse, la question de qualification consistant
à savoir si de simples pièces pénales versées à une procédure peuvent être
qualifiées d'actes de procédure correctionnelle constitue une contestation
sérieuse faisant obstacle à ce que soit allouée une provision à celui qui se
prétend victime d'une publication illicite sur le fondement de l'article 38
de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en allouant néanmoins à Mme Z... une
indemnité provisionnelle de réparation du préjudice moral subi du fait de la
publication litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de
procédure civile ; Mais attendu que l'arrêt constate qu'ont été
publiés de larges extraits des témoignages recueillis dans les procès verbaux
dressés lors de l'enquête préliminaire ouverte à la suite de la plainte
déposée pour abus de faiblesse commis à l'égard de Mme Z..., lesquels la
présentaient comme une femme manipulée et affaiblie ;
que faisant une exacte application de l'article 10 de la Convention
européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a, sans se contredire, pu
en déduire, dès lors que des actes dressés par les services de police
au cours d'une enquête sont des actes de procédure au sens de l'article 38 de
la loi du 29 juillet 1881, que Mme Z... était fondée à invoquer, du seul fait
de cette publication, un préjudice personnel ; que le moyen
n'est fondé en aucune de ses branches ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi Commentaires : Nous n’entrerons pas ici dans les controverses touffues
et chères aux praticiens du droit de la presse. Il est satisfaisant pour les profanes de voir condamner les
abus constants de la presse en ce domaine. Et plus satisfaisant encore de constater enfin que le
mythique « devoir d’informer » est écarté au profit de la légitime
sauvegarde de le vie privée et de l’image d’une personne, qu’elle soit potentiellement
coupable, - et donc « présumée innocente » -, ou au contraire
victime et partie civile. Les demandeurs au pourvoi faisaient valoir que « la
présentation reprochée au Point résultait en réalité de la seule existence de
la procédure pénale en cours à propos de laquelle la société Sebdo et MM.
X... et Y... avaient le devoir d'informer le public » !!! L’arrêt n’évoque pas les conditions dans lesquelles les
organes de presse peuvent « se procurer », - pour reprendre la
formule désormais classique -, les pièces d’une procédure pénale et notamment
des rapports d’expertise dont les extraits sont publiés avant même qu’ils ne
soient remis aux Juges. |
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