Responsabilité du syndic

Effet restreint du quitus (oui)

Limitation aux actes connus de l’assemblée (oui)

Actes dont la portée exacte n’a pas été précisée par le syndic

exonération de responsabilité au profit du syndic (non)

 

Nous avons modifié les expressions-clés pour améliorer leur cohérence et en faciliter la compréhension.

 

Cassation civile 3e  23 juin 1999                                         Cassation partielle

 

N° de pourvoi : 97-17085

Cour d’appel de Lyon (1re chambre civile) 20-03-1997

 

 

Sur le pourvoi formé par le syndicat secondaire des copropriétaires de l’ensemble commercial   XXX

 

en cassation d’un arrêt rendu le 20 mars 1997 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile), au profit :

de : (Identité des parties non reproduite)

défenderesses à la cassation ;

 

La compagnie AIG Europe a formé, par un mémoire déposé au greffe le 9 mars 1998, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

 

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

 

La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

 

LA COUR, en l’audience publique du 18 mai 1999, où étaient présents : (non reproduit)

 

Sur le rapport de  (non reproduit)

Donne acte au syndicat secondaire des copropriétaires de l’ensemble commercial XXX

 

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le syndicat secondaire des copropriétaires de l’ensemble commercial XXX (le syndicat) et la compagnie AIG Europe, assureur de l’immeuble, ont été condamnés à réparer les conséquences matérielles d’un dégât des eaux provenant de la toiture au motif que ce sinistre était dû tant à un vice de construction qu’à une absence d’entretien des écoulements de cette toiture ; que, dans les rapports de l’assureur et de l’assuré, l’obligation du premier a été limitée aux 2/3, le second supportant, en application de la police d’assurance, la part des dommages imputables à l’absence d’entretien ; que le syndicat et la compagnie AIG Europe avaient appelé en garantie la société Bouteille, syndic de la copropriété ;

 

Attendu que la compagnie AIG Europe fait grief à l’arrêt de la débouter de son appel en garantie formé à l’encontre de la société B [syndic de la copropriété], alors, selon le moyen, “1 ) que tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu’en l’espèce où le rapport d’expertise indiquait que plusieurs dégâts des eaux étaient survenus depuis 1985 dans les locaux du centre commercial et notamment dans ceux de Mme E concernés par les infiltrations survenues en 1992, la compagnie AIG Europe reprochait au syndic de s’être abstenu depuis 1985 de “s’assurer (...) que les ouvrages avaient été réalisés conformément aux règles de l’art” ; qu’en ne recherchant pas, ainsi qu’elle y était invitée, si le défaut de diligence du syndic pour s’assurer de l’absence de vice dans la construction des toitures n’était pas constitutive d’une faute par abstention susceptible d’engager sa responsabilité civile, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2 ) qu’en considérant que la compagnie AIG Europe ne pouvait reprocher au syndic de l’immeuble en copropriété les vices de construction affectant cet immeuble puisque le syndic était le mandataire du syndicat des copropriétaires et non le maître de l’ouvrage, la cour d’appel a omis de répondre aux conclusions de la compagnie AIG Europe qui, abstraction faite de la responsabilité du syndic dans l’existence même des vices, développait le moyen selon lequel le syndic avait engagé sa responsabilité civile en s’abstenant, depuis 1985, date du premier dégât des eaux, de faire vérifier la conformité des toitures de l’immeuble aux règles de l’art ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile” ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé que la preuve des dégâts des eaux antérieurs allégués devant l’expert n’était pas rapportée, la cour d’appel n’était tenue, ni de procéder à une recherche, ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

 

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

 

Vu l’article 1993 du Code civil, ensemble l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Attendu que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant ;

 

Attendu que, pour débouter le syndicat de son appel en garantie, l’arrêt retient que ce dernier peut rechercher la responsabilité du syndic sur le fondement de l’article 1992 du Code civil, qu’aux termes de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien, que l’entretien et la vérification des toitures n’ont pas fait l’objet d’un contrat avec une entreprise, qu’il n’est pas établi que même si un tel contrat avait été proposé par le syndic, l’assemblée générale des copropriétaires l’aurait accepté et que le syndic avait reçu quitus de sa gestion à chaque assemblée générale ordinaire ;

 

Qu’en statuant ainsi, en déchargeant le syndic de sa responsabilité par un motif hypothétique et alors que le quitus n’est libératoire de responsabilité que pour les actes de gestion dont l’assemblée générale a eu connaissance et qu’elle a été à même d’apprécier, la cour d’appel a violé le premier texte susvisé et n’a pas satisfait aux exigences du second ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a mis hors de cause la société Bouteille, l’arrêt rendu le 20 mars 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

 

Condamne la société B  aux dépens du pourvoi principal ;

Condamne la compagnie AIG Europe aux dépens du pourvoi provoqué ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société B

 

 

COMMENTAIRES :

 

L’arrêt relaté délimite la portée du quitus accordé au syndic.

D’un côté, il incite les syndics et leurs assureurs à ne pas compter sur un effet exonératoire plénier de l’octroi du quitus.

D’un autre côté il rend vaine l’argumentation de ceux des praticiens qui prônent le refus systématique de l’octroi du quitus au syndic, voire l’interdiction de porter à l’ordre du jour de l’assemblée cette question.

 

Il était ici reproché au syndic de n’avoir pas proposé aux copropriétaires réunis en assemblée générale la souscription d’un contrat d’entretien des toitures. Bien qu’il n’en soit pas fait mention, l’obligation de conseil du syndic était en cause.

La Cour d’appel avait rejeté la demande en faisant remarquer, de manière surprenante, que « même si un tel contrat avait été proposé par le syndic, l’assemblée générale des copropriétaires l’aurait accepté ».

Elle ajoutait en outre que les assemblées générales successives avaient donné quitus au syndic de sa gestion, pour en tirer un motif, semble-t-il, prépondérant.

Sur le premier point, la Cour de cassation relève le caractère hypothétique de la motivation.

 

Sur le second, elle pose une règle précise : « le quitus n’est libératoire de responsabilité que pour les actes de gestion dont l’assemblée générale a eu connaissance et qu’elle a été à même d’apprécier » ;

Il ne suffit pas que l’assemblée ait eu connaissance d’un acte de gestion pour que le syndic soit exonéré de sa responsabilité.

Il faut de plus qu’elle ait été à même de l’apprécier, c’est à dire d’en peser les conséquences immédiates (une charge financière par exemple) et les éventuelles conséquences futures.

 

La Cour de cassation consolide ainsi la jurisprudence dominante des juridictions du fond.

C’est ainsi qu’à propos d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles [1] M. Vigneron remarque dans le Jurisclasseur copropriété (Fasc. 91-10 n° 52)  « qu’un quitus n’aurait pas valeur de ratification des actes intervenus si, en raison de circonstances particulières, le syndic n’a pas suffisamment souligné à l’assemblée générale les conséquences particulièrement graves d’un événement dont le syndicat a eu connaissance ».

Dans cette affaire, le syndicat avait été condamné par jugement du 27 décembre 1980 à effectuer des travaux sur l’installation de chauffage sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard. Faute de recours en appel, l’astreinte avait été liquidée à 365 000 F, soit 730 jours ! Le syndicat reprochait au syndic d’avoir fait exécuter les travaux avec retard et de n’avoir pas attiré l’attention des copropriétaires sur les conséquences d’une décision judiciaire assortie d’une astreinte. On peut penser que les copropriétaires eux-mêmes n’étaient pas sans reproche.

Mais la Cour indique au syndic, qui se bornait à invoquer le quitus, ce qu’aurait dû être son comportement : convoquer une assemblée générale dès le prononcé du jugement et « expliquer clairement aux copropriétaires les données du problème, attirer leur attention  sur les conséquences attachées au prononcé d’une astreinte définitive et mettre à l’ordre du jour le vote d’appels de fonds destinés à permettre l’exécution de ce jugement ».

C’est, en l’espèce l’insuffisance de l’information qui est reprochée au syndic pour justifier l’inefficacité du quitus.

 

Un examen attentif de la jurisprudence permet de constater que les Juges ne se contentent pas de constater l’existence du quitus mais vérifient les conditions dans lesquelles il a été donné.

 

La solution simpliste du refus systématique de quitus « pour la sauvegarde des intérêts du syndicat » est donc dépourvue de toute justification sérieuse. Elle incite le conseil syndical à limiter ses contrôles aux seuls comptes, et le syndic à ne pas faire rapport complet de sa gestion.

Il serait souhaitable que le Législateur impose aux uns et aux autres de pleinement remplir les obligations sont les leurs, et à l’assemblée de délibérer sur le quitus en formulant, le cas échéant, des réserves sur certains points. Le syndicat conserverait ses recours sur ces points, et plus généralement sur les actes de gestion non connus, voire recélés.

Un refus total du quitus devrait être motivé.

 

 

 

 

 

Mise à jour

09/12/2006

 

 

 



[1] CA Versailles 18/01/1990  RDI septembre 1990 p. 414 note Giverdon