Action d’un créancier du syndicat

Action contre les copropriétaires

Action oblique (oui) Action directe (non)

Indépendance du patrimoine du syndicat (OUI)

 

Texte complet de l’arrêt et commentaires

 

Cassation  civile 3e   26 octobre 2005

Rejet

N° de pourvoi : 04-16664

Cour d’appel de Bastia (chambre civile) 09/10/2003

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les consorts X..., aux droits desquels vient seul M. Noël X..., qui n’avaient pu obtenir du syndicat des copropriétaires des immeubles 8, rue Gabriel Péri et 13, avenue Maréchal Sébastiani à Bastia (le syndicat), le paiement des dommages-intérêts auxquels celui-ci avait été condamné par arrêt irrévocable du 24 juillet 1991, ont fait assigner chaque copropriétaire en paiement de sa quote-part d’indemnité à proportion de ses droits dans les parties communes ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande à l’égard de tous les copropriétaires, alors, selon le moyen, qu’en l’absence d’indivisibilité, tout jugement sur le fond devient irrévocable à l’égard des parties qui n’ont pas exercé des voies de recours ; qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué que seuls neuf copropriétaires des immeubles 8, rue Gabriel Péri et 13 avenue Maréchal Sébastiani avaient interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Bastia du 11 mars 1997, qui avait prononcé des condamnations distinctes à l’égard de chacun des copropriétaires défendeurs ; qu’en l’absence d’indivisibilité, ce jugement était donc devenu définitif à l’égard des copropriétaires qui n’avaient pas interjeté appel ; qu’en infirmant néanmoins le jugement en toutes ses dispositions et en déclarant l’action de M. X... irrecevable à l’égard de tous les copropriétaires, remettant ainsi en cause l’autorité de la chose jugée de la décision à l’égard des parties non appelantes, la cour d’appel a violé les articles 480, 542 et 546 du nouveau Code de procédure civile, et 1351 du Code civil ;

 

Mais attendu que l’arrêt n’ayant déclaré l’action de M. X... irrecevable qu’à l’égard des copropriétaires appelants, le moyen manque en fait ;

 

Sur le second moyen :

 

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de qualifier l’action d’oblique et de la déclarer irrecevable, alors, selon le moyen :

 

1 / que le créancier d’un syndicat de copropriétaires dispose d’une action directe en paiement des sommes qui lui sont dues, à l’encontre de chaque copropriétaire pris individuellement dans la limite de la quote-part de chaque copropriétaire dans les parties communes ; qu’en décidant néanmoins qu’en sa qualité de créancier du syndicat des copropriétaires des immeubles 8, rue Gabriel Péri et 13, avenue Maréchal Sébastiani, M. X... n’était titulaire d’aucune action directe à l’encontre des copropriétaires pour recouvrer sa créance, au motif inopérant tiré de ce que le syndicat des copropriétaires, personne morale de droit privé, disposait d’un patrimoine distinct de celui de ses membres, qui n’étaient pas responsables à l’égard des tiers ou de l’un des copropriétaires du passif de la personne morale, la cour d’appel a violé l’article 1165 du Code civil ;

 

2 / que l’action oblique a pour effet de faire tomber le produit des droits exercés dans le patrimoine du débiteur, de sorte que le créancier ne dispose d’aucun droit exclusif sur les biens du débiteur ;

 

qu’en décidant que l’action en paiement de M. X... était une action oblique, bien que sa demande n’ait pas eu pour finalité de faire rentrer une créance dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires, mais d’obtenir le paiement de sa propre créance, la cour d’appel a violé l’article 1166 du Code civil ;

 

Mais attendu qu’ayant exactement retenu que le syndicat était une personne morale de droit privé dont le patrimoine était distinct de celui de ses membres et que ceux-ci n’étaient pas responsables à l’égard des tiers ou de l’un des copropriétaires de son passif, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre M. X... dans le détail de son argumentation, en a déduit à bon droit que le créancier du syndicat disposait d’une action oblique et non d’une action directe à l’égard des copropriétaires en paiement des sommes qui lui étaient dues ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne M. X... aux dépens ;

 

 

Commentaires :

 

La possibilité pour un créancier impayé du syndicat d’agir contre les copropriétaires, - chacun pour sa quote-part -, a été consacrée par un arrêt de la Cour de cassation du 30 octobre 1984 (Administrer avril 1985) et par un autre du 7 novembre 1990 (Loyers et copropriété 1191 n° 41).

Il y avait jusqu’à présent controverse sur la nature de cette action : directe ou oblique.

Dans le premier cas, un  copropriétaire ne peut opposer au créancier les exceptions dont il dispose contre le syndicat et notamment le paiement effectué.

Dans le second cas, il le peut, et les chances de l’action sont fortement réduites. Pour un chantier de l’article L 14-2 (travaux exceptionnels), il suffit d’avoir payé les provisions demandées par le syndic.

La Cour de cassation se prononce clairement ici en faveur de la seconde qualification. C’est une action oblique.

 

L’arrêt présente une particularité notable : la Cour explique son raisonnement juridique en reprenant la motivation de la Cour d’appel de Bastia :  

« ayant exactement retenu que le syndicat était une personne morale de droit privé dont le patrimoine était distinct de celui de ses membres et que ceux-ci n’étaient pas responsables à l’égard des tiers ou de l’un des copropriétaires de son passif, la cour d’appel, […] en a déduit à bon droit que le créancier du syndicat disposait d’une action oblique et non d’une action directe à l’égard des copropriétaires en paiement des sommes qui lui étaient dues ».

 

Ce faisant, la Cour de cassation ne se borne pas à clôturer la controverse évoquée ci dessus. Elle lance un gros pavé dans la mare des discussions doctrinales sur la nature du syndicat des copropriétaires, et sur celle de son patrimoine. C’est à cet aspect de la décision que nous consacrerons de brèves observations.

La personnalité morale du syndicat est exprimée dans la loi.

 

Qu’il ait un patrimoine distinct de celui de ses membres va de soi, mais il faut remarquer que le patrimoine n’est qu’un récipient que l’on confond trop souvent avec son contenu.. Quel est le contenu du patrimoine dans le cas du syndicat de copropriétaires ?

Il n’est propriétaire d’aucun bien matériel, meuble ou immeuble. Les copropriétaires, ou certains d’entre eux, en ont la propriété indivise conformément à l’article 4 de la loi. La solution reste exacte pour un lot privatif échu au syndicat (vaine adjudication) ou acquis par lui (pour la création d’un local commun). Il importe peu qu’il ait qualité de propriétaire pour le régime de la publicité foncière. L’article 16-1 de la loi précisant que lors de la revente d’une partie commune trouve application s’il s’agit d’un tel lot privatif. Le syndicat ne dispose pas de la prérogative primordiale attachée à la qualité de copropriétaire qui est de participer aux scrutins lors des assemblées. Il est un simple dépositaire chargé de l’administration et de la gestion de cette partie privative et néanmoins commune.

Il n’est propriétaire d’aucun droit accessoire aux parties communes. Ces droits suivent le régime des parties auxquelles ils sont attachés.

Il n’est propriétaire d’aucun bien financier. Dans la balance comptable du syndicat,

·        toutes les sommes figurant au crédit sont des dettes du syndicat envers ses membres (copropriétaires) ou ses divers partenaires (fournisseurs et autres) ;

·        toutes les sommes figurant au débit sont des « créances » du syndicat au titre des provisions, avances et charges à répartir pour l’essentiel.

·        La règle absolue est qu’à tout moment le total des débits est égal au total des crédits.

Il est simple teneur de comptes, par le truchement du syndic, manieur de fonds,  Son patrimoine financier se présente comme une feuille de tableur modifiée lors de chaque enregistrement comptable sans que le solde de la feuille puisse jamais être différent de zéro, sauf le temps nécessaire au passage d’une contrepartie.

Il ne reste dès lors au patrimoine du syndicat que des actions judiciaires. Aux termes de l’article 55 du décret, son représentant légal n’en a pas la maîtrise, subordonnée à une habilitation préalable de l’assemblée générale. Les exceptions ne sauraient modifier la règle : le syndicat n’a pas la propriété des actions collectives.

 

La conclusion va de soi : le patrimoine du syndicat est un patrimoine de transit. Il s’inscrit dans un réseau de vases communicants constitué avec les patrimoines des copropriétaires et ceux des partenaires du syndicat. Peut-on alors affirmer que le patrimoine du syndicat est distinct de celui de ses membres ?

Pour le vase ? Oui.

Pour son contenu ? Non !

Il n’est que la boîte dans laquelle un popotier serre les cotisations des officiers.

 

Les copropriétaires ne sont-ils pas responsables à l’égard des tiers ou de l’un des copropriétaires de son passif ?

Sous réserve d’un autre revirement de jurisprudence, il reste acquis à ce jour, dans le langage commun, que les copropriétaires restent tenus au paiement d’un entrepreneur même s’ils ont honoré les demandes de provisions effectuées par le syndic, alors que les fonds versés ne sont plus disponibles pour quelque raison que ce soit. Il en va de même lorsque la dette abusive de l’un d’entre eux a compromis l’équilibre financier du syndicat. Il faut alors, dans le nouveau régime, décider un «  emprunt du syndicat auprès des copropriétaires ». En présence d’une telle situation, on peut disserter sur les justifications juridiques de la solution et sur l’opportunité de parler alors de solidarité. Le plus clair est qu’il faut «  remettre au pot ». Les copropriétaires ne sont pas responsables mais ils doivent payer quand même.

 

Il ne semble pas audacieux, à ce point, d’avancer que les affirmations de la Cour de cassation sont sujettes à caution.

 

Faut-il contester pour autant la réponse fournie à la question initiale : action oblique ou action directe ?

La nécessité pratique de « remettre au pot » que nous venons d’évoquer commande de pencher pour l’action directe puisque, de toute manière, la possibilité laissée aux copropriétaires d’opposer au créancier les exceptions opposables au syndicat ne mène qu’au pied du mur.

Mais un argument juridique semble aller dans le même sens. En admettant la fiction de la répartition immédiate des charges, la Cour de cassation, dans l’arrêt du 30 Octobre 1984 cité plus haut, a reconnu une relative transparence de la personnalité juridique du syndicat. Elle décrivait alors ainsi cette fiction : « que la contribution de chacun des copropriétaires aux charges constitue le soutien de l'obligation du syndicat et correspond automatiquement à une créance de celui ci sur chacun des copropriétaires contre lesquels les créanciers du syndicat peuvent, en cas de carence du syndicat, poursuivre le paiement à concurrence de leur quote-part ».

Cette reconnaissance s’impose sans aucun doute compte tenu de la nature particulière du syndicat. On peut alors opter pour l’action directe, sans pour affirmer pour autant que tel était le cas dans l’arrêt de 1984. Notons toutefois que l’action du créancier contre les copropriétaires, serait-elle directe, doit conserver un caractère subsidiaire.

 

Il faut évoquer pour terminer deux aspects pratiques qui ne sont pas négligeables/

En premier lieu, le refus aux créanciers du syndicat de l’action directe contre les copropriétaires ne peut qu’affecter la qualité de son crédit.

En second lieu : le rejet de la transparence de la personnalité du syndicat au profit de sa constitution en personne morale autonome risque de le constituer également en prestataire de services à l’égard des copropriétaires. Cela ne serait pas pour déplaire à l’administration fiscale qui rappelle, de temps à autre que le non-assujettissement des syndicats de copropriétaires à la TVA n’est à ses yeux qu’une bienveillante tolérance.

 

 

 

 

 

Mise à jour

13/11/2005