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L’affaire URBANIA
après la validation de l’accord de reprise

 

 

L’accord de reprise de l'administrateur de biens URBANIA par la société de capital-investissement Investors in Private Equity (IPE) a été validé par le Tribunal de Commerce de Nanterre.

Les « acquéreurs » ont multiplié les propos rassurants pour les syndicats de copropriétaires mandants. Ils ont en particulier promis d’ouvrir au nom de chaque syndicat un compte bancaire séparé. Autant dire qu’ils renoncent à percevoir, d’une manière ou d’une autre, une rémunération sur les fonds syndicaux, et qu’en contrepartie ils devront nécessairement obtenir la légitime rémunération de leurs prestations de syndics. Nul n’ignore que dans bien des cas, la perception par le syndic de la rémunération des fonds déposés s’accompagnait d’une minoration sensible des honoraires de gestion courante.

Nous avons déjà suggéré aux copropriétaires de ne pas abandonner le navire en difficulté sous la réserve d’obtenir ce mode de gestion. C’est, semble-t-il chose faite. Pour autant, bien des intervenants semblent considérer le sauvetage comme définitif et s’en tenir pour l’avenir à son aspect pénal, suite à la plainte déposée par la Société Générale, principale victime. C’est aller trop vite en besogne.

 

La Société générale, victime ou complice ? C’est une question que l’on retrouve dans maints articles de la presse spécialisée. Est-il besoin de dire qu’elle fait durement écho aux commentaires de la décision rendue par Tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire Kerviel.

La responsabilité de la SG semble plus clairement engagée dans l’affaire Urbania, si l’on s’en tient aux indications fournies au sujet des mécanismes mis en place au profit de M. Moubayed.

Quelles que soient les sources, les indications sont concordantes : les banques ont eu recours à une « astuce comptable ». Elles ont ouvert un compte « reflet » au nom du syndic et lui ont versé une somme identique à celle détenue sur le compte mandant. Le syndic a disposé alors de sommes qu'il pouvait placer à court terme.

Pour les comptables, un compte reflet n’est pas une astuce. C’est un mécanisme courant dans le cas d’une société disposant de succursales. Les comptes tenus par la société, d’une part, les succursales d’autre part, sont effectivement en reflet. Les écritures passées décrivent des mouvements réels de fonds.

 

Les banques dédiées aux administrateurs de biens ont, depuis des dizaines d’années, eu recours à la pratique des comptes reflets pour assurer aux syndics considérés comme apporteurs d’affaires la rémunération des fonds syndicaux déposés sur le compte unique du syndic. Mais cette pratique respectait des règles assez strictes et s’accompagnait de contrôles rigoureux.

L’assiette de la rémunération ne portait que sur une quote-part de la masse déposée (en général 30 à 40 %), pour ne pas entraver le fonctionnement des syndicats.

Le montant précis de l’assiette et le taux de la rémunération étaient revus chaque trimestre.

La banque contrôlait l’ensemble du mécanisme. Le syndic n’effectuait aucun placement à titre personnel. Il se bornait à encaisser les fruits trimestriellement et de nombreux syndics ignoraient d’ailleurs les modes d’intervention du banquier.

La banque avait souvent aussi la qualité de garant financier du syndic. Elle disposait alors d’une large pouvoir de contrôle sur le fonctionnement du cabinet d’administration de biens.

Cette pratique a permis aux administrateurs de biens indépendants de l’époque, qui s’interdisaient la pratique des opérations d’entremise, de surmonter les rigueurs injustifiées de la taxation administrative des honoraires tout en apportant aux syndicats des soins attentifs et éclairés. Les professionnels et les pouvoirs publics étaient satisfaits, sans percevoir les prémices du séisme.

 

Dans le cas d’Urbania, on nous décrit un système totalement différent. Les banques auraient prêté au syndic, ou dans les faits à M. Moubayed, des fonds pour des montants quasiment égaux au total des fonds syndicaux déposés. Même s’il apparaît finalement que le montant des prêts était plus modeste qu’on ne le dit, le mécanisme constituait sans nul doute un contournement des dispositions du statut Hoguet. Dans la pratique il présentait des risques dont l’évidence aurait dû sauter aux yeux des observateurs les plus profanes.

Rien, pourtant, n’interdit objectivement à un banquier de consentir à un administrateur de biens un prêt dont le montant serait en fonction de celui des fonds de mandants qu’il a déposés, dès lors que lesdits fonds de mandants ne sont en rien affectés par l’opération, et ne risquent pas de l’être dans l’avenir.

C’est dans la cause de l’opération qu’on trouve le vice fondamental de l’opération : l’intention commune aux deux parties de contourner les règles de droit qui leur sont respectivement applicables.

Il semble que dans l’affaire Urbania on trouve une autre particularité. Les fonds prêtés au syndic n’ont pas fait l’objet de placements sécurisés comme cela était prévu. Ils ont au contraire été utilisés à des fins spéculatives, à tout le moins susceptibles d’être affectés par les mouvements du marché.

Comme dans l’affaire Kerviel, le vent a tourné sans que l’audacieux marri puisse invoquer une « fortune de mer ».

 

Théoriquement, la débâcle ne devait en rien affecter les fonds de mandants dès lors que

1) ils n’avaient pas été déplacés, ni affectés d’une manière ou d’une autre à la garantie de l’emprunt.

2) la garantie financière d’Urbania était suffisante.

Sur le premier point, on admet a priori qu’il n’y a pas eu déplacement ni affectation à la garantie. Il faudra y regarder à deux fois car il a été indiqué que le compte de mandants aurait été bloqué. Il est bien évident qu’un déplacement et/ou une clause de garantie imposeraient la constatation d’une fraude gravissime. Il est non moins évident que rien ne pouvait justifier le blocage du compte unique des mandants, aurait-il été effectué par un mandataire de justice.

Sur le second, on a beaucoup écrit au sujet des qualités, de la compétence et de la solidité financière du garant financier, voire de ses liens juridiques ou capitalistiques avec Urbania. En l’absence de précisions concrètes, on doit en rester à la présomption d’innocence. Les pouvoirs publics devraient être incités à revoir la question de l’agrément des garants financiers dans tous les secteurs potentiellement concernés.

 

Une constatation s’impose : l’absolue nécessité de généraliser sans délai la pratique du compte bancaire séparé. Cette mesure doit être décidée indépendamment de l’évolution du récent projet de réforme du régime des syndics.

La morale elle-même est en cause dans cette affaire ! M. Paillincourt, président de la Fnaim aurait indiqué que « Pour les gros acteurs du secteur, les produits financiers peuvent représenter jusqu'à 40 % du chiffre d'affaires ». Nous pensons que ce taux est peut-être excessif, destiné à dramatiser une éventuelle généralisation du compte séparé. Mais il est bien évident qu’on arrive à une situation moralement aussi inadmissible que serait une éventuelle validation de la démarque inconnue liée aux actions du personnel dans un grand magasin.

La généralisation du compte séparé ne peut qu’améliorer l’image des professionnels de l’immobilier.

L’affaire Urbania va permettre de percevoir combien il est difficile d’éclater un compte bancaire unique en 150 ou 200 comptes bancaires séparés, même lorsque la comptabilité a été correctement tenue, et a fortiori lorsque tel n’a pas été le cas.

 

On constate quotidiennement des faits de mauvaise tenue de la comptabilité. Même la règle fondamentale du rattachement à l’exercice n’est pas respectée. Des syndics passent des encaissements ou décaissements effectués en 2010 dans des comptes arrêtés en principe au 31 décembre 2009 ; les redevances portant sur deux exercices ne sont pas scindées ; faute de présentation des écritures de banque et d’un état de rapprochement, le montant de la trésorerie ne peut être vérifié. Il apparaît comme une simple variable d’ajustement, solde entre les débits et les crédits, pouvant varier à l’occasion d’une rectification des comptes sans incidence financière !!

Sur ce point encore, la pratique du compte séparé est la seule pouvant assurer aux copropriétaires aussi bien qu’aux syndics eux-mêmes une garantie sérieuse d’exactitude des comptes.

 

On lit des observations curieuses à propos de l’affaire Urbania !

Par exemple « que la pratique des comptes reflets pourrait être prochainement déclarée hors la loi ». Il faudrait pour cela qu’elle fût présentement légale dans ce cadre particulier.

Et aussi des questions curieuses : « les banques étaient-elles parfaitement au courant du mécanisme élaboré par Urbania ou ont-elles été dupées ? ». Elles ont participé à une opération dont la légalité était manifestement douteuse et présentant des risques qui imposaient un contrôle strict de l’emploi des fonds prêtés.

 

Il faut surtout noter ce qui n’est pas dit :

1) L’accord de reprise comporte-t-il des dispositions particulières pour la représentation totale des fonds de mandants détenus par Urbania

2) Dans le même esprit, le garant financier est-il partie à cet accord ?

3) Le montage permet-il le transfert des mandats de syndic sans nécessité d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires pour chacun des mandats ?

 

Pour être clair : on peut concevoir, le cas échéant, une proposition faite aux syndicats du genre : vous retrouvez tous vos sous si vous confirmez le mandat en faveur de l’acquéreur pour une durée de nn ans.

Mais nous insistons sur le fait qu’il est aussi possible qu’Urbania soit en mesure de présenter des comptes parfaitement en ordre, accompagnés d’une parfaite représentation des fonds détenus. Les syndicats doivent se prémunir contre d’éventuelles difficultés financières sans fantasmer abusivement après un sinistre qui, théoriquement, n’a affecté que la trésorerie des cabinets.

C’est un aspect qui n’a pas eu jusqu’à présent les honneurs de l’actualité médiatique.

 

L’acquéreur d’Urbania va être confronté à des lourdes tâches. La bonne qualité de leur réalisation lui conférerait des chances sérieuses d’implantation solide dans le monde des syndics professionnels.

Les conseils syndicaux des immeubles concernés vont aussi avoir du pain sur la planche. Ils ont intérêt à affiner leurs connaissances dans la lecture d’une balance. Leur première mission : obtenir la remise d’une situation de trésorerie.

Bon vent à tous !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

09/10/2010