Usufruit au profit d’une personne morale

Durée limitée à trente ans (art. 619 Code civil)

Prolongation de la durée Possibilité (non)

 

Cour de Cassation civile 3e  7 mars 2007                                                 Cassation

Cour d’appel d’Aix-en-Provence (1re chambre civile B) 17-11-2005

N° de pourvoi : 06-12568

 

 

 

Sur le moyen unique :

Vu l’article 619 du code civil ;

 

Attendu que l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers, ne dure que trente ans ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société civile immobilière pour l’Immeuble 28 rue d’Antibes et 10 rue Buttura ( SCINP) et la société civile immobilière d’usufruit de l’immeuble 28 rue d’Antibes et 10 rue Buttura (SCIU), créées par deux actes des 15 et 17 juin 1957, ont acquis respectivement aux termes de deux actes en date du 24 juin 1957, la première la nue propriété, la seconde l’usufruit d’un immeuble ; qu’il était stipulé dans l’acte de vente conclu par la SCIU qu’elle bénéficierait de l’usufruit jusqu’au décès de la survivante de quatre personnes physiques, l’une d’elles étant Elène X... ; qu’aux termes d’une convention intervenue entre les deux sociétés le 21 août 1961, il a été précisé que le droit d’usufruit cesserait au décès d’Elène X... ; que par acte du 17 mars 1975, il a été stipulé que le droit d’usufruit serait différé au décès de la survivante d’Elène X... et d’Yvonne Y... ; que le 4 août 2000, la SCINP a assigné la SCIU pour faire juger que l’usufruit constitué le 24 juin 1957 s’était éteint le 24 juin 1987 ;

 

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que les conventions successives ont eu pour effet de déroger à la règle instituée par l’article 619 du code civil qui n’est pas d’ordre public ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder trente ans, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 novembre 2005, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

 

Condamne la SCIU aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la SCIU à payer à la SCINP la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de la SCIU ;

 

 

COMMENTAIRES

 

Le droit d’usufruit est, par nature, temporaire.

Il n’existe aucune limitation légale de durée pour l’usufruit profitant à une personne physique dès lors que l’immortalité humaine n’existe pas, du moins jusqu’à ce jour.

Tel n’est pas le cas pour une personne morale dont la disparition ne peut être programmée. Il  était donc nécessaire de fixer une durée maximale de l’usufruit profitant à une personne morale. L’article 619 du Code civil fixe cette durée à trente ans. L’arrêt relaté ci dessus, sans faire référence à la notion d’ordre public, applique strictement le texte, malgré la poursuite entre les parties, au delà du délai trentenaire, de relations juridiques entrant dans le cadre de l’usufruit.

A noter qu’il a été jugé que l’article 619 ne s’applique pas à des droits de pâturage et usage en bois concédés à perpétuité aux habitants d’une commune par un titre de l’an 1467. Il ne s’agit pas dans ce cas d’un droit d’usufruit au sens du Code civil, mais de prérogatives individuelles liées à l’appartenance à une communauté villageoise. Ces prérogatives étaient courantes dans le régime de l’ancienne propriété foncière. Les actes anciens de ce type, en assez grand nombre, demeurent applicables (Cass. Civ. 10/05/1950  Dalloz 1950 182).

 

 

 

 

 

Mise à jour

25/05/2007