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Vente d’une fraction générant la division de l’immeuble

Absence d’état descriptif de division

Défaut de mention des parties communes de la copropriété

Défaut de mention de la quote-part attachée au lot vendu

Perfection de la vente (non)

 

Nous évoquons dans nos commentaires l’incidence éventuelle de l’arrêt sur les modalités d’exercice du droit de préemption du locataire à l’occasion d’une première vente après division de l’immeuble.

 

 

 

Cassation civile 3e  11 février 2009

Cour d’appel de Chambéry du 3 juillet 2007

N° de pourvoi: 07-20237

 

 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Donne acte à l’association “ A chacun son Everest “ de son intervention ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 3 juillet 2007), que, par acte sous seing privé du 12 juillet 2003, les époux X..., aux droits desquels vient Mme X..., ont vendu aux époux Y... un appartement situé au premier étage d’un chalet leur appartenant ; que les vendeurs ayant refusé de réitérer la vente par acte authentique, les acquéreurs les ont assignés en réitération forcée ;

 

Attendu que les époux Y... font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, qu’est admise la validité du contrat lorsque le corps certain est déterminable au regard des termes de la convention ou des circonstances de la cause ; qu’il résulte de l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965 que “ dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l’établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation “ ; que la cour d’appel, qui a jugé que dans le compromis de vente “ il n’est fait mention ni de la consistance des parties communes ni de la quote-part de ces parties communes attachée à la propriété de l’appartement vendu’”, pour estimer “ qu’il n’est donc pas établi que les époux X..., d’une part, et les époux Y..., d’autre part, se sont accordés sur la quote-part des parties communes attachée à la propriété de l’appartement objet de la vente ; que cette quote-part constitue un élément essentiel de la vente, ce d’autant plus que la superficie du terrain où est édifié le chalet est de plus de 1 400 mètres carrés, de sorte que Mme X... est bien fondée à soutenir que, son objet étant insuffisamment déterminé, la vente n’est pas parfaite, alors qu’il est admis qu’en l’absence de précision contractuelle, la répartition des parties communes est fixée par application de l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d’appel a violé les articles 1129 et 1583 du code civil, ensemble l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé qu’il n’était fait mention dans la promesse de vente ni de la consistance des parties communes, ni de la quote-part de ces parties communes attachées à la propriété de l’appartement et que les lacunes du projet d’acte authentique, qui désignait les biens vendus comme “ un appartement et espace laissé en blanc de la propriété du sol et des parties communes générales “ ne pouvaient être comblées par la mention selon laquelle l’immeuble avait fait l’objet d’états descriptifs de division réalisés par le notaire et par M. Z..., géomètre-expert, dès lors qu’il n’était pas prétendu que le notaire avait établi un tel document et que celui dressé par M. Z... ne pouvait pas valoir état descriptif de division, la cour d’appel, qui, prenant en compte la superficie du terrain qui était de plus de 1 400 mètres carrés, a souverainement retenu que la détermination de la quote-part de parties communes afférente au bien vendu constituait pour les parties un élément essentiel de la convention, a pu en déduire qu’en l’absence de détermination suffisante de l’objet de la vente, celle-ci n’était pas parfaite ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne les époux Y... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... et les condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

 

 

Commentaires :

 

Par acte sous seing privé du 12 juillet 2003, les époux X..., aux droits desquels vient Mme X..., ont vendu aux époux Y... un appartement situé au premier étage d’un chalet leur appartenant.

Il n’est pas douteux que l’exécution de l’acte sous seing privé du 12 juillet 2003 impliquait la répartition entre Madame X..., d’une part, et les époux Y..., d’autre part, de la propriété de l’immeuble bâti où est situé l’appartement objet de cette vente et, par voie de conséquence, l’application à cet immeuble de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

La vente ne pouvait porter que sur un lot de copropriété comportant une fraction privative clairement décrite et le nombre des tantièmes des parties communes attribués à ce lot.

Elle supposait fatalement l’établissement préalable d’un état descriptif de division et d’un règlement de copropriété.

 

Dans le cas d’espèce, ce sont les vendeurs qui ont refusé de réitérer la vente par acte authentique.

Les acquéreurs ont tenté de faire valoir qu’à défaut d’avoir été déterminée, la répartition des tantièmes de copropriété était déterminable, par application de l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965. L’argument a été justement rejeté par la Cour de cassation.

On peut noter ici que M. Z.., acquéreur, était lui-même géomètre-expert. Il ne pouvait ignorer les règles élémentaires de la copropriété et il est désagréable de constater qu’il a tenté de se prévaloir d’un état descriptif qu’il aurait établi lui-même avec le concours du notaire.

Ces faits particuliers donnent à l’affaire une coloration glauque.

 

Force est de remarquer qu’on retrouve des anomalies de même type dans maintes opérations de division de la propriété d’une maison. Ces copropriétés à deux sont fréquemment dépourvues de règlement de copropriété, ce qui fait apparaître des chicanes qui perturbent les relations entre les copropriétaires. Il est vrai que dans les temps anciens, - et encore maintenant en Corde -, les copropriétés n’étaient pas organisées. Mais il s’agissait alors de fractions superposées quasiment indépendantes … jusqu’à ce que surviennent des difficultés techniques affectant la structure générale du bâtiment.

 

Dans la présente affaire, la venderesse survivante a obtenu la mise à néant de l’acte litigieux. On peut en être satisfait.

 

 

A propos du droit de préemption accordé au locataire à l’occasion de la première vente après division de l’immeuble ou de subdivision de la propriété de l’immeuble par lots (loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 art. 10 et décret n° 77-742 du 30 juin 1977 ), la Cour de cassation a jugé qu’il n’est pas nécessaire de joindre à la notification au locataire de la vente le règlement de copropriété et  l’état descriptif de division de l’immeuble [1]

Nous avons contesté cette solution. En effet elle prive le locataire bénéficiaire d’informations qui sont nécessaires à la description du bien vendu. L’arrêt relaté ci dessus fait valoir ainsi que « la détermination de la quote-part de parties communes afférente au bien vendu constituait pour les parties un élément essentiel de la convention ». De la même manière, certaines clauses du règlement de copropriété ont pour objet de préciser la destination de l’immeuble et, le cas échéant, celle des lots (par exemple possibilité ou non d’exercice de certaines activités dans l’immeuble). Ces dispositions entrent dans la détermination du contenu du lot vendu.

Préalablement à l’arrêt de la Cour de cassation Madame Vial-Pedroletti [2]  n’a pas manqué de relever l’importance de cette mention. Elle fait le point de la controverse en cours : le bailleur procédant à la division de la propriété de son immeuble doit-il établir le règlement de copropriété et l’état descriptif de la future copropriété avant de faire l’offre de vente aux locataires en place prévue par les articles 22 de la loi du 23 décembre 1986 et 11 de la loi du 22 juin 1982 ?

La 6e Chambre B de la Cour d’appel de Paris a répondu par l’affirmative, estimant que le règlement de copropriété, au moins, fait partie des « conditions de la vente » au sens de l’article 15-II, alinéa 1 de la loi du 6 juillet 1989. [3] 

La 6e Chambre C de la même Cour a répondu par la négative : «  ces documents n’ont pas d’incidence sur l’identification de chacun des lots concernés, ni sur les conditions de la vente, qui s’entendent des modalités de paiement du prix ». [4]

 

Nous rappelons que dans le cas d’une « vente à la découpe », l’article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 modifié par la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 - art. 63 comporte les dispositions suivantes :

I.-A.-Préalablement à la conclusion de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel de plus de dix logements au profit d'un acquéreur ne s'engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d'habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu'il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l'acte authentique de vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail, le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne foi l'indication du prix et des conditions de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l'immeuble ainsi que l'indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu'il occupe.

Cette notification doit intervenir à peine de nullité de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l'immeuble. Elle s'accompagne d'un projet de règlement de copropriété qui réglera les rapports entre les copropriétaires si l'un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise un acte de vente, ainsi que des résultats d'un diagnostic technique portant constat de l'état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l'état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité. Ce diagnostic est établi par un contrôleur technique au sens de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation ou par un architecte au sens de l'article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, qui ne doit avoir avec le propriétaire de l'immeuble ou son mandataire aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité ou à son indépendance. Les dépenses afférentes à ce diagnostic sont à la charge du bailleur.

 

Plus généralement, nous considérons

- que le lot de copropriété est un bien immobilier

- que l’état descriptif est un élément capital pour l’identification du lot

- que les dispositions du règlement de copropriété précise les droits et obligations attachés au lot, qui doivent être considérés comme des qualités intrinsèques du lot vendu.

L’arrêt du 11 février 2009 nous paraît conforter cette position.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

 

 

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour les époux Y....

 

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté les époux Gilles Y... et Sylvette B... de leurs demandes ;

 

AUX MOTIFS QUE l’exécution de l’acte sous seing privé du 12 juillet 2003 implique la répartition entre Madame X..., d’une part, et les époux Y..., d’autre part, de la propriété de l’immeuble bâti où est situé l’appartement objet de cette vente et, par voie de conséquence, l’application à cet immeuble de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

que dans cet acte il n’est fait mention ni de la consistance des parties communes ni de la quote-part de ces parties communes ni de la quote-part de ces parties communes attachée à la propriété de l’appartement vendu ;

qu’un projet d’acte authentique a été rédigé où les biens vendus sont désignés en ces termes : « un appartement … et les espace laissé en blanc de la propriété du sol et des parties communes générales » ; que c’est à tort que les époux Y... prétendent faire combler ces lacunes par la mention du projet d’acte authentique aux termes de laquelle « l’ensemble immobilier sus désigné a fait l’objet d’un état descriptif de division établi par Maître C..., notaire, ce jourd’hui même et dès avant les présentes » et par un « état descriptif de division » daté du 22 septembre 2003 et établi par Monsieur Stéphane Z... géomètre expert ; qu’en effet, il n’est même pas prétendu qu’un état descriptif de division a effectivement été dressé par Maître C..., notaire ; que, par ailleurs, bien qu’il soit mentionné sur « l’état descriptif de division » établi par Monsieur Stéphane Z... géomètre expert qu’il a été fait « à la requête de Madame et Monsieur X... », ce que conteste Madame X..., il n’est pas démontré qu’il soit l’expression de la volonté des époux X... ; que ce document ne vaut donc pas état descriptif de division ;

qu’il n’est donc pas établi que les époux X..., d’une part, et les époux Y..., d’autre part, se sont accordés sur la quote-part des parties communes attachée à la propriété de l’appartement objet de la vente ; que cette quote-part constitue un élément essentiel de la vente, ce d’autant plus que la superficie du terrain où est édifié le chalet est de plus de 1 400 mètres carrés, de sorte que Madame X... est bien fondée à soutenir que, son objet étant insuffisamment déterminé, la vente n’est pas parfaite ;

 

ALORS QU’est admise la validité du contrat lorsque le corps certain est déterminable au regard des termes de la convention ou des circonstances de la cause ;

qu’il résulte de l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965 que « dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l’établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation » ;

que la Cour d’appel, qui a jugé que dans le compromis de vente « il n’est fait mention ni de la consistance des parties communes ni de la quote-part de ces parties communes ni de la quote-part de ces parties communes attachée à la propriété de l’appartement vendu » ; pour estimer « qu’il n’est donc pas établi que les époux X..., d’une part, et les époux Y..., d’autre part, se sont accordés sur la quote-part des parties communes attachée à la propriété de l’appartement objet de la vente ;

que cette quote-part constitue un élément essentiel de la vente, ce d’autant plus que la superficie du terrain où est édifié le chalet est de plus de 1 400 mètres carrés, de sorte que Madame X... est bien fondée à soutenir que, son objet étant insuffisamment déterminé, la vente n’est pas parfaite », alors qu’il est admis qu’en l’absence de précision contractuelle, la répartition des parties communes est fixée par application de l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965, la Cour d’appel a violé les articles 1129 et 1583 du Code civil, ensemble l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

11/10/2010

 

 

 

 

 



[1]  Cass civ 3e 19/10/2005 n° 04-17 039

[2]  Loyers et copropriété septembre 2000 n° 189

[3]  CA Paris 6e B 04-03-1999 Loyers et copropriété 1999 n° 147

[4]  CA Paris 6e C 20-05-1997 Loyers et copropriété 1997 n° 226