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droit de jouissance exclusif sur une partie commune

affectation d’une quote-part des parties communes

assimilation à un droit de propriété (non)

partie privative d’un lot de copropriété (non)

 

 

 

Cassation civile 3e  27 mars 2008                                                                                      Rejet

Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 24 novembre 2006

N° de pourvoi: 07-11801

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2006), que la société à responsabilité limitée Maison Azur (la société Maison Azur), copropriétaire qui avait procédé à la restructuration d’un ancien hôtel et à la commercialisation des “lots” créés, a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble La Piscine à Menton en annulation de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 septembre 2001 autorisant le syndic à agir à son encontre et contre les copropriétaires auxquels cette société avait vendu des lots au rez-de-chaussée, en restitution de jardins et terrasses et en libre accès d’un espace paysager, parties communes ; que le syndicat a formé reconventionnellement la demande en restitution et en libre accès, et a sollicité l’allocation de dommages-intérêts ;

 

Attendu que la société Maison Azur fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande du syndicat alors, selon le moyen :

 

1°/ que la qualification de “lot” auquel sont affectés des millièmes de parties communes caractéristiques d’une partie privative est nécessairement exclusive de celle de partie commune quand bien même le règlement de copropriété mentionnerait ce lot dans les parties communes ; qu’en l’espèce “l’emplacement de la piscine et ses annexes au-dessous en regardant la mer, à l’aplomb du transformateur, teinté en mauve au plan ci-annexé” ont été désignés par le règlement de copropriété du 18 mars 1963 en lot n° 80 auquel l’état descriptif de division inséré dans ledit règlement a affecté trente-six millièmes de parties communes ; qu’il s’ensuivait nécessairement que le lot n° 80 était une partie privative ; qu’en décidant le contraire, motifs pris que le droit de jouissance exclusif d’un copropriétaire peut être affecté d’une quote-part de parties communes correspondant aux charges que son titulaire doit supporter, sans pour autant être assimilé à un droit de propriété, l’attribution des tantièmes n’étant faite que pour déterminer le mode de répartition des charges, la cour d’appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l’article 2 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

2°/ qu’en l’état d’une ambiguïté ou d’une obscurité entachant le règlement de copropriété, il appartient au juge du fond de l’interpréter ; qu’en l’espèce, le règlement de copropriété qualifiait de partie commune toutes les parties communes qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif de l’un d’eux sauf ce qui a été dit plus haut concernant les jardins, terrasses et balcons, lesquels demeurent parties communes malgré l’usage privatif de certains copropriétaires (...) ; qu’il précisait également que les parties communes comprenaient notamment le sol les jardins, les fondations, gros murs, murs pignons et de refend, les balcons et terrasses et stipulait encore que le lot n° 80 relatif à l’emplacement de la piscine et de ses annexes était constitué par un emplacement tant en sous-sol qu’au rez-de-chaussée destiné à la construction d’une piscine par l’attributaire de ce lot qui en aura la jouissance exclusive avec la cour intérieure ; qu’il en résultait que le règlement de copropriété était ambigu dès lors qu’il qualifiait de partie commune toutes les parties qui n’étaient pas affectées à l’usage exclusif de l’un d’eux ; qu’en énonçant que le règlement de copropriété, bien qu’ancien, n’était pas ambigu et que le fait qu’il soit indiqué que le propriétaire de l’hôtel ou le gérant a la jouissance exclusive de la piscine et de la cour intérieure n’établirait nullement l’existence d’un droit de propriété de la SARL Maison Azur sur le sol et le sous-sol de l’emplacement de son lot, la cour d’appel a dénaturé ledit règlement de copropriété en violation de l’article 1134 du code civil ;

 

3°/ qu’en toute hypothèse en l’état d’une ambiguïté ou d’une obscurité du règlement de copropriété, il appartient aux juges du fond de l’interpréter notamment en se référant à l’état descriptif de division ; qu’en l’espèce, en énonçant que le règlement de copropriété, qui qualifiait de partie commune toutes les parties communes qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif de l’un d’eux sauf ce qu’il a été dit plus haut concernant les jardins, terrasses et balcons, lesquels demeurent parties communes malgré l’usage privatif de certains copropriétaires (...) et précisait également que les parties communes comprenaient notamment le sol, le jardin, les fondations, gros murs, murs pignons et de refend, les balcons et terrasses bien qu’ancien n’était pas ambigu et que le fait qu’il soit indiqué que le propriétaire de l’hôtel ou le gérant avait la jouissance exclusive de la piscine et de la cour intérieure n’établirait nullement l’existence d’un droit de propriété de la SARL Maison Azur sur le sol et le sous-sol de l’emplacement de son lot tout en refusant de se référer à l’état descriptif de division qui affectait dans un tableau récapitulatif des charges des millièmes de partie commune au lot litigieux n° 80, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

 

4°/ que la SARL Maison Azur avait fait valoir dans ses conclusions récapitulatives d’appel que par délibération en date du 9 juillet 1998, les copropriétaires avaient donné par 6.058 / 6.104 voix leur accord de principe sur l’opération immobilière envisagée par la SARL Maison Azur et sur le changement de destination des parties privatives qu’induisait une telle opération ; que de surcroît lors de l’assemblée générale du 26 mai 1999, les copropriétaires ne s’étaient nullement opposés à la démolition de la piscine ; qu’en énonçant que la SARL Maison Azur avait procédé à une opération de restructuration dans l’immeuble en copropriété avec affouillement du sol, démolition de la dalle formant toiture terrasse et ce, sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, contrairement à ce qu’elle soutient et qu’elle s’était accaparé des parties communes, jardin et terrasses et en sous-sol, commercialisant des biens immobiliers créés en emprise sur ces parties communes sans répondre à ces conclusions péremptoires qui étaient de nature à démontrer que la SARL Maison Azur avait obtenu l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;

 

5°/ que subsidiairement, à supposer pour les seuls besoins du raisonnement que le lot n° 80 soit une partie commune, le droit de jouissance exclusif et privatif attribué par le règlement de copropriété au lot n° 80 correspondant à l’ancienne piscine et à ses abords a alors un caractère réel et perpétuel ; que l’usage de ce droit est sans incidence sur la pérennité de celui-ci ; qu’en outre ce droit ne peut être remis en cause sans le consentement de son bénéficiaire ; que dès lors en refusant d’annuler la délibération litigieuse de l’assemblée générale des copropriétaires sur ce point et en confirmant le jugement ayant condamné la SARL Maison Azur, qui en avait pourtant la jouissance exclusive, “à restituer les jardins et terrasses constituant des parties communes créés à l’emplacement de la piscine et de l’ancienne cour et à laisser libre l’accès à l’espace annoncé comme paysager constituant une partie commune sous astreinte”, la cour d’appel a violé les articles 8, 9, 15 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble le principe de non ingérence du juge dans l’administration d’un immeuble en copropriété ;

 

6°/ que subsidiairement, il résulte des propres constatations de la cour d’appel que par une délibération en date du 28 septembre 2001, l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble La Piscine avait autorisé le syndic à ester en justice non seulement contre la SARL Maison Azur mais également à l’encontre des acquéreurs des lots du rez-de-chaussée aux fins notamment d’obtenir leur condamnation solidaire à restituer les jardins et terrasses, parties communes qu’ils se sont indûment appropriés et à laisser libre accès à l’espace paysager, de dire et juger que ce dernier constitue une partie commune conformément au règlement de copropriété ; qu’en condamnant la SARL Maison Azur seule à restituer les jardins et terrasses constituant les parties communes créés à l’emplacement de la piscine et de l’ancienne cour, à laisser libre l’accès à l’espace annoncé comme paysager constituant une partie commune sous astreinte, tout en constatant que le syndicat des copropriétaires avait été autorisé à agir à l’encontre des acquéreurs des lots litigieux, ce qu’il n’a pas fait, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article 32 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu d’une part, que la société Maison Azur n’ayant pas soutenu devant les juges du fond que le syndicat avait été autorisé à agir à l’encontre des acquéreurs des lots du rez-de-chaussée et ne l’avait pas fait, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

 

Attendu d’autre part, qu’ayant relevé que le règlement de copropriété ne stipulait pas que le titulaire du lot n° 80 était propriétaire du sol et du sous-sol correspondant à l’assise de ce lot ainsi que des anciens abords de la piscine transformés en jardins et que le fait qu’il ait été question d’un “droit de passage” des copropriétaires pour accéder au front de mer ou qu’il soit indiqué que “le propriétaire de l’hôtel ou le gérant de l’immeuble a la jouissance exclusive de la piscine et de la cour intérieure” n’établissait pas l’existence d’un droit de propriété de la société Maison Azur sur le sol ou le sous-sol de son lot et exactement retenu que le droit de jouissance exclusif d’un copropriétaire pouvait être affecté d’une quote-part de parties communes correspondant aux charges que son titulaire devait supporter sans pour autant être assimilé à un droit de propriété, la cour d’appel a pu en déduire, sans dénaturation, que la société Maison Azur avait procédé à une opération de restructuration dans l’immeuble en copropriété sans l’autorisation de l’assemblée générale, qu’elle s’était accaparé des parties communes en commercialisant des biens immobiliers créés en emprise sur ces parties communes et que la décision adoptée lors de l’assemblée générale du 28 septembre 2001 était régulière ;

 

D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la société Maison Azur aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Maison Azur à payer 2 500 euros au syndicat des copropriétaires de l’immeuble La Piscine à Menton ; rejette la demande de la société Maison Azur ;

 

 

commentaires

 

De cet arrêt, nous ne retiendrons que l’essentiel, soit l’affirmation par la Cour de cassation « qu’un  droit de jouissance exclusif sur une partie commune, fût-il affecté d’une quote-part de partie communes correspondant aux charges que son titulaire doit supporter, ne peut être assimilé à un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot de copropriété ».

Sur l’existence de « tantièmes », la Cour d’appel d’Aix en Provence avait jugé « que le droit de jouissance exclusif d’un copropriétaire pouvait être affecté d’une quote-part de parties communes correspondant aux charges que son titulaire devait supporter sans pour autant être assimilé à un droit de propriété ». Elle reçoit l’approbation des Hauts Conseillers.

Il n’en reste pas moins que dans certains règlements de copropriété anciens, les tantièmes attachés à un lot constitué par un droit de jouissance exclusif sur une partie commune sont clairement définis comme des tantièmes de la propriété indivise des parties communes. C’est en cette qualité qu’ils déterminent accessoirement la contribution aux charges communes générales du propriétaire du « lot ».

Un des vices de la loi du 10 juillet 1965 est d’avoir traité avec mépris les travaux antérieurs des praticiens, qui méritaient un meilleur sort.

 

Voir aussi Cassation civile 3e  16 janvier 2008 (n° 06-15.314)

 

 

 

 

 

Mise à jour

27/12/2008