043608

 

 

Rémunération du syndic

Absence de mandat écrit et de décision de l’assemblée fixant la rémunération

Restitution des honoraires (oui)

Validation par l’approbation des comptes et du quitus (non)

 

Cassation civile 3e   27 mars 2008                                                                         Cassation partielle

Cour d’appel de Chambéry du 19 septembre 2006

N° de pourvoi :07-10191

 

 

 

 

Donne acte au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Les Tournavelles du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Albingia, la CIAM et la société Axa France assurance ;

 

 

Sur le second moyen :

 

Vu l’article 29 du décret du 17 mars 1967 dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et l’article 66 du décret du 20 juillet 1972 ;

 

Attendu que les conditions de la rémunération du syndic sous réserve, le cas échéant, de la réglementation y afférente ainsi que les modalités particulières d’exécution de son mandat, sont fixées, dans le cadre de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du 17 mars 1967, par l’assemblée générale, à la majorité prévue à l’article 24 de cette loi ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 19 septembre 2006), que l’immeuble en copropriété Les Tournavelles a été édifié aux Arcs 1800 courant 1980, son premier syndic, la société Sati, nommé à titre provisoire par le règlement de copropriété, a été désigné par l’assemblée générale du 17 avril 1982 et renouvelé dans ses fonctions jusqu’au 18 décembre 1995, date à laquelle il a été remplacé par un autre syndic ; qu’alléguant que son ancien syndic avait manqué à son obligation de conseil et de gestion diligente, le syndicat des copropriétaires Les Tournavelles (le syndicat) a assigné en réparation de son préjudice comprenant notamment la rémunération du syndic, la société Sati, devenue Alfaga Sati (la société Sati), qui a appelé en garantie ses assureurs successifs ;

 

Attendu que pour rejeter partiellement la demande du syndicat, l’arrêt retient qu’il est établi, quand bien même aucun contrat écrit n’a été produit, que la société Sati a été désignée pour plus d’un an par l’assemblée générale des copropriétaires syndic de la copropriété Les Tournavelles, qu’il importe peu que cette durée ait été irrégulière en raison des liens unissant la société Sati et le promoteur, la copropriété ayant reconduit chaque année le syndic dans ses fonctions et lui ayant donné quitus après approbation des comptes, de sorte que sa rémunération approuvée jusqu’au 31 mai 1994, ne peut plus être remise en cause ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que la société Sati ne justifiait ni d’un mandat écrit ni d’une décision de nomination de l’assemblée générale ayant fixé sa rémunération préalablement à l’accomplissement de sa mission, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu’il a débouté le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Les Tournavelles de sa demande de remboursement des honoraires de la société Sati à l’exception de ceux pour l’exercice 1994/1995, l’arrêt rendu le 19 septembre 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée ;

 

Condamne la société Alfaga Sati aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alfaga Sati à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Les Tournavelles la somme de 2 500 euros, rejette les autres demandes ;

 

 

 

 

 

Commentaires

 

 

L’arrêt évoque le mandat écrit du syndic !

Il est relaté par un site sérieux [1] sous le titre : « La rémunération du syndic doit être justifiée par un mandat écrit et une décision de nomination de l'assemblée générale »

Il vise l’article 29 du décret du 17 mars 1967, dans sa rédaction antérieure du décret de 2004, l’article 6 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et l’article 66 de son décret d’application.

On ressent la présence fantomatique, entre les lignes, d’un contrat de syndic qui n’existe pas dans la loi du 10 juillet 1965 et n’existait pas plus dans la version du décret du 17 mars 1967 applicable à l’espèce.

Tout cela exige une solide mise au point.

 

Nous rappelons d’abord les textes applicables à l’espèce.

L’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 précise que « ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :

(…)

« c) la désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical »

Voilà pour la désignation du syndic, qui est le fondement juridique exclusif de sa qualité de représentant légal du syndicat des copropriétaires et de ses pouvoirs d’administration du syndicat. Elle résulte d’une décision d’assemblée. Il est donc un mandataire social. Ces observations sont valables pour tous les syndics, professionnels ou non.

 

 

L’article 6 de la loi Hoguet, impose la nécessité d’une convention écrite aux professionnels immobiliers réalisant des opérations d’achat, vente, échange, location, sous-location en nu ou en meublé et des opérations de gestion immobilière lorsqu’elles portent sur le bien d’autrui.

 

L’article 66 du décret Hoguet du 20 juillet 1972, qui traite des opérations de gestion immobilière, est ainsi conçu :

« Le mandat précise les conditions de la reddition des comptes qui doit intervenir au moins tous les ans.

« Le mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d’autres rémunérations, à l’occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination, ni de personnes autres que celles qui y sont désignées. »

 

Il a été admis dès la mise en application du régime Hoguet qu’il ne pouvait s’appliquer au représentant légal ou statutaire d’une personne morale lorsqu’il accomplit les opérations spécifiées sur les biens sociaux.

Il était pourtant nécessaire de réglementer l’activité de ceux faisant métier de la fonction de représentant légal des syndicats de copropriétaires. Comme le syndic est un mandataire social et institutionnel par le seul effet de sa désignation par l’assemblée, attestée par le procès-verbal de l’assemblée générale, il était inutile d’y ajouter un mandat écrit.

D’où la solution exprimée dans l’article 64 du même décret, dont l’alinéa 2 est ainsi conçu :

« A moins que le titulaire de la carte professionnelle « Gestion immobilière » représente la personne morale qu’il administre , notamment un syndicat de copropriétaires, une société ou une association, il doit détenir un mandat écrit qui précise l’étendue de ses pouvoirs et qui l’autorise expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs à l’occasion de la gestion dont il est chargé »

On s’étonne de lire sous la plume de M. Pollet : « Enfin, des dispositions combinées de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet et de l’article 64 de son décret d’application du 20 juillet 19672, il ressort que le syndic doit détenir un mandat écrit » [2]

M. Capoulade nous rassure : « L’article 64 alinéa 2 dispense expressément le titulaire de la carte professionnelle du mandat écrit lorsqu’il représente la personne morale qu’il administre. C’est le cas du syndic de copropriété. » [3] Il rappelle opportunément qu’une disposition identique figurait dans le régime antérieur du décret du 25 mars 1965 article 29).

 

Conclusion sur ce point : En vertu de l’article 64 du décret Hoguet, le syndic de copropriété est dispensé de la nécessité d’un mandat écrit.

 

Rappelons enfin l’article 29 du décret du 17 mars 1967 en sa version ancienne, applicable à l’espèce :

« Les conditions de rémunération du syndic sous réserve, le cas échéant, de la réglementation y afférente ainsi que les modalités particulières d’exécution de son mandat sont fixées, dans le cadre de la loi du 10 juillet 1965 et du présent décret, par l’assemblée générale, à la majorité prévue par l’article 24 de cette loi. »

 

Nous avons ainsi fait le tour des dispositions spécifiques et complémentaires, applicables au syndic professionnel.

 

Faisons le point, à l’époque des faits litigieux :

Le syndic, professionnel ou non, est désigné par l’assemblée générale.

S’il est professionnel rémunéré :

- Il est dispensé de tout mandat écrit

- Sa rémunération est fixée par l’assemblée générale

La réglementation évoquée par l’article 29 est celle de la taxation administrative des honoraires des syndics professionnels, en vigueur jusqu’en 1980.

Le statut de la copropriété ne faisait aucune mention d’un contrat de syndic. L’établissement d’un tel contrat est une pratique issue de différents accords d’ordre consuméristes et d’un engagement de modération des honoraires du 16 janvier 1982 auquel était annexé un modèle de contrat. Il n’existait pas de contrat de syndic avant cette date mais seulement des barèmes d’honoraires établis sur le modèle des barèmes administratifs anciens. Ils pouvaient faire mention de modalités particulières d’exécution du mandat et de leur incidence sur la rémunération. Ils devaient être soumis aux assemblées générales pour approbation et joints aux procès-verbaux pour l’information des copropriétaires.

 

Le syndic, on l’a vu, est reconnu comme étant un mandataire social, parfois même assimilé par des auteurs éminents au président directeur général d’une société anonyme.

Comme le droit français ne comporte aucun statut général du mandataire social, on applique au mandat du syndic, de bric et de broc, les dispositions du Code civil en éliminant certaines d’entre elles comme la faculté de substitution (ce qui est bien normal). Cette élimination conforte, s’il en était besoin, la distinction qu’il convient d’établir entre le mandat social, généré par les volontés convergentes des membres du groupe et le mandat classique, généré par les volontés réciproques de deux personnes.

 

Nous pouvons maintenant revenir à l’arrêt.

Le syndic provisoire a été renouvelé dans sa fonction pendant treize années (1982 à 1995).

Le renouvellement du mandat a été refusé en 1995. Le syndicat l’a assigné en responsabilité. Il a intégré dans son préjudice les honoraires versés dont il a demandé le remboursement.

 

Pour rejeter partiellement la demande du syndicat, l’arrêt retient qu’il est établi, « quand bien même aucun contrat écrit n’a été produit »,

- que la société Sati a été désignée pour plus d’un an par l’assemblée générale des copropriétaires syndic de la copropriété Les Tournavelles,

- qu’il importe peu que cette durée ait été irrégulière en raison des liens unissant la société Sati et le promoteur, la copropriété ayant reconduit chaque année le syndic dans ses fonctions et lui ayant donné quitus après approbation des comptes, de sorte que sa rémunération approuvée jusqu’au 31 mai 1994, ne peut plus être remise en cause

 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel :

La société Sati ne justifiait ni d’un mandat écrit ni d’une décision de nomination de l’assemblée générale ayant fixé sa rémunération préalablement à l’accomplissement de sa mission, la cour d’appel a donc violé les textes susvisés.

 

La référence au mandat écrit qui n’est prévu ni par le régime Hoguet ni par le statut de la copropriété est difficilement compréhensible. On ne peut même pas prétendre qu’il aurait pu se substituer à une décision de renouvellement (ou de désignation à nouveau) du syndic. Sur ce point la décision de l’assemblée  est la seule procédure possible.

Par ailleurs, il y avait bien eu des décisions de renouvellement du mandat. Mais le syndic, semble-t-il, n’avait pas fait fixer le montant de ses honoraires. La faute est certaine et …inattendue !

L’approbation des comptes et l’octroi du quitus pouvaient-ils remédier à l’imprévoyance du syndic ? Nous répondons par l’affirmative car nous pensons que ni la loi ni le juge ne peuvent priver l’assemblée de son droit de valider a posteriori les actes irréguliers, dès lors qu’il n’en résulte aucun préjudice pour l’un au moins des copropriétaires.

Si le syndic a par ailleurs commis une ou plusieurs fautes, le préjudice subi  par le syndicat peut être facilement déterminé et réparé, sans nécessité d’y inclure la rémunération du travail effectué par le syndic pendant plusieurs années.

Il nous semble donc que la cassation est mal venue.

 

Profitons en pour rappeler comment se présenterait aujourd’hui le contexte de cette affaire.

Seul, l’article 29 du décret du 17 mars 1967 a été modifié par le décret de 2004. Il est désormais rédigé comme suit :

« Le contrat de mandat du syndic fixe sa durée, sa date de prise d'effet ainsi que les éléments de détermination de la rémunération du syndic. Il détermine les conditions d'exécution de la mission de ce dernier en conformité avec les dispositions des articles 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965.

« La décision qui désigne le syndic et qui approuve le contrat de mandat est votée par l'assemblée générale à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965. »

On constate ainsi que le décret d’application de la loi du 10 juillet 1965 traite d’un contrat de mandat du syndic qui n’existe pas dans cette loi !

Cette disposition est, à notre avis, illégale.

 

 

 

 

 

Mise à jour

26/04/2008

 

 

 



[1] le portail « Mon immeuble »

[2] Pollet Les aspects juridiques et financiers du contrat de syndic Administrer juillet 1998 p. 8 et ss.

[3] Capoulade Les professions immobilières Ed. de l’Actualité juridique Paris 1974 n° 500 p. 560