00043608 CHARTE Ne
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Copropriété en
difficulté Ordonnance constatant la
carence du syndicat Tierce opposition de
certains copropriétaires Recevabilité (oui) ;
procédure pouvant aboutir à l’expropriation Représentation des
copropriétaires par le syndicat (non) Cour de
cassation chambre civile 3 Audience publique du 28 janvier 2015 Décision
attaquée : Cour d’appel de Metz , du 22 janvier 2013 N° de
pourvoi: 13-19080 Cassation REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME
CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : Sur le moyen unique, qui est
recevable : Vu l’article 6-1 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, ensemble l’article L. 615-6 du code de la construction et de
l’habitation ; Attendu, selon l’arrêt attaqué
(Metz, 22 janvier 2013), statuant en matière de référé, que par ordonnance du
24 novembre 2010, le président du tribunal de grande instance de Thionville,
statuant en application de l’article L. 615-6 du code de la construction et
de l’habitation a, à la requête du président de la communauté d’agglomération
du Val de Fensch, constaté la carence de la
copropriété Les Tilleuls ; que les sociétés FSD, Erwanna
et Thil 475 (les sociétés), copropriétaires, ont
formé opposition à cette ordonnance ; Attendu que, pour déclarer
irrecevable la tierce opposition des sociétés, l’arrêt retient que la
procédure de l’article L. 615-6 du code de la construction et de l’habitation
est une procédure qui concerne le syndicat des copropriétaires en sa qualité
de personne morale représentant la collectivité des copropriétaires, doté de
la personnalité civile et ayant qualité pour agir ou défendre en justice et
que l’ordonnance prononçant l’état de carence est opposable aux
copropriétaires pris individuellement ; Qu’en statuant ainsi, alors
que le syndicat ne représente pas les copropriétaires dans la procédure
engagée sur le fondement de l’article L. 615-6 du code de la construction et
de l’habitation et qui pouvait aboutir à l’expropriation de l’immeuble en vue
de sa réhabilitation ou de sa démolition, la cour d’appel, qui a privé les
sociétés copropriétaires de leur droit d’accès au juge, a violé les textes
susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses
dispositions, l’arrêt rendu le 22 janvier 2013, entre les parties, par la
cour d’appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d’appel de Nancy ; Condamne le syndicat des
copropriétaires, la Communauté d’agglomération du Val de Fensch
et Mme X... aux dépens ; Vu l’article 700 du code de
procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires, la Communauté
d’agglomération du Val de Fensch et Mme X... à
payer aux sociétés FSD, Erwanna et Til 475 la somme globale de 3 000 euros ; rejette les
autres demandes ; Dit que sur les diligences du
procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis
pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour
de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son
audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze. commentaires Le présent arrêt conforte les tenants
de la relative transparence juridique du syndicat des copropriétaires et,
tout naturellement le courant prétorien admettant dans certains cas la
recevabilité d’une tierce opposition d’un ou plusieurs copropriétaires contre
une décision judiciaire leur faisant grief alors que le syndicat des
copropriétaires avait seul été mis en cause. Plus pratiquement elle devra être entendue par les spécialistes des
copropriétés en difficulté. Nous profiterons d’ailleurs de ce commentaire
pour évoquer la désastreuse histoire de cet immeuble du 17 Avenue des
tilleuls à Uckange, construit en 1964 et 1967 afin de loger les cadres
de la sidérurgie. Il est composé initialement de 192 logements, 2 commerces
et un cabinet médical répartis sur 12 étages Une copropriété dégradée : le syndicat 17 avenue des tilleuls au Val de Fensch Le site de la Communauté du
Val de Fensch nous relate la descente aux enfers de
cette copropriété En 1988, l’immeuble est mis en
copropriété mais la situation sociale et financière de la copropriété se
détériore rapidement en lien avec la crise sidérurgique. En effet, la
fermeture de l’usine d’Uckange survenue en 1991 et le grave incendie de 1995
contribue à un déséquilibre social important au sein de l’immeuble et à une
dégradation progressive du bâtiment. En 2002, face à la dégradation urbaine
et sociale du quartier Ouest, la commune d’Uckange engage un projet de
rénovation urbaine, en partenariat avec l’ANRU (Agence Nationale pour la
Rénovation Urbaine). L’intervention publique sur le logement privé étant très
limitée, la CAVF lance en 2004 une OPAH copropriétés dégradées (Opération
programmée d’Amélioration de l’Habitat) qui vise à encourager les
copropriétaires à effectuer des travaux et à améliorer le fonctionnement de
leur immeuble, à travers la mise en place d’actions d’accompagnement et de
formation des résidents. En 2007, face aux difficultés
croissante de la copropriété, la CAVF décide d’engager un plan de sauvegarde
afin d’accompagner le redressement du syndicat des copropriétaires. Dans
cette logique, M. le Préfet de la Moselle instaure par arrêté du 20 mai 2008
une commission d’élaboration de plan de sauvegarde. Une période préparatoire
et probatoire de 2 ans doit alors permettre de mesurer l’engagement des
copropriétaires et de conduire les études nécessaires à la mise en œuvre d’un
projet viable. Ces études (techniques, financières,
juridiques et sociales), menées par la CAVF pendant près de 3 ans, démontrent
toutefois l’incapacité du syndicat des copropriétaires à redresser son extrême
dégradation. Elles révèlent notamment une importante augmentation des impayés
de charges qui exclut toute perspective de résorption de la dette, condition
sine qua non à la réalisation de travaux d’urgence nécessaires à la sécurité
des occupants. La CAVF engage ainsi dès 2010 une
procédure d’acquisition pour cause d’utilité publique. Le tableau récapitulatif est
saisissant :
Revenons à l’arrêt. Les textes invoqués dans l’arrêt accueillant la tierce opposition
formée par des copropriétaires En 2010, l’article L615-6 du CCH, Modifié par la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 - art. 23 était ainsi conçu : « Lorsque, dans un immeuble
collectif à usage principal d'habitation, le propriétaire, la société civile
immobilière, le syndicat des copropriétaires, la société d'attribution ou la
société coopérative de construction est, en raison de graves difficultés
financières ou de gestion et de l'importance des travaux à mettre en œuvre,
dans l'incapacité d'assurer la conservation de l'immeuble ou la sécurité des
occupants, le maire de la commune ou le président de l'établissement public
de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, sur le
territoire duquel est implanté l'immeuble, peut saisir le président du
tribunal de grande instance, qui statue comme en matière de référé ou sur
requête, aux fins de désignation d'un ou plusieurs experts chargés de
constater l'importance du déséquilibre financier du propriétaire, du syndicat
ou de la société assurant la gestion de l'immeuble ainsi que la nature et l'importance
des travaux à mettre en œuvre. La saisine peut être également effectuée,
après accord du maire ou du président de l'établissement public de
coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, par le
représentant de l'Etat dans le département, le
syndic, l'administrateur provisoire défini à l'article 29-1 de la loi n°
65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles
bâtis ou des copropriétaires représentant 15 % au moins des voix du syndicat.
« Les résultats de l'expertise
sont notifiés au propriétaire, au syndicat des copropriétaires ou, s'il y a
lieu, à l'administrateur provisoire ou au représentant légal de la société
d'attribution, de la société civile immobilière ou de la société coopérative
de construction, au représentant de l'Etat dans le
département, au maire de la commune ou au président de l'établissement public
de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat. « Au vu des conclusions
de l'expertise, le président du tribunal de grande instance, après avoir
entendu les parties dûment convoquées, peut déclarer l'état de carence du
propriétaire, de la société civile immobilière, du syndicat des
copropriétaires, de la société d'attribution ou de la société coopérative de
construction. « L'ordonnance du président du
tribunal de grande instance est notifiée au propriétaire, au syndicat des
copropriétaires, à l'administrateur provisoire ou au représentant légal de la
société d'attribution, de la société civile immobilière ou de la société
coopérative de construction, à l'auteur de la saisine et au maire de la
commune ou au président de l'établissement public de coopération
intercommunale compétent en matière d'habitat. « A défaut de connaître l'adresse
des personnes mentionnées à l'alinéa précédent ou de pouvoir les identifier,
la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la
mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où
est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble. « L'ordonnance du président du
tribunal de grande instance est transmise au représentant de l'Etat dans le département. » L’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme se
présente comme suit : Article 6 – Droit à un procès équitable 1. Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement
et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement,
mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au
public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la
moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société
démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie
privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement
nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la
publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. Nous reproduisons enfin les articles 582 et 583 du Code de procédure
civile relatifs à la tierce opposition : Article
582 La tierce opposition tend à faire
rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à
son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau
statué en fait et en droit. Article
583 Modifié par décret
81-500 1981-05-12 art. 26 JORF 14 mai 1981 rectificatif JORF 21 mai 1981 Est recevable à former tierce
opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été
ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause
d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en
fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres. En matière gracieuse, la tierce
opposition n'est ouverte qu'aux tiers auxquels la décision n'a pas été
notifiée ; elle l'est également contre les jugements rendus en dernier
ressort même si la décision leur a été notifiée. La question juridique Lorsque le syndicat des
copropriétaires est assigné puis finalement condamné à payer une indemnité ou
à l’exécution d’une certain obligation, les copropriétaires sont en principe
tenus de contribuer au financement de l’indemnité ou au coût d’exécution de
l’obligation. Dans ce dernier cas ils peuvent par ailleurs un préjudice si
par exemple un droit de passage sur le terrain commun est accordé à un
voisin. Un copropriétaire n’ayant pas
été à titre personnel partie à l’instance peut-il contester la décision
judiciaire ayant condamné le syndicat des copropriétaires ? On lit dans l’ouvrage de Mme Kishinewsky-Broquisse La
copropriété Litec édition de 1989 n° 449 « Un copropriétaire ne
peut former une tierce-opposition à un arrêt rendu entre la copropriété
représentée par son syndic et un membre du syndicat. La tierce opposition
n’est recevable que si le plaideur n’a été ni partie, ni représenté à la
décision attaquée. Or le syndic représente en justice le syndicat formé par
tous les copropriétaires. La tierce opposition est donc irrecevable à
l’encontre d’un jugement où le syndic agissant ès qualités, était
partie. » Elle cite à l’appui l’arrêt de
la Cour de Cassation du 17 juillet 1985 (Administrer décembre 1985 p. 40 avec
la note de M. le Conseiller Guillot. La Cour de cassation a ensuite
admis la recevabilité de la tierce opposition formée par des copropriétaires
dans le cas où leurs droits privatifs seraient susceptibles d’être affectés
par la décision (Cass 28 juin 1989 Administrer mars
1990 p.41 note Dunes). Ainsi dans le cas d’un jugement de nature à remettre
en cause les droits de jouissance d’un copropriétaire sur son lot (Cass. Civ. 3e 2 février 1994 RDI 1994 p.306 note
Capoulade.) M Capoulade note qu’en
l’espèce il a été jugé que l’intérêt des opposants était distinct de celui du
syndicat. Il estime qu’il vaudrait mieux parler d’un intérêt opposé. Nous optons néanmoins pour
distinct car dans bien des espèces il n’y a pas d’opposition formelle entre
les deux intérêts qui sont néanmoins distincts. Le grand intérêt de l’arrêt du 28 janvier 2015 est qu’il statue dans le
cas très particulier d’une décision de constatation de carence du syndicat
fondée sur l’article L 615-6 du CCH. La Cour d’appel avait opté
pour l’irrecevabilité en retenant « que la procédure de l’article L.
615-6 du code de la construction et de l’habitation est une procédure qui
concerne le syndicat des copropriétaires en sa qualité de personne morale
représentant la collectivité des copropriétaires, doté de la personnalité
civile et ayant qualité pour agir ou défendre en justice et que l’ordonnance
prononçant l’état de carence est opposable aux copropriétaires pris
individuellement » L’arrêt est sanctionné : « Qu’en statuant ainsi,
alors que le syndicat ne représente pas les copropriétaires dans la procédure
engagée sur le fondement de l’article L. 615-6 du code de la construction et
de l’habitation et qui pouvait aboutir à l’expropriation de l’immeuble en vue
de sa réhabilitation ou de sa démolition, la cour d’appel, qui a privé les
sociétés copropriétaires de leur droit d’accès au juge, a violé les textes
susvisés ; » Cette décision justifie en
outre la position des auteurs évoquant la transparence juridique relative du
syndicat des copropriétaires. Cette décision troublera sans
doute les spécialistes du redressement
des copropriétés dégradées car elle pourrait inspirer d’autres
copropriétaires se trouvant dans une situation identique. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour les sociétés FSD, Erwanna et Til 475 Il est fait grief à la Cour
d’appel de Metz d’avoir déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par
les SCI ERWANNA, FSD et TIL 475, toutes trois copropriétaires, tendant à
faire rétracter ou réformer une ordonnance déclarant l’état de carence d’un
immeuble placé sous le statut de la copropriété ; AUX MOTIFS QUE l’instance a
été introduite en application de l’article L. 615-6 du Code de la
construction et de l’habitation par Monsieur le Président de la Communauté
d’Agglomération du Val de Fensch ; que par ordonnance du 24/ 11/
2010 qui a constaté l’état de carence de la copropriété les TILLEULS sise 17
avenue des Tilleuls 52270 UCKANGE ; que cette ordonnance a été contestée par
les SCI FSD, SCI ERWANNA et TIL 475 par la voie de la tierce opposition au
motif qu’elles n’ont pas été parties à la procédure et qu’en tout état de
cause le Syndicat des copropriétaires n’avait pas vocation à administrer les
parties privatives de l’immeuble ; que la procédure de l’article
L. 615-6 susvisé est une procédure concernant le syndicat des copropriétaires
en qualité de personne morale représentant la collectivité des propriétaires,
s’agissant d’une action visant à voir prononcer l’état de carence de la
copropriété selon une procédure spécifique engagée par le représentant de l’Etat contre la personne morale représentant les
copropriétaires et non les copropriétaires pris individuellement ; qu’ainsi il y a lieu de
constater que le Syndicat des copropriétaires de la Résidence des Tilleuls
étant partie au litige engagé par le représentant de l’Etat,
elle est opposable aux copropriétaires pris individuellement qui constitués
en un syndicat ayant la personnalité civile a qualité pour agir ou défendre
en défendre en justice ; ALORS QU’au regard du droit de
propriété et du droit d’accès au juge, tout copropriétaire est en droit de
former opposition à l’ordonnance du président du tribunal de grande instance
déclarant l’état de carence d’un immeuble collectif à usage principal
d’habitation, en faisant valoir des moyens qui lui sont personnels, notamment
quant à ses lots privatifs ; qu’en déclarant irrecevable
une telle tierce-opposition dès lors que l’ordonnance était opposable aux
copropriétaires constitués en un syndicat ayant la personnalité morale et
qualité pour défendre en justice, la cour d’appel a violé les articles 582 et
s. du code de procédure civile, l’article L. 615-6 du code de la construction
et de l’habitation, ensemble l’article 1er du Protocole n° 1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
et l’article 6-1 de ladite convention. |
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