00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

 

Mandataire social

Cumul du mandat social avec un contrat de travail

Conditions

 

 

Cour de cassation chambre sociale  14 juin 2005

Cour d’appel de Versailles, du 10 octobre 2002

N° de pourvoi: 02-47320

 

 

Attendu que M. X..., engagé en 1946 en qualité de secrétaire technico-commercial par la société Boutin, est devenu président du conseil d’administration de cette société en 1970, après sa transformation en société anonyme et sa fusion avec une société Cellotub, qui a donné naissance à une société CDB ; qu’à la suite du règlement judiciaire de cette société, ainsi que de ses filiales Unideco et Mediaflex, le 10 septembre 1983, les fonds de ces trois sociétés ont été donnés en location-gérance à une société Manuli auto France, constituée à cette fin, le 29 novembre 1983 ; que la société Manuli auto France a alors conclu le 2 janvier 1984 avec M. X... une convention qui lui confiait pendant une durée de deux années une mission de conseiller extérieur indépendant ; que l’URSSAF ayant refusé l’immatriculation de M. X... comme travailleur indépendant et notifié à la société Manuli auto France un redressement au titre de cotisations sociales, cette dernière a fait assigner M. X... pour obtenir la répétition des sommes versées à l’URSSAF au titre de la part salariale des cotisations sociales ; que M. X... a demandé la requalification de cette convention en contrat de travail et le paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que la société Manuli auto France fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 10 octobre 2002) d’avoir jugé qu’elle était liée à M. X... par un contrat de travail à durée indéterminée et de l’avoir en conséquence condamnée au paiement de diverses sommes alors, selon le moyen :

 

1 / que la règle de la suspension du contrat de travail d’un salarié devenu mandataire social ne s’applique pas au cas où ce dernier a continué à exécuter les fonctions exercées avant sa désignation comme mandataire social ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que M. X... avait reconnu avoir poursuivi l’exécution de son contrat de travail pendant l’exercice de son mandat social, celui-ci s’étant, selon lui, cumulé avec son contrat de travail ; qu’en retenant que ce contrat de travail avait été suspendu pendant le temps du mandat social, quand une telle suspension était incompatible avec la poursuite, par le mandataire social, de l’exécution de ses anciennes fonctions, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

 

2 / que la société Manuli auto France soutenait, dans ses conclusions d’appel, que les fonctions exercées par M. X... pendant son mandat social, identiques à ses précédentes fonctions salariées, ne pouvaient, en l’absence de lien de subordination, s’analyser en des fonctions techniques distinctes caractérisant un travail salarié, en sorte que M. X... n’avait plus aucun contrat de travail en cours lors de la modification dans la situation juridique de la société CDB ; qu’en retenant au contraire que M. X... bénéficiait d’un contrat de travail en cours, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le mandat social de ce dernier n’avait pas été substitué à son contrat de travail et si les parties à ce contrat n’avaient pas ainsi entendu opérer une novation permettant de considérer que le contrat de travail avait disparu avec tous ses effets au moment de l’obtention du mandat social, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

 

Mais attendu qu’en l’absence de convention contraire, le contrat de travail d’un salarié devenu mandataire social et qui a cessé d’être lié à la société par un lien de subordination est suspendu pendant la durée du mandat social ;

 

Et attendu que la cour d’appel a retenu, d’une part, appréciant la commune intention des parties, que lors de la désignation de M. X... comme mandataire social, il n’avait pas été convenu d’une novation du contrat de travail en mandat social ; d’autre part, qu’il n’était pas justifié de l’exercice, pendant la durée du mandat social, de fonctions techniques distinctes, dans un état de subordination à l’égard de la société ; qu’elle en a exactement déduit que le contrat de travail avait été suspendu pendant la durée du mandat social, pour reprendre ses effets à la suite de la location-gérance du fonds à une autre société ;

 

Que le moyen n’est pas fondé ;

 

Sur le troisième moyen :

 

Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt d’avoir débouté la société Manuli Auto France de sa demande en remboursement de la part salariale de cotisations sociales versées à l’URSSAF, pour le compte de M. X... alors, selon le moyen :

 

1 / que la simple erreur du solvens à l’origine du paiement indu ne rend pas irrecevable son action en répétition de l’indu ; qu’en se fondant sur la seule circonstance que la société Manuli auto France était à l’origine du redressement opéré par l’URSSAF l’ayant conduit au versement de cotisations sociales salariales pour le compte de M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 1376 du Code civil ;

 

2 / que le versement de sommes nettes à titre de rémunération suppose l’absence d’erreur des parties sur la nature des sommes versées ; qu’en se fondant sur le caractère net des sommes versées à titre de salaires, quand l’erreur commise par les parties quant à la qualification du contrat autorisait l’action en répétition de l’indu de la société Manuli auto France, la cour d’appel a violé les articles 1235 et 1376 du Code civil ;

 

Mais attendu qu’appréciant souverainement la commune intention des parties, la cour d’appel a retenu que la rémunération convenue avait été fixée pour un montant net ; qu’elle a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;

 

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen, qui à lui seul ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi,

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la société Manuli auto France aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

 

 

 

commentaire

 

 

On dit couramment que le gérant d’une Sarl et le président directeur général d’une société anonyme sont des mandataires sociaux mais on peine à trouver une définition de cette expression. Il n’existe aucun régime cohérent du mandataire social.

Mutantis mutandis, le syndic de copropriété, représentant légal du syndicat des copropriétaire, en charge de l’administration du syndicat et de la gestion de l’immeuble, se trouve dans une position identique.

 

L’existence d’un mandat social (Président, Directeur Général, ...) n’est pas exclusive de l’existence d’un contrat de travail (Cassation, 25 janvier 1957, n° 851, bull. civ. IV, n° 83 ; Cassation soc., 16 mai 1990, n° 86-42.681 ; Cassation soc., 6 mars 1985, n° 83-42081 ; Cassation soc., 27 avril 1984, n° 83-11330 ; Cassation soc., 27 mai 1983, n° 81-40059 ; Cassation soc., 19 octobre 1978, n° 77-13338).

La solution est d’origine jurisprudentielle.

L’arrêt du 16 mai 1990 (86-42681) nous montre même le cas de M. X, tout à la fois associé minoritaire, titulaire d’un contrat de travail et devenu gérant de la société.

 

« Et sur le second moyen :

« Attendu que l'ASSEDIC de l'Ain et des Deux-Savoies fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le contrat qui liait M. X... à la société était un contrat de travail et de l'avoir, en conséquence, condamnée à relever et garantir le syndic des condamnations prononcées contre celui-ci, alors que l'assemblée des associés a pour mission de contrôler le gérant mais n'a aucun pouvoir direct sur les salariés soumis à la seule autorité du gérant, que la cour d'appel, en affirmant que M. X... était, en sa qualité de métreur, sous le contrôle de l'assemblée des associés et sous la subordination de ceux-ci, n'a pas caractérisé le lien de subordination de M. X... vis-à-vis de la SARL X... et a violé les articles L. 143-11-5 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

« Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., associé minoritaire, n'avait pas cessé, du jour où il était devenu gérant de la société, d'exercer les fonctions de métreur, étrangères à celles afférentes à la gestion sociale et pour lesquelles il avait continué de percevoir un salaire distinct de la rémunération de son mandat, la cour d'appel a pu juger qu'il se trouvait toujours dans un lien de subordination et décider, en conséquence, qu'il était, cumulant les deux fonctions, demeuré salarié de ladite société ;

« D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; »

 

 

Le statut du dirigeant d’une entreprise est donc parfois ambigu, salarié et/ou mandataire social, et ce d’autant que l’appellation courante de cadre dirigeant entretient la confusion.

L’arrêt relaté de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 14 juin 2005 fait clairement le point de la situation d’un cadre salarié porté à la fonction de président-directeur général pendant le cours de son contrat de travail.

Il peut être

- soit salarié au sens du droit du travail. Il est alors tenu par un lien de subordination 

- soit exclusivement mandataire social. Il est alors le représentant de l’entreprise et comme tel non soumis au Code du Travail. Comme tel, il peut faire l’objet d’une révocation ad nutum, immédiate et sans explication.

- Soit en situation de cumul de contrat de travail et de mandat social. C’était le cas en l’espèce.

 

L’arrêt reste strictement dans la ligne de la jurisprudence antérieure, à laquelle il faut ajouter : Cass. sociale, 1991-06-12, Bulletin 1991, V, n° 295, p. 180 ; 1992-03-11, Bulletin 1992, V, n° 172, p. 106  ; 2003-10-08, Bulletin 2003, V, n° 253, p. 260.

A défaut de convention spécifique, le contrat de travail d’un salarié devenu mandataire social est suspendu pendant toute la période du mandat social.

Suspendu pendant la durée du mandat social, le contrat de travail reprend effet de plein droit à l’expiration du mandat social.

La fin du mandat social, serait-ce par révocation, n’emporte pas rupture du contrat de travail.

La rupture du contrat de travail exige le respect de la procédure prévue par le Code du Travail et, le cas échéant, la Convention collective applicable. 

 

Il peut au contraire exister des conventions appropriées.

 

La convention peut porter novation du contrat de travail initial. La solution est rare dans la pratique en raison de la supériorité manifeste des garanties apportées par le contrat de travail.

 

La convention, plus fréquemment, organise un cumul entre le contrat de travail préexistant et le mandat social conféré. L’arrêt rappelle que la licéité de ce cumul  impose l’exercice, pendant la durée du mandat social, de fonctions techniques distinctes, dans un état de subordination à l’égard de la société ;

La nécessité d’un état de subordination entraîne l’incompatibilité du cumul avec la détention par le mandataire social « des pouvoirs les plus étendus » et/ou, dans le même esprit, l’exercice d’une fonction technique en toute indépendance ou le monopole qu’aurait le mandataire des connaissances techniques indispensables au fonctionnement de l’entreprise. Ces particularités seraient incompatibles avec un état de subordination.

 

La reproduction de cet arrêt n’a pas seulement pour objet de rappeler aux syndics professionnels les règles élémentaires du cumul d’un mandat avec la qualité de salarié au sein d’une entreprise.

 

Elle montre également que la notion de mandataire social est couramment prise en considération nonobstant l’absence de tout statut légal du dit mandataire social.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

13/09/2009