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Vente séparée d’une fraction accessoire (garage) à un tiers

Clause du règlement de copropriété interdisant la vente à un tiers

Clause justifiée par la destination de l’immeuble (NON)

1) Destination de l’immeuble « telle qu’elle est définie aux actes »

2) Destination « telle que définie par ses caractères ou sa situation »

omission du Second critère  ; Cassation

 

Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du 9 juin 2010

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 19 janvier 2009

N° de pourvoi: 09-14206

Cassation

 

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 janvier 2009), que la société civile immobilière Sull’Onda (la SCI Sull’Onda) a procédé à la vente négociée par M. X..., agent immobilier, dont l’acte a été dressé par M. Y..., notaire, aux époux Z... et à la société Villars, aux droits de laquelle vient la société Sogedis, d’un appartement et d’une cave sis dans la résidence Sull’Onda à Juan-les-Pins ; que par acte authentique du même jour reçu par ce notaire, la SCI Sull’Onda a cédé le garage qu’elle y possédait à la société civile immobilière Daniele (SCI Daniele) dans laquelle M. X... avait des intérêts ; que les époux Z... et la SCI Villars, se fondant sur l’article 2 du règlement de copropriété interdisant la vente ou la location des garages à d’autres personnes qu’à des occupants de l’immeuble, ont assigné la SCI Daniele, la SCI Sull’Onda, M. X..., M. Y... et sa société civile professionnelle, aux fins de constater la nullité de la vente du garage, de prononcer cette vente à leur profit et de les indemniser ;

 

Sur le premier moyen :

Vu l’article 8, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Attendu que pour débouter les époux Z... et la SCI Villars de leur demande d’annulation de la vente du garage, l’arrêt retient que toute clause du règlement de copropriété restreignant le droit pour un copropriétaire de disposer de son lot est réputée non écrite, sauf si cette restriction est justifiée par la destination de l’immeuble “telle qu’elle est définie aux actes” ; qu’en l’espèce, rien n’est mentionné dans les actes versés aux débats sur ce point ; que l’article 2 du règlement de copropriété est donc réputé non écrit ;

 

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces restrictions n’étaient pas justifiées par la destination de l’immeuble telle que définie par ses caractères ou sa situation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

 

 

PAR CES MOTIFS, en sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 janvier 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

 

Condamne, ensemble, la SCI Sull’Onda, M. X..., la SCI Daniele, M. Y... et la SCP Y... et Baillet, aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, la SCI Sull’Onda, M. X..., la SCI Daniele, M. Y... et la SCP Y... et Baillet, à payer aux époux Z... et à la société Sogedis, ensemble, la somme de 2 500 euros ; condamne, ensemble, la SCI Sull’Onda, M. X... et la SCI Daniele, à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Sull’Onda à Juan-les-Pins la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;

 

 

commentaires

 

la SCI Sull’Onda a vendu aux époux Z... et à la société Villars, aux droits de laquelle vient la société Sogedis, un appartement et une cave.

Elle a cédé le garage qu’elle y possédait à la SCI Daniele.

Les époux Z... et la SCI Villars, se fondant sur l’article 2 du règlement de copropriété interdisant la vente ou la location des garages à d’autres personnes qu’à des occupants de l’immeuble.

 

La Cour d’appel a débouté les époux Z... et la SCI Villars.

Elle a rappelé « que toute clause du règlement de copropriété restreignant le droit pour un copropriétaire de disposer de son lot est réputée non écrite, sauf si cette restriction est justifiée par la destination de l’immeuble « telle qu’elle est définie aux actes »

Elle a relevé « qu’en l’espèce, rien n’est mentionné dans les actes versés aux débats sur ce point »

Et jugé qu’en conséquence l’article 2 du règlement de copropriété devait être réputé non écrit.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt.

Elle reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché, comme il lui était demandé, si ces restrictions n’étaient pas justifiées par la destination de l’immeuble telle que définie par ses caractères ou sa situation

 

Il est bien certain que la Cour d’appel avait amputé le second alinéa de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi conçu

« Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. »

 

Dans le cas voisin du syndicat des copropriétaires de l’immeuble 26 rue Jacob à Paris, l’assemblée générale avait décidé, en vertu de l’article 26 c alinéa 2 d’insérer dans le règlement de copropriété une clause interdisant la vente des caves aux étrangers à l’immeuble.

La Ville de Paris, auteur de la division de la propriété de l’immeuble, avait contesté cette décision en invoquant notamment l’article 8 alinéa 2. La Cour d’appel de Paris (23e chambre A 04/07/2001 ; Loyers et copropriété 2002 n° 48) a accueilli favorablement cette contestation. Au vu des différentes dispositions du règlement de copropriété, elle a jugé que si elles témoignent du désir de maintenir dans l’immeuble un caractère essentiellement « bourgeois » et « de bonne tenue », elles restent classiques  et ne permettent ni d’en déduire que l’immeuble est de « haut standing » ni du désir des rédacteurs d’éviter à tout prix que des personnes n’habitant pas l’immeuble y soient propriétaires d’un ou plusieurs lots.

Ce faisant, la Cour de Paris s’est conformée à un courant majoritaire de jurisprudence qui maintient une discrimination coupable entre les immeubles « cossus » et ceux simplement « bourgeois » et a fortiori les modestes. Le bon sens commande que dans tout syndicat, la propriété des fractions accessoires soit réservée aux propriétaires des fractions principales.

 

En l’espèce, le premier moyen indique que l’article 2 du règlement de copropriété est ainsi rédigé : « les garages ne pourront être aliénés par vente ou location qu’au bénéfice exclusif des personnes ayant nommément qualité d’occupant de l’immeuble ». La clause est fort bien établie puisque elle profite aux occupants eux-mêmes pour ce qui est de la location.

La loi du 10 juillet 1965 ne définit pas la notion de destination. On ne trouve cette définition que dans l’exposé des motifs du projet initial de cette loi : « La destination désigne l'ensemble des conditions en vue desquelles un copropriétaire a acquis son lot, compte tenu de divers éléments, notamment de l'ensemble des clauses des documents contractuels, des caractéristiques physiques et de la situation de l'immeuble, ainsi que de la situation sociale de ses occupants. »

Cette définition est essentiellement d’ordre subjectif.

Les clauses des documents contractuels ne déterminent pas la destination de l’immeuble. Elles doivent être rangées parmi les qualités ou défauts de la copropriété : l’immeuble est bien placé, il a bonne allure, il est en bon état, le règlement de copropriété interdit les activités commerciales et les divisions de lot. Tels sont les éléments qui ont déterminé Dupont à effectuer son achat.

Durand, qui ne pouvait ignorer la clause interdisant les divisions de lot, veut néanmoins diviser le sien.

Dupont s’y oppose, faisant valoir que la clause a été un motif déterminant de son acquisition.

Au nom de quel éminent principe laïc et républicain certaines juridictions ont-elles pu proclamer que la charte de la copropriété portait atteinte à l’absolutisme du droit de Durand sur son lot ? Il faut pour porter une telle affirmation avoir une perception peu sensible de l’équilibre délicat qui s’impose entre les droits individuels légitimes et leur ajustement consenti exprimé dans la convention institutionnelle.

 

Il faut espérer que la Cour de cassation ne s’est pas bornée à sanctionner l’amputation de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965.

Il ne faut perdre de vue la conception subjective de la destination de l’immeuble exprimée par les auteurs du projet de loi de 1965. Les juristes ne doivent pas négliger l’importance parfois déterminante des documents et travaux parlementaires.

 

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les époux Z... et la société Sogedis

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

 

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur et Madame Z... et la Société SOGEDIS de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité de la vente du 18 septembre 2002 conclue entre la SCI SULL ONDA et la SCI DANIELE, portant sur un garage composant le lot n° 32 de la copropriété de l’immeuble « SULL ONDA », situé ... à JUAN LES PINS, et à voir condamner la SCI SULL ONDA, la SCI DANIELE et Monsieur X... à les indemniser de leur préjudice ;

 

AUX MOTIFS QUE l’article 2 du règlement de copropriété est ainsi rédigé : «les garages ne pourront être aliénés par vente ou location qu’au bénéfice exclusif des personnes ayant nommément qualité d’occupant de l’immeuble» ; que l’immeuble comprend onze appartements et cinq garages privatifs (outre huit emplacements extérieurs) ; que l’article 8 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 prohibe toute restriction aux droits des copropriétaires qui ne serait pas justifiée par la destination (telle que définie aux actes) et l’article 9 de cette même loi prévoit que chaque copropriétaire dispose librement des parties privatives de son lot ; que toute clause du règlement de copropriété restreignant le droit pour un copropriétaire de disposer de son lot est réputée non écrite, sauf si cette restriction est justifiée par la destination de l’immeuble « telle qu’elle est définie aux actes » ; qu’en l’espèce, rien n’est mentionné dans les actes versés aux débats sur ce point ; que de plus, telle qu’elle est rédigée, cette clause permet à un locataire de devenir propriétaire d’un garage, si bien qu’au cas où le bail viendrait à prendre fin, l’ancien locataire pourrait parfaitement rester propriétaire du garage sans être occupant de l’immeuble, ce qui est exactement le cas d’espèce critiqué par Monsieur et Madame Z... ; que la restriction au droit de vente prévue par l’article 2 n’est donc pas justifiée par la destination de l’immeuble qui ne concerne que l’usage ou la jouissance des lots ; que l’article 2 du règlement de copropriété est donc réputé non écrit ;

1°) ALORS QUE le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; que la destination de l’immeuble peut donc justifier une restriction au droit de vente des copropriétaires pour un lot déterminé : qu’en décidant néanmoins que la restriction au droit de vente prévue par l’article 2 du règlement de copropriété de l’immeuble «SULL ONDA», prévoyant que les garages ne pourront être aliénés par vente ou location qu’au bénéfice exclusif des personnes ayant nommément qualité d’occupant de l’immeuble, n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble, motif pris que cette destination ne peut concerner que l’usage ou la jouissance des lots, la Cour d’appel a violé l’article 8, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

2°) ALORS QUE le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; que la destination de l’immeuble s’apprécie donc non seulement au regard des indications portées sur les actes, mais également au regard des caractères ou de la situation de l’immeuble; qu’en décidant néanmoins que la situation de l’immeuble ne pouvait être appréciée qu’au regard des mentions des actes versés aux débats, la Cour d’appel a violé l’article 8, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

3°) ALORS QUE la destination de l’immeuble s’apprécie au regard des caractères de l’immeuble et de sa situation; qu’en se bornant à affirmer que la destination de l’immeuble «SULL ONDA» ne pouvait concerner que l’usage ou la jouissance des lots, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l’immeuble «SULL ONDA» constituait une résidence de haut standing, dans une ville très touristique et composé d’un nombre limité de lots afin d’assurer la tranquillité de ses occupants, de sorte que la clause prévoyant que les garages ne pourront être aliénés par vente ou location qu’au bénéfice exclusif des personnes ayant nommément qualité d’occupant de l’immeuble était justifiée par la destination de l’immeuble, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

4°) ALORS QUE règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; que la destination de l’immeuble s’apprécie notamment au regard des caractères de l’immeuble et de sa situation; qu’en décidant néanmoins que la disposition du règlement de propriété prohibant la vente des garages à des personnes n’ayant pas la qualité d’occupant de l’immeuble n’était pas conforme à la destination de celui-ci, au motif inopérant tiré de ce que telle que rédigée, cette disposition permettait à un ancien locataire de conserver la propriété d’un garage qu’il aurait acquis antérieurement, la Cour d’appel a violé l’article 8 alinéa, 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

 

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur et Madame Z... et la Société SOGEDIS de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité de la vente du 18 septembre 2002 conclue entre la SCI SULL ONDA et la SCI DANIELE, portant sur un garage composant le lot n°32 de la copropriété de l’immeuble «SULL ONDA», situé ... à JUAN LES PINS, et à voir condamner la SCI SULL ONDA, la SCI DANIELE et Monsieur X... à les indemniser de leur préjudice ;

 

 

AUX MOTIFS QUE le mandat de vente donné par les venderesses à Monsieur X... ne concerne que l’appartement et la cave ; qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit à un agent immobilier d’acquérir un lot dans une copropriété, même si le vendeur, également propriétaire de deux autres lots, lui a donné mandat de vendre ces deux autres lots ; qu’ainsi il ne peut être reproché à Monsieur X... d’avoir méconnu ses devoirs de mandataire tels que précisés par l’article 1596 du Code civil, même si c’est la SCI DANIELE dont il est associé qui s’est porté acquéreur du garage ;

ALORS QUE ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, les mandataires, des biens qu’ils sont chargés de vendre ; qu’en se bornant à affirmer que le mandat de vente donné par la venderesse, la SCI SULL ONDA, à Monsieur X... ne concernait que l’appartement et la cave, pour en déduire que ce dernier avait pu valablement acheter le garage accessoire à l’immeuble, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si Monsieur X... avait été dès l’origine contacté par la SCI SULL ONDA en qualité de mandataire et qu’il en avait profité pour acquérir le lot litigieux, puis limiter artificiellement l’étendue du mandat qui lui était confié, de sorte que la vente avait en réalité porté sur un bien qu’il était chargé de vendre, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1596 du Code civil.

 

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur et Madame Z... et la Société SOGEDIS de leur demande tendant à voir condamner la Société BLARINGHEM-BAILLET et Maitre Y... à les indemniser de leur préjudice;

AUX MOTIFS QU’aucune faute ne peut être mise à la charge du notaire rédacteur des actes de vente, dès lors qu’il vient d’être établi que la vente du garage à la SCI DANIELE n’encourt aucune nullité ;

 

ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation du chef de l’arrêt ayant refusé de prononcer la nullité de la vente du 18 septembre 2002 entre la SCI SULL ONDA et Monsieur X... entraînera, par voie de conséquence, l’annulation du chef de la décision ayant rejeté la demande de dommages-intérêts formée à l’encontre de la Société BLARINGHEM-BAILLET et de Maître Y..., dès lors que la Cour d’appel fondé le rejet de cette demande sur le fait que la nullité de la vente n’était pas encourue, et ce, en application de l’article 625 du Code de procédure civile .

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

04/10/2010