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Quelle est la majorité nécessaire pour autoriser l’installation
d’une antenne relais de téléphonie  mobile
par un opérateur ?

 

 

La question est à nouveau d’actualité car les premières conventions viennent à échéance

Nous restons  ici sur le seul terrain juridique, abstraction faire des considérations tenant aux risques pour la santé publique. Elles ne sauraient être négligées mais nous souhaitons avant tout faire valoir que certaines installations ont été réalisées en vertu de décisions juridiquement contestables.

 

Dans un premier temps, les opérateurs ont fait valoir qu’en l’absence d’une disposition spécifique dans le statut de la copropriété, l’autorisation d’implantation pouvait être donnée à la majorité de l’article 24 ! Or l’installation d’une antenne collective ou d’un réseau, de « communications électroniques » internes à l’immeuble, est régie par les dispositions de l’article 25 j « dès lors qu’elle porte sur des parties communes ». Les caractères juridiques et pratiques de l’installation d’une antenne relais de téléphonique mobile par un opérateur totalement étranger au syndicat sont radicalement incompatibles avec une décision prise à la majorité simple.

Il faut rappeler ici en quoi consiste l’opération.

Il s’agit d’implanter en partie haute de l’immeuble, sur une terrasse partie commune, une antenne relativement haute, importante et disgracieuse. Une aire d’implantation est définie et réservée à l’opérateur. Le syndicat permet à l’opérateur de laisser libre et permanent accès à ses préposés pour les interventions d’entretien et de dépannage sur l’antenne et, le cas échéant, des installations accessoires.

L’implantation est prévue pour une durée relativement longue. Elle a pour contrepartie une somme d’argent versée au syndicat des copropriétaires. L’opération  fait l’objet d’une convention renouvelable souvent considérée comme un bail.

 

Or il ne peut pas s’agir de la location d’une partie commune.

L’article 1709 du Code civil énonce que « Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennent un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ».

L’article 1713 précise : « On peut louer toutes sortes de biens meubles ou immeubles ».

Or, en l’espèce, lors de l’établissement de pourparlers préliminaires à une implantation, il n’existe aucun bien ni chose à louer. Le syndicat peut louer une loge de concierge inutilisée. Le bien existe. Il est possible de remettre immédiatement au locataire la clef de la loge.

La convention doit donc comporter en premier lieu la création du bien qui en sera l’objet.

Elle doit ensuite définir les modalités d’utilisation de ce bien par l’opérateur, la durée de la convention et le « prix ».

 

L’objet du contrat d’implantation d’une antenne relais est un volume d’espace commun

On dit plaisamment depuis des lustres que la partie privative d’un lot de copropriété n’est qu’un « cube d’air ». C’est parfaitement exact.

L’article 552 du Code civil exprime un principe fondamental de la propriété foncière : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

Le propriétaire d’un terrain défini est propriétaire de son volume inférieur (tréfonds) et de son volume supérieur (superficie). Il peut vendre le dessus à Dupont et le dessous à Durand en restant propriétaire de la surface du terrain.

Réserve faite de ce qu’on appelle les « copropriétés de volumes », qui ne relèvent pas du régie de la loi du 10 juillet 1965, il reste constant que la construction d’un immeuble a pour but de générer des volumes internes déterminés par le bâti. Si l’immeuble construit est destiné à la constitution d’une copropriété, certains volumes seront des parties privatives, d’autres seront des parties communes.

Hors l’enveloppe globale du bâtiment, et jusqu’au droit des limites du terrain d’assiette, les volumes d’espace latéraux, supérieur et inférieur seront des parties communes extérieures au volume bâti. Réserve faite des servitudes aériennes ou tréfoncières (régime des mines notamment) et des règles d’urbanisme, ces volumes d’espace sont exploitables de différentes manières. La surélévation de l’immeuble est un exemple. Si elle réalisée par un tiers, le mécanisme juridique présenté à l’assemblée générale comportera fatalement l’acquisition du volume d’espace commun nécessaire.

 

L’implantation d’une antenne relais exige la concession à l’opérateur d’un droit exclusif de jouissance  sur une partie commune pour un temps déterminé.

Il existe fréquemment dans les immeubles en copropriété des parcelles d’une partie commune affectées d’un droit exclusif de jouissance au profit du propriétaire d’un lot déterminé. Ainsi pour les jardins dits privatifs, accessoires à des appartements situés au rez-de-chaussée. Le droit peut porter sur l’intégralité ou une partie de la terrasse supérieure d’un immeuble.

Généralement le droit exclusif de jouissance est constitué dans le règlement initial de copropriété.

Postérieurement à la naissance de la copropriété, un tel droit peut être concédé par une décision de l’assemblée générale prise à la majorité de l’article 26. La concession est considérée comme une aliénation car le droit exclusif de jouissance est un droit réel perpétuel. Pour autant le sol du jardin et le gros-œuvre de la terrasse demeurent des parties communes.

Il faut noter pour l’avenir qu’il est parfaitement possible de vendre la propriété du volume d’espace supérieur à la parcelle correspondant au jardin. Le copropriétaire est alors titulaire d’un droit de superficie. Le sol, - et son tréfonds -, restent néanmoins des parties communes indivises entre tous les copropriétaires. Ce mécanisme devra désormais être utilisé pour la création de lots à usage d’emplacement de stationnement. En effet un droit exclusif de jouissance n’est pas un droit de propriété. Il ne peut constituer la partie privative d’un lot.

 

Mutatis mutandis, l’opération est identique pour l’implantation d’une antenne-relais.

Le droit exclusif de jouissance porte sur un volume défini par l’aire d’implantation et d’exploitation et la hauteur prévisible de l’antenne. Il est concédé pour un temps déterminé, généralement supérieur à dix ans. Le bail est renouvelable.

 

L’autorisation d’implanter une antenne relais de téléphonie mobile exige la majorité de l’art 26

Elle exige au moins la majorité de l’article 25, comme nous l’avons indiqué plus haut. Mais nous considérons, avec d’autres, que la majorité renforcée de l’art. 26 est nécessaire.

L’autorisation se présente comme un acte de disposition, au regard du statut de la copropriété. Les actes juridiques d’administration, - par opposition aux actes de disposition -, sont ceux qui, servant à faire fructifier le bien, n’en compromettent pas la valeur en capital. Les baux de longue durée sont généralement assimilés à des actes de disposition. L’expérience historique montre qu’ils génèrent peu à peu chez le locataire un sentiment de propriété. L’expérience économique montre que ce sentiment devient une réalité quand un régime d’ordre public renforce le droit au renouvellement du bail. On a fini par utiliser l’expression de « propriété commerciale » au sujet des droits détenus par le locataire d’un local commercial.

L’installation d’une antenne relais porte atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble. Cette atteinte permet de justifier un vote négatif lorsque les travaux ou modifications envisagés relèvent de l’article 25. L’article 30 permet de décider à la majorité prévue par l’article 26 la réalisation d’améliorations aux  frais du syndicat. Il suffit alors qu’elles soient conformes à la destination de l’immeuble.

Si l’on veut faciliter l’implantation régulière d’antennes relais, il faut alors logiquement utiliser le mécanisme qui élimine la condition d’atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble pour s’en tenir à la seule conformité à la destination.

A cet égard, l’intérêt majeur de la majorité de  l’article 26 est de un premier vote par têtes (un homme, une voix) qui élimine la suprématie des copropriétaires les plus « puissants » en voix.

 

Que dit la jurisprudence ?

La 23e chambre de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 avril 2005 (n° 04-12610) [1] a opté pour l’unanimité ! Elle a jugé qu’en raison de sa nocivité potentielle l’installation « portait atteinte à l’utilisation paisible des lieux et à la destination de cet immeuble bourgeois ».

Nous sommes tentés de l’écarter puisque nous avons pris le parti d’écarter les aspects liés aux risques de santé publique. Mais l’argument tiré du défaut de conformité à la destination de l’immeuble ne saurait être négligé.

La décision d’autoriser l’implantation d’une antenne-relais est fondée sur un mode d’exploitation de l’immeuble qui est totalement étranger à sa destination. Il s’agit de gagner de l’argent. Cela n’entre pas dans l’objet du syndicat des copropriétaires. Ce qui nous pourrait conduire à l’inexistence de la décision, plus qu’à son annulation.

 

La même chambre a jugé le 3 février 2010 (n° 08-09191) que la preuve de ces risques n’était pas rapportée et elle a opté pour la majorité de l’article 25. Il est pourtant bien certain que les dispositions de l’article 25 j ne concernent que des installations internes destinées à la satisfaction des besoins des copropriétaires. S’agissant d’une installation réalisée pour le profit d’un tiers, il est bien logique d’exiger une majorité plus importante.

 

En l’état de la question, nous estimons que l’autorisation de réaliser une telle opération doit être prise à la majorité de l’article 26.

Nous pensons en outre que la question de la conformité de l’opération à l’objet du syndicat mérite une étude approfondie.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

08/07/2011

 

 

 

 

 



[1] Loyers et copropriété juillet-août 2005 n° 144