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AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL

 

COMMISSION DES SANCTIONS

 

Procédure n° 2010-07  contre   GROUPEMENT FRANÇAIS DE CAUTION (GFC)

Audience du 30 juin 2011   Rendue le 15 juillet 2011

Avertissement et sanction pécuniaire de 20 000 euros

 

Voir nos observations à la suite de l’arrêt

 

* * *

 

 

Vu la lettre en date du 30 décembre 2010 par laquelle le Président de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) a saisi la Commission des sanctions afin qu’elle statue sur la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre du GROUPEMENT FRANÇAIS DE CAUTION (GFC) enregistrée sous le numéro 2010-07 ;

Vu la lettre du 29 décembre 2010 par laquelle le Président de l’ACP a notifié au Directeur général du GFC, d’une part, les suites et conclusions définitives du rapport de contrôle rédigées par les commissaires contrôleurs le 17 novembre 2010, ainsi qu’une note du 21 octobre 2010 à laquelle se réfère ce document, et, d’autre part, l’ouverture d’une procédure disciplinaire pour avoir méconnu l’obligation posée par l’article R. 336-1 du Code des assurances de « mettre en place un dispositif permanent de contrôle interne (…) permettant [notamment] d’identifier, d’évaluer, de gérer et de contrôler les risques liés aux engagements de l’entreprise (…) », faute d’avoir détecté l’ampleur du risque « systématique » que lui faisaient courir des lettres d’unité de compte entre « comptes mandants » et « comptes reflets » signées en faveur de plusieurs banques par les syndics du réseau URBANIA, cautionnés par le GFC ;

 

Vu le mémoire en défense du GFC enregistré au secrétariat de la Commission des sanctions le 16 février 2011 et la consultation du professeur BONNEAU dont il était accompagné, qui concluent à sa mise hors de cause ;

L’organisme soutient que la procédure de sanction méconnaît le principe d’impartialité objective stipulé par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme ; qu’il n’y a pas au sein de l’ACP de séparation entre les services de contrôle et de sanction ; que le dossier de la procédure disciplinaire ne comporte pas la décision du Collège de poursuivre ; qu’en méconnaissance de la Charte du contrôle de l’ACP, aucune réunion préalable à l’envoi du pré-rapport ne s’est tenue ; que le grief unique relatif à la défaillance de son contrôle interne, faute d’avoir identifié et évalué le risque lié aux cautions données aux syndics du réseau URBANIA n’est pas fondé, dès lors que les cabinets de ce réseau ne constituent pas un risque commun et que le contrôle de ces cabinets, axé sur la représentation des fonds mandants, n’avait pas à tenir compte de lettres de fusion illégales ;

Vu le mémoire en réplique du 11 avril 2011 de M. Dominique THIRY, membre désigné pour représenter le Collège de l’ACP, écartant les critiques relatives à la régularité du contrôle et de la procédure disciplinaire, et maintenant le bien fondé du grief ;

Il soutient que l’ouverture d’une procédure disciplinaire et le prononcé d’une sanction relèvent d’organes collégiaux distincts constituant respectivement une autorité de poursuite et une autorité de jugement ; que la décision n° 2010-02 du 18 mars 2010 du Secrétaire général de l’ACP place le personnel du secrétariat de la Commission des sanctions sous l’autorité hiérarchique et fonctionnelle de son Président ; qu’à l’issue du contrôle sur place, une réunion s’est tenue au siège de la société le 9 juillet 2010 au cours de laquelle tous les constats effectués par les commissaires contrôleurs ont été évoqués avec le GFC qui a ensuite reçu communication du projet de rapport le 17 août 2010 et a été invité à présenter ses observations, lesquelles ont été prises en compte pour la détermination des suites et conclusions définitives rédigées le 17 novembre 2010 ; qu’au fond sont reprochées les défaillances du dispositif de contrôle interne et que la question n’est pas d’analyser la licéité des lettres de fusion entre les comptes reflets et mandants ; que le GFC aurait dû identifier et évaluer les risques impliqués par les cautions données aux cabinets du réseau URBANIA ;

Vu le second mémoire en défense du GFC du 3 mai 2011 qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient que le risque pris par les banques en consentant des prêts élevés aux structures du réseau URBANIA sans garantie sérieuse n’affectait pas ses propres garanties ; qu’en raison du contrôle auquel les banques sont soumises, il ne lui appartenait pas d’évaluer leur capacité à faire face à leurs engagements ; que les fonds mandants sont insaisissables comme l’a rappelé le professeur BONNEAU et comme ne le conteste pas l’ACP, laquelle au contraire a recommandé le 26 janvier 2011 aux banques de veiller à la préservation des fonds confiés aux syndics et maintenus disponibles en leur sein ;

Vu la lettre du 18 mai 2011 de M. Dominique THIRY selon laquelle le second mémoire en défense du GFC n’apporte aucun élément nouveau appelant une nouvelle réponse ;

Vu le courrier du 8 juin 2011 invitant Mme Marie-Josèphe CHARLES, Directeur général du GFC, à se présenter à l’audience de la Commission des sanctions de l’ACP le 30 juin 2011, et le courrier du même jour invitant M. Dominique THIRY à se présenter à cette audience ;

Vu le Code monétaire et financier et en particulier ses dispositions relatives à l’organisation, au fonctionnement et aux pouvoirs de la Commission des sanctions de l’ACP, notamment les articles L. 612-38, L. 612-39, L. 612-42 et R. 612-35 à R. 612-52 ;

Vu le Code des assurances, notamment ses articles L. 310-1, L. 310-18 et R. 336-1 dans leur rédaction applicable aux faits de la présente espèce ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;

Vu la Charte du contrôle de l’ACP – secteur assurance ;

Vu le règlement intérieur du Collège de l’ACP ;

Vu la décision n° 2010-02 du 18 mars 2010 du Secrétaire général de l’ACP relative à l’organisation des services de l’ACP, et notamment son article 13 ;

Vu le règlement intérieur de la Commission des sanctions de l’ACP ;

Vu les agréments délivrés au GFC par arrêté du ministre de l’économie et des finances du 9 juillet 1985 publié au Journal officiel de la République française du 26 juillet 1985 ;

Vu les autres pièces du dossier et notamment le document intitulé projet de rapport de contrôle sur la société d’assurance mutuelle GROUPEMENT FRANÇAIS DE CAUTION en date du 11 août 2010 de MM. Philippe SOURLAS et Louis MARGUERITTE, commissaires contrôleurs, et de M. Grégoire VUARLOT, inspecteur adjoint, et le document du 17 novembre 2010 intitulé Suites et conclusions définitives du rapport sur le GROUPEMENT FRANÇAIS DE CAUTION ;

La Commission des sanctions de l’ACP, composée de M. MARTIN LAPRADE, Président, de Mme ALDIGÉ et de MM. CRÉDOT, FLORIN et ICARD, membres ;

Après avoir décidé de faire droit à la demande du GFC en date du 20 juin 2011 tendant à ce que l’audience ne soit pas publique, et entendu, lors de la séance du 30 juin 2011 :

 

- M. Raphaël THÉBAULT, chargé de la mise en état, en sa présentation du dossier ;

 

- M. Paul ESMEIN, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observation à formuler ;

- M. Dominique THIRY, représentant le Collège de l’ACP, assisté de M. Paul COULOMB, Directeur de la 1re direction du contrôle des assurances du Secrétariat général de l’ACP, M. Henry de GANAY, Directeur des affaires juridiques du Secrétariat général de l’ACP, M. Philippe SOURLAS, Chef de la 2e brigade de contrôle des assurances ; M. THIRY, ainsi qu’il résulte du compte-rendu d’audience, a proposé le prononcé d’un avertissement assorti d’une sanction pécuniaire de 100 000 euros ainsi que la publication de la décision à intervenir ;

- Mme Marie-Josèphe CHARLES, Directeur général du GFC, M. Bernard REVOL, Directeur général délégué du GFC, assistés de Me Rémi CHAINE et Me Bertrand de BELVAL de la SCP COLBERT AVOCATS ;

 

Les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré en la seule présence de ses membres ;

Considérant qu’en application de l’article L. 612-38 du Code monétaire et financier, le Président de l’ACP a notifié, le 29 décembre 2010, un grief au GFC à raison de défaillances de son dispositif permanent de contrôle interne imposé par l’article R. 336-1 du Code des assurances ; que le GFC conteste tant la régularité du contrôle et de la procédure disciplinaire que le bien fondé de ce grief ;

 

1. Sur la régularité du contrôle et de la procédure disciplinaire

 

1.1 sur le contrôle

 

Considérant en premier lieu que le Collège de l’ACP a adopté en juin 2010 une « Charte du contrôle de l’ACP – secteur assurance », qui est un document indiquant aux organismes contrôlés leurs droits et obligations et constituant un guide des bonnes pratiques à l’usage des contrôleurs ; que selon ce document (page 4) : « Tout contrôle sur place donne lieu à l’établissement d’un projet de rapport. Celui-ci est établi au terme d’échanges entre les agents de l’ACP et leurs interlocuteurs au sein de l’organisme contrôlé. Avant l’envoi du projet de rapport, une réunion est proposée par les contrôleurs de l’ACP, afin de communiquer aux représentants de l’organisme les principales observations relevées au cours du contrôle. Lorsque l’éloignement rend difficile la tenue d’une réunion, un simple entretien peut être organisé (…) » ; qu’aux allégations du GFC relatives à l’absence d’une telle réunion, le représentant du Collège a répliqué que celle-ci s’était tenue le 9 juillet 2010 au siège de la société, laquelle avait pu y évoquer oralement les constats du contrôle ; que pendant l’audience, M. SOURLAS a indiqué que bien que cette réunion n’ait pas d’emblée été présentée à la société comme celle prévue par la Charte précitée, les principales observations du contrôle y ont en fait été rappelées et discutées ; que, dans ces conditions, tout en regrettant que le projet de rapport n’ait ni mentionné cette réunion, ni relaté sa teneur, la Commission estime que la phase de contrôle du GFC préalable à l’envoi du projet de rapport peut être regardée en l’espèce comme ayant comporté la contradiction orale recommandée par la Charte susmentionnée, en sorte que le vice allégué manque en fait ;

Considérant en deuxième lieu que selon l’article L. 612-27 du Code monétaire et financier, les contrôles sur place donnent lieu à l’établissement d’un projet de rapport porté à la connaissance des dirigeants de la personne contrôlée, ceux-ci pouvant alors présenter des observations dont il est fait état dans le rapport définitif ; que les suites données au contrôle sur place sont communiquées soit au conseil d’administration, soit au conseil de surveillance, soit à l’organe délibérant en donnant lieu de la personne contrôlée ; que ces dispositions imposent que soient recueillies les observations de la personne contrôlée sur le projet de rapport mais ne font pas obstacle à ce que, comme ce fut le cas en l’espèce, le rapport définitif ne soit communiqué à l’établissement qu’en même temps que la notification de griefs à laquelle il était joint ; que, s’il est en pratique préférable que cette communication du rapport définitif précède l’examen par le Collège de l’éventualité de poursuites disciplinaires, la simultanéité sus-décrite n’a pas porté aux droits de la défense une atteinte de nature à vicier la procédure disciplinaire ;

Considérant en troisième lieu que si, pour mieux répondre aux observations faites par le GFC sur le projet de rapport, le commissaire contrôleur a fait établir par les services de l’ACP un document technique complémentaire, joint au rapport définitif communiqué ainsi qu’il a été dit, cette circonstance n’est pas de nature à vicier le caractère contradictoire du contrôle, dès lors que ce document n’est qu’une simple explicitation juridique de la position déjà exprimée dans le projet de rapport et n’en étend donc pas les constats ;

1.2 sur la procédure disciplinaire

 

Considérant en premier lieu qu’aucun texte ni aucun principe n’impose que le procès-verbal de la réunion du Collège à l’issue de laquelle a été décidée l’ouverture de la procédure disciplinaire soit spontanément joint à la notification de griefs ou au dossier de procédure mis à disposition de l’intéressé ; qu’en revanche l’organisme poursuivi doit être mis à même, s’il le demande, d’obtenir communication des données de cette décision propres à la vérification de sa régularité formelle ; qu’en l’espèce le GFC ne fait état d’aucune demande en ce sens et se borne à relever le vice qui résulterait de l’absence au dossier de ladite décision ; que son moyen doit donc être écarté ;

Considérant en deuxième lieu que, selon les articles L. 612-4, L. 612-9 et L. 612-38 à 41 du Code monétaire et financier, l’ACP comprend le Collège, acteur des poursuites disciplinaires initiées par la notification de griefs qu’il décide, et la Commission des sanctions, statuant collégialement sur ces griefs, à l’issue d’une instruction qu’elle mène contradictoirement entre la personne mise en cause et le représentant du Collège ; qu’est prévue la faculté de demander la récusation d’un membre de la Commission s’il existe une raison sérieuse de mettre en doute l’impartialité de ce membre ; que la composition de la Commission est entièrement distincte de celle du Collège et que la circonstance qu’elle dispose, en vertu du I de l’article R. 612-35 du même code, d’un secrétariat composé de personnels de l’Autorité ne fait pas à elle seule obstacle à l’indépendance et à l’impartialité de la Commission, alors qu’il résulte de l’article 13 de la décision du Secrétaire général de l’ACP n° 2010-02 du 18 mars 2010 relative à l’organisation des services de l’Autorité, publiée au registre officiel de l’ACP, que ce personnel, qui lui est exclusivement affecté, n’est qu’administrativement rattaché à la Direction des affaires juridiques et « (…) dépend hiérarchiquement et fonctionnellement du Président de la Commission des sanctions », ce qui fait en tout état de cause obstacle à ce que, comme l’imagine le GFC, il puisse assister ou représenter le membre du Collège lors des séances de cette Commission ; que ces dispositions rendent effective la séparation entre le Collège, autorité de poursuite, et la Commission des sanctions, autorité de jugement ; que, dans ces conditions, la procédure disciplinaire applicable devant l’ACP est donc conforme à l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment au principe d’impartialité rappelé par les stipulations de cet article ;

Considérant en troisième lieu qu’il appartient à la Commission des sanctions de veiller au caractère pleinement contradictoire de l’instruction de la procédure disciplinaire, lequel implique une appréciation concrète des délais successivement laissés à chaque étape aux parties pour produire leurs observations, compte tenu de la complexité et de la nature des griefs, moyens ou arguments invoqués tour à tour ; qu’à cet égard, la circonstance que le représentant du Collège a bénéficié, pour répliquer à la défense du GFC, d’un délai dépassant de 6 jours celui de 48 jours qui avait été imparti au GFC pour la produire, alors qu’ensuite ce dernier à son tour, n’a disposé que de 17 jours pour produire un second mémoire en défense ne caractérise en l’espèce aucune disproportion de nature à porter atteinte à l’effectivité des droits de la défense et au principe de l’égalité des armes ;

Considérant en quatrième lieu qu’au cours de l’audience l’avocat du GFC a soulevé l’atteinte au principe de légalité des infractions résultant de ce que les poursuites ont été engagées sur le fondement des dispositions excessivement générales de l’article R. 336-1 du Code des assurances qui fait obligation aux organismes assujettis de « mettre en place un dispositif permanent de contrôle interne (…) permettant [notamment] d’identifier, d’évaluer, de gérer et de contrôler les risques liés aux engagements de l’entreprise (…) » ; que si ces dispositions générales nécessitent que leur portée soit adaptée à chaque espèce en fonction des conditions concrètes dans lesquelles l’activité est exercée, elles n’en constituent pas moins une base légale suffisante aux poursuites, dès lors que le manquement reproché touche à une condition essentielle de l’exercice de la profession d’assurance ;

 

2. Sur le fond

 

Considérant que, comme le permet le septième alinéa de l’article 18 de la loi susvisée du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les assemblées générales de copropriété dispensent couramment les syndics de l’obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat, préférant opter pour l’ouverture de sous-comptes (ou rubriques, dits « comptes mandants ») d’un compte bancaire unique ouvert par le syndic pour l’ensemble des copropriétés qu’il gère sous ce régime, dans l’espoir que le montant des honoraires du syndic tienne alors compte de l’avantage que lui procure la possibilité d’obtenir des intérêts créditeurs ou même une autorisation gratuite de découvert à raison des soldes créditeurs des « comptes mandants » ; que les opérations résultant de cette possibilité, sont enregistrées sur des « comptes reflets » destinés à rester hors la vue des syndicats ;

Considérant que le GFC, société d’assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est à Grenoble et qui emploie 11 salariés, est spécialement agréé pour délivrer aux syndics de copropriété la garantie financière prévue au 2° de l’article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 susvisée (loi « Hoguet »), laquelle porte en particulier sur les « comptes mandants » susmentionnés ; que cette activité, qui représentait 65 % de ses engagements en juin 2010 (soit 665 millions d’euros) et 77 % des cotisations émises en 2009 (soit 1816 milliers d’euros), couvrait un peu plus de 200 cabinets, dont 102 appartenaient au « réseau URBANIA », soit la quasi-totalité des 107 cabinets membres de ce réseau ; que les graves difficultés financières de ce dernier ont entrainé son placement en juin 2009 sous contrôle de deux administrateurs ad hoc, qui ont constaté son incapacité à rembourser les quelques 500 millions d’euros avancés par ses banques, avec la garantie de « lettres d’unité de compte » signées par ces syndics, par lesquelles ces banques se croyaient autorisées, le cas échéant, à « fusionner » (c’est-à-dire à compenser) le solde créditeur des « comptes mandants » (retraçant les opérations faites pour compte du syndicat) et le solde débiteur des « comptes reflets » (retraçant les opérations, généralement débitrices, effectuées par le syndic pour son compte propre à raison du solde créditeur du compte mandant) ;

Considérant qu’à la suite d’un contrôle sur place effectué au premier semestre 2010, le Président de l’ACP a ouvert le 29 décembre 2010 une procédure disciplinaire à l’encontre du GFC pour avoir contrevenu à l’obligation, posée comme il a été dit par l’article R. 336-1 du Code des assurances, de « (…) mettre en place un dispositif permanent de contrôle interne (…) permettant [notamment] d’identifier, d’évaluer, de gérer et de contrôler les risques liés aux engagements de l’entreprise (…) », faute d’avoir détecté l’ampleur du risque que lui faisaient courir les lettres d’unité de compte susmentionnées ;

 

Considérant que le GFC soutient à juste titre :

a) que ces lettres étaient de toute manière insusceptibles d’être effectivement mises en oeuvre par les banques, dès lors que les syndicats, propriétaires des sommes portées au crédit des « comptes mandants », n’avaient pas expressément approuvé la convention de fusion permettant la compensation de ces crédits avec les débits des « comptes reflets », condition pourtant mise par la Cour de cassation [dont les différentes chambres ont harmonisé leur jurisprudence en 2006] à l’efficacité de telles lettres ; qu’en particulier ne pouvait pas tenir lieu d’une telle approbation la mention, discrètement introduite dans la délibération soumise par le syndic à l’assemblée générale appelée à choisir entre les formules du compte bancaire séparé, du compte bancaire unique ou du compte individualisé, selon laquelle « (…) seul le compte séparé ne peut être fusionné avec les autres comptes du syndic » ; que l’ACP, qui avait la responsabilité directe de prévenir ou réprimer d’éventuels manquements déontologiques ou prudentiels des banques concernées, si elle n’a pas cru devoir aller jusqu’à ouvrir à leur encontre une procédure disciplinaire, leur a néanmoins adressé une sévère mise en garde, rendue publique le 26 janvier 2011, et a recommandé dans le même temps à l’ensemble des banques de s’abstenir désormais de conclure des conventions de fusion permettant de compenser les soldes créditeurs des comptes mandants avec les soldes débiteurs d’autres comptes, et de veiller à la préservation des fonds confiés aux syndics et maintenus disponibles en leur sein ;

b) que l’indépendance juridique de chacun des cabinets du « réseau URBANIA », doté d’une personnalité morale propre, propriétaire de son fonds de commerce donné en nantissement, seul autorisé à faire fonctionner les comptes mandants ouverts à son nom, faisait en principe (c’est-à-dire sauf action concertée de ces cabinets et de leurs banques pour s’approprier les soldes créditeurs de ces comptes) obstacle à ce que les risques portés sur ces 102 cabinets par le GFC – à la différence de ceux des banques ayant accepté la position débitrice des comptes reflets, ce qui équivaut à l’octroi d’autorisations de découvert – fussent agrégés pour constituer un risque unique ou « systématique » ; que d’ailleurs les banques concernées, les mandataires ad hoc du réseau et le Comité Interministériel de Restructuration Industrielle appelé à son chevet, n’ont pas engagé la garantie financière du GFC, dès lors que les sommes portées au crédit des « comptes mandants » n’avaient fait l’objet d’aucun détournement et ne pouvaient pas davantage être appréhendées par des tiers ;

c) qu’il mettait en oeuvre des procédures habituelles de contrôle sur pièces et sur place, comprenant notamment, pour le premier, l’examen d’un état récapitulatif de l’ensemble des comptes mandants, une attestation de pointe validée par un commissaire aux comptes ou un expert comptable, une attestation générale et de représentation des fonds mandants validée par un commissaire aux comptes ou un expert comptable, une attestation de garantie responsabilité civile et professionnelle, une attestation bancaire de non fusion des comptes mandants, éventuellement un état de rapprochement, balances mandants, et, pour le second, la possibilité de vérifier l’exhaustivité des listes de comptes mandants que les banques lui transmettent, une vérification de la pointe, de la représentation des fonds mandants, de la bonne tenue des livres réglementaires (mandats, reçus....) et des assemblées générales ordinaires de copropriété ainsi que de la régularité des redditions de compte pour la gérance ;

d) que les liens amicaux ou professionnels entretenus par ses dirigeants avec ceux du « réseau URBANIA » n’ont pas excédé les conséquences normales d’une part du statut d’assurance mutuelle du GFC (qui imposait la présence d’assurés à son conseil d’administration) ou, d’autre part et réciproquement, celles de la bonne renommée professionnelle de ses dirigeants (qui se sont vu offrir par cet ancien partenaire des mandats dans certaines de ses filiales, notamment de courtage), en sorte que les allégations de complicité bienveillante contenues dans le rapport ne sont pas établies ;

 

Considérant cependant qu’il ressort du dossier que le GFC, dans le cadre de sa vérification annuelle de la représentation des comptes mandants, recueillait auprès des banques tenant ces comptes des « attestations de non fusion » des comptes du cautionné, ainsi que l’exigeait le § 4-2-2 du contrat de caution en vue de son renouvellement annuel (cote 171) ; qu’ainsi qu’il résulte de l’exemple d’attestation de non fusion figurant au dossier (cotes 108 et 109), les banques des syndics du réseau URBANIA, après y avoir affirmé que les comptes dont elles donnaient les références « (…) ne peuvent, pour quelque cause que ce soit, fusionner en capital avec tout autre compte non listé ou énuméré ci-dessus, et notamment les comptes « cabinet » et/ou « exploitation » dont (le cabinet) pourrait être titulaire dans notre banque », précisaient toutefois au paragraphe suivant « (…) que les comptes mandants gestion immobilière ci-dessus, et le compte reflet n°…. ouvert au nom du (cabinet) à sa demande aux fins de placements dans notre établissement et/ou de virements vers d’autres établissements bancaires, peuvent fusionner entre eux en capital » ;

que cette précision aurait dû attirer l’attention des responsables du GFC, auxquels l’occasion était ainsi donnée de faire clarifier la portée – quitte à la contester – de cette prétendue possibilité de fusion, et de déceler, le cas échéant, l’éventualité d’un accord (aussi improbable et critiquable qu’il puisse être) entre les syndics de ce réseau et leurs banques pour utiliser les fonds dans des conditions non conformes à leur affectation et susceptibles de menacer leur représentation immédiate ;

que, même si cette éventualité ne s’est pas produite en l’espèce, elle ne pouvait être totalement exclue, du fait de l’appartenance des syndics à un réseau unique abritant des structures aux liens capitalistiques complexes et dont certaines au moins étaient unies par une convention de centralisation de trésorerie et des créances intra-groupes (cotes 32 et 33) ;

que l’importance des cautions à première demande consenties par le GFC en faveur de ce réseau (57 % de ses engagements totaux), qui correspondait à une politique ancienne et déterminée de cette petite société d’assurance, appelait une vigilance particulière à l’égard d’une éventuelle anomalie généralisée du comportement de ses membres, laquelle eut pu suffire à provoquer la cessation de ses paiements ; que ce manque d’attention est, sur le fondement de l’article L. 310-18 du Code des assurances applicable aux faits reprochés, auquel se sont aujourd’hui substituées les dispositions de l’article L. 612-39 du Code monétaire et financier, de nature à justifier le prononcé d’un avertissement et d’une sanction pécuniaire de 20 000 euros ;

 

Considérant enfin que la protection des assurés justifie que les sanctions ainsi infligées soit portées à la connaissance de toutes les personnes intéressées ; que s’il reste loisible à la Commission de décider que cette publicité sera faite sous une forme ne permettant pas d’identifier l’organisme en cause, une telle mesure ne parait en l’espèce justifiée par aucun motif, notamment pas les allégations imprécises du GFC sur la disproportion du préjudice qui pourrait en résulter pour lui ; qu’en revanche il n’y a pas lieu de décider d’autres mesures de publicité que l’insertion de la décision au registre des décisions de l’ACP, mis en ligne sur Internet, et le droit reconnu au public de la consulter au secrétariat de la Commission ;

 

PAR CES MOTIFS

DÉCIDE :

Article 1er Il est prononcé un avertissement à l’encontre du GROUPEMENT FRANÇAIS DE CAUTION.

Article 2 – Il est également prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d’un montant de 20 000 euros (vingt mille euros).

Article 3 – La présente décision sera publiée au registre de l’ACP mis en ligne sur Internet et pourra être consultée au secrétariat de la Commission des sanctions.

 

 

Commentaire :

 

A propos de l’affaire Urbania, nous avons déjà publié la circulaire 2011 R 01 du 26 janvier 2011 émise par l’Autorité de contrôle prudentiel. (Voir la circulaire) . 

L’ACP recommandait « conformément au 3° du II de l’article L. 612-1 et à l’alinéa 2 de l’article L. 612-29-1 du Code monétaire et financier, aux établissements de crédit qui ont dans leurs livres des comptes mandants enregistrant des fonds détenus par des syndics pour le compte de syndicats de copropriété, de ne pas accepter que ces fonds puissent être transférés vers d’autres établissements de crédit et de ne pas conclure de convention de fusion permettant de compenser les soldes créditeurs de ces comptes avec les soldes débiteurs d’autres comptes ».

 

Dans le même contexte, l’ACP, en application de l’article L. 612-38 du Code monétaire et financier, a notifié, le 29 décembre 2010, un grief au Groupement Français de Caution (GFC) à raison de défaillances de son dispositif permanent de contrôle interne imposé par l’article R. 336-1 du Code des assurances. Le GFC était le garant financier de la quasi-totalité des cabinets dépendant du Groupe Urbania. On note avec satisfaction la rapidité du traitement de cette affaire.

 

Suivant l’exemple des Caisses de garantie plus traditionnelles, dans les vingt années qui ont suivi la mise en œuvre du dispositif Hoguet, la GFC a tenté d’échapper à l’examen du fonds de l’affaire en contestant la régularité du contrôle effectué et celle de la procédure disciplinaire.

En présence de l’argumentation péremptoire de l’ACP sur la régularité des ses opérations, la GFC a soulevé l’atteinte au principe de légalité des infractions résultant de ce que les poursuites ont été engagées sur le fondement des dispositions excessivement générales de l’article R. 336-1 du Code des assurances qui fait obligation aux organismes assujettis de « mettre en place un dispositif permanent de contrôle interne (…) permettant [notamment] d’identifier, d’évaluer, de gérer et de contrôler les risques liés aux engagements de l’entreprise (…) ». L’ACP a fait valoir « que si ces dispositions générales nécessitent que leur portée soit adaptée à chaque espèce en fonction des conditions concrètes dans lesquelles l’activité est exercée, elles n’en constituent pas moins une base légale suffisante aux poursuites, dès lors que le manquement reproché touche à une condition essentielle de l’exercice de la profession d’assurance » . Elle a été suivie sur ce point par la commission des sanctions.

 

Nous sommes évidemment plus intéressés par la discussion au fond et les indications sur les pratiques illégales des banquiers et du groupe Urbania.

On constate que celui-ci s’est trouvé dans l’incapacité de rembourser les quelques 500 millions d’euros avancés par ses banques, avec la garantie de « lettres d’unité de compte » signées par ces syndics, par lesquelles ces banques se croyaient autorisées, le cas échéant, à « fusionner » (c’est-à-dire à compenser) le solde créditeur des « comptes mandants » (retraçant les opérations faites pour compte du syndicat) et le solde débiteur des « comptes reflets » (retraçant les opérations, généralement débitrices, effectuées par le syndic pour son compte propre à raison du solde créditeur du compte mandant)

 

On lit avec ahurissement que des banquiers, - présumés avertis du particularisme de la copropriété et mieux encore des rigueurs du régime Hoguet applicable aux professionnels immobiliers auraient pu «  se croire autorisés, le cas échéant, à « fusionner » le solde créditeur des « comptes mandants » et le solde débiteur des « comptes reflets », en vertu de « lettres d’unité de compte » signées par les syndics.

Mieux encore, on constate que la mention, discrètement introduite dans la délibération soumise par le syndic à l’assemblée générale appelée à choisir entre les formules du compte bancaire séparé, du compte bancaire unique ou du compte individualisé, selon laquelle « (…) seul le compte séparé ne peut être fusionné avec les autres comptes du syndic », aurait pu constituer une pleine approbation du montage frauduleux.

 

Contrairement à ce qu’on a pu craindre, les fonds de mandants n’ont pas été déplacés. Il faut bien admettre qu’on se trouve ici en présence d’une gigantesque bévue des banquiers

Ils n’ont pas hésité à délivrer aux syndics des attestations de non fusion des comptes de mandants comportant des mentions quasiment démentielles mais nullement contradictoires comme semble l’indiquer la décision :

D’une part les comptes de mandants ne peuvent, pour quelque cause que ce soit, fusionner en capital avec tout autre compte non listé ou énuméré ci-dessus, et notamment les comptes « cabinet » et/ou « exploitation » dont (le cabinet) pourrait être titulaire dans notre banque, c’est à dire avec un compte personnel du syndic

D’autre part, les comptes mandants gestion immobilière ci-dessus, et le compte reflet n°…. ouvert au nom du (cabinet) à sa demande aux fins de placements dans notre établissement et/ou de virements vers d’autres établissements bancaires, peuvent fusionner entre eux en capital » !!!!

On aimerait que le service juridique de l’une de ces banques précise ce qu’il faut entendre par « compte reflet » et les textes fixant le régime de ces comptes reflets.

 

L’Autorité de contrôle prudentiel a été relativement modérée à l’égard des banquiers.

Quant au garant financier des syndics du réseau Urbania, il écope d’une sanction financière de 20 000 € qui est aussi modérée.

 

L’affaire Urbania aura eu le mérite de permettre la clôture de différentes controverses importantes au sujet du régime juridique des fonds syndicaux déposés sur un compte bancaire ouvert au nom du syndic.

- Le syndic n’est pas propriétaire des fonds ainsi déposés.

- Il n’a pas l’obligation de les restituer mais, à tout moment, l’obligation de les représenter qui se présente sous un double aspect

Obligation de préciser le montant de la trésorerie et de le justifier

Obligation de représenter les espèces correspondantes ; Dans notre cas, on doit rappeler que la représentation effective des fonds constituant la trésorerie est purement théorique. La représentation effective des fonds n’a lieu qu’en cas de changement de syndic. Le sortant doit alors établir un chèque et le remettre à son successeur.

 

On a pensé qu’elle allait précipiter la suppression de le dispense d’ouverture d’un compte séparé. Cet espoir a été déçu et c’est finalement la solution des « comptes individualisés » qui a séduit les pouvoirs publics. Mais ces comptes n’auraient pour vertu que de ne pouvoir faire l’objet d’une clause de fusion ; il faudra plus encore que les comptes individualisés puissent être assimilés à de véritables comptes séparés.

 

 

 

 

 

Mise à jour

07/04/2012