Autorisation au syndic d’agir en justice (au pénal)

Constitution de partie civile

Autorisation a posteriori devant la Cour d’appel

Règle du double degré de juridiction

Régularisation a posteriori impossible

 

 

 

Cassation  criminelle  14 mars 2007                                                                      Cassation

Décision attaquée :cour d’appel de PARIS, 9e chambre 2006-05-04

N° de pourvoi : 06-84320

 

 

 

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CHARPENEL ;

 

Statuant sur le pourvoi formé par :

 

- X... Jean-Richard,

 

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9e chambre, en date du 4 mai 2006, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d’abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;

 

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

 

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-10 du code pénal, 2, 3, 4, 418, 421, 427, 485, 496, 512, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 192, rue Lecourbe à Paris XVème recevable en sa constitution de partie civile ;

 

”aux motifs que “ le syndic tient son pouvoir d’agir au nom des copropriétaires d’une résolution régulièrement adoptée qui doit fixer l’objet de son intervention ; qu’à défaut d’autorisation expresse du syndic d’agir en justice dans un cadre bien déterminé, l’action du syndic ne peut qu’être déclarée irrecevable ; qu’il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 1er décembre 1998 que les copropriétaires ont “ donné mandat au syndic pour porter plainte avec constitution de partie civile “ contre la S.A. Y…, sans habiliter expressément le syndic à les représenter au cours de la procédure d’instruction ni devant le tribunal ; que l’assemblée générale du 9 janvier 2006 a habilité le syndic à se constituer partie civile devant la cour d’appel au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires “ aux fins d’obtenir l’indemnisation des ristournes indûment perçues à hauteur de 7 660,07 euros en principal et de tous les préjudices subis comprenant les dommages et intérêts, les frais de procédure et les dépens “ ; qu’une régularisation de la procédure, engagée en première instance sans habilitation, est ainsi intervenue en cause d’appel ; que, dans ces conditions, faisant des faits qui lui sont soumis une appréciation différente de celle des premiers juges, la cour déclarera l’action du syndicat des copropriétaires recevable “ (arrêt, page 4) ;

 

”1 / alors que le principe du double degré de juridiction fait obstacle à ce que la partie civile se constitue pour la première fois en cause d’appel ; qu’en l’espèce, pour admettre, en cause d’appel, la recevabilité de la constitution de partie civile du syndicat des copropriétaires, la cour d’appel s’est déterminée par la circonstance qu’une assemblée générale du 9 janvier 2006 a habilité le syndic à se constituer partie civile devant la cour d’appel au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires, de sorte qu’une régularisation de la procédure, engagée en première instance sans habilitation, est intervenue en cause d’appel ; qu’en statuant ainsi, tout en relevant par ailleurs que, devant les premiers juges, la constitution de partie civile du syndicat des copropriétaires a été jugée irrecevable, comme irrégulière, à défaut de toute décision habilitant le syndic à cette fin, ce dont il résulte que ledit syndicat ne s’est constitué partie civile que pour la première fois en cause d’appel, au mépris du principe du double degré de juridiction, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

 

”2 / alors qu’il résulte des propres énonciations de l’arrêt attaqué que l’assemblée générale du 9 janvier 2006 avait pour seule finalité d’habiliter le syndic à se constituer partie civile, au nom du syndicat des copropriétaires, devant la cour d’appel, mais n’avait ni pour objet ni pour effet de régulariser rétroactivement la constitution irrégulière présentée en première instance ni, par conséquent, de régulariser la procédure au regard du respect du principe du double degré de juridiction, qui fait obstacle à ce qu’une partie civile se constitue pour la première fois en cause d’appel ;

 

qu’ainsi, en estimant au contraire qu’une régularisation de la procédure est intervenue en cause d’appel, pour en déduire que l’action du syndicat des copropriétaires est recevable, la cour d’appel qui dénature le sens et la portée de cette délibération de l’assemblée générale du 9 janvier 2006, a entaché sa décision d’une contradiction de motifs” ;

 

 

Vu les articles 496 et 591 du code de procédure pénale ;

 

Attendu que la règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce qu’une constitution de partie civile irrecevable en première instance soit régularisée en cause d’appel ;

 

Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que, dans les poursuites exercées contre Jean-Richard X... du chef d’abus de confiance, pour détournement de fonds notamment au préjudice de la copropriété de l’immeuble du 192, rue Lecourbe à Paris, le tribunal, après avoir déclaré le prévenu coupable de cette infraction, a, par jugement du 20 octobre 2005, déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, au motif que la délibération de l’assemblée générale du 1er décembre 1998, le mandatant pour porter plainte et se constituer partie civile es qualités, précisait “que l’opportunité de cette action sera déterminée en conseil syndical en fonction de l’évolution du dossier” et qu’aucun procès-verbal du conseil syndical postérieur à cette résolution n’était produit ;

 

Attendu que, pour infirmer le jugement, déclarer recevable la constitution de partie civile de la copropriété et lui allouer des dommages-intérêts, l’arrêt relève qu’une régularisation est intervenue en cause d’appel, l’assemblée générale du 9 janvier 2006 ayant habilité le syndic à se constituer partie civile devant la cour d’appel, au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice subi ;

 

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé et les textes susvisés ;

 

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

 

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen de cassation proposé :

 

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions concernant Jean-Richard X..., l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 4 mai 2006 ;

 

DIT que la constitution de partie civile du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du 192, rue Lecourbe, Paris 15ème, est irrecevable ;

 

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

 

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

 

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

 

 

COMMENTAIRES :

 

L’arrêt relaté met un terme à l’une des branches de « l’affaire des syndics de l’Ile de France »,caractérisée par une très forte médiatisation.

Un certain nombre de syndics professionnels étaient poursuivis pour avoir perçu des ristournes sur fournitures ou travaux versées par des fournisseurs ou entrepreneurs. A la lecture, dans la presse, des comptes-rendus des audiences devant le TGI de Paris, on a constaté que peu de syndicats de copropriétaires s’étaient portés parties civiles. Plus surprenant encore : parmi les syndics, - successeurs bien entendu des prévenus -, s’étant présentés pour obtenir réparation au profit des syndicats victimes, certains n’étaient pas munis de l’habilitation exigée par l’article 55 du décret.

Dans le cas du syndicat en cause, l’arrêt mentionne qu’il « ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 1er décembre 1998 que les copropriétaires ont “ donné mandat au syndic pour porter plainte avec constitution de partie civile “ contre la S.A. Y, sans habiliter expressément le syndic à les représenter au cours de la procédure d’instruction ni devant le tribunal »

 

Il est encore indiqué que le tribunal, après avoir déclaré le prévenu coupable de cette infraction, a, par jugement du 20 octobre 2005, déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, au motif que la délibération de l’assemblée générale du 1er décembre 1998, le mandatant pour porter plainte et se constituer partie civile es qualités, précisait “que l’opportunité de cette action sera déterminée en conseil syndical en fonction de l’évolution du dossier” et qu’aucun procès-verbal du conseil syndical postérieur à cette résolution n’était produit ;

 

Le TGI a donc déclaré la constitution de partie irrecevable en faisant valoir que l’assemblée avait donné pouvoir au syndic de déposer une plainte avec constitution de partie civile mais avait délégué au conseil syndical la décision complémentaire de faire représenter le syndicat à l’audience de jugement pour solliciter l’allocation de dommages et intérêts. Force est de reconnaître que, sur ces points, il était nécessaire de connaître les éléments fournis par l’enquête pénale et notamment le montant des ristournes encaissées par l’ancien syndic, dès lors qu’il était allégué, soit qu’elles auraient dû revenir au syndicat lui-même, soit qu’elles constituaient un supplément de prix destiné pour le fournisseur ou l’entrepreneur à la rémunération illicite du syndic. C’est en fonction de ces éléments que le conseil syndical devait apprécier l’opportunité de la poursuite de l’action.

 

La Cour d’appel a infirmé sur ce point la décision du Tribunal, sans, apparemment, être entrée dans ce genre de débat. L’arrêt a relevé qu’une régularisation est intervenue en cause d’appel, l’assemblée générale du 9 janvier 2006 ayant habilité le syndic à se constituer partie civile devant la cour d’appel, au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice subi.  Certains ont prétendu que la médiatisation de l’affaire n’avait pas été pour rien dans cette décision.

Le syndic a formé un pourvoi contre cette décision.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Elle rappelle, au visa des articles 496 et 591 du code de procédure pénale,  que la règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce qu’une constitution de partie civile irrecevable en première instance soit régularisée en cause d’appel ;

Dans un langage plus commun : la règle du double degré de juridiction exige que , successivement, deux juridictions hiérarchiquement différentes examinent le fond d’une même affaire et portent jugement.

Si la juridiction de première instance a déclaré irrecevable la constitution de partie civile, elle n’a pas jugé au fond sur le bien-fondé de cette demande. Celle ci est alors examinée au fond devant la Cour d’appel, pour la première fois. La règle du double degré de juridiction est donc bien violée.

 

La solution juridique est si évidente que « la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ».  Elle n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond !

 

On peut ajouter qu’il y a, en matière civile, controverse sur la possibilité pour l’assemblée générale d’insérer dans la décision d’autorisation d’agir une condition tenant à une autorisation complémentaire du conseil syndical.  En l’état, la Cour de cassation [1] a jugé que l’autorisation ne pouvait être subordonnée à un accord préalable du conseil syndical.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

26/05/2007

 

 

 



[1]  Cass. 3e civ. 04/12/2002 Loyers et copropriété 2003 n° 75