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Responsabilité d’un entrepreneur

Action du syndicat contre l’assureur de l’entrepreneur

Notion de dommage immatériel consécutif

Garantie de l’assureur (oui)

 

Observation pratique sur la conduite à tenir en présence d’une condamnation pécuniaire au profit du syndicat, assortie de l’exécution provisoire.

 

Cour d’appel d’Aix-en-Provence chambre civile 1   17 octobre 2008

Jugement du TGI de GRASSE en date du 23 Novembre 2006 (04 / 7849).

N° de RG: 07/00346

 

 

 

APPELANTE

 

S. A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE “ A. G. F. “, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant 87, rue de Richelieu-75002 PARIS

 

INTIMES

 

Syndicat des Copropriétaires LE BARONNET, demeurant Marina Baie des Anges-06270 VILLENEUVE LOUBET

 

Madame Hélène D..., es qualité de liquidateur de la SARL APPLICATION ELECTRIQUE MAINTENANCE

 

 

 

*- *- *- *- *

 

COMPOSITION DE LA COUR

Non reproduite

 

 

 

Faits, Procédure et Moyens des parties

 

Dans le courant du mois de décembre 2003 la société AEM est intervenue sur le disjoncteur de l’immeuble Le Baronnet sis Marina Baie des Anges à Villeneuve Loubet.

 

L’installation provisoire mise en place par la société AEM a provoqué la mise hors service du tarif réduite « heures creuses » et entraîné pour la copropriété une surfacturation d’électricité d’un montant de 18 415, 36 euros TTC.

 

La société AEM a déclaré ce sinistre auprès de sa compagnie d’assurances AGF qui sans contester la responsabilité de son assuré a dénié sa garantie au motif que la réclamation portait sur des « dommages immatériels purs » exclus des conditions du contrat d’assurance.

 

Après avoir déclaré sa créance auprès de Maître D... désignée liquidateur judiciaire de la société AEM placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 4 juin 2004 et après avoir été régulièrement autorisé à agir en justice, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet a par exploits délivrés les 30 septembre et 1er octobre 2004 assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse la société AEM, Maître D... ès qualités de mandataire liquidateur de la société AEM et la compagnie d’assurances AGF pour entendre condamnés les défendeurs à lui payer la somme de 18 415, 36 euros.

 

Maître D... ès qualités de mandataire liquidateur de la société AEM et la compagnie d’assurance AGF s’étant opposés à ces demandes le Tribunal de Grande Instance de Grasse a selon jugement en date du 23 novembre 2006 :

 

- déclaré recevable la demande de fixation de créance présentée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet,

- déclaré la société AEM responsable de la surfacturation payée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet,

- dit que la compagnie d’assurance AGF doit sa garantie à la société AEM au titre du contrat de responsabilité civile professionnelle pour les dommages causés par la société AEM,

- fixé la créance du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet aux sommes de 18 415, 36 euros correspondant à la surfacturation émise par l’entreprise EDF du fait de la mauvaise réparation des disjoncteurs de l’immeuble effectuée par la société AEM et de 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens,

- condamné la compagnie d’assurance AGF au paiement de la somme de 18 415, 36 euros correspondant à la surfacturation, de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonné l’exécution provisoire,

- condamné la compagnie d’assurance AGF aux dépens.

 

Ayant formé appel de ce jugement par déclaration au greffe de la Cour en date du 8 janvier 2007 la compagnie d’assurance AGF fait valoir :

 

- que le dommage en cause est immatériel et n’est pas la conséquence d’un dommage matériel,

- qu’en tout état de cause une franchise de 1 600 euros est due,

et demande à la Cour :

- de réformer le jugement,

- de débouter le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet,

- à titre subsidiaire de dire que l’indemnité allouée ne saurait excéder la somme de 16 815, 36 euros,

- de condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

 

 

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet entend qu’il soit :

- jugé que la société AEM était couverte par sa compagnie d’assurances responsabilité civile professionnelle au titre des dommages qu’elle a causés au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet,

- jugé que la compagnie d’assurance AGF doit sa garantie à ce titre,

- fixé sa créance à la somme de 18 415, 36 euros,

- prononcé la condamnation de la compagnie d’assurance AGF à lui payer cette somme,

- prononcé la condamnation de la compagnie d’assurance AGF à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des allégations trompeuses concernant la garantie offerte à la société AEM,

- prononcé la condamnation de la société AEM, de Maître D... ès qualités de mandataire liquidateur de la société AEM et de la compagnie d’assurance AGF au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.

 

 

Assignée devant la Cour par acte délivré à sa personne le 11 juin 2007 Maître Hélène D... ès qualités de mandataire liquidateur de la société AEM n’a pas constitué avoué et n’a donc pas conclu.

 

 

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il convient de se référer à leurs écritures respectives.

 

Motifs de la décision :

 

C’est par des motifs pertinents, une exacte appréciation des faits et une juste application des règles de droit que le premier juge a statué comme il l’a fait.

 

En effet aux termes de divers courriers adressés au syndic de la copropriété Le Baronnet et de ses propres écritures, la compagnie d’assurance AGF convient de la responsabilité « incontestable » de la société AEM dans le litige l’opposant au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet.

 

Le contrat d’assurance souscrit par la société AEM auprès de la compagnie d’assurance AGF prévoit que l’assuré est garanti au titre de sa responsabilité civile, protection pénale et recours (garanties B et C).

 

Les conditions générales du contrat (article 2-2) précisent à cet égard : « nous vous garantissons contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés à autrui, y compris à vos clients, du fait de l’exercice de l’activité professionnelle déclarée aux dispositions particulières ».

 

Or le préjudice causé au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet s’analyse en un dommage immatériel consécutif à l’intervention inadaptée et fautive de la société AEM et contrairement à ce que soutient la compagnie d’assurance AGF, aucune stipulation du contrat d’assurance n’exige, au titre de la mise en œuvre de la responsabilité civile de l’assuré, que le dommage immatériel soit la conséquence d’un dommage matériel garanti.

 

Par ailleurs si les conditions particulières du contrat d’assurance fixent à 1 600 euros la franchise imposée à l’assuré, les conditions générales dudit contrat – article 2. 6 – et aucune autre disposition ne prévoient qu’elle serait opposable au tiers lésé.

 

La décision déférée sera en conséquence confirmée.

 

 

A l’appui de sa demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des allégations trompeuses de la compagnie d’assurance AGF concernant la garantie offerte à la société AEM, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet ne fait la démonstration d’aucun préjudice distinct de celui procédural qui a vocation à être indemnisé par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

 

Vu les articles 696, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,

 

Par ces motifs :

 

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Reçoit l’appel,

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 23 novembre 2006,

Rejette toute autre demande,

Condamne la compagnie d’assurance AGF à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la compagnie d’assurance AGF aux dépens d’appel et en ordonne distraction au profit de la SCP BLANC-AMSELLEM-CHERFILS, avoués, sur leur affirmation d’en avoir fait l’avance.

 

 

 

 

Commentaire :

 

 

L’arrêt relaté montre un exemple surprenant des difficultés qui peuvent survenir à l’occasion du règlement d’un sinistre banal.

 

Nous sommes ici dans le domaine de l’assurance de responsabilité, et non pas dans celui de l’assurance de biens.

L’intervention malencontreuse d’un entrepreneur a provoqué la mise hors service du tarif réduit «heures creuses » et entraîné pour la copropriété une surfacturation d’électricité d’un montant de 18 415, 36 euros TTC. L’assureur de l’entreprise ne conteste pas la faute de son assurée ;

 

Pour refuser sa garantie, il allègue que le dommage en cause est immatériel et n’est pas la conséquence d’un dommage matériel. Il faut donc rappeler la terminologie propre au domaine de l’assurance, qui est généralement précisée dans les polies d’assurance

 

 

Le dommage matériel s’entend de toute destruction ou détérioration d’un bien meuble ou immeuble.

Le dommage immatériel est celui causant un dommage pécuniaire résultant de la privation de jouissance d’un droit, de la perte d’un bénéfice ou de l’interruption d’un service.

 

Le dommage immatériel consécutif est celui dont l’assureur accepte la garantie pour autant qu’il est la conséquence de dommages matériels ou corporels garantis. Un exemple est la privation de jouissance d’un logement.

 

Enfin l’assureur peut accepter la garantie d’un dommage immatériel dans la mesure où la responsabilité de l’assuré est établie, même s’il découle d’un dommage non ouvert par le contrat. [1]  Notons incidemment qu’on trouve souvent cette clause extensive dans les polices multirisques des syndicats de copropriétaires à propos exclusivement de la responsabilité des membres du conseil syndical.

 

Ces différentes options peuvent faire l’objet de clauses restrictives ou extensives dans la police d’assurance.

 

 

En l’espèce l’assureur allègue « que le dommage en cause est immatériel et n’est pas la conséquence d’un dommage matériel ». Il n’y aurait donc pas dommage immatériel consécutif.

 

La Cour relève

- que les conditions générales de la police prévoit la couverture des dommages immatériels consécutifs.

- que « le préjudice causé au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Baronnet s’analyse en un dommage immatériel consécutif à l’intervention inadaptée et fautive de la société AEM ». Mais elle ne précise pas en quoi cette intervention inadaptée et fautive est un dommage matériel, condition de la garantie par l’assureur.

- « qu’aucune stipulation du contrat d’assurance n’exige, au titre de la mise en œuvre de la responsabilité civile de l’assuré, que le dommage immatériel soit la conséquence d’un dommage matériel garanti ». Or cette condition est incluse dans la définition même du dommage immatériel consécutif !

 

On peut donc craindre un pourvoi en cassation fondé sur le défaut de réponse aux conclusions de l’assureur, qui peut avoir intérêt à ne pas laisser une éventuelle erreur de ce type dépourvue de sanction juridique.

 

 

Remarque pratique :

Dans cette affaire le TGI  a condamné l’assureur à payer en principal la somme de 18 415, 36 euros. Il a assorti cette condamnation de l’exécution provisoire.

En principe l’assureur a donc payé cette somme avant l’arrêt d’appel. On peut penser que le syndic  a réparti cette somme entre les copropriétaires.

Or le syndic ne doit jamais oublier que, dans un tel cas, la Cour d’appel peut adopter une position contraire et qu’il est alors nécessaire de rembourser le plaideur triomphant en appel après avoir été condamné en première instance.

- D’une part le syndic doit préciser la situation à l’occasion d’une vente de lot. Le notaire doit informer les parties et leur proposer une solution pour assurer la sauvegarde des intérêts de l’acquéreur.

- D’autre part le syndic peut suggérer à l’assemblée de placer les fonds. Ils pourront servir au remboursement en cas d’infirmation de la décision ou à la constitution définitive d’une provision pour travaux futurs en cas de confirmation.

 

La situation est identique dans le cas de gain par le syndicat d’un procès qu’il avait perdu devant le TGI. L’adversaire peut former un pourvoi en cassation mais il est alors tenu néanmoins de payer les condamnations prononcées contre lui.

L’aléa de l’affaire devant la Cour de cassation doit inciter à prendre les mêmes précautions.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

30/01/2009

 

 

 

 

 



[1] Voir sur ces définitions le Dictionnaire de la gestion des risques et des Assurances de Jacques Charbonnier Edit. Maison du dictionnaire