00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

 

Autorisation au syndic d’ester en justice

Action devant le tribunal administratif

objet et finalité du contentieux engagé

Contenu imprécis de l’autorisation accordée

Habilitation du syndic (non)

 

 

 

Conseil d’État  8ème et 3ème sous-sections réunies  24 juin 2009

CAA Nancy 22/03/2007

N° 305975

 

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 21 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM, représentée par son maire domicilié, en cette qualité, à l’Hôtel de ville, 27 rue Principale à Saessolsheim (67270) ; la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM demande au Conseil d’Etat :

 

1°) d’annuler l’arrêt du 22 mars 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy, a annulé, d’une part, le jugement du 28 juin 2005 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant la demande présentée par le syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg tendant à l’annulation des titres de recettes en date des 20 mai et 11 juillet 2003, émis pour des sommes de 13 837,65 euros et 31 608,48 euros correspondant à la participation pour le programme d’aménagement d’ensemble de la rue des Noyers à Saessolsheim, en application des deux arrêtés en date du 18 décembre 2002 accordant les permis de construire sollicités par le syndicat et, d’autre part, ces titres de recettes ;

 

 

2°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mai 2009, présentée pour le syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mai 2009, présentée pour la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM ;

 

 

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Vu le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Sauron, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrénois, Levis, avocat de la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Rapporteur public ;

 

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrénois, Levis, avocat de la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg ;

 

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les deux arrêtés en date du 18 décembre 2002 accordant les permis de construire sollicités par le syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg, ont mis à sa charge une participation financière pour la réalisation d’équipements publics rendus nécessaires par la création du programme d’aménagement d’ensemble de la rue des Noyers approuvé par délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM en date du 16 septembre 2002 ; que le tribunal administratif de Strasbourg a, par jugement en date du 28 juin 2005, rejeté la demande présentée par le syndicat et tendant à l’annulation des deux titres de recettes émis les 20 mai et 11 juillet 2003 pour le recouvrement de ces participations s’élevant respectivement à 13 837,65 euros et 31 608,48 euros ; que la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 22 mars 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a annulé ce jugement ainsi que les titres de recettes ;

 

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

 

Considérant que le juge d’appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté des conclusions sans que le juge de première instance ait eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu’après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, qui ne les avait pas expressément abandonnées devant le tribunal, ne les aurait pas reprises en appel ;

 

 

Considérant qu’il ressort des pièces soumises aux juges du fond que la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM avait opposé devant le tribunal administratif deux fins de non-recevoir, tirées respectivement du défaut de capacité pour agir du syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg et de l’absence d’habilitation régulière du syndic par l’assemblée générale des copropriétaires à agir dans l’instance ; que la cour administrative d’appel a méconnu son office en faisant droit aux conclusions du syndicat sans avoir au préalable écarté expressément ces fins de non-recevoir alors que, et contrairement à ce que soutient le syndicat, celles-ci n’avaient pas été expressément abandonnées devant le tribunal et alors même qu’elles n’avaient pas été reprises en appel par la commune ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;

 

 

Considérant qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

 

Considérant qu’en vertu de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice ; qu’aux termes de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l’application de cette loi : Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale. / Une telle autorisation n’est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d’exécution forcée à l’exception de la saisie en vue de la vente d’un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites. ; qu’il résulte de ces dispositions que, dans les circonstances où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété, est tenu de disposer, sous peine d’irrecevabilité de sa demande, d’une autorisation formelle de l’assemblée générale des copropriétaires pour ester en justice, habilitation qui doit préciser l’objet et la finalité du contentieux engagé ; que le pouvoir ainsi donné au syndic d’agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l’assemblée générale ;

 

Considérant que l’assemblée générale des copropriétaires de la copropriété Allmendweg, réunie le 3 juillet 2003, a autorisé le syndic à représenter la copropriété dans le cadre du règlement des frais de viabilité et de la procédure de recours ; qu’en l’absence de toute autre précision sur l’objet et la finalité de la procédure de recours que cette délibération mentionne, l’assemblée générale des copropriétaires de la copropriété Allmendweg ne justifie pas avoir donné au syndic une autorisation expresse pour agir devant le tribunal administratif de Strasbourg aux fins d’obtenir l’annulation des titres de recettes en litige ; que, par suite, la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM est fondée à soutenir que la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable ; que ce motif justifie le dispositif du jugement rejetant la demande du syndicat ; que, par suite, l’appel formé par ce syndicat doit être rejeté ;

 

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM, qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, verse au syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM et non compris dans les dépens ;

 

 

D E C I D E :

 

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy en date du 22 mars 2007 est annulé.

 

Article 2 : La requête présentée par le syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg devant la cour administrative d’appel de Nancy et ses conclusions présentées devant le Conseil d’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 

Article 3 : Le syndicat de copropriétaires de la copropriété Allmendweg versera à la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM, au syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

 

 

 

Commentaires :

 

C’est en général la Cour de cassation qui est appelée à contrôler la validité de l’autorisation d’agir en justice donnée au syndic par l’assemblée générale, conformément à l’article 55 du décret du 17 mars 1967..

Il existe sur ce point une importante collection d’arrêts portant notamment sur des affaires de responsabilité des constructeurs. Les Hauts conseillers ont sanctionné l’insuffisance de l’énumération des dégradations ou malfaçons invoquées, le renvoi sommaire à un rapport d’expertise, mais aussi le caractère trop général d’un « mandat » donné au syndic d’agir conformément aux modalités jugées utiles par l’avocat du syndicat.

Par ailleurs des autorisations d’agir ont été déclarées inopérantes parce qu’elles ne comportaient pas de manière précise et exhaustive l’identification des défendeurs à mettre en cause. Il a été jugé notamment que l’autorisation d’agir contre un constructeur ne permettait pas de mettre en cause son assureur !

 

Malgré quelques assouplissements l’évolution de la jurisprudence reste hasardeuse.

Il faut reconnaître que, dans des affaires importantes pour les copropriétés, les syndics ont été fort légers et certains avocats plus légers encore, pour n’avoir pas veillé à la rédaction correcte des résolutions soumises aux assemblées générales.

Les juridictions, quant à elles, ont souvent confondu l’autorisation d’agir avec l’assignation délivrée aux constructeurs. C’est dans celle-ci que l’énumération exhaustive des griefs est exigée et non pas dans l’autorisation d’agir. Mutatis mutandis, on peut en dire autant pour tous les défendeurs, qui doivent sans nul doute être pleinement informées des griefs formulés contre eux, sans que ces précisions doivent figurer impérativement dans l’autorisation d’agir.

 

L’autorisation d’agir en justice est également nécessaire pour saisir les juridictions administratives.

Celles ci se montrent plus pointilleuses encore que les juridictions civiles.

 

En l’espèce, les deux arrêtés en date du 18 décembre 2002 accordant les permis de construire sollicités par le syndicat des copropriétaires de la copropriété Allmendweg, ont mis à sa charge une participation financière pour la réalisation d’équipements publics rendus nécessaires par la création du programme d’aménagement d’ensemble de la rue des Noyers approuvé par délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE SAESSOLSHEIM en date du 16 septembre 2002 ;

Le syndicat des copropriétaires a demandé l’annulation des deux titres de recettes émis les 20 mai et 11 juillet 2003 pour le recouvrement de ces participations

A cet effet l’assemblée générale des copropriétaires, réunie le 3 juillet 2003, a autorisé le syndic « à représenter la copropriété dans le cadre du règlement des frais de viabilité et de la procédure de recours ».

La commune avait soulevé, comme fin de non-recevoir,  le caractère trop sommaire de cette autorisation et l’irrégularité qui en découlait.

Le tribunal administratif de Strasbourg a, par jugement en date du 28 juin 2005, rejeté la demande présentée par le syndicat et tendant à l’annulation des deux titres de recettes émis les 20 mai et 11 juillet 2003 pour le recouvrement de ces participations. L’arrêt précise que le tribunal a pu juger ainsi sans avoir eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui.

 

La Cour d’appel administrative  n’a pas cru devoir statuer sur les fins de non-recevoir que la commune n’avait pas reprises explicitement en cause d’appel. Le Conseil d’État lui en fait le reproche, jugeant que la commune n’avait pas explicitement renoncé à soulever ces fins de non-recevoir. Puis, sans examiner le fond de l’affaire, il juge

« qu’en l’absence de toute autre précision sur l’objet et la finalité de la procédure de recours que cette délibération mentionne, l’assemblée générale des copropriétaires de la copropriété Allmendweg ne justifie pas avoir donné au syndic une autorisation expresse pour agir devant le tribunal administratif de Strasbourg aux fins d’obtenir l’annulation des titres de recettes en litige »

 

La rédaction de la résolution de l’assemblée était maladroite : elle faisait à peine allusion à une action contentieuse ! Par contre, elle fait bien état du souci majeur des copropriétaires, qui est « le règlement des frais de viabilité et la procédure de recours ». A la date du 3 juillet 2003, il n’est pas certain que ce souci se réduisait à l’annulation des titres de recettes.

 

C’est avant tout pour la protection des copropriétaires contre des initiatives aventureuses du syndic que l’article 55 impose une autorisation préalable. Or c’est bien de la protection des défendeurs que la jurisprudence s’est souciée le plus jusqu’à présent.

Il est donc souhaitable de considérer que toute demande juridiquement fondée doit entrer dans le champ de l’habilitation dès lors qu’elle est conforme à l’intention générale exprimée par la décision de l’assemblée.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

20/08/2009