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Autorisation d’engager une procédure de saisie immobilière

Nécessité d’un titre exécutoire (non)

 

 

Cassation civile 3e  3 juillet 2013

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 5 octobre 2011

N° de pourvoi: 12-18952

Rejet

 

 

Sur le moyen unique :

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2011), que la société Fabher (la société), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de la Résidence Almont bâtiment 45 (le syndicat) en annulation des décisions de l’assemblée générale du 2 avril 2009 ayant autorisé le syndic à mettre en oeuvre une procédure de saisie immobilière à son encontre en recouvrement d’un arriéré de charges et ayant fixé le montant de la mise à prix ;

 

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

 

1°/ qu’avant de se prononcer sur le point de savoir si la délibération du 2 avril 2009, constatant une dette au profit de la copropriété, était exacte quant aux sommes dues, les juges du fond devaient se prononcer sur les payements mis en avant par la société Fabher, dans ses conclusions d’appel, à l’effet de montrer que la dette visée par l’assemblée générale était apurée ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur les sommes appréhendées dans le cadre d’une saisie attribution, puis les paiements ultérieurement intervenus, tels qu’invoqués par la société Fabher, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ainsi que de l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

 

2°/ que la légalité d’une délibération d’assemblée générale de la copropriété doit être appréciée en l’état des éléments qui existaient à la date à laquelle elle est intervenue ; qu’en s’abstenant de rechercher si, à la date du 2 avril 2009, l’assemblée générale avait délibéré sur d’autres charges que celles précédemment évoquées et ayant donné lieu à un jugement du 28 avril 2009, postérieur à la réunion, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ainsi que des articles 55 et 9 à 11 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

 

Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que, sauf à démontrer un abus de droit, la société ne pouvait prétendre à l’annulation des décisions critiquées dont la légalité n’était pas contestée et constaté que la société soutenait avoir payé les causes du jugement du 3 juillet 2007 ayant statué sur l’arriéré de charges arrêté au 1er janvier 2007 et qu’une instance en payement des charges arrêtées au 1er trimestre 2009 avait abouti à un jugement exécutoire du 28 avril 2009 confirmé par un arrêt du 27 octobre 2010, la cour d’appel, qui n’était tenue, ni de s’expliquer sur les payements invoqués par la société en exécution du jugement de 2007, ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a retenu, à bon droit, que l’assemblée générale pouvait, sans abuser de son droit, tenir compte de la dette échue depuis les causes du jugement du 3 juillet 2007 dès lors que l’autorisation d’engager une procédure de saisie immobilière pouvait être accordée même si le syndicat ne disposait pas encore de titre exécutoire à la date de ladite assemblée ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la société Fabher aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Fabher et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Almont bâtiment 45 la somme de 3 000 euros ;

 

 

Commentaires :

 

Il faut avoir à l’esprit que la décision de l’assemblée générale autorisant le syndic à engager une procédure de saisie immobilière d’un lot n’est pas en soi une mesure d’exécution.

En présence d’un copropriétaire débiteur d’une somme importante, le syndic doit en premier lieu effectuer les relances et mises en demeure, puis mettre en place les garanties du syndicat et engager une action en recouvrement.

Après avoir obtenu une décision judiciaire  exécutoire, et si les mesures d’exécution ordinaires (saisie attribution notamment) n’ont pas permis de recouvrer effectivement les sommes dues, le syndic doit envisager la saisie immobilière du lot.

Il ne peut la mettre en œuvre qu’après avoir reçu l’autorisation de l’assemblée générale. La question pratique est de savoir à quel moment le syndic peut solliciter cette autorisation.

 

 

L’arrêt relaté fournit une précision importante :

« l’autorisation d’engager une procédure de saisie immobilière pouvait être accordée même si le syndicat ne disposait pas encore de titre exécutoire à la date de ladite assemblée ; »

Nous rappelons les textes du statut de la copropriété applicables à la saisie en vue de la vente d’un lot :

 

L’article  55 du décret du 17 mars 1967 modifié par le décret n°2010-391 du 20 avril 2010 prescrit :

« Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale.

« Une telle autorisation n’est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d’exécution forcée à l’exception de la saisie en vue de la vente d’un lot

 

L’article 11 du décret du 17 mars 1967 modifié par le décret n°2013-205 du 11 mars 2013 dispose que sont notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour :

« I - 11° Les projets de résolution mentionnant, d’une part, la saisie immobilière d’un lot, d’autre part, le montant de la mise à prix, ainsi que le montant des sommes estimées définitivement perdues, lorsque l’assemblée générale est appelée à autoriser le syndic à poursuivre la saisie immobilière d’un lot ; »

 

L’article 4 du décret du 14 mars 2005 stipule que

« Les dépréciations de créances douteuses à l’encontre des copropriétaires sont à constater après avoir mis en œuvre les diligences nécessaires au recouvrement, au moment de la décision de l’assemblée générale de procéder à la saisie immobilière »

 

 

Pour ce qui est de la jurisprudence, il est intéressant de faire référence à l’arrêt Cass. civ. : 3e Civ., 15 février 2006, n° 04-20.261.

Dans cette affaire par décision de l’assemblée générale du 13 novembre 1998, les copropriétaires avaient donné pouvoir au syndic d’engager la procédure de saisie immobilière à l’encontre des copropriétaires débiteurs qui ne se seraient pas acquittés de leurs charges suite aux condamnations rendues.

Pour juger que cette décision d’assemblée était suffisante la Cour d’appel de Basse Terre avait relevé qu’à la date de l’assemblée le débiteur se trouvait dans la situation visée.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt en jugeant

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’une assemblée générale ne peut, par anticipation et par une décision générale pouvant s’appliquer à toute condamnation, autoriser un syndic à engager une procédure de saisie immobilière contre un copropriétaire non désigné, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

D’une manière générale la Cour de Cassation est opposée aux autorisations accordées par anticipation et ne visant donc pas les copropriétaires incriminés ultérieurement. Cette pratique est très préjudiciable à l’exercice des actions disciplinaires. Il conviendrait de modifier l’article 55 du décret.

 

L’application de l’article 11 du décret du 17 mars 1967  aurait appelé une autre motivation puisqu’il prescrit de mentionner dans le projet de résolution à joindre à l’ordre du jour

- d’une part, la saisie immobilière d’un lot,

- d’autre part, le montant de la mise à prix, ainsi que le montant des sommes estimées définitivement perdues

Ce qui implique l’identification du lot et de son propriétaire. Mais ce texte récent n’existait à l’époque des faits évoqués dans l’arrêt du 15 février 2006.

 

La solution donnée par l’arrêt reproduit présente l’intérêt de gagner du temps pour l’exécution. De plus la décision d’autorisation peut inciter un copropriétaire solvable à effectuer au moins un paiement partiel.

L’article 4 du décret du 14 mars 2005 fournit des précisions complémentaires. Il indique que la dépréciation est à constater

- après avoir mis en œuvre les diligences nécessaires au recouvrement,

- au moment de la décision de l’assemblée générale de procéder à la saisie immobilière 

Il est logiquement impossible de donner l’autorisation de saisir le lot avant d’avoir mis en œuvre les diligences nécessaires au recouvrement. On doit considérer qu’il s’agit de la saisine d’un juge.

 

Enfin la prudence commande de ne pas demander trop tôt l’autorisation d’effectuer la saisie immobilière car la décision d’autorisation doit fixer la mise à prix et viser le montant des sommes définitivement perdues. Cela implique de faire connaître à l’assemblée le montant des sommes dues à la date de sa tenue. Il est raisonnable de prévoir une augmentation de ce montant et l’actualisation corrélative de la demande. On arrive alors à un jugement condamnant le débiteur pour un montant supérieur à lui visé dans la décision d’autorisation.

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Fabher

 

L’arrêt attaqué encourt la censure ;

 

EN CE QU’il a refusé d’annuler la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires du 02 avril 2009, autorisant le syndic à engager une procédure de saisie-immobilière à l’encontre de la société FABHER ;

 

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les moyens invoqués par la société appelante au soutien de l’exercice de sa voie de recours ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation ; qu’il sera seulement ajouté que l’Assemblée générale pouvait, sans abuser de son droit, tenir compte de la dette échue depuis les causes du jugement du 3 juillet 2007 dès lors que l’autorisation de procéder à une saisie immobilière peut être accordée même si le syndicat des copropriétaires ne dispose pas encore, à la date de ladite assemblée, de titre exécutoire d’une part, et qu’une instance en paiement de charge arrêtée au 1er trimestre 2009 dirigée contre le même copropriétaire alors en cours devant le tribunal d’instance de Melun, aboutira à un jugement du 28 avril 2009 au paiement de la somme de 3 027, 06 € à titre d’arriérés de charges qui sera confirmé de ce chef par arrêt de la cour d’appel de Paris (Pole 4-2) du 27 octobre 2010, d’autre part ; que cette condamnation confirmée établit a posteriori que la SCI FABHER était bien débitrice des charges à la date de l’assemblée qui pouvait donc, sans commettre de faute, prendre des décisions qui lui sont inutilement reprochées ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

 

 

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « que les résolutions critiquées, habilitent le syndic de la copropriété à mettre en oeuvre la procédure de saisie immobilière sur les lots 44 et 143 (résolutions 8) afin de recouvrer une créance de 7.133 € et fixent leur mise a prix (résolution 9) ; que la SCI ne donne pas d’autre fondement à sa demande que l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, qui précise les délais et fin de non recevoir relatifs à l’action en nullité ;qu’elle articule son argumentation autour d’une absence de dette au jour des décisions critiquées, affirmant que contrairement aux indications du syndic, elle ne devait plus rien au titre des causes d’un jugement de juillet 2007.; qu’elle prétend que le syndic a déposé un faux décompte de charges ; que les défendeurs expliquent que l’autorisation sollicitée était nécessaire au regard des dispositions de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 et qu’elle peut être donnée avant que le syndic ne dispose d’un titre exécutoire ; qu’ils contestent la possibilité pour le juge de se prononcer sur l’opportunité de la décision prise et affirment la position débitrice du compte de ce copropriétaire ; que sauf à démontrer un abus de droit, la SC1 ne peut prétendre à voir annuler les résolutions critiquées dont la légalité n’est pas contestée ; que la SCI affirme le règlement des causes du jugement du 3 juillet 2007 (7.748,79 ¿ au titre des charges échues au 1er janvier 2007 et 750 € à titre d’indemnité de procédure) ; que les règlements dont elle excipe (un peu moins de 7500 €) n’ont que partiellement apuré cette dette, ses accessoires et les intérêts (ainsi qu’il était exposé au projet de résolution) ; qu’en outre, la SCI omet de prendre en compte les charges échues depuis l’arrêté de compte au 1er janvier 2007 objet d’une seconde procédure pendante lors de l’assemblée querellée et pour lesquelles le syndic a obtenu une décision assortie de l’exécution provisoire le 28 avril 2009 ; que l’existence d’un arriéré de charges à la date de saisine de l’assemblée générale est donc acquis et exclut tout abus de droit de la part à un syndicat qui est amené à devoir saisir de manière récurrente la justice pour obtenir le règlement des charges de copropriété ; que la SCI sera donc déboutée de l’intégralité de sa demande » (jugement, p. 2-3) ;

 

 

ALORS QUE, premièrement, avant de se prononcer sur le point de savoir si la délibération du 02 avril 2009, constatant une dette au profit de la copropriété, était exacte quant aux sommes dues, les juges du fond devaient se prononcer sur les paiements mis en avant par la SCI FABHER, dans ses conclusions d’appel (12 octobre 2010, p. 3), à l’effet de montrer que la dette visée par l’assemblée générale était apurée ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur les sommes appréhendées dans le cadre d’une saisie-attribution, puis les paiements ultérieurement intervenus, tels qu’invoqués par la SCI FABHER, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ainsi que de l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

 

 

ALORS QUE, deuxièmement, la légalité d’une délibération d’assemblée générale de la copropriété doit être appréciée en l’état des éléments qui existaient à la date à laquelle elle est intervenue ; qu’en s’abstenant de rechercher si, à la date du 02 avril 2009, l’assemblée générale avait délibéré sur d’autres charges que celles précédemment évoquées et ayant donné lieu à un jugement du 28 avril 2009, postérieur à la réunion, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’articles 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ainsi que des articles 55 et 9 à 11 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.

 

 

 

 

 

 

 

L’assemblée générale peut accorder l’autorisation d’engager une procédure de saisie immobilière à l’encontre d’un copropriétaire même s’il ne dispose pas encore d’un titre exécutoire.

 

 

 

 

 

Textes appliqués :

article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; articles 9, 10, 11 et 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

20/01/2014