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Prescription acquisitive trentenaire

Usucapion par le syndicat d’un lot

Infraction à l’objet du syndicat (non)

Inexistence d’une disposition interdisant au syndicat d’usucaper un lot

 

Voir le commentaire critiquant cette décision

 

 

 

Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du 8 octobre 2015

Décision attaquée : Cour d’appel de Reims , du 4 février 2014

N° de pourvoi: 14-16071

Cassation

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu l’article 2272 du code civil ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 4 février 2014), que M. X... était propriétaire d’un immeuble qu’il a divisé puis vendu par lots ; que, par acte du 19 septembre 2007, Monique Y... veuve X... et Mme X... ont vendu un lot de copropriété correspondant à un garage, à M. Z..., déjà propriétaire d’autres lots ; que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 3 cours Anatole France (le syndicat), se prévalant de l’acquisition du lot par prescription, a assigné M. Z... ainsi que Mmes Y... et X... en inopposabilité de la vente et restitution du lot ; que Monique Y... est décédée le 13 juin 2011 ;

 

Attendu que, pour rejeter la demande, l’arrêt relève que la qualification de partie privative du garage n’est pas contestée et se trouve corroborée par le règlement de copropriété et qu’aucun vote n’a entériné un changement de destination du lot ou des modalités de jouissance de celui-ci et retient que l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 interdit d’imposer à un copropriétaire la transformation d’une partie privative en partie commune, fût-ce par le jeu de la prescription acquisitive et que, l’objet d’un syndicat de copropriétaires étant de conserver et d’administrer l’immeuble, celui-ci ne peut porter atteinte aux droits fondamentaux des copropriétaires et donc acquérir par prescription les parties privatives de l’un de ses membres ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune disposition ne s’oppose à ce qu’un syndicat de copropriétaires acquière par prescription la propriété d’un lot, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

 

Condamne M. Z... et Mme X... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... et Mme X... à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble 3 cours Anatole France la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

 

 

Commentaires :

 

Note préalable : Le Code civil traite présentement de la prescription acquisitive dans les articles 2258 à 2277.

 

La Cour de cassation est liée par le « contenu » de l’arrêt incriminé, d’une part, le ou les moyens qui sont présentés devant elle, d’autre part.

La Cour d’appel de Reims, pour écarter l’acquisition par la voie de la prescription acquisitive a retenu deux arguments :

Primo que l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 interdit d’imposer à un copropriétaire la transformation d’une partie privative en partie commune, fût-ce par le jeu de la prescription acquisitive

Secundo que, l’objet d’un syndicat de copropriétaires étant de conserver et d’administrer l’immeuble, celui-ci ne peut porter atteinte aux droits fondamentaux des copropriétaires et donc acquérir par prescription les parties privatives de l’un de ses membres

 

Pour demander la cassation de l’arrêt rémois le syndicat des copropriétaires a fait valoir :

Qu’il est du pouvoir du syndicat des copropriétaires d’acquérir par prescription le lot de copropriété qui est impérativement et indissociablement composé d’une partie privative et d’une quote-part des parties communes sans que les droits du copropriétaire sur la partie privative s’y opposent ;

qu’en décidant que le droit commun de l’usucapion est tenu en échec par les règles du droit de la copropriété, et, en particulier, par l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 en vertu duquel le syndicat des copropriétaires ne pourrait, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire la transformation d’une partie privative lui appartenant en partie commune, la Cour d’appel a violé l’article 2272, alinéa 1er, du Code civil.

 

Il nous paraît que l’argument fondé sur l’obligation faite à un copropriétaire d’admettre la transformation d’une partie privative lui appartenant en partie commune est inefficace et pour mieux dire totalement étrangère au débat.

Mais il est vrai que le droit commun de l’usucapion est en l’espèce tenu en échec par les règles du droit de la copropriété.

 

 

Le commentaire de l’arrêt reproduit exige un rappel historique que nos lecteurs ne sauraient négliger.

Par arrêt du 30 avril 2003 la Cour de cassation a jugé que « les actes de vente des biens immobiliers, constitués par des lots de copropriété qui sont nécessairement composés de parties privatives et de quotes-parts de parties communes, peuvent être le juste titre qui permet à l’ensemble des copropriétaires de prescrire selon les modalités de l’article 2265 du Code civil, sur les parties communes de la copropriété, les droits indivis qu’ils ont acquis accessoirement aux droits exclusifs qu’ils détiennent sur les parties privatives de leurs lots »

 

En cette espèce, des tiers revendiquaient la propriété de parcelles incluses dans les parties communes de du syndicat de copropriétaires de l’ensemble immobilier Baie de Valmer.

Ce syndicat opposait une fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive de ces parcelles. On peut parler de l’aspect défensif de la prescription acquisitive.

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait jugé que les copropriétaires n’avaient pas chacun la propriété du sol de leur lot à titre privatif, de sorte que leur titre de propriété « n’est pas un acte qui leur transfère la propriété exclusive du sol et qu’ils ne peuvent l’avoir prescrite sur le fondement de l’article 2265 du Code civil ».

 

L’arrêt du 30 avril 2003 était si important que le service de documentation de la Cour de cassation a établi une note signalant que « Par cet arrêt, la troisième chambre de la Cour de cassation a été amenée, pour la première fois, à statuer sur la question de l'application de la prescription acquisitive abrégée sur les parties communes d'un syndicat de copropriétaires. » La note ajoutait :

« Un arrêt de la Cour de cassation rendu avant la loi du 10 juillet 1965 avait retenu que l'appartement d'un copropriétaire, objet d'une propriété principale privative ayant pour accessoire une quote-part de copropriété des parties communes, constituait, dès l'origine, un immeuble distinct (Civ. 1, 21 nov.1955, JCP 1955) ce qui avait pour effet de reconnaître au droit du copropriétaire sur son lot, des effets analogues à ceux d'un droit de propriété immobilière quelconque.

« L'arrêt rapporté rappelle que le lot de copropriété est nécessairement composé de parties privatives et d'une quote-part des parties communes. En l'espèce, la propriété immobilière que les copropriétaires soutenaient avoir prescrite, était composée de terrains inclus dans l'assiette foncière de leur syndicat, sur lesquels des tiers, co-indivisaires de leur auteur, soutenaient avoir conservé des droits, en sorte que la prescription acquisitive invoquée portait sur le surplus des droits réels immobiliers dont ils n'étaient pas titulaires.

« La troisième chambre a décidé que ces droits pouvaient faire l'objet d'une prescription abrégée, sous réserve que les conditions posées par l'article 2265 du Code civil soient remplies, à savoir :

- acquisition d'une personne qui n'était pas le propriétaire exclusif des parcelles vendues, assimilables à une acquisition "a non domino" (Civ. 3, 7 avril 1994, Bull. n° 80 ; Civ. 3, 27 mai 1998, Bull. n° 113 ; Civ. 3, 13 décembre 2000, Bull. n° 192 ; Civ. 3, 19 décembre 2001, Bull. n° 159 ; Civ. 3, 18 décembre 2002, pourvoi J 01-10.983) ;

- juste titre, c'est-à-dire "un titre qui considéré en soi serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription"( Civ. 3, 13 janvier 1998, pourvoi J 06-19.735 ; Civ. 3, 30 avril 2002, Bull. n° 89) et qui concerne "exactement dans sa totalité le bien dont le possesseur entend prescrire la propriété" ( Civ. 3, 21 janvier 1998, pourvoi M 95-18.146) ;

- bonne foi.

« En effet, chaque copropriétaire acquiert accessoirement au droit exclusif qu'il détient sur les parties privatives de son lot des droits indivis de propriété sur les parties communes de la copropriété. L'arrêt précise donc que les actes de vente de chacun des copropriétaires permettent à l'ensemble de ces copropriétaires de bénéficier de la prescription acquisitive abrégée de l'article 2265 du Code civil, sur les parties communes de la copropriété, accessoires aux droits exclusifs qu'ils détiennent sur les parties privatives de leur lot. »

 

 

Dans l’affaire de l’ensemble immobilier Baie de Croix Valmer il s’agissait pour le syndicat de sauvegarder la consistance des parties communes dont la propriété de certaines parcelles étant revendiquée par des tiers. Le syndicat agissait conformément à son objet qui est principalement la conservation de l’immeuble.

 

Dans l’affaire traitée par l’arrêt rendu le 8 Octobre 2015 il s’agit, bien au contraire, d’accroître les parties communes par acquisition d’un lot par le jeu de la prescription acquisitive ! C’est un aspect offensif du mécanisme.

 

Première réflexion instinctive : la conservation de l’immeuble n’est pas son accroissement. L’acquisition d’un lot n’entre pas dans l’objet du syndicat.

Objection : L’article 16 de la loi dispose que « le syndicat peut acquérir lui-même, à titre onéreux ou gratuit, des parties privatives sans que celles-ci perdent pour autant leur caractère privatif ».

L’acquisition par prescription trentenaire est-elle un acte gratuit ? Non, puisqu’un acte à titre gratuit est un acte par lequel une personne s'engage envers une autre, dans une intention purement libérale. Le propriétaire spolié n’a rien voulu et n’a jamais eu d’intention libérale.

On doit en conclure que l’article 16 de la loi ne vise pas l’acquisition par prescription acquisitive.

 

Seconde réflexion :

La Cour de cassation juge « qu’aucune disposition ne s’oppose à ce qu’un syndicat de copropriétaires acquière par prescription la propriété d’un lot ».

Dans un contexte juridique d’une extrême complexité, - à preuve l’existence d’une note spéciale du service de documentation de la Cour -, la motivation de l’arrêt est pour le moins simpliste.

De toute manière le syndicat des copropriétaires, figurerait-il en cette qualité au fichier immobilier, n’est jamais propriétaire du moindre bien. Les copropriétaires sont propriétaires en indivision des parties communes. Ils sont tout aussi bien propriétaires en indivision d’un lot « acquis par le syndicat ».

 

Le syndicat des copropriétaires qui n’a pas la capacité d’être propriétaire au sens propre du terme ne peut pas faire jouer à son profit la prescription acquisitive. On pourrait songer à lui faire application de l’article 2266 du Code civil : « Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit ».

Il ne peut qu’exercer les droits des copropriétaires à faire valoir la prescription acquisitive à l’encontre de tiers prétendant revendiquer la propriété de parcelles incluses dans les parties communes. C’est le cas dans l’affaire Baie de Croix Valmer où tous les copropriétaires remplissaient individuellement les conditions nécessaires au jeu de la prescription acquisitive puisque les parcelles en cause étaient réellement intégrées aux parties communes de l’ensemble immobilier et affectées à leur usage ou à leur utilité dans des conditions légalement identiques.

Dans une indivision classique, des indivisaires peuvent se grouper pour faire jouer la prescription acquisitive à l’encontre d’un coïndivisaire. Il faut que chaque indivisaire demandeur remplisse les conditions prévues par l’article 2261 (ancien article 2229) du Code civil pour bénéficier de la prescription : possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

Dans une copropriété, il est quasiment impossible à une majorité de copropriétaires de prétendre exercer une prescription acquisitive « offensive » du lot d’un minoritaire alors qu’à tout moment, même taisant et défaillant, celui-ci est demeuré présent, convoqué aux assemblées générales, invité à contribuer aux dépenses du syndicat et figurant bien entendu sur la liste des copropriétaires de l’immeuble.

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

 

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 3 cours Anatole France à Reims.

 

 

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR écarté l’action que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du 3, Cour Anatole France à Reims a exercé afin de revendiquer la propriété du lot n° 16 que Mme Monique Y..., veuve X..., et Mme Catherine X... ont vendu à M. Alexandre Z... et d’obtenir l’annulation de la vente ;

 

 

AUX MOTIFS QU’ à l’appui de ses prétentions tendant à l’infirmation du jugement déféré le syndicat des copropriétaires fait valoir que le local vendu à M. Z... a été utilisé par tous les copropriétaires depuis plus de trente ans de sorte qu’il a acquis par usucapion les lots litigieux avant ladite vente ;

que la collectivité des copropriétaires est constituée de plein droit en un syndicat qui a la personnalité civile dont l’objet est la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes, étant responsable à ce titre de cette activité ;

que c’est à juste titre que M. Z... objecte à son adversaire qu’un syndicat de copropriétaire ne peut acquérir par usucapion les parties privatives d’un copropriétaire membre du syndicat et porter atteinte aux droits fondamentaux des copropriétaires ;

qu’en effet la loi du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis applicable en la cause édicté des règles d’ordre public, son article 43 précisant que toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37,41-1 à 42 et 46 et celles du règlement d’administration publique prises pour leur application sont réputées non écrites ;

que l’article 26 de la loi prévoit que “l’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété” ;

qu’en vertu de ces dispositions le syndicat ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire la transformation d’une partie privative lui appartenant en partie commune fusse par le jeu de la prescription acquisitive ;

que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, après avoir rappelé que le litige porte sur le lot n° 16 composé du troisième garage (ancienne buanderie) et de 9/1.000ème des droits indivis dans les parties communes dont la qualification privative originelle n’est pas contestée et est corroborée par le règlement de copropriété qui précise qu’ “outre la copropriété des parties communes, chaque propriétaire de lot, appartement ou garage aura à titre privé la propriété exclusive et particulière des locaux compris dans la désignation de son lof et qu’aucun vote n’a jamais eu lieu pour entériner un changement de la destination ou des modalités de jouissance de ce lot par rapport aux stipulations du règlement de copropriété, il a conclu que le syndicat des copropriétaires ne pouvait se prévaloir d’un transfert de propriété dudit lot à son profit par le jeu de la prescription acquisitive qui aurait eu pour conséquence de violer la règle d’ordre publique posée par l’article 26 de la loi du n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

que l’objet d’un syndicat des copropriétaires étant de conserver et d’administrer l’immeuble en copropriété, il ne peut porter atteinte aux droits fondamentaux des copropriétaires tels qu’ils résultent tant de la loi que du règlement de copropriété et donc acquérir par prescription acquisitive les parties privatives de l’un de ses membres ;

 

 

ALORS QU’il est du pouvoir du syndicat des copropriétaires d’acquérir par prescription le lot de copropriété qui est impérativement et indissociablement composé d’une partie privative et d’une quote-part des parties communes sans que les droits du copropriétaire sur la partie privative s’y opposent ; qu’en décidant que le droit commun de l’usucapion est tenu en échec par les règles du droit de la copropriété, et, en particulier, par l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 en vertu duquel le syndicat des copropriétaires ne pourrait, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire la transformation d’une partie privative lui appartenant en partie commune, la Cour d’appel a violé l’article 2272, alinéa 1er, du Code civil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

17/10/2015