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Privilège spécial
immobilier du syndicat Mise en œuvre ; vente
du lot nécessaire (oui) Nature chirographaire de la
créance en l’absence de vente Question
évoquée dans les commentaires : Opportunité de
conférer à la déclaration de créance du syndicat l’effet de mise en œuvre du
privilège. Voir in fine note JPM 18/08/2007 relative à l’incidence de la réforme des procédures
collectives Cassation
civile 3e 15 février 2006 Rejet. Cour d’appel de
Grenoble, 2004-06-30 N° de pourvoi :
04-19095 Sur le moyen
unique, relevé d’office, après avis donné aux parties : Attendu, selon
l’arrêt attaqué (Grenoble, 30 juin 2004), que le syndicat des copropriétaires
de la résidence Jean Jaurès à Bourges (le syndicat), créancier de charges de
copropriété contre la SCI Jacques Coeur (la société), qui avait été mise en
liquidation judiciaire alors qu’elle était propriétaire d’un lot, a déclaré
sa créance à titre privilégié entre les mains de M. X..., liquidateur
judiciaire ; Attendu que le
syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt d’admettre la créance pour
partie à titre chirographaire alors, selon le moyen, que les syndicats de
copropriétaires sont dispensés de la formalité d’inscription du privilège
dont ils bénéficient sur l’immeuble pour garantir le paiement de leur créance
de charges et travaux ; qu’en admettant pourtant à titre seulement
chirographaire la créance du syndicat des copropriétaires au motif que le
privilège dont il disposait n’était pas opposable à M. X..., tiers à la
relation existant entre la société Jacques Coeur et le syndicat, dès lors
qu’il n’avait pas fait l’objet d’une inscription, la cour d’appel a violé
l’article 2107 du Code civil ; Mais attendu que
le privilège immobilier bénéficiant au syndicat des copropriétaires pour le
paiement des charges et travaux ne s’exerce qu’en cas de vente du lot de
copropriété ; que par ce motif de pur droit substitué à celui critiqué,
l’arrêt se trouve légalement justifié ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
; Condamne le
syndicat des copropriétaires de la résidence Jean Jaurès à Bourges aux dépens
; Vu l’article 700
du nouveau Code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires
de la résidence Jean Jaurès à Bourges à payer à M. X..., ès qualités, la
somme de 2 000 euros ; Revue trimestrielle
de droit civil, 2006-07, n° 3, chroniques-3, p. 599-600, observations Pierre
CROCQ. commentaires Le présent arrêt montre, s’il était encore besoin, que le privilège spécial est pour le syndicat des copropriétaires une garantie à manier avec prudence et qui n’est pas toujours très sure, notamment quand le copropriétaire, en l’occurrence une SCI, est placé en état de liquidation judiciaire. Le syndicat avait déclaré sa créance au liquidateur judiciaire et lui reprochait de ne l’avoir admise qu’à titre chirographaire, sans tenir compte du privilège spécial dont elle bénéficiait. La Cour d’appel avait admis la position du liquidateur. La Cour de cassation rejette le pourvoi en faisant observer « que le privilège immobilier bénéficiant au syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges et travaux ne s’exerce qu’en cas de vente du lot de copropriété ». A la vérité, du point de vue pratique, ce sont les autres créanciers inscrits ou privilégiés de la SCI qui sont les premières victimes de cette solution. L’état des créances fait apparaître le syndicat au rang des simples créanciers chirographaires. Après la vente du lot, il peut surgir soudainement pour passer devant tout le monde !
Encore faut-il que la vente ne soit pas trop tardive ! Chaque jour qui passe accroît le risque pour le syndicat de perdre le plein effet du privilège, qui ne porte que sur l’année en cours (date de la vente) et les deux années antérieures. Les travaux préparatoires révèlent que la date de référence à prendre en considération pour la détermination des exercices garantis est celle de la mutation [1] . Lorsque les charges sont dues par une SCI, un récent arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation a apporté une solution favorable au créancier impayé d’une SCI. On sait qu’en vertu de l’article 1858 du Code civil, il peut poursuivre les associés s’il justifie de poursuites vaines et préalables contre la société ; La Cour de cassation a jugé que si la SCI est en « faillite », la déclaration de créance est assimilée aux « vaines poursuites », sans que le créancier ait à prouver que le patrimoine social sera insuffisant pour le paiement de sa créance. [2] ;. Il serait souhaitable que la déclaration de la créance entraînât également la mise en œuvre du privilège spécial. Cela est-il concevable ? L’article 20 de la loi énonce en son dernier alinéa : « L’opposition régulière vaut au profit mise en œuvre du privilège mentionné à l’article 19-1 ». Les auteurs estiment que le syndicat manifeste ainsi son intention de faire valoir son privilège. Le cas le plus fréquent est sans doute la signification d’une opposition en l’absence de toute « faillite ». On peut légitimement penser que le législateur n’a pas songé à ce cas particulier, alors qu’il est celui dans lequel la garantie du privilège est la plus souvent invoquée. Il n’existe par ailleurs aucun texte interdisant formellement d’établir un autre mode de mise en œuvre. Aucun texte ne fait de la réalisation de la vente une condition de l’existence du privilège. Il est seulement vrai que le privilège existant ne peut avoir d’effet utile qu’à l’occasion de la vente du lot. De plus, aux termes de l’avis de la Cour de cassation du 21 janvier 2002, le régime des provisions et charges appelées postérieurement au jugement prononçant la liquidation judiciaire est celui des « autres créances » visées par l’article 621-32 III 5° du Code de commerce. Elles viennent donc après les créances privilégiées visées aux 1° à 4° de cet article. Il serait donc logique que le montant des charges bénéficiant du privilège spécial fût liquidé à la date du jugement en cas de déclaration de la créance. Cela permettrait de les faire figurer comme privilégiées dans l’état des créances. Dans le cas évoqué plus haut des « vaines poursuites », la Cour de cassation a édicté une mesure novatrice en faisant de la déclaration de créance l’équivalent des vaines poursuites exigées par l’article 1858 du Code civil. Il ne semble pas inconcevable d’espérer une semblable faveur pour la mise en œuvre du privilège immobilier spécial du syndicat des copropriétaires. Note JPM 18/08/2007 Le régime des procédures collectives a été modifié par la
Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er
janvier 2006 réserve faite de son article 190. L’article L 643-2 nouveau du Code de commerce est ainsi
conçu : « Les créanciers
titulaires d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque et
le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont
déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur
droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la
liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du
jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire. « Lorsque le tribunal a
fixé un délai en application de l'article L. 642-2, ces créanciers
peuvent exercer leur droit de poursuite individuelle à l'expiration de ce
délai, si aucune offre incluant ce bien n'a été présentée. « En cas de vente
d'immeubles, les dispositions des premier, troisième et cinquième alinéas de
l'article L. 642-18 sont applicables. Lorsqu'une procédure de saisie
immobilière a été engagée avant le jugement d'ouverture, le créancier
titulaire d'une hypothèque est dispensé, lors de la reprise des poursuites individuelles,
des actes et formalités effectués avant ce jugement. » Ce texte fait rebondir le débat. Il ouvre en principe au syndicat des copropriétaires la
possibilité de provoquer la vente du lot soit après expiration du délai de
trois mois prévu par l’alinéa 1 soit après expiration du délai fixé par le
tribunal en application de l’article L 642-2, si aucune offre incluant ce
bien n’a été présentée. Mais, précisément, comme le montre l’arrêt relaté, le syndicat des copropriétaires n’est qu’un créancier chirographaire tant que … l’appartement n’est pas vendu. Cette contradiction impose la solution que nous avons suggérée. Un enseignement certain pour les syndics : ils doivent agir vivement auprès des liquidateurs judiciaires pour obtenir la mise en vente du lot dans les meilleurs délais. A noter que le bénéfice de l’assimilation serait sans doute réservé aux syndicats ayant effectué la déclaration de la créance. Ils seraient alors récompensés pour la qualité du suivi du recouvrement ! |
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