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Responsabilité du syndic

Autorisation donnée à un copropriétaire (installation d’une véranda)

Action en suppression engagée par le syndicat

Date de la manifestation du dommage à l’égard de l’auteur de l’installation

1) Date de l’assignation tendant à la suppression (non)

2) Date de la décision judiciaire définitive ordonnant la suppression (oui)

 

 

 

Cassation civile 2e    10 février 2011

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 6 novembre 2009

N° de pourvoi: 10-11775

Cassation

 

 

 

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

 

Vu l’article 2270 du code civil applicable en l’espèce ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a édifié une véranda, après avoir obtenu l’autorisation du syndic de sa copropriété, le cabinet Espargillière ; que, le syndicat des copropriétaires, ayant demandé la démolition de cette véranda, a été débouté par un tribunal ; que par arrêt du 15 avril 2004, le jugement a été infirmé et la démolition ordonnée ; que M. X... a alors engagé la responsabilité du syndic et obtenu sa condamnation à lui payer une certaine somme ;

 

Attendu que, pour déclarer irrecevable l’action comme prescrite, l’arrêt énonce que, si à la date à laquelle est engagée une action en justice, le fait dommageable consistant en une condamnation n’est pas consacré, il n’en demeure pas moins qu’il est réalisé, en sorte que le défendeur ne peut prétendre que ce fait dommageable n’est pas réalisé et ne lui est pas révélé ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que le dommage ne s’était manifesté à M. X... qu’à compter de la décision du 15 avril 2004 ordonnant la démolition de la véranda, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :

 

 

Met hors de cause le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier Le Roi soleil ;

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

 

Condamne la société Cabinet Espargillière aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société Cabinet Espargillière et du syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier Le Roi soleil ; condamne la société Cabinet Espargillière à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

 

 

Commentaires :

 

L’espèce relatée  consacre un élargissement sensible du champ de la responsabilité du syndic de copropriété.

D’une part quant à la nature de la faute : ici l’octroi d’une autorisation donnée à un copropriétaire d’édifier une véranda alors que cette autorisation ne pouvait être accordée que par l’assemblée générale. Le copropriétaire finalement tenu de détruire la véranda obtient une indemnité réparatrice mise à la charge du syndic.

D’autre part en reportant le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité engagée contre le syndic par le copropriétaire victime de cette bévue à la date de la décision judiciaire définitive l’obligeant à supprimer la véranda litigieuse. Nous rappelons qu’en vertu du texte visé, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, « les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ».

 

M. X… a édifié une véranda après avoir obtenu le 14 juillet 1989 ( !!!) l’accord du syndic.

 

Divers copropriétaires et le syndicat ont demandé la démolition de cette véranda pas assignation en date du 7 avril 1993.

 

Le Tribunal a débouté le syndicat par jugement du 6 janvier 1998.

 

Par arrêt du 15 avril 2004, la Cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé le jugement du Tribunal et ordonné la démolition de la véranda.

 

M. X… a engagé une action responsabilité contre le syndic par assignation du 18 juillet 2005.

 

Par arrêt du 6 novembre 2009 la Cour d’appel d’Aix en Provence a déclaré l’action de M. X… irrecevable comme prescrite en énonçant « que, si à la date à laquelle est engagée une action en justice, le fait dommageable consistant en une condamnation n’est pas consacré, il n’en demeure pas moins qu’il est réalisé, en sorte que le défendeur ne peut prétendre que ce fait dommageable n’est pas réalisé et ne lui est pas révélé ».

 

L’arrêt d’appel est cassé.

La Cour de cassation  juge «  que le dommage ne s’était manifesté à M. X... qu’à compter de la décision du 15 avril 2004 ordonnant la démolition de la véranda » et qu’en conséquence , la cour d’appel a violé l’article 2270 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile).

 

La solution adoptée par la Cour de cassation aura une portée générale d droit commun mais elle présente un aspect particulier dans le cas des syndics de copropriété.

 

Les polices d’assurance de la responsabilité civile des syndics comportaient dans le passé des clauses draconiennes limitant l’étendue de la garantie aux sinistres connus de l’assuré (le syndic) dans un délai maximum de douze mois.

Présentement les assureurs peuvent limiter leur garantie aux réclamations formulées pendant un période comportant la durée du contrat et un délai subséquent (Code des assurances art. L 124-5 créé par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 art. 80). Le décret d’application de cette loi impose une durée minimum de 10 ans pour le délai subséquent de garantie.

 

L’article 13-6 du projet de loi portant réforme de l’exercice des activités d’entremise et de gestion immobilières est ainsi conçu :

« Tout manquement aux lois, règlements et prescriptions du code de déontologie, toute négligence grave, tout manquement à la probité ou à l’honneur, même se rapportant à des faits commis en dehors de l'activité habituelle des personnes mentionnées à l’article 1er, peut donner lieu à sanction disciplinaire.

« La cessation des fonctions du mandataire ne fait pas obstacle aux poursuites disciplinaires pour des faits commis pendant l’exercice de ses fonctions.

« L’action disciplinaire se prescrit par cinq ans à compter de la commission des faits ou, lorsque les faits se rapportent à l'exercice professionnel, à compter de l'achèvement des mandats à l'occasion desquels ces faits ont été commis. »

On ne connaît pas très bien l’étendue du domaine d’application de ce texte. Pourrait-on prétendre que le fait de donner une autorisation prévue par un règlement de copropriété ancien mais prohibée par un courant jurisprudentiel très majoritaire est une négligence grave ?

 

Pour l’essentiel, l’arrêt relaté doit être pleinement approuvé.

Pour autant, il n’est pas interdit de penser que M. X… aurait dû mettre en cause le syndic dès qu’il a été assigné par certains copropriétaires et le syndicat aux fins de la suppression de la véranda.

 

On peut aussi se demander si, dans un tel cas, comme dans bien d’autres, le syndicat ne devrait pas être initialement déclaré responsable de la faute commise par son syndic, sauf à se faire garantir par lui des condamnations prononcées au profit de la victime.

Il est assez déplaisant de songer que le syndic fautif a pu ensuite diligenter l’action du syndicat tendant à la suppression d’une installation qu’il avait autorisée ! Mais le syndicat a peut-être changé de syndic après la révélation de cette faute ?

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour M. X...

 

 

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action de Monsieur Armand X... ;

 

AUX MOTIFS QUE « la faute imputable au syndic ayant consisté en une autorisation qu’il n’avait pas le pouvoir d’accorder ou à tout le moins en un avis erroné qui a conduit Monsieur Armand X... à édifier illicitement la véranda litigieuse a été commise le 14 juillet 1989 et que le 7 avril 1993 divers copropriétaires et le syndicat ont engagé contre Monsieur Armand X... l’action en démolition ;

que ce n’est que le 18 juillet 2005, c’est-à-dire plus de dix années après l’engagement de cette action, que Monsieur Armand X... a lui-même engagé l’action en responsabilité qui a donné lieu au jugement entrepris ; que pour soutenir que son action n’est pas prescrite, Monsieur Armand X... fait valoir que le dommage ne s’est réalisé que lorsque la Cour a prononcé l’arrêt infirmatif du 15 avril 2004 lui imposant la démolition ; mais que la prescription ne commence à courir qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ;

or attendu que cette circonstance qu’à la date à laquelle est engagée une action en justice le fait dommageable consistant en une condamnation du défendeur n’est pas consacré, il n’en demeure pas moins qu’il est réalisé dès lors que la décision définitive ne fera que procéder à cette consécration, en sorte que ce défendeur ne peut prétendre que ce fait dommageable n’est pas réalisé et ne lui est pas révélé ;

que, par ailleurs, le principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui n’est pas en mesure d’agir n’est pas applicable en l’espèce, où Monsieur Armand X... avait tout loisir d’agir contre la SAS Cabinet ESPARGILLIERE dès l’introduction de l’action du syndicat des copropriétaires LE ROI SOLEIL à son encontre ;

qu’ainsi, infirmant le jugement entrepris, il y a lieu de déclarer irrecevable comme étant prescrite l’action de Monsieur Armand X... » ;

 

 

ALORS QUE les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ;

que lorsque le dommage naît d’une condamnation judiciaire, il ne se manifeste qu’au jour de cette condamnation ; qu’en l’espèce, Monsieur X... a assigné le 18 juillet 2005 le Cabinet ESPAGILLIERE et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble LE ROI SOLEIL pour obtenir réparation du dommage subi à la suite de l’arrêt infirmatif rendu par la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE le 12 avril 2004 lui ordonnant de procéder à la destruction de sa véranda ;

qu’en décidant que l’action de Monsieur X... engagée le 18 juillet 2005 était prescrite au motif qu’il aurait dû agir en réparation dès l’introduction de l’action ayant abouti à l’arrêt infirmatif du 12 avril 2004, bien que cette action avait donné lieu à un jugement en date du 6 janvier 1998 donnant gain de cause à Monsieur X..., en sorte qu’à cette date aucun dommage ne s’était encore manifesté, la Cour d’appel a violé l’article 2270 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, applicable en la cause.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

26/02/2011