TRAVAUX AUX FRAIS D’UN COPROPRIÉTAIRE AFFECTANT LES
PARTIES COMMUNES OU L’ASPECT EXTÉRIEUR DE L’IMMEUBLE

CLAUSE DU RÈGLEMENT DE COPROPRIÉTÉ LES AUTORISANT

CLAUSE ILLICITE RÉPUTÉE NON ÉCRITE

 

 

Cassation  civile 3    11 mai 2005    Cassation.

(Cour d’appel de Paris, 25/06/2003)

N° de pourvoi : 03-19183

 

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

 

Vu l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l’article 26 de cette même loi ;

 

Attendu que toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 42 et 46 et celles du règlement d’administration publique prises pour leur application sont réputées non écrites ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte du 16 juillet 1998, la société civile immobilière (SCI) Plagam a établi l’état descriptif de division-règlement de copropriété d’un immeuble lui appartenant ; que l’article 11 stipulait que le copropriétaire qui regrouperait le lot n° 6, situé au 5e étage, avec les lots n° 8 à n° 12, situés comme le lot n° 7 au 6e étage, serait autorisé à réunir ses lots pour former une unité d’habitation de plus grande dimension et à utiliser certaines parties communes à titre privatif ; que les époux X..., qui avaient acquis de la SCI Plagam, le 9 décembre 1998, les lots n° 6 et n° 8 à n° 12, les ont transformés dans les conditions autorisées par l’article 11 du règlement de copropriété ; que les époux Y..., acquéreurs le 28 septembre 2000 du lot n° 7, constatant que les canalisations et les câbles d’alimentation le desservant étaient intégrés dans l’appartement de leur voisin, qu’ils n’avaient plus accès au vide-ordures ni à l’escalier de service et qu’ils ne pouvaient plus installer une ventilation mécanique dans leur cuisine du fait des travaux réalisés, ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 9, rue Théodule Ribot (le syndicat), les époux X... et la SCI Plagam en annulation de l’article 11 du règlement de copropriété ;

 

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que l’article 11 était la conséquence de la création, au 6e étage, de lots privatifs à côté du lot n° 7 et que les travaux à faire dans les lots vendus aux époux Y... ne portaient pas sur des parties communes puisqu’elles étaient constituées comme privatives ou concernaient des parties de canalisations et des équipements qui se trouvaient à l’intérieur de parties privatives, que l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires n’était pas nécessaire pour effectuer ces travaux, et que cette clause du règlement de copropriété n’était pas illicite ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que doit être réputée non écrite la clause d’un règlement de copropriété autorisant un copropriétaire à effectuer sans autorisation de l’assemblée générale des travaux affectant les parties communes de l’immeuble, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :

 

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 2003, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

 

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 9, rue Théodule Ribot à Paris 9e, la SCI Plagam et les époux X..., ensemble, aux dépens des pourvois ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X... ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

 

 

Précédents jurisprudentiels : Dans le même sens que : Chambre civile 3, 1997-03-12, Bulletin 1997, III, n° 58, p. 37 (cassation), et l’arrêt cité.

 

 

COMMENTAIRES

 

L’arrêt relaté ci-dessus donne l’occasion de rappeler que les praticiens doivent considérer actuellement que la clause du règlement de copropriété autorisant le propriétaire d’un lot déterminé à effectuer à ses frais, si bon lui semble, des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, -conformes à la destination de celui-ci -, doit être considérée comme non écrite dès lors qu’elle écarte la nécessité d’une autorisation préalable de l’assemblée générale.

L’espèce se présentait sous un aspect plus complexe encore car  la clause comportait de plus la concession du droit d’usage « à titre privatif » de certaines parties communes en cas de réalisation de ces travaux. Se pose alors le problème de l’appropriation relative de parties communes. Nos observations seront limitées, pour l’essentiel, au cas classique de l’affrontement avec les dispositions de l’article L 25 b.

 

On considère habituellement que cette position prétorienne rigoureuse est fondée sur deux arrêts rendus en 1997 par la Cour de cassation. La controverse est pourtant plus ancienne. Il faut en rappeler les étapes successives.

C’est par un arrêt du 9 février 1982 [1] rejetant un pourvoi contre l’arrêt du 15 janvier 1980 rendu par la 23e chambre B de la Cour d’appel de Paris, que la Cour de cassation a jugé que la clause autorisant l’exécution de tels travaux sans autorisation de l’assemblée devait être déclarée non écrite.

 

Un arrêt postérieur du 6 novembre 1984 [2] marque un assouplissement de cette position en admettant une solution médiatrice : l’assemblée générale ne doit être consultée que sur les modalités d’exécution des travaux autorisés.

M. Capoulade expliquait ainsi  cette décision : « Il est, en effet apparu que le principe du droit de construire présentait un caractère contractuel et résultait d’une stipulation acceptée par tous les copropriétaires, mais que la clause ne réglait pas les modalités d’exercice de ce droit et que, dès lors, il appartenait à l’assemblée générale de veiller à la stricte application du contrat, la souveraineté de l’assemblée étant suffisamment sauvegardée par le contrôle des modalités d’exécution. Il a même été soutenu que la solution contraire mettrait en péril tout droit privatif ou toute réserve du droit de construire ».

 

Cette solution parfaitement satisfaisante aux yeux des juristes comme à ceux des praticiens n’a pas prévalu.

L’arrêt du 12 mars 1997 [3] énonce que « …doit être réputée non écrite la clause d’un règlement de copropriété autorisant un copropriétaire à effectuer, sans autorisation de l’assemblée générale, des travaux, même précisément définis, sur les parties communes de l’immeuble ».

Il énonce un principe qui ne laisse ouverte aucune porte car en l’espèce, le copropriétaire faisait valoir qu’il fallait précisément distinguer le droit de réaliser les travaux et les modalités d’exécution. La Cour de cassation revenait donc à la souveraineté absolue de l’assemblée générale.

L’arrêt du 25 juin 1997 [4] va dans le même sens en présence d’une clause interdisant toute modification de l’aspect extérieur de l’immeuble mais admettant une dérogation pour les devantures des locaux commerciaux. Un commerçant avait construit une véranda sans demander d’autorisation. L’arrêt également rendu au visa des articles 25 et 43 de la loi juge que la clause est contraire à l’ordre public puisqu’elle méprise les dispositions de l’article 25 b.

 

Dans la présente affaire, la Cour d’appel de Paris avait retenu « que l’article 11 était la conséquence de la création, au 6e étage, de lots privatifs à côté du lot n° 7 et que les travaux à faire dans les lots vendus aux époux Y... ne portaient pas sur des parties communes puisqu’elles étaient constituées comme privatives ou concernaient des parties de canalisations et des équipements qui se trouvaient à l’intérieur de parties privatives, que l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires n’était pas nécessaire pour effectuer ces travaux, et que cette clause du règlement de copropriété n’était pas illicite »

Elle avait donc tenté de requalifier certaines parties à traiter pour les « sortir » du domaine d’application de l’ordre public. Mais la mise en œuvre du droit résultant de la clause du règlement de copropriété impliquait la création d’un droit d’utiliser certaines parties communes à titre privatif. Il y avait bien atteinte aux parties communes de ce chef.

 

Pour rester dans le cadre classique de la controverse, on peut penser que la censure des dispositions du règlement de copropriété est par principe néfaste mais que la solution admise en 1984 reste la bonne. On ne peut admettre en effet de laisser au bénéficiaire de  la clause une entière liberté pour la réalisation des travaux.

Il semble aussi que l’efficacité des clauses de ce type aurait dû être limitée dans le temps au même titre que les réserves d’exercice d’un droit accessoire aux parties communes.

 

Nous reviendrons sur le cas particulier dans lequel le droit d’exécuter des travaux est inclus dans la définition du lot et la description de son contenu.

 

 

 

 

 

Mise à jour

17/04/2006

 

 



[1] Cass. civ. 3e  09/02/1982 RTDC 1982 629 note Giverdon

[2] Cass. civ. 3e  06/11/1984  Administrer mai 1985 36 note Guillot

[3] Cass. civ. 3e 12/03/1997 RDI 1997-2-292 note Capoulade

[4] Cass. civ. 3e 25/06/1997 RDI 1997-3-487 note Capoulade