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Responsabilité du syndic

Manquement à l’obligation de confidentialité (oui)

atteinte à la vie privée (oui)

Informations inappropriées dans une convocation d’assemblée

 

 

 

Cour d’appel de Grenoble chambre civile 1   28 mai 2004

 

N° de RG: 04/2738

 

 

 

Soutenant que la convocation à l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble Le Parc Vimaine devant se tenir le 18 novembre 2002 était injurieuse et diffamatoire et portait gravement atteinte à sa vie privée, son honneur sa réputation et ceux de sa famille, Madame Saliha X... a fait assigner Madame Y... et la société FONCIA l’IMMOBILIERE, syndic de la copropriété aux fins d’indemnisation du préjudice résultant de cette humiliation publique devant le tribunal d’instance de VIENNE qui, par jugement du 28 mai 2004, considérant que la mise en vente aux enchères de l’appartement X... ne pouvait être valablement inscrite à l’ordre du jour du fait du moratoire en cours et que les informations relatives à la vie privée du couple figurant dans la convocation portaient atteinte à l’honneur et à la réputation de la demanderesse :

- a condamné in solidum Madame Evelyne Y... et la société FONCIA L’IMMOBILIERE à payer à Madame Saliha X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2003,

- a débouté Madame Y... de sa demande reconventionnelle,

- a condamné in solidum Madame Evelyne Y... et la société FONCIA L’IMMOBILIERE aux dépens de l’instance.

 

Madame Evelyne Y... et la société FONCIA L’IMMOBILIERE ont relevé appel de cette décision.

Elles demandent à la Cour, infirmant le jugement déféré :

- de débouter Madame X... de l’ensemble de ses demandes,

- de condamner cette dernière à payer à Madame Y... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de la condamner, en tout état de cause, à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

Elles exposent que Madame X... n’ayant pas réglé les charges de copropriété échues depuis le dépôt du plan de surendettement, celui-ci a été dénoncé et est devenu caduque fin septembre 2002, que la société FONCIA a, ainsi régulièrement inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 18 novembre 2002 un projet de résolution tendant à autoriser le syndic de copropriété à procéder à la vente aux enchères de l’appartement des époux X..., débiteurs d’une somme de 3 326,81 euros, que le 6 novembre 2002, Madame X... ayant remis un chèque de 3 355,23 euros apurant la dette, la résolution portant sur la vente aux enchères de l’appartement a été retirée.

Elles soutiennent que les charges de copropriété échues depuis le dépôt du plan s’élevaient au 2 avril 2002 à la somme de 1 065,10 euros et que Madame X... n’ayant pas respecté le plan conventionnel pour non paiement des charges courantes, le plan qui a été dénoncé est devenu caduc en sorte que la vente aux enchères de l’appartement a été régulièrement inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires.

Elles font valoir, d’autre part, que les termes employés dans le projet de résolution ne sont ni injurieux ni diffamatoires et qu’ils ne font que porter à la connaissance des copropriétaires la situation matérielle de Madame X... qu’elle avait elle-même exposée dans ses écritures déposées pour l’audience de référé du 15 novembre 2001 l’opposant au syndic de la copropriété.

Elles estiment, enfin, qu’en renvoyant les parties à la médiation pénale, le procureur de la république a considéré que les faits d’injures et de menaces imputés à Madame X... à l’encontre de Madame Y... étaient établis et que Madame Y... est ainsi fondée à obtenir réparation du préjudice en résultant pour elle.

 

Madame Saliha X... conclut :

* à la confirmation du jugement déféré sur le principe de l’a condamnation,

* à l’augmentation des dommages et intérêts qui devront être portés à 7 500 euros,

* au rejet des demandes des appelantes,

et à leur condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle réplique que par jugement du 16 décembre 2002, revêtu de l’autorité de la chose jugée, le juge de l’exécution considérant que le plan conventionnel de réaménagement des dettes était respecté a jugé, en conséquence, que celui-ci n’était pas caduc.

Elle estime, ainsi, que l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 18 novembre 2002 d’un projet de résolution tendant à autoriser le syndic à procéder à la vente aux enchères de l’appartement a eu lieu en violation du plan de surendettement.

Elle soutient, d’autre part, que les informations figurant dans la convocation ont porté atteinte à l’intimité de sa vie privée et que le préjudice qui en ait résulté justifie le montant des dommages et intérêts qu’elle sollicite.

Elle conteste enfin les faits d’injures de menaces et de violences que Madame Y... lui impute et qui ne ressortent que des seules déclarations de cette dernière.

 

MOTIFS ET DÉCISION :

 

Contrairement à ce qu’à considéré le tribunal, il ne peut être fait grief au syndic de copropriété d’avoir inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale de la copropriété le projet de résolution tendant à obtenir l’autorisation de la vente aux enchères publiques de l’appartement des époux X... dans la mesure où ceux-ci étaient redevables envers la copropriété de la somme de 832,72 euros au titre des charges ayant couru du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2002, hors celle de 2 196,43 euros correspondant aux impayés antérieurs ayant donné lieu à la condamnation prononcée par l’ordonnance de référé du 29 novembre 2001 et ayant fait l’objet d’un moratoire de 10 mois consenti dans le cadre du plan conventionnel de règlement du 18 octobre 2001 notifié le 29 mars 2002.

Selon le relevé de compte produit, la somme réclamée était justifiée et Madame X... qui a procédé au règlement de l’intégralité de la somme due au titre des charges de copropriété par chèque du 6 novembre 2002 ne l’a pas contesté.

Le plan de surendettement ayant été dénoncé par la société FONCIA pour non-respect du règlement des factures courantes par lettre recommandée avec accusé de réception des 23 juillet 2002 et 13 septembre 2002, l’inscription du projet de résolution précité à l’ordre du jour de l’assemblée générale prévue le 18 novembre 2002 était régulière.

 

La décision rendue le 16 décembre 2002 par le juge de l’exécution ordonnant la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 24 septembre 2002 à la demande du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Parc Vimaine au préjudice de Madame X... entre les mains des services financiers de la Poste est sans incidence sur la régularité de la convocation non contestée dans le délai de deux mois comme le prescrit l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, étant, se surcroît, observé que l’autorité de chose jugée s’attache au seul dispositif de la décision.

 

En revanche, la teneur du projet de résolution figurant dans la convocation adressée aux 51 copropriétaires de l’immeuble mentionnant notamment que :

- “ les époux X... n’ont à ce jour entrepris aucune démarche concrète pour vendre leur appartement,

- le couple est insolvable : Monsieur en invalidité, Madame au RMI,

- le couple est en instance de divorce. Il semblerait que Monsieur n’ait toujours pas quitté les lieux et que Madame attende elle-même un appartement”, porte atteinte au respect de la vie privée de Madame X... qui est fondée à s’en plaindre.

 

Le fait que Madame X... ait, dans le cadre de l’instance en référé l’opposant au syndicat des copropriétaires représenté par son syndic FONCIA L’IMMOBILIERE, déposé pour l’audience du 15 novembre 2001, des conclusions faisant état de l’instance en divorce et de la saisine de la commission de surendettement eu égard à ses difficultés financières ne justifie pas que ces éléments personnels présentés pour soutenir une demande de délai puissent être repris et diffusés auprès de chacun des 51 copropriétaires de l’immeuble dans la convocation à l’assemblée générale annuelle, ces éléments étant inutiles à l’objectif poursuivi et sans intérêt pour la délibération.

 

Au surplus, certains des éléments divulgués sont inexacts ou non vérifiés.

Ainsi, l’affirmation selon laquelle les époux X... n’auraient entrepris aucune démarche concrète pour vendre leur appartement n’est fondée sur aucun élément, les époux X... n’ayant pas à rendre compte au syndic de leur démarche.

L’indication selon laquelle Madame X... serait au RMI est fausse, celle-ci exposant dans les écritures déposées en référé visées par les appelantes avoir été embauchée en contrat emploi solidarité au mois de juillet 2001.

Ces éléments divulgués qui ne relèvent pas des informations nécessaires pour expliquer pourquoi et à quel montant l’appartement de la famille X... devait être mis en vente aux enchères constituent une immixtion arbitraire et injustifiée dans la vie privée de Madame X... à laquelle ils portent atteinte, eu égard à leur connotation négative.

L’absence de respect dû à la sphère intime de la personne que Madame X... a vivement ressenti comme ses réactions l’établissent justifie le montant des dommages et intérêts alloués par le premier juge, sauf à dire que s’agissant d’une créance indemnitaire, les intérêts au taux légal courent à compter de la notification de la décision qui les a prononcés.

Contrairement à ce que prétendent les appelantes, le renvoi des parties devant le médiateur pénal par le Procureur de la République ne constitue pas une reconnaissance de la faute reprochée à l’intimée.

Comme l’a jugé le tribunal, les pièces de la procédure pénale versées au dossier ne permettent pas de caractériser une faute de Madame X..., les déclarations des parties étant contraires et la preuve de l’issue de la médiation pénale n’étant pas rapportée.

Le jugement ayant débouté à juste titre Madame Y... de sa demande reconventionnelle sera confirmé.

 

PAR CES MOTIFS :

 

LA COUR :

Statuant en audience publique, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

 

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à dire que la condamnation au paiement de 3 000 euros (TROIS MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts portera intérêts au taux légal à compter du jugement déféré qui est confirmé,

DEBOUTE Madame X..., bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, de sa demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE les appelantes aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle,

PRONONCE en audience publique par Mme FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Madame PAGANON, Greffier.

 

 

Commentaires :

 

 

Nous reproduisons l’excellente synthèse de l’arrêt jointe à la publication :

 

« Constitue une atteinte à la vie privée de la part d’un syndic de copropriété le fait de divulguer des informations relatives à la situation de fortune et à la vie affective de deux copropriétaires à l’occasion d’une convocation à l’assemblée générale, en effet s’il pouvait inscrire à l’ordre du jour un projet de résolution tendant à obtenir la vente aux enchères publiques de leur appartement il n’avait, en revanche, aucune raison de mentionner que ces propriétaires n’avaient fait aucune démarche pour vendre leur appartement, qu’ils étaient insolvables et en instance de divorce, allégations au demeurant inexactes ou non vérifiées.

En outre, si certains de ces éléments avaient été divulgués antérieurement par la plaignante dans le cadre d’une procédure l’opposant au syndicat des copropriétaires représenté par le syndic cela ne justifie pas que ces informations personnelles présentées au soutien d’une demande de délai puissent être reprises et diffusées auprès de chacun des copropriétaires de l’immeuble dans la convocation à l’AG annuelle, ces éléments étant inutiles à l’objectif poursuivi et sans intérêt pour la délibération.

 

Nous rappelons avec insistance l’obligation de confidentialité qui pèse sur le syndic mais aussi sur les membres du conseil syndical lorsqu’ils sont conduits à prendre connaissance de certaines informations personnelles concernant les copropriétaires à l’occasion d’un contrôle de la gestion du syndic.

 

Le principe de l’obligation de confidentialité n’est pas contestable.

Sa mise en œuvre est une autre affaire pas toujours simple à gérer.

En l’espèce il nous semble possible de contester l’affirmation suivante de la Cour d’appel :

« Le fait que Madame X... ait, dans le cadre de l’instance en référé l’opposant au syndicat des copropriétaires représenté par son syndic FONCIA L’IMMOBILIERE, déposé pour l’audience du 15 novembre 2001, des conclusions faisant état de l’instance en divorce et de la saisine de la commission de surendettement eu égard à ses difficultés financières ne justifie pas que ces éléments personnels présentés pour soutenir une demande de délai puissent être repris et diffusés auprès de chacun des 51 copropriétaires de l’immeuble dans la convocation à l’assemblée générale annuelle, ces éléments étant inutiles à l’objectif poursuivi et sans intérêt pour la délibération. »

 

Il est souvent nécessaire pour le syndic d’éclairer les copropriétaires sur les arguments pouvant justifier une demande qui leur est présentée, - comme ici une demande de délai -. Rien ne peut empêcher d’ailleurs la communication à un pour plusieurs copropriétaires de certaines pièces de la procédure.

 

Pour autant il n’est pas douteux que le syndic s’est montré maladroit en citant d’autres informations et a fortiori des indications inexactes.

 

L’arrêt présente l’intérêt d’illustrer un aspect de la fonction syndicale trop souvent négligé.

Nous rappelons que le maintien dans les fichiers de certaines informations ou appréciations de même genre est interdit sauf en cas d’utilité manifeste pour la gestion. Il entre dans les pouvoir de la CNIL de « faire le ménage » au moyen d’investigations au sein des cabinets.

 

 

 

 

 

Mise à jour

11/09/2012