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Conseil d'État Section du Contentieux Lecture
du vendredi 22 octobre 2010 N° 330216 Vu la requête sommaire et le mémoire
complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 29 octobre 2009 au secrétariat
du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL,
dont le siège est 26-28 rue de Londres à Paris (75009) ; la SOCIETE DOCUMENT
CHANNEL demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision implicite par
laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à ce que soient
adoptés les décrets d'application de l'article 1369-8 du code civil ; 2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre
ces décrets dans un délai de deux mois à compter de la notification de la
décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement
de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu le code civil ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le
rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des
Requêtes, - les
observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIÉTÉ DOCUMENT
CHANNEL, - les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ; La parole ayant
été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIÉTÉ
DOCUMENT CHANNEL ; Sur les conclusions dirigées contre la décision
implicite refusant de prendre
les décrets de mise en oeuvre de l'article 1369-8 du code civil : Sans qu'il
soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la
Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le
pouvoir réglementaire sous réserve de la compétence conférée au Président de
la République pour les décrets en Conseil des ministres par l'article 13 de
la Constitution ; que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non
seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable
les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas
où le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle ; Considérant qu'aux termes de l'article 1369-8 du
code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 16 juin 2005 : Une
lettre recommandée relative à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat
peut être envoyée par courrier électronique à condition que ce courrier soit
acheminé par un tiers selon un procédé permettant d'identifier le tiers, de
désigner l'expéditeur, de garantir l'identité du destinataire et d'établir si
la lettre a été remise ou non au destinataire. (...) / Lorsque l'apposition
de la date d'expédition ou de réception résulte d'un procédé électronique, la
fiabilité de celui-ci est présumée, jusqu'à preuve contraire, s'il satisfait
à des exigences fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Un avis de
réception peut être adressé à l'expéditeur par voie électronique ou par tout
autre dispositif lui permettant de le conserver. / Les modalités
d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; Considérant que ces dispositions ne permettent
de présumer la fiabilité des informations relatives à l'identité de
l'expéditeur et du destinataire et à la remise d'un courrier électronique
afférent à la conclusion d'un contrat ou à ses modalités d'exécution, que
dans la mesure où le procédé électronique utilisé est conforme à des
prescriptions réglementaires fixées par décret en Conseil d'Etat ; que si
l'absence de mesures réglementaires ne fait pas obstacle à la faculté, prévue
par l'article 1369-8 du code civil, d'employer un procédé électronique afin
d'envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception relatif à un
contrat, elle ne permet toutefois pas de satisfaire à la présomption
instituée par le législateur ; qu'en dépit des difficultés techniques
éventuellement rencontrées par l'administration dans l'élaboration des textes
dont l'article précité prévoit l'intervention, son abstention à les prendre à
la date de la décision attaquée s'est prolongée au-delà d'un délai
raisonnable ; que, dans ces conditions, la décision implicite née le 31 mai
2009, par laquelle le Premier ministre a refusé d'édicter le décret prévu par
les dispositions précitées de l'article 1369-8 du code civil méconnaît
l'article 21 de la Constitution et doit, par suite, être
annulée ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant qu'aux termes de l'article L.
911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique
nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure
d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en
ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas
échéant, d'un délai d'exécution ; Considérant que l'annulation de la décision
implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret
d'application de l'article 1369-8 du code civil en tant qu'il est relatif aux
procédés techniques permettant d'établir une présomption d'envoi et de réception
d'un courrier recommandé électronique, implique nécessairement l'édiction de
ce décret ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner au Gouvernement
d'édicter ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de
la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une
astreinte ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1er : La décision implicite par laquelle
le Premier ministre a refusé d'édicter le décret prévu par les dispositions
de l'article 1369-8 du code civil est annulée. Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre
de prendre, dans un délai de six mois à compter de la notification de la
présente décision, le décret en Conseil d'Etat nécessaire à l'application de
l'article 1369-8 du code civil. Article 3 : Le surplus des conclusions de la
requête de la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE DOCUMENT
CHANNEL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de
justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à
la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL, au Premier ministre et à la ministre de
l'économie, de l'industrie et de l'emploi. |
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