00043608

 

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Recouvrement des charges

Inscription d’hypothèque judiciaire

SCI débitrice non immatriculée au RCS

Rejet de l’inscription par le conservateur des hypothèques

Annulation de la décision de rejet (oui)

Note JPM 08/09/2010 L’instruction du 16-07-2010 (BOI n° 72 03/08/2010 10-D-1-10) met en œuvre la solution imposée par le présent arrêt (voir l’instruction)

 

Cassation civile 3e   1er  juillet 2009

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 27 février 2008

N° de pourvoi: 08-14762

Rejet

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 février 2008) que le 13 février 2007, M. X..., conservateur des hypothèques du huitième bureau de Paris, au visa des articles 6 et 34 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, a rejeté une demande d’inscription d’hypothèque judiciaire formée par le syndicat des copropriétaires du 118 avenue Victor Hugo à Paris 16e, à l’encontre de la société civile immobilière Foncière D. Boussac, en l’absence de la mention d’immatriculation de cette société au registre du commerce et des sociétés ;

 

Attendu que M. X. fait grief à l’arrêt d’annuler la décision de rejet de la formalité, alors, selon le moyen :

 

1°/ que tout acte ou décision judiciaire soumis à publicité dans un bureau des hypothèques doit contenir, sous peine de rejet de la formalité, la mention RCS des personnes morales assujetties à l’obligation d’immatriculation ; qu’en décidant que la loi avait prévu le cas où la société n’était pas immatriculée, alors que la loi vise exclusivement le défaut d’inscription au répertoire des entreprises, distinct du défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel a violé les articles 6.1, 6.2 et 34.3 a) du décret du 4 janvier 1955, ainsi que l’article 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;

 

2°/ que les sociétés non immatriculées au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont perdu, à cette date, la personnalité juridique ; qu’en décidant que la SCI Foncière D. Boussac était bien propriétaire du bien immobilier objet de l’inscription d’hypothèque judiciaire, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que l’absence d’immatriculation avait eu pour conséquence de lui faire perdre la personnalité juridique, de telle sorte qu’elle ne pouvait être propriétaire du bien immobilier sur lequel l’inscription hypothécaire était requise, et que le conservateur était tenu de rejeter la formalité requise, compte tenu de la discordance existant avec le fichier, la cour d’appel a violé les articles 1842 du code civil, 4 de la loi 78-9 du 4 janvier 1978 et 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 ainsi que les articles 34.3 b) du décret du 4 janvier 1955 et 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;

 

3°/ que le conservateur des hypothèques doit rejeter la formalité requise lorsqu’il constate l’omission d’une des énonciations prescrites par les articles 5, 6 et 7 ou lorsqu’il constate une discordance entre, d’une part, les énonciations relatives à l’identification des parties et, d’autre part, les énonciations correspondantes contenues dans les titres déjà publiés ; qu’en ordonnant la formalité requise au motif que le créancier était dans l’impossibilité de publier un acte déclaratif constatant l’indivision entre associés ensuite du défaut d’immatriculation au RCS de la SCI Foncière D. Boussac, alors que la discordance entre le document déposé et les documents publiés antérieurement entraîne le rejet de la formalité requise, rejet qui s’impose au conservateur des hypothèques comme au juge, la cour d’appel a violé les articles 34.3 du décret du 4 janvier 1955 et 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;

 

Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu’il n’était pas contesté que la SCI était propriétaire de l’immeuble concerné, qu’elle était bien débitrice du syndicat des copropriétaires qui disposait d’un titre exécutoire contre elle et que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus à l’article 34 du décret du 14 octobre 1955, la cour d’appel a exactement déduit de ces seuls motifs, que la décision du conservateur devait être annulée ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne M. X... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

 

 

commentaire

 

L’arrêt relaté apporte une solution à première vue satisfaisante à l’un des problèmes posés par les dispositions de la loi pour les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001 (article 44) imposant aux sociétés civiles créées avant le 1er juillet 1978 de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ;

Il s’agit en l’espèce d’une SCI classique et non pas d’une société d’attribution.

La SCI était débitrice de charges envers le syndicat des copropriétaires. Celui-ci avait obtenu un jugement de condamnation en vertu duquel il souhaitait régulariser l’inscription d’une hypothèque judiciaire sur le lot appartenant à la SCI.

 

Le syndicat des copropriétaires s’est heurté aux difficultés suivantes :

- L’omission d’immatriculation est sanctionnée par la perte de la personnalité morale sans disparition de la société. On admet que, d’une part, la SCI devient une société en participation et que, d’autre part,  l’immeuble est placé de plein droit sous le régime de l’indivision entre les associés.

- Par ailleurs, le régime de la publicité foncière impose la mention de l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés dans le bordereau d’inscription. Le conservateur des hypothèques avait donc,  par application de l’article 2148 du Code civil, notifié une cause de rejet de la formalité sur le fondement des dispositions combinées des articles 6 et 34 du décret du 4 janvier 1955.

 

La position adoptée par le conservateur semble d’autant plus justifiée qu’elle est conforme aux prescriptions concordantes de circulaires ministérielles émanant tant du Ministère de la Justice que de la Direction générale des impôts. Nous les évoquerons plus loin.

 

Le syndicat des copropriétaires créancier a demandé l’annulation de ce rejet, faisant valoir

- que le litige résultait de la carence de la société civile débitrice qui, en dépit de la loi du 15 mai 2001 (article 44) imposant aux sociétés civiles créées avant le 1er juillet 1978 de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, n’avait pas procédé à cette formalité ;

- que le Syndicat des copropriétaires objectait à juste titre que les tiers ne pouvaient se substituer aux associés pour faire immatriculer la société au registre du commerce et des sociétés ;

- qu’il ajoutait avec raison que l’absence d’immatriculation de la société civile avait pour conséquence de lui faire perdre la personnalité morale, et de la transformer en société en participation, le patrimoine sociale laissant place à une indivision entre les associés, et exposait qu’il ne connaissait pas l’identité des associés de la société, dont il ne disposait pas des statuts, non publiés, et ne pouvait pas, par voie de conséquence, publier un acte déclaratif constatant l’indivision entre associés ;

- qu’il faisait valoir que dans ces circonstances, il était en droit d’indiquer sur le bordereau déposé à la conservation des hypothèques «société non immatriculée au RCS » et que le conservateur devait inscrire son hypothèque, en présence d’une personne débitrice suffisamment identifiée ;

- que l’article 6 du décret du 4 janvier 1955 exigeait, certes, pour l’identification d’une personne morale assujettie à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la mention du RCS suivie du nom de la ville où se trouvait le greffe où elle était immatriculée, et pour une personne morale immatriculée, devant être inscrite au répertoire prévu par le décret du 14 mars 1973 et disposer d’un numéro d’identification à neuf chiffres, ce numéro devait également être communiqué ;

- qu’il n’en demeurait pas moins qu’en l’espèce, la SCI FONCIERE D BOUSSAC, constituée en 1961 avait acquis le bien immobilier situé 188 avenue Victor Hugo à Paris 16ème, par acte notarié dressé le 27 décembre 1961 ; que la vente de la SCI FONCIERE D BOUSSAC qui, à l’époque, n’était pas soumise à une obligation d’immatriculation, avait été régulièrement publiée à la conservation des hypothèques ;

- que sa qualité de propriétaire du bien était incontestable et que le Syndicat des copropriétaires disposait d’un arrêt exécutoire signifié le 27 juin 2006 contre la SCI ;

- que, dans ces conditions, afin de préserver les droits du créancier, la demande d’inscription de l’hypothèque judiciaire devait être accueillie, dans la mesure où tant le bien immobilier que la personne débitrice étaient identifiés ;

 

A ces observations relevant de l’équité et du bon sens, le syndicat ajoutait un argument juridiquement plus satisfaisant en faisant observer

Que le § 1 de l’article 6 du décret du 4 janvier 1955 disposait que « tout acte soumis à publicité dans un bureau des hypothèques doit contenir … lorsque la personne morale est inscrite au répertoire …le numéro qui lui a été attribué », alors que le § 2 précisait « lorsque la personne morale n’est pas inscrite … le certificat d’identité doit être complété d’une mention attestation de cette situation » ;

Et que la simple lecture de ces deux articles démontrait qu’avait été prévu le cas où une société ne serait pas inscrite ; que la loi du 15 mai 2001 dite NRE qui imposait aux sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978, de s’immatriculer avant le 1er novembre 2002 (article 44) n’avait pas modifié la règle précitée ;

 

La Cour d’appel a accueilli favorablement cette argumentation et la demande d’annulation du rejet de la formalité.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi du conservateur des hypothèques :

« attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu’il n’était pas contesté que la SCI était propriétaire de l’immeuble concerné, qu’elle était bien débitrice du syndicat des copropriétaires qui disposait d’un titre exécutoire contre elle et que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus à l’article 34 du décret du 14 octobre 1955, la cour d’appel a exactement déduit de ces seuls motifs, que la décision du conservateur devait être annulée »

L’essentiel de sa motivation est « que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus à l’article 34 du décret du 14 octobre 1955 ».

 

 

L’application de l’article 44 de la loi NRE par les praticiens

 

En se bornant à sanctionner l’omission d’immatriculation par la perte de la personnalité morale, sans autre précision, le Législateur a laissé les praticiens dans le plus grand embarras pendant de longs mois.

Deux solutions ont été envisagées :

1) la qualification de société créée de fait entraînant l'application des dispositions du code civil sur les sociétés en participation selon l'article 1873 de ce code

2) la dissolution de la société civile, avec maintien de la personnalité morale  pour les besoins de la liquidation de la SCI jusqu'à la clôture de celle-ci, en vertu de l'article 1844-8 du code civil.

 

Une société en participation n'ayant pas de patrimoine, l’immeuble se trouve alors placé sous le régime de l’indivision. Il en résulte la coexistence de deux régimes juridiques : celui de la société en participation et celui de l’indivision. Il faut ajouter le cas particulier des sociétés d’attribution, qui implique de plus l’assujettissement au statut de la copropriété.

 

Pour celles-ci, en fonction des différentes réponses ministérielles (Réponses Levy, JOAN 21 octobre 2002  quest. p. 3759 et Grosskost, JOAN  du 2 juin 2003, quest. p. 4271), on a considéré que la perte de la personnalité morale entraînait la transmission de son patrimoine aux associés désormais indivisaires.

Il a été proposé d’inscrire la Société au RCS, de constater ensuite au fichier immobilier la double mutation, de procéder enfin aux retraits partiels ou à la dissolution et au partage. Ce mécanismes impose trois mutations successives, assorties de formalités et frais importants.

Le Législateur n’aurait sans doute pas admis la réinscription de la société au RCS après la date butoir du 1er novembre 2002. De fait, une controverse jurisprudentielle est apparue. La cour d’appel de Dijon, dans deux arrêts des 4 et 18 mars 2003, a admis la ré-immatriculation. La 3e Chambre civile de la Cour d’appel de Paris, a adopté la solution contraire dans deux arrêts du 13 mai 2003.

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 février 2008 ( n° 06-16.406 ) a admis implicitement la possibilité de la ré-immatriculation en se plaçant à la date du pourvoi (22 juin 2006) et non à celle du 1er novembre 2002 pour constater l’absence d’immatriculation de la SCI et en déduire l’irrecevabilité du pourvoi.

La société n’a pas conservé sa personnalité morale du 1er novembre 2002 à la date de la ré-immatriculation. A la date butoir elle est devenue une société en participation. Après la ré-immatriculation, elle est redevenue une société civile.

 

Les circulaires d’application de l’article 44 de la loi NRE.

 

Elles ne s’imposent pas aux juges.

Il est néanmoins étonnant que le conservateur, qui en a respecté les prescriptions, n’en ait pas fait mention dans son argumentation. Il y a là un élément de l’affaire qui nous échappe.

 

La circulaire du Ministère de la Justice (voir la circulaire) en date du 26 décembre 2002 a précisé :

- que les sociétés civiles créées avant le 01.07.1978, dont l’immatriculation au R.C.S n’a pas été sollicitée avant le 01.11.2002, ont perdu leur personnalité morale et doivent recevoir la qualification de société en participation

-·que toute société en participation peut demander son immatriculation et bénéficier de la personnalité morale à compter de son immatriculation

-  que rien ne s’oppose à ce que la société transformée soit immatriculée au R.C.S , la procédure à mettre en œuvre étant celle prévue par le décret du 30.05.1984 en matière de constitution de sociétés nouvelles.

 

La circulaire du 10 mai 2004  de la Direction générale des Impôts (voir la circulaire) précise les modalités d’application des solutions proposées par le Ministère de la Justice, en ce qui concerne notamment l’enregistrement et le régime de la publicité foncière.

 

La circulaire du Ministère de la Justice en date du 31 mars 2005 traite le problème posé par l’inscription d’une hypothèque contre la société. (voir la circulaire)

Elle rappelle d’abord les difficultés sus-évoquées :

Dans le premier cas, l’inscription est requise par un ou des créanciers contre la société, en tant que personne morale. La perte de la personnalité morale pour défaut d’immatriculation après le 1er novembre 2002 entraîne le rejet par le conservateur des hypothèques des demandes de publication des bordereaux d’inscription des hypothèques.

En effet, la société débitrice contre laquelle la demande est requise n’est pas identifiable à la conservation des hypothèques car il manque la référence au registre du commerce et des sociétés (article 2148 du code civil et article 6 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955).

Elle fournit ensuite la solution appropriée :

- Les notaires peuvent établir un acte déclaratif constatant le transfert de propriété du patrimoine social au profit de l’indivision, sur le fondement des dispositions de l’article 28 4° du décret du 4 janvier 1955. Cette solution impose la réunion de tous les associés pour faire l’acte déclaratif et la démarche auprès de la conservation des hypothèques.

- Les associés peuvent ré-immatriculer leur société, ce qui implique également l’accord unanime des associés.

- Dès lors, en cas d’inaction des associés, il appartient au créancier s’estimant lésé d’user des voies de droit à sa disposition pour garantir son droit de gage. Les créanciers pourront ainsi agir sur le fondement de l’action oblique ou en responsabilité contre les associés défaillants.

 

 

La circulaire du 6 juin 2005 de la Direction générale des Impôts (voir la circulaire) traite également de ces questions en se référant à la Circulaire du Ministère de la Justice :

20.  A l’occasion d’inscriptions et d’actes de procédure portant sur des biens immobiliers inscrits à l’actif des sociétés civiles ayant perdu leur personnalité morale, deux situations peuvent se présenter :

la formalité est requise sur l’immeuble inscrit au fichier immobilier au nom de la société civile non immatriculée : en l’absence dans le bordereau d’inscription de la mention obligatoire d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et par application de l’article 2148 du code civil, il convient de notifier une cause de rejet sur le fondement des dispositions combinées des articles 6 et 34 du décret n° 55‑22 du 4 janvier 1955 ;

la formalité est requise contre l’un des associés de la société civile non immatriculée : il doit être notifié une cause de rejet en application de la règle de l’effet relatif visée par l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 déjà cité, car l’associé n’est pas propriétaire du bien au fichier immobilier.

21.  Ces causes de rejet ne peuvent être régularisées que par l’immatriculation de la société civile ou par la publication d’un acte déclaratif constatant l’indivision entre les associés. S’agissant d’inscriptions ou d’actes de procédure pris sans le concours des titulaires de droits, il est peu probable que ces régularisations soient effectuées dans le délai d’un mois et un rejet définitif devra être notifié.

22.  Dans ces situations, il appartient aux créanciers d’agir auprès des tribunaux sur le fondement de l’action oblique ou en responsabilité contre les associés défaillants. Le règlement de ces situations ne pourra intervenir que par la publication de la décision judiciaire résultant de l’action des créanciers auprès des tribunaux.

 

Les actions des créanciers contre les associés

 

La solution proposée d’agir auprès des tribunaux sur le fondement de l’action oblique ou en responsabilité contre les associés défaillants n’est pas satisfaisante pour les créanciers !

Une action oblique ? Elle consiste pour un créancier Primus du débiteur Secundus à exercer les droits et actions de Secundus contre son propre débiteur Tertius. Les conditions requises ne sont pas remplies.

Dans le cas d’une société civile, les créanciers de la SCI ont une action directe contre ses associés pris individuellement, qu’ils ne peuvent exercer qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale (art. 1857 et 1858 du Code civil). C’est une voie procédurale qui ne permet pas de traiter le problème de l’inscription hypothécaire.

 

Une action en responsabilité ?

On songe d’abord à l’action paulienne qui permet au créancier de faire juger qu’un acte par lequel son débiteur a amoindri son patrimoine lui est inopposable. L’article 1167 alinéa 1er du Code civil est ainsi conçu : « Ils [les créanciers] peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leur droit ». La jurisprudence a précisé les conditions d’exercice de l’action paulienne à la lumière des enseignements du droit romain :

- Le créancier doit avoir un intérêt à agir

- L’acte doit avoir aggravé l’insolvabilité du débiteur.

- La créance doit être antérieure à l’acte attaqué, certaine, liquide et exigible

- L’acte doit être frauduleux. Il faut la volonté de nuire aux créanciers.

Mise à jour 25-07-2009

Il était classiquement admis que le succès d’une action paulienne avait pour effet le retour du bien aliéné dans le patrimoine du débiteur afin de permettre sa saisie.

Par un arrêt du 30 mai 2006, la Première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté cette solution et jugé que  « l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers. En ordonnant le retour des sommes données dans le patrimoine du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 1167 du Code civil ».

 

à défaut d’acte, une omission frauduleuse peut servir de fondement à l’action paulienne. Les juristes admettent cette possibilité dans certains cas, notamment lorsque le débiteur a volontairement laissé se réaliser l’usucapion d’un de ses biens.

Dans notre espèce, il y a bien appauvrissement puisque le bien appartenant à la SCI sort de son patrimoine pour devenir un bien indivis entre les associés.

La nécessité du caractère frauduleux de l’acte est un obstacle plus sérieux. L’existence d’une faute lourde (omission de respecter une obligation légale) est incontestable mais ne suffit pas. Il faut supposer que les associés ont vu dans l’omission un moyen facile d’obtenir à leur profit le transfert de la propriété du bien. L’exemple de certains montages financiers  modernes permet de valider cette supposition. On est plus près de la fraude que de l’abus de droit des fiscalistes, mais il faudrait l’admission par la jurisprudence d’une présomption de fraude !

Quant à la condition d’antériorité de la créance, elle se présente d’une manière particulière dans le cas des charges de copropriété. Le régime de la copropriété a pour effet d’établir la certitude de l’apparition de créances futures du syndicat à l’encontre du copropriétaire déjà débiteur. La jurisprudence fait une application souple de cette condition quand il apparaît que le débiteur a organisé son insolvabilité. Il suffit alors au créancier de rapporter la preuve d’un principe certain de créance..

Il paraît donc raisonnablement possible d’approfondir l’étude de cette solution, sans méconnaître sa complexité juridique.

 

Reste l’hypothèse d’une action en responsabilité, - au sens propre du terme - contre les associés. Il semble opportun d’ajouter le gérant.

Le syndicat des copropriétaires a fait valoir qu’il ne connaissait pas les noms et adresses des associés de la SCI. Cette observation ne peut en principe s’étendre au gérant de la SCI, dont l’identité et l’adresse doivent figurer dans le fichier des copropriétaires tenu par le syndic.

Ce fichier doit d’ailleurs comporter, a fortiori depuis le 1er novembre 2002,  les renseignements relatifs à l’immatriculation au RCS d’une SCI. Lorsqu’il s’avère qu’une SCI copropriétaire n’est pas immatriculée, le syndic doit en tirer les conséquences : le lot est en indivision. Le « gérant de la SCI » ne peut représenter les indivisaires que s’il a été désigné en qualité de mandataire commun.

Il nous semble qu’indépendamment de cette nécessité particulière et de toute procédure de recouvrement de charges, le syndicat des copropriétaires a qualité pour provoquer d’une manière ou d’une autre la régularisation du défaut d’immatriculation d’une SCI.

Sur ces différents points la responsabilité du syndic peut être engagée car la mauvaise tenue de la liste des copropriétaires doit être considérée comme une faute lourde.

 

Conclusion

 

L’immatriculation des sociétés civiles immobilières était une mesure nécessaire. Le but poursuivi n’a pas été atteint dès lors que de nombreuses SCI n’ont pas été immatriculées.

Dès lors qu’il s’agissait de lutter contre des infractions fiscales et/ou financières, il eût été facile de faire dès 2003 la chasse aux sociétés civiles immobilières non immatriculées.

Par ailleurs le Législateur n’a pas pris le soin de mesurer préalablement les conséquences juridiques et pratiques de la disposition qu’il adoptait. Le texte exigeait des mesures d’accompagnement et, le cas échéant, la mise en harmonie d’autres dispositions légales ou réglementaires. Les indications qui précèdent montrent que les circulaires n’ont pas permis de remédier à toutes les difficultés.

 

En présence d’une configuration aussi lacunaire, la Cour de cassation a quasiment écarté la réforme NRE pour ne  retenir que les dispositions du droit commun et la situation du bien au regard des règles de la publicité foncière :

- la SCI était propriétaire de l’immeuble concerné

- elle était bien débitrice du syndicat des copropriétaires

- celui-ci disposait d’un titre exécutoire contre elle

- le conservateur avait pu effectuer les contrôles

Donc « la cour d’appel a exactement déduit de ces seuls motifs, que la décision du conservateur devait être annulée »

 

Mise à jour 25-07-2009

Autant dire que, dotée ou pas de la personnalité morale, la société civile immobilière est restée propriétaire du bien et qu’on peut s’interroger sur sa transformation en société en participation !!!

 

Le syndicat des copropriétaires est sans doute satisfait. Mais sa route demeure semée d’embûches !!

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt ;

 

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X... ;

 

Il est reproché à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir annulé la décision de rejet de la formalité d’inscription d’une hypothèque judiciaire et d’avoir dit que la formalité d’inscription prise par un créancier (le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé 188 avenue Victor Hugo à Paris 16ème), afin de garantir le paiement de sa créance à l’égard de son débiteur (la société civile FONCIERE D BOUSSAC) le 23 janvier 2007 serait exécutée dans les conditions ordinaires et qu’elle prendrait rang à la date d’enregistrement du dépôt ;

 

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon le § 1 de l’article 6 du décret du 4 janvier 1955, « tout acte soumis à publicité dans un bureau des hypothèques doit contenir … lorsque la personne morale est inscrite au répertoire …le numéro qui lui a été attribué », alors que le § 2 précisait «lorsque la personne morale n’est pas inscrite … le certificat d’identité doit être complété d’une mention attestation de cette situation » ; que la simple lecture de ces deux articles démontrait qu’avait été prévu le cas où une société ne serait pas inscrite ; que la loi du 15 mai 2001 dite NRE qui imposait aux sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978, de s’immatriculer avant le 1er novembre 2002 (article 44) n’avait pas modifié la règle précitée ; qu’il n’était pas contesté, et même reconnu, que la SCI litigieuse était bien propriétaire de l’immeuble concerné et qu’elle était bien débitrice du SDC et que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus notamment à l’article 34 du décret du 14 octobre 1955 ; qu’il y avait lieu dans ces conditions d’annuler la décision du conservateur des hypothèques, Monsieur X..., de rejeter la formalité d’inscription d’hypothèque litigieuse et par là même de confirmer l’ordonnance entreprise (arrêt p. 3) ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU’il était acquis aux débats que le Syndicat des Copropriétaires disposait contre la société civile FONCIERE BOUSSAC, d’une créance certaine liquide et exigible de plus de 65.989,15 en principal, matérialisée par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 11 mai 2006 ; que pour sûreté de sa créance, le syndicat avait déposé le 23 janvier 2007, un bordereau d’inscription d’hypothèque judiciaire, en application de l’article 2412 du Code civil ; qu’à la suite du rejet de la formalité, par le conservateur, notifiée le 25 janvier 2007, le syndicat avait déposé un bordereau rectificatif, le 7 février 2007, en application de l’article 34 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 ;

Que le 13 mars 2007, le conservateur des hypothèques avait notifié au Syndicat des copropriétaires une décision de rejet définitif, au motif que : « en l’absence dans le bordereau d’inscription de la mention obligatoire d’immatriculation du registre du commerce et des sociétés et par application de l’article 2148 du Code civil, il convient de notifier une cause de rejet sur le fondement des dispositions combinées des articles 6 et 34 du décret du 4 janvier 1955 » ; qu’il lui était rappelé qu’il disposait d’un recours devant le Président du Tribunal de Grande Instance statuant comme en matière de référé, sur le fondement de l’article 26 du décret du 4 janvier 1955 ;

Que c’était dans ces conditions que le Syndicat des copropriétaires avait assigné Monsieur X..., en contestant le motif du rejet qui lui était opposé ; que le litige résultait de la carence de la société civile débitrice qui, en dépit de la loi du 15 mai 2001 (article 44) imposant aux sociétés civiles créées avant le 1er juillet 1978 de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, n’avait pas procédé à cette formalité ; que le Syndicat des copropriétaires objectait à juste titre que les tiers ne pouvaient se substituer aux associés pour faire immatriculer la société au registre du commerce et des sociétés ; qu’il ajoutait avec raison que l’absence d’immatriculation de la société civile avait pour conséquence de lui faire perdre la personnalité morale, et de la transformer en société en participation, le patrimoine sociale laissant place à une indivision entre les associés, et exposait qu’il ne connaissait pas l’identité des associés de la société, dont il ne disposait pas des statuts, non publiés, et ne pouvait pas, par voie de conséquence, publier un acte déclaratif constatant l’indivision entre associés ; qu’il faisait valoir que dans ces circonstances, il était en droit d’indiquer sur le bordereau déposé à la conservation des hypothèques «société non immatriculée au RCS » et que le conservateur devait inscrire son hypothèque, en présence d’une personne débitrice suffisamment identifiée ; que la publicité foncière ayant un rôle d’information, il était nécessaire afin qu’elle soit efficace, qu’elle comporte des données complètes et exactes, particulièrement dans l’identification des personnes et des immeubles ; qu’au terme des articles 2428 du Code civil, 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, le créancier qui voulait inscrire une hypothèque devait présenter au conservateur, qui avait pour mission d’en vérifier la régularité formelle, deux bordereaux d’inscription qui devaient contenir la désignation du débiteur, dont l’identification donnait lieu à certification ; que l’article 6 du décret du 4 janvier 1955 exigeait, pour l’identification des personnes morales, que soient énoncés un certain nombre d’éléments, et s’il s’agissait d’une personne morale assujettie à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, devaient figurer, la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouvait le greffe où elle était immatriculée, et la personne morale immatriculée, devant être inscrite au répertoire prévu par le décret du 14 mars 1973 et disposer d’un numéro d’identification à neuf chiffres, ce numéro devait également être communiqué ; qu’il n’en demeurait pas moins qu’en l’espèce, la SCI FONCIERE D BOUSSAC, constituée en 1961 avait acquis le bien immobilier situé 188 avenue Victor Hugo à Paris 16ème, par acte notarié dressé le 27 décembre 1961 ; que la vente de la SCI FONCIERE D BOUSSAC qui, à l’époque, n’était pas soumise à une obligation d’immatriculation, avait été régulièrement publiée à la conservation des hypothèques ; que sa qualité de propriétaire du bien était incontestable et que le Syndicat des copropriétaires disposait d’un arrêt exécutoire signifié le 27 juin 2006 contre la SCI ; que dans ces conditions, afin de préserver les droits du créancier, la demande d’inscription de l’hypothèque judiciaire devait être accueillie, dans la mesure où tant le bien immobilier que la personne débitrice étaient identifiés (jugement pages 2 à 4) ;

 

1°) ALORS QUE tout acte ou décision judiciaire soumis à publicité dans un bureau des hypothèques doit contenir, sous peine de rejet de la formalité, la mention RCS des personnes morales assujetties à l’obligation d’immatriculation ; qu’en décidant que la loi avait prévu le cas où la société n’était pas immatriculée, alors que la loi vise exclusivement le défaut d’inscription au répertoire des entreprises, distinct du défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la Cour d’Appel a violé les articles 6.1, 6.2 et 34.3 a) du décret du 4 janvier 1955, ainsi que l’article 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;

 

2°) ALORS QUE les sociétés non immatriculées au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont perdu, à cette date, la personnalité juridique ; qu’en décidant que la SCI FONCIERE D BOUSSAC était bien propriétaire du bien immobilier objet de l’inscription d’hypothèque judiciaire, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que l’absence d’immatriculation avait eu pour conséquence de lui faire perdre la personnalité juridique, de telle sorte qu’elle ne pouvait être propriétaire du bien immobilier sur lequel l’inscription hypothécaire était requise, et que le conservateur était tenu de rejeter la formalité requise, compte tenu de la discordance existant avec le fichier, la Cour d’Appel a violé les articles 1842 du Code civil, 4 de la loi 78-9 du 4 janvier 1978 et 44 de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 ainsi que les articles 34.3 b) du décret du 4 janvier 1955 et 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;

 

3°) ALORS QUE le conservateur des hypothèques doit rejeter la formalité requise lorsqu’il constate l’omission d’une des énonciations prescrites par les articles 5, 6 et 7 ou lorsqu’il constate une discordance entre d’une part les énonciations relatives à l’identification des parties et d’autre part les énonciations correspondantes contenues dans les titres déjà publiés ; qu’en ordonnant la formalité requise au motif que le créancier était dans l’impossibilité de publier un acte déclaratif constatant l’indivision entre associés ensuite du défaut d’immatriculation au RCS de la SCI FONCIERE D BOUSSAC, alors que la discordance entre le document déposé et les documents publiés antérieurement entraîne le rejet de la formalité requise, rejet qui s’impose au Conservateur des hypothèques comme au juge, la Cour d’Appel a violé les articles 34.3 du décret du 4 janvier 1955 et 34.1 du décret du 14 octobre 1955.

 

 

 

 

 

 

 

 

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10/09/2010

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25/07/2009
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