Action en nullité de décision de l’assemblée

Époux étranger (mari) seul demandeur

Qualité pour agir seul

Application de la loi étrangère commune aux Époux (oui)

 

 

 

 

Cassation civile 3e  12 juin 2002                                            Cassation partielle

N° de pourvoi : 00-20610

Cour d’appel de Montpellier (1re chambre civile, section D) 04/08/2000

 

 

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Ibis Immobilier,

en cassation d’un arrêt rendu le 4 août 2000 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre civile, section D), au profit :

1 / de M. Joseph Andrieu,

2 / de M. Frédérico Hubner,

3 / de Mme Colette Desnos,

défendeurs à la cassation ;

 

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

 

LA COUR,

 

Sur le rapport de Mme Boulanger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la société Ibis Immobilier, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l’acte introductif d’instance était dirigé contre le Syndicat des copropriétaires “Horizon sur Mer - Maisons sur la Colline”, représenté par la société Ibis, syndic, que cet acte reprenait les termes exacts des procès-verbaux d’assemblée générale des copropriétaires ne faisant pas de distinction entre les différents syndicats de copropriétaires par référence à des numéros, le syndic lui-même ayant considéré les sept syndicats concernés comme une seule entité, ayant convoqué tous les copropriétaires pour le même jour et un ordre du jour commun et ayant tenu compte des votes en fonction des millièmes non pas de chaque syndicat de copropriétaires mais de l’ensemble des syndicats, la cour d’appel a pu en déduire que l’assignation était délivrée à tous les syndicats des copropriétaires des sept résidences constitués en une union syndicale et gérés par un seul syndic ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :

 

Attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le syndic, saisi régulièrement par un copropriétaire d’une demande d’inscription à l’ordre du jour d’une question supplémentaire en application de l’article 10 du décret du 17 mars 1967, était tenu d’y donner suite sans pouvoir apprécier son utilité ou son opportunité , la cour d’appel qui a, par décision motivée, retenu que le syndic avait commis une faute en ayant refusé l’inscription à l’ordre du jour d’une telle demande proposant la désignation d’un nouveau syndic, l’assemblée générale des copropriétaires ayant été privée d’un débat effectif sur la révocation du syndic en place et que la décision de l’assemblée générale des copropriétaires ayant voté le renouvellement du mandat de ce dernier devait être annulée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

 

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 3 du Code civil ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Lemesle, M. Andrieu, et M. Hubner, copropriétaires, ont assigné le syndicat des copropriétaires “Horizon sur Mer - Maisons sur la Colline” en annulation d’une décision d’assemblée générale de copropriétaires et le syndic en responsabilité ;

Attendu que pour déclarer recevable l’action de M. Hubner, de nationalité suisse et propriétaire d’un lot de copropriété acquis par lui et son épouse, l’arrêt retient que si les époux Hubner n’ont pas adopté de contrat de mariage, il n’en demeure pas moins que ces derniers peuvent se représenter l’un l’autre pour la gestion de ce lot et que chacun d’eux a qualité pour exercer seul les actions en justice relatives aux biens communs, les règles du droit français relatives à l’administration de la communauté légale devant s’appliquer en raison du lieu de situation de ce lot ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les dispositions de la loi suisse invoquée comme régissant le régime matrimonial de M. Hubner, lui donnait qualité pour exercer seul les actions en justice relatives aux biens litigieux, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

Et sur le deuxième moyen :

Vu l’article 455 du Code civil ;

 

Attendu que pour déclarer recevable l’action de Mme Lemesle, coïndivisaire d’un lot de copropriété, l’arrêt retient qu’elle agit en application de l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965, comme mandataire commun pour un acte d’administration ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle sur l’existence du mandat, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS:

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Ibis, personnellement, à payer à M. Hubner et Mme Lemesle des dommage-intérêts, l’arrêt rendu le 4 août 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;

 

Condamne ensemble, M. Hubner et Mme Lemesle aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, M. Hubner et Mme Lemesle à payer à la société Ibis Immobilier la somme de 1 900 euros ;

 

 

 

COMMENTAIRES

 

Le droit international privé se rappelle ici au bon souvenir des spécialistes du droit de la copropriété.

Il n’est pas mauvais de rappeler que le droit international privé s’entend des règles applicables aux conflits de lois dans l’espace. C’est le cas lorsqu’un litige soumis à une juridiction française est relatif à un contrat signé en France entre un anglais et un roumain. Quelle loi doit-on appliquer en ce cas ? Nous pourrions écrire « quelles lois » car une loi peut s’appliquer au contrat lui-même tandis qu’une autre permettrait seule d’apprécier la capacité juridique de l’une des parties.

 

En l’espèce deux époux suisses mariés sans contrat de mariage (en Suisse, on le suppose) sont propriétaires d’un lot dans un immeuble en copropriété sis en France. Le mari, seul, assigne le syndicat des copropriétaires en nullité d’une décision d’assemblée générale et le syndic en responsabilité.

Le syndicat et le syndic ont soulevé, devant les juges du fond, l’irrecevabilité de la demande ainsi formulée, au motif que le mari n’avait pas qualité pour agir seul. L’épouse aurait dû se joindre à l’action.

On ignore, à la seule lecture de l’arrêt, si le syndicat et le syndic ont justifié leur exception par la production des extraits appropriés du Code civil suisse. Il est en tout cas bien certain qu’ils ont plaidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer le droit français de la communauté matrimoniale qui permet sans nul doute au mari d’agir seul.

La Cour d’appel de Montpellier a déclaré l’action recevable en prenant clairement parti pour l’application du droit français : « il n’en demeure pas moins que ces derniers [les époux suisses] peuvent se représenter l’un l’autre pour la gestion de ce lot et que chacun d’eux a qualité pour exercer seul les actions en justice relatives aux biens communs, les règles du droit français relatives à l’administration de la communauté légale devant s’appliquer en raison du lieu de situation de ce lot ».

 

La Cour de cassation casse à juste titre l’arrêt sur ce point.

En droit international privé, les rapports entre les époux copropriétaires et le syndicat, voire le syndic, sont régis par la loi française, à raison du lieu de situation de l’immeuble et de l’application du statut français, - d’ordre public -, de la copropriété.

Mais la loi suisse, seule, régit les rapports juridiques entre les époux suisses. C’est ici le statut personnel national des époux qui prévaut sur les règles françaises de la communauté. Il était donc nécessaire de rechercher la solution donnée par la loi suisse. C’est, pour les spécialistes du droit international privé, le « renvoi à la loi étrangère ».

La solution donnée par la Cour de cassation n’est pas contestable.

 

Les praticiens de la copropriété devront se frotter un peu aux principes élémentaires du droit international privé français car le nombre des copropriétaires étrangers va en croissant. Les difficultés se présentent le plus fréquemment à propos des successions et des « divorces », terme pris ici dans son acception relativement large.

On peut citer, parmi des cas connus, les particularités du droit successoral laotien qui comportait, encore récemment (et peut être encore maintenant) des dispositions proches du commodat français et les difficultés générées par la répudiation du droit musulman, non reconnue par le droit français. Dans certains cas, c’est le mariage étranger lui-même qui est contestable.

 

C’est l’occasion de rappeler la nécessité pour les syndics d’être parfaitement renseignés sur la situation matrimoniale des époux, qu’ils soient français ou étrangers. Or on sait que la collecte des données personnelles sur ce point reste contestée par les associations de défense des copropriétaires et que la norme simplifiée de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) applicable aux professionnels immobiliers

 

Pour le reste on relève une cocasserie dans l’arrêt qui évoque l’hypothèse d’une « union syndicale [des différents syndicats de l’ensemble immobilier] gérés par un seul syndic. Le statut français de la copropriété ne connaît les unions de syndicats que pour la gestion de parties communes ou d’éléments et services communs à plusieurs syndicats. Il est vraisemblable que nous sommes ici dans le cas d’un ensemble de syndicats secondaires irrégulièrement réunis en une assemblée unique totalement illégale.

Quant à Madame Lemesle, le simple examen de la liste officielle des copropriétaires tenue par le syndic aurait permis de vérifier son immatriculation comme mandataire commun de l’indivision.

 

 

 

 

Mise à jour

06/06/2006