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Action en nullité de l’assemblée générale

Action distincte de l’action en contestation des décisions (oui)

Prescription de l’article L  42 alinéa 1 (oui)

Désignation du président et des scrutateurs ; Votes distincts nécessité (oui)

Résultats détaillés des votes nécessité (oui)

Vote unique ; nullité de l’assemblée (oui)

 

 

Cassation civile 3e  20 décembre 2006

Cassation partielle

N° de pourvoi : 05-20384

Cour d’appel de Toulouse (1re chambre civile section 1) 24-08-2005

 

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y..., propriétaires de lots de copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Casino en nullité de l’assemblée générale du 3 février 2001 et qu’ils ont étendu leur demande à celles des 2 février 2002 et 15 juin 2002 ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

 

Attendu que Mme X... et M. Y... font grief à l’arrêt de dire les assemblées régulièrement tenues, alors, selon le moyen :

 

1 / que constituent des formalités substantielles conditionnant la validité de la tenue d’une assemblée générale des copropriétaires l’accomplissement des dispositions combinées incluses aux articles 15 et 17 du décret du 17 mars 1967 dans leur rédaction applicable en la cause, imposant “au début de chaque réunion” la désignation distincte par l’assemblée de son président et, si tel est le cas, de son bureau (scrutateurs) et l’indication au procès-verbal des délibérations de l’assemblée du “résultat de chaque vote” avec précisions complémentaires, à défaut de quoi la nullité de l’assemblée est encourue de plein droit à la demande de tout copropriétaire, “indépendamment de tout grief” et sans qu’importe qu’il ait pu participer à un vote global unanime ; qu’en effet, il y a alors nécessité d’un vote distinct, devant porter d’abord sur la désignation du président, ensuite sur la désignation du bureau ou des scrutateurs ainsi que de l’indication précise au procès-verbal des conditions dans lesquelles le président et les scrutateurs ont été distinctement élus ; mais qu’en l’espèce, il résulte des mentions sommaires figurant au procès-verbal de l’assemblée générale du 3 février 2001 non seulement que le président n’a été désigné qu’après l’établissement de la feuille de présence, mais aussi qu’il n’y a pas eu désignation distincte du président et des scrutateurs, mais élection globale à l’unanimité sans autre précision ; qu’il y avait donc matière à nullité de l’assemblée générale du 3 février 2001 sur le fondement des textes susvisés dont se prévalaient Mme X... et M. Y... dans leurs écritures, en sorte que l’arrêt doit être censuré de ce chef pour violation des articles 15 et 17 du décret précité ;

 

2 / que l’arrêt ne pouvait non plus valablement opposer à Mme X... et à M. Y... la prescription de deux mois invoquée par le syndicat des copropriétaires sur le fondement de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, ce texte ne s’appliquant, selon ses propres termes, qu’aux “actions ayant pour objet de contester les décisions des assemblées générales” et ne pouvant donc s’étendre aux actions en contestation de la validité de l’assemblée générale affectée d’une irrégularité majeure ; qu’en effet, comme le précisaient les conclusions, il ne s’agissait pas de contester la réalité de l’élection du président, mais la légalité de la tenue de l’assemblée générale compte tenu d’un vote unique pour élire le président et les membres du bureau ; qu’il s’ensuit que la prescription applicable à l’action des copropriétaires concernés ne pouvait relever de ce texte légal et s’inscrivait dans le cadre de l’article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 ; que l’arrêt a donc violé par fausse application un texte, l’article 42, alinéa 1, (en réalité 2) de la loi précitée, retenu à tort ;

 

3 / que par voie de conséquence nécessaire de l’annulation de l’assemblée générale du 3 février 2001, doivent être annulées, les assemblées générales subséquentes tenues le 2 février 2002 et le 15 juin 2002 par suite d’un effet de cascade, dès lors que les copropriétaires ne pouvaient plus être convoqués régulièrement par le même syndic, M. Z..., à défaut du renouvellement de son mandat du fait de l’annulation même de l’assemblée générale initiale consacrant ce renouvellement ; et que cette absence de convocation régulière des copropriétaires exclurait en tout état l’application éventuelle de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ; qu’ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

 

Mais attendu qu’ayant constaté que le procès-verbal de l’assemblée générale du 3 février 2001 énonçait que le président et les membres du bureau avaient été élus à l’unanimité des copropriétaires présents et représentés, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable, s’agissant de “délibération” au sens de l’article 42, alinéa 2, de la loi, et que les demandes d’annulation des assemblées générales postérieures par l’effet d’une “cascade” étaient privées de support ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

 

Sur le second moyen, ci-après annexé :

 

Attendu qu’ayant exactement retenu que l’annulation n’était encourue que dans la mesure où l’absence de notification de l’ordre du jour complémentaire pouvait exercer une influence sur les points évoqués à l’assemblée ou qu’il existait une relation avec eux et relevé qu’en procédant par simple affirmation sans tenter de le démontrer précisément, Mme X... et M. Y... n’établissaient pas la relation entre les diverses demandes qu’ils avaient formulées et les points de l’ordre du jour sur lesquels l’assemblée avait délibéré, la cour d’appel, qui a relevé que nombre de ceux abordés dans leur demande d’ordre du jour complémentaire ne constituaient pas des demandes susceptibles de faire l’objet d’une délibération mais de simples observations, récriminations, questions ou demandes de précisions, et qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions qui ne tiraient pas de conséquences juridiques des faits qu’elles affirmaient, a légalement justifié sa décision ;

 

 

Mais, sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

 

Vu l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 15 et 17 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans leur rédaction applicable à la cause ;

 

Attendu qu’au début de chaque réunion, l’assemblée générale désigne, sous réserve des dispositions de l’article 50 du présent décret, son président ; que le syndic assure le secrétariat de séance, sauf décision contraire de l’assemblée générale ; que le procès-verbal indique le résultat de chaque vote et précise le nom des copropriétaires ou associés qui se sont opposés à la décision de l’assemblée, de ceux qui n’ont pas pris part au vote et de ceux qui se sont abstenus ;

 

Attendu que pour déclarer prescrite l’action de Mme X... et de M. Y... en annulation des assemblées générales des 2 février 2002 et 15 juin 2002 fondée sur l’irrégularité du procès-verbal en raison des conditions de désignation du président de séance et du bureau, l’arrêt retient qu’elles constituent des “délibérations” au sens de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que l’inobservation des formalités substantielles d’établissement du procès-verbal entraîne la nullité de l’assemblée générale et qu’à défaut de constater que les procès-verbaux de celles du 2 février 2002 et du 15 juin 2002 contenaient les indications prescrites sur les conditions des votes et leurs résultats, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que les assemblées générales des 2 février 2002 et 15 juin 2002 dont Mme X... et M. Y... poursuivent l’annulation ont été régulièrement tenues, l’arrêt rendu le 24 août 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse, autrement composée ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Casino aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Casino à payer à Mme X... et M. Y..., ensemble, la somme de 1 800 euros ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins du Casino ;

 

 

COMMENTAIRES

 

M. X et Mme Y , propriétaires de lots de copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires en nullité de l’assemblée générale du 3 février 2001.  ils ont étendu leur demande à celles des 2 février 2002 et 15 juin 2002 ;

Ils invoquaient, s’agissant de la première de ces assemblées, la désignation du président et des scrutateurs par un vote unique. La Cour d’appel a  déclaré leur action « prescrite » en vertu de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965. Ils ont critiqué cette décision, faisant valoir qu’ils ne demandaient pas l’annulation d’une ou plusieurs résolutions mais l’annulation de l’assemblée elle-même, en raison de l’illégalité de sa tenue sous la présidence d’une personne irrégulièrement désignée, et avec le concours de scrutateurs dont la désignation était également irrégulière. Ils ont prétendu à nouveau devant la Cour de cassation que la prescription applicable était celle prévue par l’article 42 alinéa 1 de la loi.

De leur demande principale, ils déduisaient la nécessaire annulation des deux assemblées suivantes, convoquées par un syndic n’ayant pas qualité pour ce faire du fait de l’annulation du renouvellement de son mandat par la première assemblée.

 

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir « constaté que le procès-verbal de l’assemblée générale du 3 février 2001 énonçait que le président et les membres du bureau avaient été élus à l’unanimité des copropriétaires présents et représentés » et d’en avoir « exactement déduit que la demande était irrecevable, s’agissant de “délibération” au sens de l’article 42, alinéa 2, de la loi, et que les demandes d’annulation des assemblées générales postérieures par l’effet d’une “cascade” étaient privées de support » ;

 

Elle écarte ensuite les prétentions des demandeurs relatives au défaut de notification d’un ordre du jour complémentaire portant sur des points  qui « ne constituaient pas des demandes susceptibles de faire l’objet d’une délibération mais de simples observations, récriminations, questions ou demandes de précisions ». Cette partie de l’arrêt est ici sans intérêt.

 

Mais, s’agissant des deux assemblées tenues en 2002, la Cour de cassation revient à la nécessité de votes distincts pour la désignation du président et des scrutateurs, et sur l’obligation de faire figurer dans le procès verbal le résultat de chaque vote et les noms des copropriétaires ou associés qui se sont opposés à la décision de l’assemblée, de ceux qui n’ont pas pris part au vote et de ceux qui se sont abstenus, le tout au visa des articles 15 et 17 du décret du 17 mars 1967.

Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir considéré que les assemblées litigieuses constituaient des « délibérations » au sens de l’article 42, alinéa 2 de la loi et juge finalement ;

 

« Attendu que pour déclarer prescrite l’action de Mme X... et de M. Y... en annulation des assemblées générales des 2 février 2002 et 15 juin 2002 fondée sur l’irrégularité du procès-verbal en raison des conditions de désignation du président de séance et du bureau, l’arrêt retient qu’elles constituent des “délibérations” au sens de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’inobservation des formalités substantielles d’établissement du procès-verbal entraîne la nullité de l’assemblée générale et qu’à défaut de constater que les procès-verbaux de celles du 2 février 2002 et du 15 juin 2002 contenaient les indications prescrites sur les conditions des votes et leurs résultats, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

 

Or, dans un arrêt récent du 21 juin 2006, la Cour de cassation s’exprimait ainsi :

« Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt de déclarer leur demande d’annulation de l’assemblée générale du 11 juin 2001 irrecevable, alors, selon le moyen, que n’est pas enfermée dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l’assemblée générale l’action en nullité de cette assemblée fondée sur l’irrégularité de la désignation du président ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 42, alinéas 1 et 2, de la loi du 10 juillet 1965, ensemble celles de l’article 15 du décret du 17 mars 1967 ;

« Mais attendu que constitue une décision au sens de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, la désignation par un vote du président de l’assemblée générale des copropriétaires visée à l’article 15 du décret du 17 mars 1967 ; qu’ayant constaté que les époux X... avaient soulevé la nullité de l’assemblée générale pour irrégularités affectant la désignation du président et des membres du bureau plus de deux mois après la notification du procès-verbal, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action était prescrite » ;

 

On peut penser que, sur une même question, la Cour de cassation exprime à quelques mois d’intervalle deux solutions radicalement contraires.

Dans les deux affaires c’est bien l’annulation de l’assemblée générale qui est demandée et c’est l’irrégularité de la désignation du président qui est invoquée.

Il existe toutefois un élément particulier dans l’arrêt du 20 décembre 2006 : l’irrégularité du procès verbal, qui n’est pas évoquée dans l’arrêt du 21 juin 2006. La Cour de cassation juge en effet que « l’inobservation des formalités substantielles d’établissement du procès-verbal entraîne la nullité de l’assemblée générale et qu’à défaut de constater que les procès-verbaux de celles du 2 février 2002 et du 15 juin 2002 contenaient les indications prescrites sur les conditions des votes et leurs résultats ».

L’arrêt est alors dans la ligne de la jurisprudence antérieure et notamment de l’arrêt du 10 février 1999 de la 23e chambre de la Cour d’appel de Paris [1]  qui prononce l’annulation de l’assemblée générale en se fondant sur les irrégularités multiples d’un procès verbal d’assemblée.

Citons également l’arrêt rendu par la même chambre le 7 mars 2002 « s’agissant de l’inobservation d’une formalité substantielle, l’action en annulation saurait être enfermée dans le délai de deux mois du second alinéa de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu’en effet ce délai préfix ne s’applique qu’aux actions qui ont pour objet de contester les décisions d’une assemblée générale ». D’où l’application à la demande formulée du délai de prescription de dix années.

 

A la lecture de l’arrêt du 21 décembre 2006, force est de constater que la Cour de cassation consacre l’existence d’une action en nullité de l’assemblée générale, régie, - pour la prescription au moins – par l’alinéa 1er de l’article 42, et totalement distincte de l’action en contestation des décisions établie par le second alinéa du même article.

Il ne faut donc plus entendre par annulation de l’assemblée générale celle de l’ensemble des décisions, artifice permettant d’invoquer la déchéance de l’article 42, alinéa 2 et admis par la Cour d’appel qui avait considéré les assemblées comme des délibérations . L’action en nullité de l’assemblée est une action autonome En l’absence de texte spécifique dans le statut de la copropriété, il faut rechercher son fondement dans le droit commun des actes juridiques : l’inobservation des formalités substantielles d’un acte juridique.

On qualifie de substantielle une formalité nécessaire pour que l’acte produise les effets conformes à son objet et à sa raison d’être. Le procès-verbal de l’assemblée a pour objet de constituer la preuve du contenu des décisions prises et de la régularité des conditions dans lesquelles elles ont été prises. A ce titre, il doit reproduire le texte complet de la résolution adoptée et comporter les résultats détaillés des votes. A défaut, on ignore ce qui a été décidé ; on ne peut pas vérifier si la majorité nécessaire a été obtenue ; on ne peut déterminer les copropriétaires ayant qualité pour contester la décision. Le document a été établi mais il n’est pas probant.

Pourtant, dans bien des cas, la décision a bien été prise par l’assemblée dans des conditions régulières. Sur le fondement de l’article 1326 du Code civil, certaines juridictions ont admis que le procès-verbal vicieux pouvait constituer un commencement de preuve par écrit pouvant être conforté par la feuille de présence, voire des témoignages. Cette voie demeure incertaine.

Le secrétaire de l’assemblée, a fortiori s’il s’agit du syndic, doit donc veiller au respect strict des formalités. Il doit même y ajouter car l’article D 17 modifié ne prévoit pas la transcription du texte de la résolution adoptée ! Il est évident que cette transcription doit être effectuée.

 

L’innovation présente l’inconvénient majeur de permettre l’application aux cas de nullité de l’assemblée de la prescription de dix ans. On peut toutefois observer que l’article 1304 du Code civil limite à cinq ans la prescription des actions en nullité des conventions. Mais la jurisprudence maintient sa référence à la durée prévue par l’article 42 al. 1 de la loi de 1965.

On peut de plus douter du caractère personnel de l’action en nullité de l’assemblée générale. Il s’agit d’une action statutaire dont les caractéristiques doivent être établies en fonction de l’intérêt supérieur de la collectivité. Celui ci commande l’application d’une déchéance identique à celle prévue par l’article 42 alinéa 2.

 

Une intervention législative serait donc nécessaire pour créer l’action en nullité de l’assemblée que le statut actuel ne connaît pas et en fixer les modalités.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

19/06/2011

 

 

 



[1]  Loyers et copropriété 1999 n° 189