Réseau public de chauffage

Obligation de raccordement prévue par le cahier des charges (ZUP)

cahier des charges reproduit dans le règlement de copropriété

Obligation réelle attachée aux immeubles construits dans le périmètre de la zone (oui)

Syndicat tenu de renouveler le contrat d’abonnement (oui)

 

 

Cassation  civile 3e  22 mai 2007                                                     Rejet

Cour d’appel de Paris (19e chambre, section A) 01-06-2005

N° de pourvoi : 05-18172

 

 

 

 

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

 

Attendu, d’une part, qu’ayant relevé que l’obligation de raccordement et l’obligation consécutive de signer une police d’abonnement résultaient pour les copropriétaires de leur titre de propriété et du règlement de copropriété, la cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant que la suppression des zones à urbaniser par priorité n’avait pas modifié cette obligation pour les copropriétaires, qu’aucune disposition de la loi du 13 juillet 1991 ne faisait obstacle au renouvellement ou à la négociation d’une nouvelle concession, et que la loi du 30 décembre 1996 n’avait pas modifié les situations nées antérieurement ;

 

Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que l’obligation de raccordement, attachée à l’immeuble et non à la personne des copropriétaires, était une obligation réelle et retenu que le syndicat était irrecevable à demander qu’il soit sursis à statuer aux fins de question préjudicielle sur la légalité des dispositions tarifaires, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant sur le caractère limité de l’obligation de raccordement par la durée de la concession, a pu condamner le syndicat à signer la police d’abonnement ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Charcot 2,4,7,11,13,15,17,19 allée Hélène Boucher et 12,14,16 allée Maryse Hilsz, 93270 Sevran, aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Charcot à payer à la société Dalkia France la somme de 2 000 euros, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Charcot ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille sept.

 

 

 

Commentaires :

 

Cet arrêt présente un intérêt évident en trois branches : juridique, économique et même sociale.

Dans le cadre d’une zone à urbaniser en priorité (ZUP), une société HLM a acquis un terrain pour construire un immeuble en copropriété. Comme cela est fréquent dans ce contexte particulier, l’acte de vente reprend les clauses du cahier des charges de la ZUP qui impose à l’acquéreur de raccorder l’immeuble au réseau public de chauffage et la souscription à cet effet d’un contrat d’abonnement.

Les clauses du cahier des charges sont reproduites en tête du règlement de copropriété. Elles sont donc opposables aux copropriétaires.

 

Ces obligations de raccordement à un réseau public de chauffage sont, à tort ou à raison, fortement contestées par les copropriétaires (et leurs locataires). Il est allégué que la concession du service a une entreprise privée se traduit par un coût excessif des prestations de chauffage et, plus généralement, que le mécanisme prive les abonnés de toute possibilité d’appel à la concurrence.

 

En l’espèce, à l’expiration de la première période contractuelle, le syndicat avait refusé son renouvellement.

Assigné par la société concessionnaire aux fins de renouvellement forcée du contrat, le syndicat avait invoqué une argumentation assez faible, rejetée par la Cour d’appel de Paris en des termes approuvés par la Cour de cassation :

- la suppression des zones à urbaniser par priorité n’a pas modifié cette obligation pour les copropriétaires ;

- aucune disposition de la loi du 13 juillet 1991 ne faisait obstacle au renouvellement ou à la négociation d’une nouvelle concession

 - la loi du 30 décembre 1996 n’a pas modifié les situations nées antérieurement

 

Le syndicat contestait également la légalité des dispositions tarifaires nouvelles.

Cette contestation n’entrait pas dans le domaine de compétence des juridictions judiciaires. Il y a alors exception de question préjudicielle. La recevabilité d’une telle exception oblige la juridiction civile saisie à surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction compétente, - administrative en l’espèce - , ait statué sur la légalité ou non des dispositions incriminées. La Cour d’appel a déclaré l’exception irrecevable et elle est encore approuvée sur ce point par la Cour de cassation.

 

Nous retiendrons surtout que la Cour d’appel a relevé que l’obligation de raccordement, attachée à l’immeuble et non à la personne des copropriétaires, est une obligation réelle.

La Cour de cassation, ici encore, reprend purement et simplement l’affirmation de la Cour d’appel, qui mérite un examen attentif.

Il existe deux catégories principales d’obligations pour les personnes.

L’obligation personnelle résulte d’un contrat ou d’une convention. Le contrat de location oblige le bailleur à mettre à disposition le bien loué. Il oblige le locataire au paiement du loyer.

L’obligation réelle est attachée à un bien déterminé. Elle pèse sur une personne à raison de sa qualité de propriétaire de ce bien. En cas de vente du bien, l’obligation passe automatiquement sur la tête de l’acquéreur. La servitude est une obligation réelle liée à un fonds au profit d’un fonds voisin. Ainsi pour un droit de passage.

 

On considère habituellement que les obligations incombant aux copropriétaires sont de nature personnelle parce qu’elles résultent du règlement de copropriété qui est une convention. La jurisprudence et la doctrine sont majoritairement en ce sens.

Notre opinion est au contraire que les obligations des copropriétaires sont des obligations réelles.

Dans les premiers temps du développement de la copropriété en France, des personnes physiques se groupaient pour construire un immeuble et s’en répartir les différents lots. Elles établissaient à cet effet une convention, - le règlement de copropriété - , qui avait pour objet de définir leurs droits et obligations respectifs. Depuis bien longtemps, les règlements de copropriété sont établis par les promoteurs. Les premiers acquéreurs sont réputés y adhérer en signant le contrat d’acquisition.

De nos jours, lors d’une vente de lot, l’acte notarié fait mention du règlement de copropriété, mais il ne comporte aucune adhésion de l’acquéreur. Celui ci est automatiquement soumis au statut légal de la copropriété comme aux dispositions du règlement de copropriété par le seul fait juridique de son acquisition du lot. Il n’existe donc aucune différence à cet égard entre l’assujettissement à une servitude et l’assujettissement au règlement de copropriété.

 

En l’espèce, l’obligation de raccordement au réseau public de chauffage résulte d’une disposition administrative, incluse dans le cahier des charges de la ZUP.  Cette disposition administrative s’applique à tous les immeubles bâtis dans son périmètre, quel que soit leur régime juridique. Dans le cas des immeubles mis en copropriété, elle est reprise dans le règlement de copropriété pour être rendue opposable aux copropriétaires. Elle n’est pas vraiment une servitude mais une disposition relative à l’organisation générale de la ZUP. Lorsqu’un service collectif de la ZUP est concédé, les prérogatives attachées à la disposition administrative sont exercées par le concessionnaire.

Mais, en fin de compte, ce sont les copropriétaires qui la supportent et c’est bien l’occasion d’évoquer la transparence juridique du syndicat.

Il est vrai que les copropriétaires se trouvent obligés, d’une manière générale, à l’égard de tous les fournisseurs du syndicat puisqu’ils contribuent au paiement des fournitures. Mais le particularisme de l’obligation de raccordement est qu’elle n’est pas ressentie comme une simple obligation financière faisant suite à une décision librement prise en assemblée générale. Elle prive les copropriétaires de cette liberté de choix sans que cette contrainte soit justifiée par un monopole traditionnel. Elle affecte donc fondamentalement les droits individuels de copropriété et pas seulement la gestion collective.

 

On retrouve ce genre de difficulté dans toutes les grandes opérations immobilières sous des formes diverses. Ainsi pour les grands ensembles groupant des copropriétés et des monopropriétés locatives, dont les éléments d’équipement et les services communs sont gérés par une ASL ou une AFUL.

 

Une dernière observation porte sur le fait que le lien juridique, initialement constitué entre le concessionnaire et le promoteur, est passé sur la «  tête » du syndicat des copropriétaires.

Il est admis que certaines prérogatives et obligations de la société de construction ou du promoteur passent dans le patrimoine du syndicat à sa naissance. C’est le cas notamment pour l’assurance dommages-ouvrages souscrite par le promoteur [1] et il va de même pour la garantie décennale des constructions. Certaines obligations contractuelles souscrites par le promoteur peuvent également être transmises dès lors qu’elles ont été portées à la connaissance des acquéreurs.

Mais ce transfert de prérogatives et d’obligations est ici sans intérêt puisque l’obligation de souscrire le renouvellement de l’abonnement est une obligation réelle pesant le sur le syndicat.

 

La solution adoptée par la Cour de cassation est donc incontestable.

Les difficultés d’ordre économique et social que nous avons évoquées ne peuvent être traitées que par la voie de la négociation amiable. Toutefois, le caractère manifestement abusif des prétentions du concessionnaire peut justifier une action judiciaire entrant dans le domaine de la protection des consommateurs. On connaît à cet égard les solutions dérogatoires admises dans le secteur de la Défense à Paris.

 

 

 

 

 

Mise à jour

26/06/2007

 

 

 



[1]  Cass. civ 3e 20/010/2004