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Antennes relais de téléphonie mobile

Arrêté municipal restreignant la possibilité d’installation

Suspension de l’exécution de l’arrêté (oui)

 

 

Conseil d’État  2ème et 7ème sous-sections réunies   2 juillet 2008

TA Melun Référé 19/10/2007

N° 310548

 

 

M. Daël, président

Mme Catherine Chadelat, rapporteur

M. Lenica Frédéric, commissaire du gouvernement

 

 

 

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 26 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE, dont le siège est 42, avenue de Friedland à Paris (75008) ; la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE demande au Conseil d’Etat :

 

1°) d’annuler l’ordonnance du 19 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du maire de Créteil du 3 juillet 2007 imposant des conditions à l’installation d’antennes relais dans un périmètre de 100 mètres autour de certains établissements ;

 

2°) réglant l’affaire au titre de la procédure de référé, de suspendre l’exécution de cet arrêté ;

 

3°) de mettre à la charge de la commune de Créteil la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le décret n°2002-775 du 3 mai 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la commune de Créteil,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;

 

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

 

Considérant que, pour estimer que la condition d’urgence n’était pas remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Melun s’est fondé, d’une part, sur ce que le territoire de la commune de Créteil était déjà couvert de stations relais permettant une utilisation satisfaisante du réseau de téléphonie mobile de type GSM, d’autre part, sur ce que cet arrêté ne suffisait pas, à lui seul, à placer la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE dans l’impossibilité de satisfaire à des délais d’ouverture commerciale du service UMTS qui s’imposeraient à elle ; qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen qu’eu égard à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant GSM qu’UMTS ainsi qu’aux intérêts propres de la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE, qui a pris des engagements à ce titre envers l’Etat dans son cahier des charges, et en l’absence d’éléments de nature à accréditer l’hypothèse, en l’état des connaissances scientifiques, de risques pour la santé publique pouvant résulter de l’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les antennes de relais de téléphonie mobile sur le territoire communal, l’urgence justifiait la suspension demandée, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a dénaturé les pièces du dossier ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ;

 

Considérant qu’il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

 

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la condition d’urgence doit être regardée comme remplie ;

 

Considérant, en second lieu, qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de ce que l’absence de risques graves et avérés pour la santé publique résultant des ondes électromagnétiques émises par les stations antennes-relais de téléphonie mobile ne permettait au maire de Créteil ni de faire usage des pouvoirs de police général qu’il tient du code général des collectivités territoriales ni d’invoquer le principe de précaution, sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de prononcer la suspension demandée ;

 

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de la commune de Créteil le versement à la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune de Créteil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

 

D E C I D E :

 

--------------

 

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 19 octobre 2007 est annulée.

 

Article 2 : L’exécution de l’arrêté du maire de Créteil du 3 juillet 2007 imposant des conditions à l’installation d’antennes relais dans un périmètre de 100 mètres autour de certains établissements est suspendue.

 

Article 3 : La commune de Créteil versera à la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 4 : Les conclusions de la commune de Créteil tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE et à la commune de Créteil.

 

 

 

 

commentaires

 

L’arrêt du 2 juillet 2008 donne l’occasion de rappeler les dispositions de l’article L110-1 (modifié par Loi n°2002-276 du 27 février 2002 - art. 132) du Code de l’environnement :

« I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

« II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :

« 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;

« 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;

« 3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;

« 4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire.

 

En l’espèce le maire d’une commune avait pris un arrêté interdisant l’installation de nouvelles antennes relais de téléphonique dans certains périmètres. Un opérateur avait demandé par voie de référé administratif la suspension de l’exécution de l’arrêté.

L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 19 octobre 2007 avait rejeté cette demande au motif que la condition d’urgence n’était pas remplie :

- d’une part, le territoire de la commune de Créteil était déjà couvert de stations relais permettant une utilisation satisfaisante du réseau de téléphonie mobile de type GSM ;

- d’autre part, cet arrêté ne suffisait pas, à lui seul, à placer la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE dans l’impossibilité de satisfaire à des délais d’ouverture commerciale du service UMTS qui s’imposeraient à elle ;

 

Le Conseil d’État n’a pas retenu cette argumentation. Il prend en considération :

- l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant GSM qu’UMTS ainsi que les intérêts propres de la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE, qui a pris des engagements à ce titre envers l’Etat dans son cahier des charges

- l’absence d’éléments de nature à accréditer l’hypothèse, en l’état des connaissances scientifiques, de risques pour la santé publique pouvant résulter de l’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les antennes de relais de téléphonie mobile sur le territoire communal

et juge que l’urgence justifiait la suspension demandée et l’annulation de l’ordonnance de référé.

 

Cette décision est dans le droit fil de décisions précédentes [1]

 

Le principe de précaution énonce que l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable. Il est ici battu en brèche dans la mesure où, jusqu’à présent, les travaux scientifiques n’ont pas décelé de risques objectifs liés à la présence de ces antennes.

Restent les troubles subjectifs dont l’existence est admissible ! Il est plus facile de les prendre en considération lorsque l’installation est réalisée dans le cadre d’une copropriété. Il a été jugé qu’un vote unanime de l’assemblée de copropriété est nécessaire pour autoriser l’installation [2].

 

Nous recommandons la consultation des observations de Me Brigitte CHARLES-NEVEU qui évoque plus largement cette question et traite en particulier de l’incidence éventuelle du principe de précaution à l’occasion des déclarations de travaux en rappelant que des dispositions étrangères au droit de l’urbanisme ne peuvent être invoquées à l’encontre de décisions entrant dans ce champ particulier. Voir  http://www.neveu-charles-avocats.com/fre/publications/articles/telephonie-mobile-precaution.html

 

 

 

 

 

Mise à jour

03/12/2008

 

 

 

 

 



[1] CE 28 novembre 2007, Req. 300823 Commune de Saint Denis et CE 28 novembre 2007, Req. 301608 Commune d’Aubervilliers

[2] C.A. PARIS 7 avril 2005