Travaux urgents décidés par le syndic

Défaut de convocation immédiate de l’assemblée générale

Recouvrement des charges liées ; débouté du syndicat

 

Cour de Cassation civile 3e   12 février 2003                                                          Cassation

Cour d’appel de Paris (23e chambre, section B) 05-04-2001

N° de pourvoi : 01-12872

 

 

 

Sur le premier moyen :

 

Vu l’article 37, alinéa 1er, du décret du 17 mars 1967 ;

 

Attendu que lorsqu’en cas d’urgence le syndic fait procéder, de sa propre initiative, à l’exécution des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, il en informe les copropriétaires et convoque immédiatement une assemblée générale ;

 

Attendu que pour condamner Mme X..., propriétaire de lots dans un immeuble en copropriété, à payer au syndicat des copropriétaires de cet immeuble sa quote-part des dépenses afférentes à des travaux auxquels le syndic a fait procéder de sa propre initiative, l’arrêt attaqué  retient qu’aux termes de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé en cas d’urgence de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, que les travaux urgents consécutifs à une importante fuite d’eau entrent dans cette catégorie de travaux et que dès lors, l’autorisation de l’assemblée n’est pas nécessaire et que le devis préalable n’est pas une condition de validité de l’engagement des travaux ;

 

Qu’en statuant ainsi, en l’absence de toute convocation de l’assemblée générale des copropriétaires, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 avril 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

 

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires 50, rue Dutot à Paris 15e aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires 50, rue Dutot à Paris 15e ;

 

 

COMMENTAIRES

Il faut en premier lieu fixer le cadre des observations qui suivent.

Il est bien connu qu’au titre des «  travaux urgents décidés par le syndic », une pratique irrégulière de certains syndics est de « faire passer » des travaux qui ne présentent aucun caractère d’urgence et qui ne relèvent pas de l’entretien courant. Il y a alors un excès de pouvoir manifeste qui peut être sanctionné même quand ces travaux s’avèrent de fait opportuns. Nous ne traitons pas ici de ces cas particuliers.

Il s’agissait en l’espèce d’une « importante fuite d’eau ». Le syndic a fait exécuter immédiatement les travaux nécessaires dont on ne connaît pas l’exacte nature mais qui devait comporter le remplacement partiel d’une canalisation ou d’un conduit.

La Cour d’appel a suivi le syndic qui se bornait à invoquer les dispositions de l’article L 18 lui donnant mission et pouvoir, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble. Mais, en l’état, il est bien certain que les modalités d’application de ce texte sont fixées par l’article D 37. Le régime des travaux urgents est fixé par les deux textes conjoints, sans que l’on puisse isoler les dispositions de l’article 18.

L’arrêt de la Cour d’appel est donc cassé.

La difficulté vient du fait que l’article D 37 établit un régime unique pour des interventions qui sont, dans les faits, de natures radicalement différentes.

Dans le cas d’une fuite d’eau, il convient de réduire au strict minimum les dégradations consécutives (coupure de l’alimentation en eau), et de rétablir le service normal de l’eau dans un bref délai. Afin d’éviter la multiplication des interventions, il convient, de plus, d’effectuer, si nécessaire, le remplacement immédiat de toute partie de canalisation s’avérant défaillante. A ces observations de pur bon sens, il faut ajouter que la responsabilité du syndicat des copropriétaires peut être engagée à l’égard des occupants de l’immeuble (en ce compris les locataires) en cas de prolongation de la coupure d’eau, et encore que l’assureur peut opposer, le cas échéant, que les précautions nécessaires pour éviter l’aggravation des dégradations et/ou le renouvellement du sinistre n’ont pas été prises.

C’est donc l’ensemble des travaux nécessaires qui doit être effectué dans la plupart des cas, avant même que le syndic puisse songer à convoquer l’assemblée générale. S’il convoque néanmoins l’assemblée, celle ci ne pourra qu’enregistrer l’exécution des travaux et leur coût. De nombreux copropriétaires ne prennent pas la peine d’assister à ce genre d’assemblée. Ils se plaindront, le moment venu, du coût d’une assemblée qui leur semble avoir été inutilement convoquée.

 

La situation est totalement différente lorsqu’une partie de la toiture a été détériorée lors d’une tempête. Les travaux immédiatement urgents se limitent au bâchage de la couverture. Sa réfection impose une étude de l’architecte, l’établissement d’un descriptif, la mise en concurrence de plusieurs entreprises, la fixation de l’indemnité due par l’assureur, éventuellement la recherche d’un financement complémentaire. C’est ce cas qui entre sans nul doute dans le cadre du régime de l’article D 37.

 

Il est un peu surprenant de ne pas trouver trace de cette distinction dans la littérature juridique ou la jurisprudence. Faut-il alors invoquer la notion de péril plutôt que celle d’urgence ? L’expérience mériterait une tentative mais on peut penser qu’une sage réflexion pourrait aboutir à un infléchissement de la rigueur jurisprudentielle. Nous rappelons que, par un arrêt du 4 novembre 1993, la Cour de cassation a validé l’initiative de deux copropriétaires qui, en raison de la carence d’un administrateur provisoire, avaient fait exécuter des travaux de réfection de la toiture présentant un caractère d’urgence absolue. La solution était alors fondée sur les articles 1372 et 1375 du Code civil (gestion d’affaires) [1] .

 

 

 

 

Mise à jour

17/04/2007

 

 

 



[1]  Cass. Civ. 3e 04/11/1993 RDI 1994 note Capoulade