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Assemblée générale d’une SARL Abus de minorité ; sanctions Allocation
de dommages-intérêts Autres solutions de réparation du préjudice (oui) Extension
au régime de la copropriété des solutions du droit des sociétés Cassation chambre commerciale 14 janvier
1992 Décision
attaquée : Cour d’appel
de Paris, du 26 janvier 1990 N° de pourvoi:
90-13055 Cassation. Attendu, selon
l’arrêt attaqué, que les époux X..., porteurs de parts de la société à
responsabilité limitée Vitama et convoqués à une assemblée générale du 4 mai
1987 qui devait statuer sur une augmentation du capital de 100 000 à 2 300
000 francs, ont fait savoir qu’ils s’opposaient à la mesure proposée ; que la
société Vitama les a assignés pour voir dire que ce refus constituait un abus
de droit de la minorité et qu’il y avait lieu en conséquence de l’autoriser à
effectuer l’augmentation de capital envisagée dont le principe avait été
arrêté lors de l’assemblée générale extraordinaire du 25 octobre 1986 ; Sur le premier
moyen pris en sa première branche : (sans intérêt) ; Et sur le second
moyen pris en sa seconde branche : Vu l’article 1382
du Code civil ; Attendu que pour
statuer comme il a fait, l’arrêt retient qu’il n’était pas démontré que les
époux X... avaient commis un abus de droit en s’opposant à l’augmentation de
capital litigieuse et qu’à supposer qu’un tel abus pût être établi, cette
circonstance ne pouvait avoir pour conséquence qu’un éventuel recours en
dommages-intérêts ; Attendu qu’en
statuant ainsi, alors que, hormis l’allocation d’éventuels dommages-intérêts,
il existe d’autres solutions permettant la prise en compte de l’intérêt
social, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ; PAR CES MOTIFS, et
sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE,
dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 janvier 1990, entre les
parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et
les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour
être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement
composée Commentaires : Il existe en droit
des sociétés deux sortes d’abus de minorité : - la première
s’entend de l’usage abusif du droit d’agir en justice à l’occasion d’actions
judiciaires engagées inconsidérément par des associés minoritaires contre la
société ou ses dirigeants - la seconde
s’entend de l’usage abusif du droit de vote à l’occasion des assemblées
générales. L’abus est notamment caractérisé par le mépris de l’intérêt
supérieur de la société et la prépondérance corrélative des intérêts
personnels de l’associé dans la détermination du vote. L’abus est plus grave
encore lorsqu’il apparaît que l’associé minoritaire n’avait aucun intérêt
personnel à voter contre une résolution et qu’il a été guidé par le seul
souci de nuire aux majoritaires. Dans le droit des
sociétés, la qualité de minoritaire dépend généralement du nombre des actions
ou parts détenues par l’associé incriminé. Elle peut dépendre plus simplement
du résultat du vote : les autres associés ont voté majoritairement pour
la résolution, mais le nombre de leurs voix a été insuffisant pour son
adoption. L’associé est minoritaire …parce qu’il ne fait pas partie de cette
majorité. Dans le droit de
la copropriété, la qualité de minoritaire dépend exclusivement du résultat du
vote. Rappelons toutefois qu’on parle de
copropriétaire « majoritaire » à propos de celui qui détient
un nombre de tantièmes supérieur au total des tantièmes détenus par tous les
autres copropriétaires. Dans ce cas, le nombre de ses voix est réduit à ce
total. Le copropriétaire détenant 520 millièmes ne vote que pour 480 voix sur
960. Cet arrêt a été
rendu à propos d’une société à responsabilité limitée. Il n’est pas mal
venu d’en tirer des enseignements utilisables en matière de copropriété. En premier lieu,
notons que l’arrêt est rendu au visa de l’article 1382 du Code civil. Sur ce
fondement, les juges du fond peuvent choisir entre la réparation par
équivalent et la réparation en nature. La question essentielle est alors de
savoir si le Juge peut prendre une décision valant adoption de la résolution
litigieuse alors qu’elle n’a pas été adoptée par l’assemblée en raison du
vote abusif. En l’espèce, la
Cour d’appel de Paris avait répondu par la négative. La Cour de
cassation semble laisser cette porte entrouverte. La Cour d’appel de
Pau, dans un arrêt du 21 janvier 1991 [1] a décidé, dans le cas d’une société, que
« la décision judiciaire vaudra adoption des résolutions » En matière de copropriété, l’abus de minorité a fait l’objet d’observations pertinentes de Mme Kischinewsky-Broquisse [2] Elle fait état du jugement « assez audacieux et remarqué » rendu le 7 janvier 1965 par le Tribunal de Grande instance de la Seine qui énonçait : « le copropriétaire qui, sans aucun motif et dans le seul but d’être désagréable à un autre, avec lequel il est en difficulté pour des raisons qui sont indifférentes à la cause, s’oppose à une modification des parties communes et du règlement de copropriété qui devait permettre d’installer un dispositif d’ascension à l’étage de ce dernier, sans inconvénient particulier pour lui-même…commet à son égard un abus de droit dont il lui doit réparation ». Mais le Tribunal déclare ne pouvoir se substituer à la décision de l’assemblée et borne à attribuer des dommages et intérêt à la victime. La majorité des copropriétaires avait accepté, dans un premier temps, la demande formulée. Mais le minoritaire avait aggravé son cas en faisant aux copropriétaires des propositions financières alléchantes sous la condition d’un revirement de leur vote. Dans ces conditions, le Tribunal a également retenu un abus de majorité et sanctionné les copropriétaires fautifs ! C’est doute pour contourner l’obstacle que, par arrêt du 7 janvier 1965, la Cour d’appel de Paris a jugé que l’installation envisagée causerait une gêne au copropriétaire du 4e étage. Ces décisions ont été rendues sous l’empire de la loi du 28 juin 1938, mais la réforme de 1965 n’a pas modifié le contexte juridique. D’une autre manière le Tribunal de Grande instance de Paris, par jugement du 1er mars 1974, a condamné un copropriétaire qui, par son opposition systématique à une décision de l’assemblée, avait retardé l’exécution de travaux indispensables [3] La jurisprudence semble disposée à recevoir la notion d’abus de minorité mais n’envisage pas de la sanctionner autrement que par l’allocation de dommages et intérêts. L’assemblée générale est souveraine mais la force de cette souveraineté ne saurait excéder celle du droit de propriété dont l’abus peut être sanctionné. C’est pourquoi l’abus de majorité, généralement issu d’un concert frauduleux, - la « cabale » du temps passé -, entre un certain nombre de copropriétaires, est fréquemment sanctionné. La difficulté en cas d’abus de minorité vient du fait que c’est un vote individuel qui est mis en cause. Il faudrait alors que la juridiction saisie jugeât que le vote négatif doit être transformé en vote positif et que la décision doit conséquemment être modifiée. Il faudra néanmoins admettre, un jour ou l’autre,
l’identité de la sanction dans l’un et l’autre cas. L’abus de majorité a un
effet tangible : la résolution adoptée ne sera pas mise en œuvre. L’abus
de minorité doit avoir aussi un effet tangible : la résolution non
adoptée sera mise en œuvre. |
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